Cour d'appel de Bordeaux, 13 novembre 2012, n° 11/04643

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 13 nov. 2012, n° 11/04643
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 11/04643
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 28 juin 2011, N° 09/2569

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 13 NOVEMBRE 2012

(Rédacteur : T-Claude SABRON, conseiller,)

N° de rôle : 11/04643

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’Y

c/

L Z

F G épouse B

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/011142 du 21/07/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

J B

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/011140 du 21/07/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

X B

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/011141 du 21/07/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

D B

P B

SA PREDICA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 juin 2011 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6°, RG : 09/2569) suivant déclaration d’appel du 07 juillet 2011

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’Y, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître P WICKERS substitué à l’audience par Maître Nicolas NAVEILHAN, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

L Z

née le XXX à XXX

de nationalité française

sans profession

XXX

représentée par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, et assistée de la SCP DELOM MAZE, avocats au barreau de BORDEAUX,

F G épouse B

née le XXX à XXX

XXX – XXX

J B

né le XXX à XXX

XXX

X B

né le XXX à XXX

XXX

D B

né le XXX à XXX

XXX

P B

né le XXX à XXX

XXX

représentés par la SCP ANNIE TAILLARD & VALÉRIE JANOUEIX, et assistés de Maître David A, avocats au barreau de BORDEAUX

SA PREDICA, prise en la personne de Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par la SCP Luc BOYREAU, avocats au barreau de BORDEAUX, et assistée de la SELARL MESSAGER COUILBAULT, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 septembre 2012 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant T-Claude SABRON, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

F-Paule LAFON, président,

T-Claude SABRON, conseiller,

P LIPPMANN, conseiller,

Greffier lors des débats : Annick BOULVAIS

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

LES DONNEES DU LITIGE

M. T B qui était titulaire d’un compte PEP auprès de la CRCAM D’Y a signé le 21 novembre 2008 en agence une demande d’adhésion à un contrat d’assurance vie de la société PREDICA dit « CARISSIME PAR TRANSFERT » en désignant comme bénéficiaire Madame L Z, fille de sa compagne décédée.

Le même jour, il a signé un ordre de versement sur un compte dit « Orchestral Jaune 10 ans » par prélèvement des sommes se trouvant sur le compte PEP.

M. B est décédé le XXX, dix jours après la souscription de la demande d’adhésion qui stipulait que « le contrat (était) conclu à la date de la signature de la présente demande ».

Le 12 décembre 2008, Madame L Z a adressé à la CRCAM D’Y une lettre l’avisant du décès de M. B et lui demandant le versement des fonds placés sur le contrat d’assurance vie souscrit à son profit.

La banque l’a invitée à s’adresser à la société PREDICA qui, par courrier du 21 février 2009, a fait savoir qu’aucun contrat n’avait été conclu à défaut de paiement d’une quelconque prime.

La CRCAM D’Y a déclaré à la succession de M. B l’actif du compte PEP qui s’élevait à 25 674,97 €.

Par acte du 25 février 2009 Madame L Z a fait assigner la CRCAM D’Y devant le tribunal de grande instance de BORDEAUX en paiement des fonds lui revenant au titre du contrat d’assurance vie auquel avait adhéré M. B en la désignant bénéficiaire de ce contrat.

La SA PREDICA est intervenue volontairement dans l’instance par conclusions du 17 avril 2009.

Par acte des 14, 15 et 21 octobre 2009 la CRCAM D’Y a fait assigner en intervention les héritiers légaux de M. T B, Madame F B, M. J B, M. X, M. P B et M. D B.

Le tribunal a par jugement du 29 juin 2011 :

— mis la société PREDICA hors de cause à raison de l’absence de mise en 'uvre du contrat d’assurance vie « CARISSIME PAR TRANSFERT » ;

— dit en conséquence la demande de paiement des primes formée par cette société contre les consorts B sans objet ;

— condamné la CRCAM D’Y à payer à Madame L Z des dommages-intérêts pour perte de chance d’un montant de 23 107,50 € représentant 90 % du capital qui lui serait revenu si le contrat avait été conclu ;

— dit que les intérêts légaux produits par cette somme à compter du 25 février 2009, date de la demande en justice, seraient capitalisés ;

— débouté Madame L Z de sa demande de dommages-intérêts complémentaire au titre d’un préjudice moral ;

— débouté la CRCAM D’Y de sa demande tendant à être relevée indemne par les consorts Z au titre de la répétition de l’indu ou d’un enrichissement sans cause ;

— condamné la CRCAM D’Y aux dépens et au paiement au profit de Madame Z d’une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA CRCAM D’Y a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 7 juillet 2011.

Elle fait valoir sur le fond qu’elle n’a commis aucune faute, la demande d’adhésion de M. T B nécessitant au préalable une étude des besoins de son client au titre de l’obligation de conseil à laquelle elle est tenue légalement en sa qualité d’intermédiaire en assurances.

A titre subsidiaire, elle demande de diminuer l’indemnité allouée à Madame Z, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté cette dernière de sa demande de dommages-intérêts complémentaires et de condamner les consorts B à la relever indemne en ce qu’ils se sont enrichis sans cause.

L’appelante sollicite contre ces derniers une indemnité de 1 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame Z qui forme un appel incident demande à la cour :

— de condamner in solidum la CRCAM D’Y et la société PREDICA qui, par collusion, ont empêché la mise en 'uvre du contrat d’assurance auquel M. B avait adhéré à son profit en formalisant toutes les démarches nécessaires , à lui payer la somme de 25 600 €, montant du capital de ce contrat ;

— a titre subsidiaire, de porter le montant des dommages-intérêts pour perte de chance à la somme de 24 391,22 € représentant 95 % dudit capital ;

— en tout état de cause, de dire qu’il sera fait application des intérêts majorés prévus par l’article L 132-23-1 du code des assurances ;

— de réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et de condamner la CRCAM D’Y à lui verser à ce titre une somme de 10 000 € :

— de condamner la CRCAM D’Y à lui payer une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société PREDICA a conclu à la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause.

Elle relève qu’en l’absence de cotisation, le contrat projeté ne pouvait pas prendre effet.

A titre subsidiaire, la société PREDICA objecte que les intérêts majorés prévus à l’article L 132-23-1 du code des assurances ne sont pas dus et demande de condamner les consorts B à la relever indemne sur le fondement de la répétition de l’indu.

Elle sollicite une indemnité de 2 100 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts B ont conclu au débouté des demandes subsidiaires formées à leur encontre sur le fondement de la répétition de l’indu et de l’enrichissement sans cause dont les conditions ne sont pas, selon eux, réunies.

Ils sollicitent sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au profit de M. J B, de M. X B et de Mme F B qui bénéficient de l’aide juridictionnelle, une indemnité de 1 500 € et au profit de M. P B et de M. D S, pour chacun, une indemnité de 1 000 €.

LES MOTIFS DE LA DECISION

Le premier juge a retenu à bon droit qu’aucune cotisation d’assurance n’ayant été versée à l’assureur, le contrat n’avait pu prendre effet nonobstant la signature par M. T B d’un bulletin d’adhésion stipulant qu’il était conclu à la date de la signature des présentes.

La notice d’assurance remise au souscripteur précise, en toute logique, que, si l’adhésion prend effet le jour de la signature de la demande, c’est « sous réserve du règlement du versement initial (montant transféré) ».

En l’espèce, il est constant qu’à la date du décès de M. B, signataire de la demande d’adhésion, la CRCAM D’Y n’avait pas exécuté l’ordre de transfert donné par son client, le même jour que celui de la signature de sa demande d’adhésion, des sommes placées sur son compte PEP vers le compte affecté au contrat d’assurance vie.

L’absence de mise en 'uvre de ce contrat est le fait de la banque qui a joué le rôle d’intermédiaire d’assurance et nullement celui de la société PREDICA dont il n’est pas démontré en quoi elle aurait été responsable d’une « collusion ».

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Madame Z de l’intégralité de ses demandes formées contre la société PREDICA qui, même si des liens peuvent exister entre elle et le groupe du CREDIT AGRICOLE, est une personne morale distincte.

La CRCAM D’Y a fait signer le 21 septembre 2008 par M. T B une « réponse écrite à vos besoins » dans laquelle, au vu de la réponse de son client à un questionnaire patrimonial, elle expose que « Carissime Transfert, contrat d’assurance vie, est la solution adaptée à vos attentes si vous êtes prêt à souscrire pour un investissement long terme ».

Le même jour, M. B a signé un bulletin d’adhésion et un ordre de transfert des fonds se trouvant sur son compte PEP vers un compte dit « Orchestral Jaune 10 ans » affecté au contrat d’assurance vie.

Cela démontre que la banque avait exécuté son obligation de conseil et que l’opération était finalisée dès le 21 novembre 2008.

Si le contrat n’a pas pris effet, c’est exclusivement par la faute de négligence de la CRCAM D’Y qui s’est abstenue de toute diligence jusqu’au décès de M. T B, survenu 10 jours après la date sus visée.

Rien ne justifie un tel retard de la part de la banque alors que les fonds étaient disponibles et que son client, dix jours avant de décéder, lui avait donné l’ordre de les transférer sur le compte affecté au contrat auquel il avait adhéré.

C’est donc bien la CRCAM D’Y qui est responsable à l’égard de Madame L Z au profit de laquelle avait été souscrit le contrat d’assurance vie de la perte du bénéfice de ce contrat.

Madame Z s’occupait au vu de tous de M. B qui avait été le compagnon de sa mère, décédée, et il n’existait pas avec les héritiers de conflit susceptible de déboucher sur une remise en cause du contrat d’assurance vie s’il avait été conclu.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu’il a condamné la CRCAM D’Y à payer à Madame L Z en réparation de son préjudice économique des dommages-intérêts au titre d’une perte de chance représentant 90 % des produits du PEP qui auraient dû être transférés sur le contrat d’assurance vie.

Cette indemnité qui ne procède pas du contrat d’assurance mais est due par l’intermédiaire sur le fondement de l’article 1383 du code de procédure civile ne peut pas générer des intérêts majorés en application des dispositions de l’article L 132-23-1 du code des assurances.

L’ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 mai 2012 qui a déclaré irrecevable l’appel incident de Madame Z concernant les dispositions du jugement ayant rejeté sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ne vaut qu’à l’égard de la société PREDICA, demanderesse à l’incident auquel la CRCAM D’Y ne s’est pas associée.

Cela résulte expressément de la formulation de la dite ordonnance dont, au demeurant, la CRCAM D’Y ne se prévaut pas devant la cour.

Il est indéniable que l’absence de prise d’effet du contrat d’assurance vie auquel M. B lui avait expliqué avoir adhéré à son profit en considération des soins qu’elle lui avait apportés a généré pour Madame Z, déçue dans une attente légitime, un préjudice moral en réparation du quel elle est en droit de réclamer des dommages-intérêts que la cour évalue, au regard des éléments dont elle dispose, à la somme de 2 000 €.

L’enrichissement des consorts B qui ont hérité de l’actif du compte PEP de leur auteur a une cause légitime dans la dévolution légale ; la demande subsidiaire formée à leur encontre par la CRCAM D’Y est, en l’absence de formation du contrat d’assurance qui est exclusivement de son fait, dénuée de fondement.

Les intimés sont en droit de réclamer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile des indemnités qu’il y a lieu de fixer :

— en faveur de Madame Z à la somme de 3 000 € ;

— en faveur de la société PREDICA à la somme de 1 500 € ;

— en faveur de Maître A, avocat de M. J B, M. X B et Madame F B qui bénéficient de l’aide juridictionnelle, une indemnité de 1 500 € dans le cadre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

— en faveur de M. P B et M. D B, pour chacun, une indemnité de 1 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Madame L Z de sa demande de dommages-intérêts complémentaires.

Statuant à nouveau sur ce point, condamne la CRCAM D’Y à payer à Madame L Z, en sus de la somme allouée par le jugement, des dommages-intérêts de 2 000 € pour préjudice moral.

Déboute la CRCAM D’Y de sa demande formée contre les consorts B sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La condamne à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

— à Madame C à la somme de 3 000 € ;

— à la société PREDICA à la somme de 1 500 € ;

— à Maître A, avocat de M. J B, M. X B et Madame F B qui bénéficient de l’aide juridictionnelle, la somme de 1 500 € dans le cadre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

— à M. P B et M. D B, pour chacun, une indemnité de 1 000 €.

Condamne la CRCAM D’Y aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP CASTEJA CLERMONTEL, la SCP Luc BOYREAU et la SCP TAILLARD-JANOUEIX, avocats postulants, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame F-Paule LAFON, président, et par Madame Annick BOULVAIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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