Cour d'appel de Bordeaux, 29 novembre 2013, n° 12/06222

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 29 nov. 2013, n° 12/06222
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/06222
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 30 août 2012, N° 11/1878

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2013

(Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président)

N° de rôle : 12/06222

LA S.A. CREDIT COOPERATIF

LA S.A. SOGELEASE FRANCE

c/

LA S.A.S. CARATTI

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : arrêt rendu le 31 août 2012 (R.G. 11/1878) par la Cour d’Appel de BORDEAUX suivant assignation en tierce opposition en date du 31 Octobre 2012,

XXX :

1°/ LA S.A. CREDIT COOPERATIF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX, XXX, XXX

2°/ LA S.A. SOGELEASE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentées par Maître Olivier BOURU, membre de la S.C.P. CABINET LEXIA, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Nicolas CROQUELOIS, Avocat au barreau de PARIS,

DEFENDERESSES A LA TIERCE OPPOSITION :

1°/ LA S.A.S. CARATTI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par la S.C.P. .Michel PUYBARAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Philippe HONTAS, membre de la S.E.L.A.R.L. Philippe HONTAS et Pascal-Henri MOREAU, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

2°/ XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Lieu-dit Le Perey 33340 GAILLAN EN MEDOC,

Représentée par Maître Martine FAURENS-QUESNOT, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juillet 2013 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président et Madame Catherine FOURNIEL, Président, chargés du rapport,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Monsieur Pierre-Yves LE ROUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Vu le jugement rendu le 22 mars 2011 par le tribunal de grande instance de Bordeaux dans les relations entre la société par actions simplifiée Caratti, demanderesse, et la société civile immobilière Le Pérey, défenderesse, qui, entre autres dispositions, statuant sur une demande reconventionnelle de la société Le Pérey, a prononcé la résiliation d’un bail commercial, dont il a reconnu l’existence entre ces deux sociétés, aux torts du preneur, la société Caratti, au motif que celle-ci avait réalisé des travaux dans les lieux donnés à bail sans autorisation de la société Le Pérey et hors la présence d’un architecte choisi par celle-ci, et a ordonné son expulsion, ainsi que de tout occupant de son chef, avec si besoin le concours de la force publique, en fixant une indemnité d’occupation à compter de la signification de la décision ;

Vu l’arrêt de la présente cour du 31 août 2012 (RG 11/1878), qui, statuant sur l’appel de la société Caratti, a confirmé le jugement susvisé en ses dispositions précitées, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’occupation, qui a été réduit ;

Vu l’assignation en tierce opposition à l’encontre de l’arrêt susvisé, délivrée le 31 octobre 2012 à la société Caratti et à la société Le Pérey à la requête de la société anonyme Crédit coopératif et de la société anonyme Sogelease France ;

Vu l’arrêt de la présente cour du 21 février 2013 (RG 12/6222), rendu au visa de l’article 590 du code de procédure civile, ayant ordonné la suspension de l’exécution de l’arrêt frappé de tierce opposition, jusqu’à ce que la cour ait statué sur ce recours ;

Vu les dernières écritures de la société Caratti, notifiées et remises par voie électronique le 24 mai 2013 ;

Vu les dernières écritures de la société Le Pérey, notifiées et remises par voie électronique le 05 juin 2013 ;

Vu les dernières écritures des tiers opposants, notifiées et remises par voie électronique le 07 juin 2013 ;

Vu l’ordonnance de clôture du 17 juin 2013 ;

DISCUSSION :

Attendu que la société Crédit coopératif et la société Sogelease France ont formé tierce opposition à un arrêt de la présente cour du 21 février 2013, ayant confirmé un jugement rendu le 22 mars 2011 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, au motif que cette décision avait prononcé la résiliation d’un bail commercial existant entre la société Le Pérey, bailleresse, et la société Caratti, locataire, sans que les dispositions de l’article L.143-2 du code de commerce, prévoyant la notification de la demande de résiliation du bail aux créanciers inscrits, aient été respectées.

1°) sur la recevabilité de la tierce opposition :

Attendu que selon l’article 583 alinéa 1 du code de procédure civile, 'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt’ ;

Attendu en l’espèce que la société Le Pérey conclut à l’irrecevabilité de la tierce opposition, en faisant valoir que la société Sogelease France ne justifie pas être un créancier inscrit sur le fonds de commerce de la société Caratti ;

Attendu que les sociétés Crédit coopératif et Sogelease France indiquent que le 18 juin 2009, elles ont conclu, agissant indivisément entre elles à hauteur de 50 % chacune et la société Crédit coopératif étant 'chef de file', un contrat de crédit-bail mobilier avec la société Le Pérey pour une durée de sept ans, en vue du financement d’une centrale à béton mixte 'PREFA/BPE’ pour un montant de 480 000,00 € HT ; qu’elles ajoutent que ce contrat a fait l’objet d’une mesure de publicité au greffe du tribunal de commerce de Bordeaux le 25 juin 2010 et qu’une inscription de privilège de nantissement a été régularisée à leur profit sur le fonds de commerce de la société Caratti ; qu’elles estiment que leur tierce opposition est recevable ;

Attendu que les tiers opposants versent aux débats, en copie, d’une part le contrat de crédit-bail n°050893-01 du 18 juin 2009 qui ne mentionne que la société Crédit coopératif comme bailleur et qui n’est signé que par cette société et par la société Caratti (pièce 1 de leur production), d’autre part un bordereau d’inscription de privilège de nantissement de fonds de commerce au greffe du tribunal de commerce de Bordeaux le 28 août 2009, au profit de la seule société Crédit coopératif et portant sur le fonds de commerce exploité par la société Caratti commune de Saint-Médard-d’Eyrans (33), en garantie du remboursement des loyers dus au titre du contrat de crédit-bail précité (pièce 3), enfin la justification de l’inscription au greffe du tribunal de commerce de Bordeaux, le 25 juin 2010, d’une publicité au profit de la société Crédit coopératif et de la société Sogelease France concernant le contrat de crédit-bail n°050893-01 conclu par la société Caratti en qualité de locataire (pièce 2) ;

Attendu qu’il ne résulte des pièces ainsi produites, ni que la société Sogelease France soit partie au contrat de crédit-bail du 18 juin 2009, ni qu’elle ait la qualité de créancier inscrit sur le fonds de commerce de la société Caratti ; qu’il s’ensuit qu’elle ne justifie pas de son intérêt à former une tierce opposition contre l’arrêt du 21 février 2013 ; que par application du texte précité, il convient de la déclarer irrecevable en son recours ; qu’en revanche, il ressort de ce qui précède que la société Crédit coopératif a la qualité de créancier inscrit sur le fonds de commerce de la société Caratti ; qu’elle justifie donc d’un intérêt à former une tierce opposition contre une décision qui a prononcé la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel était exploité ce fonds de commerce sans que la demande de résiliation lui ait été notifiée ; qu’il y a lieu de la déclarer recevable en son recours ;

/ Sur le fond :

Attendu que l’article L.143-2 alinéa 1 du code de commerce énonce que 'le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel s’exploite un fonds de commerce grevé d’inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification’ ;

Attendu en l’espèce que la société Le Pérey conclut au rejet de la tierce opposition comme étant mal fondée, en soutenant qu’elle n’avait pas à procéder à la notification de sa demande dans la mesure où, d’une part, la société Crédit coopératif ne démontre pas que l’inscription du privilège de nantissement à son profit résulte des articles L. 141-1 et suivants du code de commerce, alors que la notification aux créanciers inscrits n’est pas exigée que pour ceux inscrits au titre d’un privilège de nantissement ne résultant pas de ces textes, et où, d’autre part, elle-même n’a pas poursuivi la résiliation du contrat de bail à l’encontre de la société Caratti, l’instance ayant été introduite par cette société, en contestation d’un congé qui lui avait été donné le 26 octobre 2009 pour le 03 avril 2010, et le tribunal, après avoir annulé ce congé, ayant estimé qu’il s’était opéré entre les parties un bail commercial qu’il a résilié pour faute de la locataire ;

Attendu cependant que l’article L.143-2 alinéa 1 du code de commerce, texte de portée générale, ne distingue pas entre les inscriptions résultant des articles L. 141-1 et suivants du même code et celle résultants d’autres textes ; que par ailleurs, s’il est exact que le tribunal, confirmé sur ce point par l’arrêt attaqué, a annulé le congé donné le 26 octobre 2009 par la société Le Pérey à la société Caratti, a estimé qu’il s’était opéré un bail commercial entre ces deux sociétés depuis l’acquisition de l’immeuble par la société Le Pérey, et a prononcé la résiliation de ce bail pour faute du preneur, il n’a statué ainsi que parce que la bailleresse avait sollicité, par voie reconventionnelle, 'le constat ou le prononcé de la résiliation du contrat’ (page 3, dernier paragraphe du jugement) en invoquant divers manquements du preneur, les premiers juges ayant estimé que ce faisant elle se plaçait 'implicitement dans le cadre des articles 1184 et 1729 du code civil’ (idem, page 5, dernier paragraphe) ; que même lorsqu’elle est faite par voie reconventionnelle, une demande de résiliation d’un bail commercial doit être notifiée aux créanciers inscrits, le jugement ne pouvant intervenir qu’après un mois écoulé depuis cette notification ; que la société Le Pérey avait donc l’obligation de notifier ses conclusions à la société Crédit coopératif ; que dans la mesure où elle s’en est abstenue, la résiliation du bail a été prononcée de manière irrégulière ;

Attendu que la société Le Pérey conteste ce raisonnement, en faisant valoir que la finalité de l’article L.143-2 alinéa 1 du code de commerce est de permettre aux créanciers inscrits de conserver la sauvegarde de leur gage, dont le bail est l’un des principaux éléments, en leur permettant d’accomplir les obligations nées du contrat aux lieu et place du débiteur, mais qu’en l’espèce, il ne s’agissait pas d’une résiliation pour non-paiement des loyers, mais pour faute du preneur qui avait modifié l’immeuble et réalisé des travaux sans autorisation du bailleur, de sorte que la société Crédit coopératif n’aurait pu exécuter les obligations du locataire à la place de celui-ci ; que toutefois, le texte précité, de portée générale, ne distingue pas selon les causes de résiliation invoquées par le bailleur ; que par ailleurs, la société Le Pérey n’invoquait pas seulement la faute qui a en définitive été seule retenue par le tribunal et la cour, mais également un défaut partiel de paiement des loyers, un défaut d’assurance pour un bâtiment et l’exercice d’une activité polluante (page 4, paragraphe 1 du jugement) ; que si la bailleresse avait notifié ses conclusions à la société Crédit coopératif, celle-ci aurait pu intervenir à l’instance et développer des moyens qui auraient pu avoir une incidence sur la décision du tribunal et de la cour ; qu’il apparaît ainsi que le défaut de respect du texte précité a bien constitué une irrégularité qui a causé un préjudice au créancier inscrit, en le privant de la possibilité de faire valoir ses moyens devant un juge ; qu’il s’ensuit que la tierce opposition est fondée ;

Attendu, en ce qui concerne les effets du recours, que l’article 581 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que 'la décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés’ ; que l’alinéa 2 ajoute que 'toutefois la chose jugée sur tierce opposition l’est à l’égard de toutes les parties appelées à l’instance en application de l’article 584', texte qui vise l’hypothèse de l’indivisibilité ; que l’indivisibilité résulte de l’impossibilité d’exécuter en même temps les deux décisions ; que comme le soutient avec raison la société Caratti, tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où il ne serait pas possible d’exécuter simultanément, d’une part l’arrêt confirmant le prononcé de la résiliation du bail et ordonnant l’expulsion du preneur, d’autre part l’arrêt déclarant la résiliation inopposable au créancier inscrit qui n’a pas reçu notification de la demande de résiliation et qui est en droit d’exiger le maintien du bail pour la sauvegarde de son gage (Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 décembre 1976, pourvoi n° 75-14898) ; qu’il y a donc lieu de rétracter l’arrêt du 31 août 2012 à l’égard de toutes les parties à l’instance sur tierce opposition, mais uniquement en ses dispositions faisant grief au tiers opposant, c’est-à-dire en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de la société Caratti et fixé une indemnité d’occupation ; qu’en effet, en raison de la rétractation de la décision ayant prononcé la résiliation du contrat, le locataire est à nouveau redevable du loyer, et non d’une indemnité d’occupation ;

Attendu qu’il ne peut être suppléé ultérieurement au défaut de notification au créancier inscrit ; qu’après rétractation de l’arrêt, il ne reste donc rien à juger (Cour de cassation, 3e chambre civile, 06 décembre 1995, pourvoi n° 94-11068), sauf au bailleur à recommencer sa procédure en respectant les dispositions de l’article L.143-2 du code de commerce, ainsi que le fait exactement valoir la société Caratti ;

/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que la société Le Pérey succombant en toutes ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens de la tierce opposition, à l’exception de ceux de la société Sogelease France, qui resteront à la charge de cette partie dont le recours a été déclaré irrecevable ;

Attendu qu’il serait inéquitable que la société Crédit coopératif conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par elle à l’occasion de la tierce opposition ; qu’il convient de lui accorder une somme de 2 500,00 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’aucune considération tirée de l’équité ne commande de faire droit à la demande présentée par la société Caratti sur le fondement du même texte ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare la société Sogelease France irrecevable en sa tierce opposition ;

Reçoit la société Crédit coopératif en sa tierce opposition ; l’y déclare fondée ;

Constate que le litige est indivisible entre toutes les parties à la présente instance ;

En conséquence, rétracte, à l’égard de toutes les parties précitées, l’arrêt rendu par la présente cour le 31 août 2012 (RG 11/1878), mais uniquement en ce qu’il a confirmé, d’une part le prononcé de la résiliation du bail commercial existant entre la société Le Pérey, bailleur, et la société Caratti, preneur, d’autre part l’expulsion de cette société et enfin la fixation d’une indemnité d’occupation à sa charge ;

Constate que dans la mesure où il ne peut être suppléé ultérieurement au défaut de notification au créancier inscrit, il ne reste plus rien à juger ;

Condamne la société Le Pérey à payer à la société Crédit coopératif une somme de 2 500,00 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Caratti de sa demande fondée sur le texte précité ;

Condamne la société Le Pérey aux dépens de la tierce opposition, à l’exception de ceux de la société Sogelease France, qui resteront à la charge de cette société ;

Dit que les dépens de la tierce opposition pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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