Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 14 mai 2018, n° 16/05927

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 14 mai 2018, n° 16/05927
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 16/05927
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 6 septembre 2016, N° 14/12782
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

— -------------------------

ARRÊT DU : 14 MAI 2018

(Rédacteur : Jean-Pierre FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 16/05927

[R] [W]

c/

Compagnie d’assurances MAIF

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

UNION NATIONALE POUR LES INTERETS DE LA MEDECINE dite UNIM

SA ALLIANZ VIE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 septembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6°, RG : 14/12782) suivant déclaration d’appel du 03 octobre 2016

APPELANT :

[R] [W]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (83)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Fabienne PELLE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Frédéric LE BONNOIS, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Compagnie d’assurances MAIF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Maître Cécile BOULE, avocat au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la pesonne de son Directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

non représentée, assignée à personne habilitée

UNION NATIONALE POUR LES INTERETS DE LA MEDECINE dite UNIM, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

SA ALLIANZ VIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

représentées par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Olivia RISPAL-CHATELLE, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 mars 2018 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

Le 27 novembre 2008 à [Localité 2], le véhicule automobile conduit par Mme [A] [M], assurée auprès de la MAIF, a franchi au rouge fixe un feu tricolore et a percuté la moto pilotée par M. [W], qui a été blessé dans l’accident.

La MAIF n’a pas contesté son obligation d’indemnisation.

Deux expertises amiables sont intervenues :

— l’une sur le plan médical, confiée au docteur [E] [C] (désignée par la MACSF) et [Q] (représentant la MAIF) qui ont sollicité l’avis du Docteur [R], en qualité de sapiteur.

— l’une sur le plan comptable, réalisée par MM. [G] et [H], afin de déterminer les pertes de gains professionnels actuels et futurs subies par M. [W], exerçant la profession de chirurgien libéral.

Ce dernier a contesté les conclusions des experts comptables et a obtenu par ordonnance de référé en date du 29 août 2013 la désignation d’un expert judiciaire, en la personne de M. [R] [U] qui a déposé son rapport en concluant à l’existence d’une perte de gains professionnels actuels de 148770 euros et à l’absence de perte de gains professionnels futurs.

Par actes en date des 3 et 4 décembre 2014, M. [R] [W] a fait assigner la MAIF, l’UNIM et la CPAM de la Gironde devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en indemnisation de ses préjudices.

La compagnie d’assurances Allianz vie est intervenue volontairement à l’instance devant le tribunal.

Par jugement en date du 7 septembre 2016, assorti pour partie de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Bordeaux a, principalement :

— mis hors de cause l’UNIM,

— déclaré recevable l’intervention volontaire de la compagnie Allianz Vie,

— rejeté la demande d’expertise préalable formée par M. [W],

— condamné la MAIF à réparer l’entier préjudice de M. [W] à la suite de l’accident survenu le 27 novembre 2008 à [Localité 2],

— condamné en deniers ou quittances la MAIF à payer à M. [W] une somme de 76900,10 euros sous réserve des provisions éventuellement reçues,

— condamné la MAIF à payer à la compagnie Allianz vie la somme de 4628,05 euro au titre du contrat d’assurance santé n° 182.075/500 et celle de 76628,65 euros au titre du contrat d’assurance prévoyance n°84.553/5014.819-5014.829,

— statué sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [W] et de la compagnie Allianz, en leur allouant respectivement la somme de 2500 euros et celle de 1200 euros.

M. [R] [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 3 octobre 2016.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 septembre 2017, il demande à la cour, au visa des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 :

— d’infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la MAIF à réparer son entier préjudice à la suite de l’accident du 27 novembre 2008,

à titre principal,

— d’ordonner une nouvelle expertise comptable, confiée à un expert-comptable inscrit en dehors du ressort de la cour d’appel de Bordeaux, avec pour mission d’évaluer ses pertes de gains professionnels actuels et ses pertes de gains professionnels futurs, du fait de l’accident du 27 novembre 2008,

A titre subsidiaire,

— de condamner la MAIF à lui payer les indemnités suivantes :

-890881,38 euros au titre des préjudices patrimoniaux,

-46762,25 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux,

-6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

outre les entiers dépens,

— de déclarer l’arrêt à intervenir commun à la CPAM de la Gironde et à l’UNIM.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 9 février 2017, la compagnie d’assurances MAIF demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et du rapport d’expertise judiciaire de M. [U] :

— de débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,

— de confirmer (sic) le jugement entrepris en ce qu’il a fixé les préjudices suivants:

Préjudices patrimoniaux

— dépenses de santé avant consolidation (frais restés à charge): 64,50 euros

— perte de gains professionnels avant consolidation: 5073,35 euros

— perte de gains professionnels futurs: néant

Préjudices extra-patrimoniaux:

— déficit fonctionnel temporaire: 2432,25 euros

— souffrances endurées 3,5/7: 8000 euros

— déficit fonctionnel permanent 12%: 22080 euros

— préjudice esthétique 1,5/7: 2250 euros

Formant appel incident, la MAIF sollicite pour le surplus de l’infirmation du jugement entrepris et demande en conséquence à la cour de fixer la réparation de l’incidence professionnelle à 10000 euros et celle du préjudice d’agrément à 4000 euros.

À titre subsidiaire, et si la cour ordonnait une nouvelle mesure d’expertise comptable, elle demande qu’elle fonctionne aux frais avancés de l’appelant et que la mission de l’expert porte sur la perte de revenus de M. [W] et non sur la perte de recettes de la SELARL [W].

Elle demande également que la décision à intervenir soit déclarée commune à la CPAM de la Gironde et à la compagnie Allianz, ainsi que la condamnation de M. [W] au paiement d’une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 10 mars 2017, la compagnie Allianz vie et l’UNIM demandent à la cour :

— de confirmer la mise hors de cause de l’UNIM,

— de confirmer également le jugement en ce qu’il a accueilli le recours subrogatoire de la compagnie Allianz vie,

— de condamner en conséquence la MAIF à payer à la compagnie Allianz vie la somme de 4628,05 euro au titre des frais de santé remboursés à M. [W] (contrat d’assurance santé), et celle de 76750,65 euros au titre des indemnités journalières (contrat de prévoyance),

— de lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande d’expertise comptable,

— en tout état de cause de condamner la MAIF à payer à la société Allianz vie la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux dernières conclusions précitées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2017.

Par arrêt en date du 30 janvier 2018, la cour d’appel de Bordeaux a ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l’affaire à l’audience du 5 mars 2018 pour changement de composition (l’un des conseillers siégeant à l’audience du 27 novembre 2017 ayant précédemment connu de l’affaire en qualité de juge des référés).

MOTIFS DE LA DECISION:

1- Il convient de confirmer le jugement, en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de la compagnie Allianz vie et mis hors de cause l’UNIM, puisque cette association n’a pas la qualité de tiers payeur et s’est contentée de souscrire pour le compte de ses adhérents au contrat d’assurance groupe complémentaire santé et prévoyance auprès de la société AGF vie devenue Allianz vie.

La cour n’est d’ailleurs saisie d’aucune contestation du jugement sur ce point.

De même, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné la compagnie MAIF à réparer l’entier préjudice subi par M. [R] [W] à la suite de l’accident survenu le 27 novembre 2008 à [Localité 2]; le droit à indemnisation intégrale ne donnant lieu à aucune contestation.

2- Sur la demande de nouvelle expertise comptable :

Il ressort de l’expertise médicale que M. [W] a subi lors de l’accident une fracture luxation de l’extrémité inférieure du poignet droit, associée à une fracture de la styloïde cubitale.

Dans un avis de sapiteur non contesté, le Professeur [R] a conclu que du fait de l’accident, M. [W] conserve à titre de séquelles une raideur importante du poignet droit réputée douloureuse, et qu’en considération de sa spécialisation antérieure dans la chirurgie orthopédique inférieure, il se trouve désormais dans l’impossibilité de reprendre une activité normale concernant la chirurgie de la hanche, du genou, de la cheville, de l’arrière pied et la traumatologie du membre inférieur, mais qu’il peut néanmoins poursuivre une activité normale de chirurgie de l’avant-pied.

Comme devant le tribunal, M. [W] conteste devant la cour les conclusions de M.[U] au titre de la perte de gains professionnels actuels et la perte de gains professionnels futurs, qui ne tiendraient pas compte de sa perte d’honoraires de consultation durant sa période d’arrêt de travail, comme de la perte de patients qu’il ne peut opérer et qu’il est contraint d’adresser à des confrères.

Il critique en outre l’abattement de 45 % pratiqué par le tribunal sur la perte de revenus chiffrée par l’expert judiciaire.

Il convient toutefois d’observer que la cour dispose déjà de plusieurs rapports d’expertise comptable à savoir les deux rapports de M. [G], outre le rapport d’expertise judiciaire de M. [R] [U], et la reconstitution de préjudice effectuée le 21 janvier 2013 par un comptable mandaté par M. [W].

En l’absence de contestation sur les données chiffrées et les documents communiqués, la cour est en mesure d’apprécier la méthodologie suivie par chacun de ces experts et de déterminer quelle est celle permettant d’arrêter de manière objective la réalité et l’importance des préjudices économiques invoqués.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise.

Sur la réparation des préjudices subis  :

Le rapport d’expertise médicale du Docteur [C], non contesté, constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi par M. [W], né le [Date naissance 1] 1960, âgé de 49 ans lors de la consolidation.

I- Préjudices patrimoniaux

Dépenses de santé actuelles (DSA):

Il n’existe pas de contestation sur ces postes.

Il convient de retenir les frais médicaux pris en charge par la CPAM de la Gironde (soit 3753,25 euros, selon décompte définitif de créance au 27 mai 2014) et les prestations versées au titre du contrat complémentaire santé par la compagnie Allianz vie pour un montant de 4628,05 euros.

La victime justifie en outre avoir supporté des frais restés à sa charge d’un montant de 64,50 euros.

La poste DSA sera donc fixé à la somme de 8445,80 euros.

Pertes de gains professionnels actuels (PGPA) :

Il est constant que M. [W] exerce son activité professionnelle de chirurgien dans le cadre de la SELARL Docteur [W], personne morale à associé unique.

Le tribunal a évalué à bon droit la perte d’honoraires (bruts) conformément à la méthode utilisée par l’expert judiciaire, sur la base des données chiffrées communiquées par les deux clinique dans lesquelles travaille M. [W].

Il en ressort que sur les périodes antérieures à l’accident (27 novembre 2006 au 27 novembre 2007; puis 27 novembre 2007 au 26 novembre 2008), M. [W] avait réalisé en moyenne 491 actes par an à la clinique [Établissement 1], pour un revenu moyen de 285384 euros bruts, soit un revenu moyen à l’acte de 580 euros.

Durant l’exercice du 27 novembre 2008 au 26 novembre 2009, durant lequel M. [W] a été placé en arrêt de travail entre le 27 novembre 2008 et le 1er mars 2009, puis entre le 24 juillet 2009 et le 12 septembre 2009, il n’a pu réaliser que 293 actes dans le même établissement, soit une diminution de 198 actes, ce qui correspond à une perte d’honoraires bruts de 198 x 580 = 114840 euros.

Procédant au même calcul pour la clinique [Établissement 2], l’expert judiciaire a retenu une perte de 58 actes (170 ' 112), pour un honoraire moyen de 585 euros, soit une somme de 33930 euros brute.

Il en résulte un préjudice total de 148770 euros.

Comme en première instance, M. [W] soutient qu’il conviendrait d’y ajouter une perte d’honoraires de 77150 euros au titre des consultations non réalisées sur les exercices 2008-2009 et 2009-2010.

Toutefois, aucun élément comptable objectif n’a été soumis sur ce point à l’expert judiciaire lors des opérations contradictoires, et c’est seulement par un dire du 22 janvier 2014 que M. [W] a formé une réclamation de ce chef en se fondant sur un document laconique adressé le 17 janvier 2014 par l’institut du chiffre et du droit de [Localité 3], faisant ressortir un montant d’honoraires de consultation de 123381 euros pour l’exercice 2008-2009 et de 89389 euros pour l’exercice 2009-2010, alors que les mêmes honoraires de consultation s’élevaient à 144960 euros pour l’exercice 2007-2008 antérieur à l’accident.

Cette réclamation n’est pas fondée, au regard de l’évolution du chiffre d’affaire global de la SELARL Cabinet [W], figurant en annexe de la correspondance adressée le 21 janvier 2013 par la société Etudes comptables et financières, soit :

-498525 euros du 1er mai 2006 au 30 avril 2007

-437776 euros du 1er mai 2007 au 31 mars 2008 (477576 euros sur 12 mois)

-480809 euros du 1er avril 2008 au 31 mars 2009

-425418 euros du 1er avril 2009 au 31 mars 2010

Il en ressort en effet que la moyenne du chiffre d’affaire était de 488050 euros avant l’accident.

Par rapport à cette moyenne, il existe une diminution de chiffre d’affaire de 7241 euros sur le premier exercice affecté par l’arrêt de travail (2008-2009) et de 62632 euros sur le second (2009-2010) soit un total de 69873 euros.

Or, sur une seule année glissante, entre deux exercices comptables (soit du 27 novembre 2008 au 26 novembre 2009); la perte liée aux actes chirurgicaux non réalisés s’élève à 114840 euros sur deux établissements.

Il en résulte ainsi que l’activité de consultations ne s’est pas affaiblie durant cette même période mais qu’elle a au contraire augmenté en compensant partiellement la baisse du nombre d’actes réalisés.

Par ailleurs, M. [W] conteste le taux de 45 % appliqué par le tribunal sur le préjudice brut retenu par l’expert judiciaire, soit 148770 euros.

Ainsi que le souligne à juste titre la compagnie MAIF, il procède ainsi à une confusion entre la diminution d’encaissements d’honoraires par la Selarl et son propre préjudice.

S’il est exact que la perte de revenus ne doit pas tenir compte des incidences fiscales liées aux revenus perçus par la victime, cette observation ne vaut que sur les revenus personnels de M. [W] et ne concerne pas les honoraires d’activité encaissés par la Selarl dont il est l’unique associé.

Si le chiffre d’affaires perdu avait été réalisé, cette somme (qui lui est allouée par compensation à hauteur de 148770 euros) aurait été soumise à l’impôt et ne lui aurait pas été distribuée intégralement.

Le taux de 45 % retenu par le tribunal est en cohérence avec la liste des charges détaillées en page 6 sur 7 du rapport de M. [G] (pièce 5 de M. [W]).

Il est en outre cohérent avec le taux moyen de charges et impôts par rapport au chiffre d’affaire, ressortant en page 7 du rapport d’expertise judiciaire [U], par étude, exercice par exercice, du 1er mai 2006 au 31 mars 2013 du ratio (chiffre d’affaires ' revenu global de M. [W] chiffre d’affaires.

Il convient donc de confirmer le jugement, en ce qu’il a fixé la perte de gains professionnel actuels de M. [W] à la somme de 81824 euros.

Perte de gains professionnels futurs :

Il s’agit ici d’indemniser la perte de revenus annuels, consécutive aux séquelles des blessures subies lors de l’accident, après consolidation fixée par l’expert médical, de manière non contestée au 18 novembre 2009).

Le Professeur [R], consulté comme sapiteur, a certes considéré que la raideur et les douleurs du poignet droit interdisait à M. [W] de reprendre une activité chirurgicale normale concernant la chirurgie de la hanche, du genou, de la cheville, de l’arrière pied et la traumatologie du membre inférieur. Seule demeure possible la chirurgie de l’avant-pied.

L’appelant souligne à nouveau devant la cour qu’il doit désormais renvoyer vers des confrères des patients qu’il aurait auparavant opérés lui-même, dont il évalue le nombre à 62,5 par an, soit une perte de 62,5 x 580 = 36250 euros par an.

Mais la perte de gains professionnels ne peut être objectivement caractérisée que par une comparaison entre le revenu de référence avant l’accident et celui constaté après consolidation.

Le chiffre d’affaire du cabinet du docteur [W] avait été de 498528 euros bruts du 1er mai 2006 au 30 avril 2007, puis de 437778 euros du 1er mai 2007 au 31 mars 2008 (soit, reconstitué sur 12 mois, un chiffre d’affaire de 477576 euros).

La moyenne annuelle s’établit donc à 488052 euros bruts sur la période de deux ans précédant l’accident du 27 novembre 2008.

Les deux exercices postérieurs à la consolidation sont ceux du 1er avril 2010 au 31 mars 2011 et du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, et les documents comptables examinés par l’expert judiciaire (figurant dans son tableau page 7) révèlent un chiffre d’affaire respectif de 500214 euros et de 791824 euros.

Par rapport à la moyenne antérieure, le cabinet a donc perçu un surplus d’honoraires de 12162 euros en 2010-2011 et de 303772 euros en 2011-2012.

Cette augmentation n’est pas un événement ponctuel puisqu’il s’est renouvelé sur l’exercice 2012-2013 avec un chiffre d’affaires de 734166 euros soit un surplus d’honoraires de 246114 euros.

La même augmentation est relevée sur le revenu global du docteur [W] (incluant sa rémunération de gérant de la SELARL) :

Alors que la moyenne avant l’accident était de 288685 + 240950 /2 = 264817 euros (exercices 2006-2007 et 2007-2008), le revenu global a été de 279477 euros pour l’exercice 2010-2011 et de 497660 euros pour l’exercice 2011-2012.

Il apparaît ainsi qu’en dépit de ses séquelles, M. [W] a pu reprendre une activité professionnelle qui lui procure des gains supérieurs à ceux perçus avant l’accident.

L’appelant qui ne produit pas ses plannings d’activité avant et après l’accident ne démontre pas que cette augmentation de revenus corresponde uniquement à un surcroît d’activité ou à une revalorisation du montant de ses honoraires.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a donc rejeté à bon droit la demande formée au titre de la perte de gains professionnels futurs, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Incidence professionnelle:

Il est incontestable que M. [W] conservera une pénibilité accrue dans l’exercice de sa profession de chirurgien, qui nécessite en permanence l’utilisation des mains et poignets dans des actes de chirurgie fine. Par ailleurs, même s’il ne subit pas de perte de revenus professionnels pour le futur, l’activité qu’il est obligé d’exercer se trouve réduite dans sa nature, alors qu’elle était auparavant plus diversifiée puisqu’elle portait sur des interventions concernant la hanche, le genou, la cheville et le pied entier, ce qui entraîne un intérêt plus réduit dans son travail et lui impose une spécialisation dans l’avant pied qu’il n’avait pas initialement choisie, et traduit une dévalorisation de son travail de chirurgien, lui interdisant à l’avenir toute orientation vers d’autres chirurgies impliquant de la force physique dans le poignet droit.

Au vu de ces éléments, et en tenant compte des nombreuses années de travail restant à accomplir avant l’âge de la retraite, le préjudice d’incidence professionnelle doit être réparé par l’allocation d’une somme de 50 000 euros.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

2°- Préjudices extra-patrimoniaux:

Il convient de confirmer le jugement par adoption de motifs en ce qui concerne l’évaluation des préjudices subis par la victime au titre du déficit fonctionnel temporaire (DFT), du déficit fonctionnel permanent (DFP), du préjudice esthétique permanent (PE) et des souffrances endurées (SE) dès lors que M. [W] comme la MAIF concluent tous deux sur ces points à la confirmation.

Préjudice d’agrément :

Le tribunal a alloué de ce chef à la victime une indemnité de 12000 euros, dont la compagnie MAIF sollicite la réduction pour défaut de justificatif suffisant d’une pratique sportive régulière.

Mais il ressort de l’expertise médicale que M. [W] ne peut plus pratiquer le tennis, le golf et le kite surf, sports qui exigent de la force dans les poignets.

Dans son attestation, M. [X] (stade ASPTT) indique que M. [W] jouait régulièrement au tennis avec ses enfants jusqu’en novembre 2008.

[D] [W] atteste que son frère jouait régulièrement au tennis jusqu’en 2008 lorsqu’ils se retrouvaient dans la Sarthe où il sont propriétaires d’un immeuble en indivision équipée d’un court de tennis.

Il ressort par ailleurs des autres pièces produites que M. [W] avait souscrit une licence de kite surf en 2008, ce qui témoigne d’une pratique régulière, et qu’il est gêné dans la pratique de la voile, comme dans les pratiques du jardinage du bricolage, qui nécessitent également de la force dans les poignets.

Compte tenu de l’âge de la victime et de la diversité des activités de loisirs rendues impossibles ou plus difficiles, il convient de confirmer le jugement sur le montant de l’indemnité soit 12000 euros.

Les divers postes de préjudices seront récapitulées comme suit :

— dépenses de santé actuelles : 8445,80 euros

— perte de gains professionnels actuels : 81824 euros

— perte de gains professionnels futurs : REJET

— incidence professionnelle : 50000 euros

— déficit fonctionnel temporaire : 2423,25 euros

— déficit fonctionnel permanent : 22 080 euros

— souffrances endurées : 8000 euros

— préjudice esthétique : 2250 euros

— préjudice d’agrément : 12000 euros

TOTAL : 187023,05 euros

Imputation de la créance de l’organisme social:

Au titre des dépenses de santé, la CPAM de la Gironde a versé la somme de 3753,25 euros à M. [W], et la compagnie Allianz lui a versé la somme de 4628,05 euros en remboursement des frais exposés.

Ces sommes doivent être déduites du poste de dépenses de santé actuelles de sorte que M. [W] n’a droit qu’à un solde de 64,50 euros.

En exécution du contrat d’assurance prévoyance, la compagnie Allianz a par ailleurs partiellement compensé les pertes de revenus subies par M. [W] en lui réglant des indemnités journalières pour un montant total de 76750,65 euros, dont 49870,35 euros du 17 novembre 2008 au 1er mars 2009, et 26880,30 euros pour le second arrêt de travail du 23 juillet 2009 au 13 septembre 2009.

Ce montant doit venir en déduction du poste de préjudice Perte de gains professionnels actuels, ce qui laisse une perte réelle subie par M. [W] d’un montant de 5073,35 euros.

En définitive, M. [W] doit recevoir en réparation de son préjudice la somme de 187023,05 euros, dont à déduire la créance des tiers payeurs d’un montant de 85131,95 euros, soit un solde de 101891,10 euros.

Sur les demandes de la compagnie Allianz vie :

En application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à concernant le recours des tiers payeurs, et de l’article L. 276-1 du code de la sécurité sociale, la compagnie Allianz vie est fondée à solliciter le remboursement des règlements effectués en application du contrat complémentaire santé (4628,05 euros) et des indemnités journalières réglées au titre du contrat de prévoyance pour 76750,65 euros.

Sur les autres demandes :

La compagnie MAIF était tenue à l’indemnisation des conséquences de l’accident de la circulation dans lequel son assuré est impliqué et l’appel principal de M. [W] était partiellement fondé, contrairement à son propre appel incident.

Elle doit donc supporter les dépens de première instance incluant les frais d’expertise judiciaire ainsi que les entiers dépens d’appel, outre ses propres frais irrépétibles.

La présente instance a contraint M. [W] et la compagnie Allianz vien à exposer des frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge tant en première instance qu’en appel.

Il est donc équitable d’allouer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 2000 euros à M. [R] [W], s’ajoutant à celle accordée par le tribunal qui sera confirmée, et à la compagnie Allianz vie une indemnité de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel (s’ajoutant à celle de 1200 euros allouée par le tribunal).

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l’indemnisation de l’incidence professionnelle, et, par voie de conséquence, sur le montant total du préjudice et la condamnation prononcée en faveur de M. [R] [W],

Statuant à nouveau,

Fixe le préjudice de M. [R] [W] à la somme de 187023,05 euros, dont 50 000 euros au titre du poste incidence professionnelle,

Condamne la compagnie MAIF en deniers ou quittances à payer à M. [R] [W] la somme de 101891,10 euros, après déduction de la créance des organismes sociaux et sous réserve des provisions versées à déduire,

Y ajoutant,

Condamne la compagnie MAIF à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel, les sommes suivantes :

-2000 euros à M. [R] [W],

-1000 euros à la compagnie Allianz vie,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la MAIF aux entiers dépens d’appel, et autorise Maître Fabienne Pellé, avocate, à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,

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Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 14 mai 2018, n° 16/05927