Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 17 novembre 2021, n° 19/00215

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Chronologie de l’affaire

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Haas Avocats · Haas avocats · 29 janvier 2024

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 17 nov. 2021, n° 19/00215
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 19/00215
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 15 novembre 2018, N° 2017F01048
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 17 NOVEMBRE 2021

N° RG 19/00215 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZ6Q

SAS VDD

c/

SAS MONEXT

SELARL SBCMJ

Maître B X

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 novembre 2018 (R.G. 2017F01048) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 11 janvier 2019

APPELANTE :

SAS VDD, en liquidation judiciaire, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS MONEXT, prise en la personne de son représentant, légal domicilié en cette qualité au siège sis, 5 place de la Pyramide-Tour Ariane – 92800 PUTEAUX

représentée par Maître D E, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Julien LECAT, avocat au barreau de AIX EN PROVENCE

INTERVENANTES :

SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître Z Y pris en la personne de son mandataire liquidateur de la Société VDD, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

Maître B X, pris en la personne de son mandataire liquidateur de la Société VDD, domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentés par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Maître Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 13 octobre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame D FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Vdd (vente du diable) a pour activité la vente sur internet de produits hifi et informatique.

Aux termes d’un plan de cession adopté par décision du tribunal de commerce de Nanterre du 5 février 2016, la société Vdd a repris l’activité de la société Pixmania . Cette dernière avait souscrit auprès de la société Monext un contrat de paiement à distance sécurisé par carte bancaire visant à sécuriser les transactions de ses clients en ligne.

Le 3 mars 2016, la société Vdd a souscrit auprès de la société Monext une nouvelle offre d’abonnement 'my Line’ dans le cadre du service Payline intégrant le dispositif optionnel 3 D G pour son site Pixmania.

Le 23 mars 2016, la société Vdd a demandé à la société Monext de basculer le point de vente irlandais de l’adresse www.pixmania.ir. à l’adresse d’un nouveau point de vente irlandais www.pixmania.ie.

Le 24 juin 2016, la société Vdd a adressé un mail au support Payline pour lui signaler qu’un grand nombre de transactions avait été passé en Irlande pour des montants importants sans que le système F G ne s’active. Il lui était répondu le jour même que 'suite à la bascule entre Pixmamia.e et Pixmania.ir, il semble que le 3Fs débrayable n’est pas été correctement réactivé, la correction a été faite ce jour'.

Le 11 juillet 2016, le conseil de la société Vdd a adressé un courrier à la société Monext lui reprochant de ne pas avoir correctement activé le système 3 Ds, contribuant ainsi à de

nombreuses fraudes lors du paiement en ligne dont il entendait solliciter la réparation.

Par courrier LRAR dont la société Monext a accusé réception le 18 mai 2017, la société Vdd a procédé à la résiliation unilatérale du contrat la liant à la société Monext.

***

Aucun accord n’ayant pu abouti entre les parties, la société Monext déclinant sa responsabilité au motif d’une négligence de la société Vdd dans le suivi de ses transactions, cette dernière a, par exploit d’huissier en date du 12 avril 2017, fait assigner la société Monext devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir reconnaître la responsabilité de la société Monext du fait du dysfonctionnement du système de paiement en ligne.

Le tribunal de commerce de Nanterre s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement contradictoire du 16 novembre 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— condamné la société Monext à payer à la société Vdd la somme de 1194,13 euros,

— condamné la société Vdd à payer à la société Monext la somme de 3 000 euros,

— débouté la société Vdd du surplus de ses demandes,

— débouté la société Monext du surplus de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné les parties à régler les dépens par moitié chacune.

Le 7 février 2019, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, qui a été refusée par celles-ci.

Par déclaration du 11 janvier 2019, la société Vdd a interjeté appel de cette décision intimant la société Monext dans des conditions de forme et de fond qui ne sont pas contestées.

Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Vdd. Maître X et la Selarl Sbcmj prise en la personne de Maître Y ont été nommé en qualité liquidateurs. Ils sont intervenus volontairement à l’instance.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 27 septembre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Vdd demande à la cour de :

— infirmer le jugement du 16 novembre 2018 en ce qu’il a :

- condamné la société Monext SAS à payer à la société Vdd la somme de 1.194,13 euros,

- condamné la société Vdd à payer à la société Monext la somme de 3 000 euros,

- débouté la société Vdd du surplus de ses demandes,

— et statuant à nouveau :

— constater que la société Monext a manqué à ses obligations au titre du contrat du 3 mars 2016 en commettant une faute lourde causant un préjudice à la société Vdd,

— constater que les clauses limitatives de réparation stipulées à l’article 7.3 et 7.4 du contrat du 3 mars 2016 doivent être réputées non écrites,

— constater que la société Vdd a été parfaitement diligente,

— à titre principal :

— condamner la société Monext à payer à la société Vdd la somme de 293 361,91 euros au titre du préjudice subi du fait des transactions passées frauduleusement qui ont été impayées,

— condamner la société Monext à payer à la société Vdd la somme de 50 000 euros au titre du préjudice du fait de la désorganisation de la société,

— à titre subsidiaire :

— ordonner la réouverture des débats et la nomination d’un expert dont la mission sera d’évaluer le préjudice subi par la société Vdd du fait des transactions passées frauduleusement qui ont été impayées,

— en tout état de cause :

— débouter la société Monext de toutes ses demandes formulées dans son appel incident, et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement du 16 novembre 2018 en ce qu’il a débouté la société Monext de sa demande de dommages et intérêts,

— condamner la société Monext à payer à la société Vdd la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner la société Monext aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 4 février 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Sbcmj et Me X, intervenants volontaires, reprennent les demandes de la société Vdd

— infirmer le jugement du 16 novembre 2018 en ce qu’il a :

—  condamné la société Monext SAS à payer à la société Vdd la somme de 1 194,13 euros,

- condamné la société Vdd à payer à la société Monext SAS la somme de 3 000 euros,

- débouté la société Vdd du surplus de ses demandes,

— et statuant à nouveau :

— constater que la société Monext a manqué à ses obligations au titre du contrat du 3 mars

2016 en commettant une faute lourde causant un préjudice à la société Vdd,

— constater que les clauses limitatives de réparation stipulées à l’article 7.3 et 7.4 du contrat du 3 mars 2016 doivent être réputées non écrites,

— constater que la société Vdd a été parfaitement diligente,

— à titre principal :

— condamner la société Monext à payer à Maître B X et la SELARL SBCMJ prise en la personne de Maître Z Y es qualité de liquidateurs de la société Vdd la somme de 293 361,91 euros au titre du préjudice subi du fait des transactions passées frauduleusement qui ont été impayées,

— condamner la société Monext à payer à Maître B X et la SELARL SBCMJ prise en la personne de Maître Z Y es qualité de liquidateurs de la société Vdd la somme de 50 000 euros au titre du préjudice du fait de la désorganisation de la société,

— à titre subsidiaire :

— ordonner la réouverture des débats et la nomination d’un expert dont la mission sera d’évaluer le préjudice subi par la société Vdd du fait des transactions passées frauduleusement qui ont été impayées,

— en tout état de cause :

— débouter la société Monext de toutes ses demandes formulées dans son appel incident, et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement du 16 novembre 2018 en ce qu’il a débouté la société Monext de sa demande de dommages et intérêts,

— condamner la société Monext à payer à Maître B X et la SELARL SBCMJ prise en la personne de Maître Z Y es qualité de liquidateurs de la société Vdd la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner la société Monext aux entiers dépens.

La société Sbcmj et Me X font valoir que la responsabilité de la société Monext doit être engagée , cette dernière ayant gravement manqué à ses obligations contractuelles, en n’activant le dispositif 3F G et en n’assurant pas un suivi sérieux des services qu’elle propose.

En réponse aux moyens développés par leur contradicteur, ils ajoutent que la société Monext ne leur a jamais communiqué le guide d’intégration Payline; qu’elle n’a pas effectué de test pour s’assurer de la bascule correcte du système vers la nouvelle adresse; que la société Vdd a pour sa part rempli ses obligations contractuelles; qu’elle a été diligente dans l’identification des impayés.

Ils demandent à la cour de juger que la clause limitative de responsabilité doit être réputée non écrite car d’une part, elle prive de toute substance l’obligation essentielle de la société Monext et d’autre part, cette dernière a commis une faute lourde.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 9 juillet 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Monext demande à la cour de :

— I. sur la demande de dommages et intérêts de la société Vdd :

— à titre principal de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Monext au paiement de la somme de 1 194,13 euros au titre de l’inexécution fautive du contrat ;

— et statuant à nouveau :

— juger que :

— la société Monext a rempli ses obligations contractuelles ;

— la société Vdd a manqué à ses obligations contractuelles de validation des opérations effectuées (bascule) et à son devoir de vigilance ;

— ces manquements sont constitutifs de fautes exonératoires de responsabilité pour la société Monext ;

— constater par ailleurs l’absence de lien de causalité entre la faute prétendue de la société Monext et le préjudice allégué ;

— et par conséquent,

— débouter la société Vdd de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— à titre subsidiaire de :

' constater l’absence de faute lourde de la société Monext ;

' juger applicable la clause limitative de responsabilité du contrat du 3 mars 2016 ;

— et par conséquent,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Monext au paiement de la somme de 1 194,13 euros ;

— débouter la société Vdd du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

II. sur la demande de paiement de factures de la société Monext :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Vdd à lui payer la somme de 3 000 euros TTC ;

— y ajoutant comme accessoire se rattachant à cette demande :

— condamner la société Vdd au paiement des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts et à la somme de 40 euros sur chacune des cinq factures impayées ;

III. sur la demande de dommages et intérêts la société Monext au titre de la rupture brutale des relations commerciales :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Monext de sa demande reconventionnelle,

— et statuant à nouveau :

— juger que la société Vdd a brutalement et sans justification valable rompu de manière partielle puis définitive sa relation commerciale établie avec la société Monext ;

— juger que cette rupture a causé un préjudice à la société Monext ;

— et par conséquent ;

— condamner la société Vdd au paiement de la somme de 7 083,75 euros ;

— le cas échéant ;

— ordonner la compensation judiciaire de toute somme qui pourrait être mise à la charge de la société Monext avec celles dues par la société Vdd ;

— en tout état de cause ;

— débouter la société Vdd de ses plus amples demandes, fins et conclusions ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Monext à régler pour moitié les dépens et débouté celle-ci de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— et statuant à nouveau :

— condamner la société Vdd au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Maître D E en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Monext fait valoir que la société Vdd a été défaillante dans la validation des paramètres de bascule et dans le suivi de son activité; que ses fautes et négligences l’exonèrent de sa responsabilité mais sont également à l’origine du préjudice de l’appelante excluant dès lors tout lien de causalité entre la prétentue faute qu’elle aurait elle-même commise et le préjudice.

Elle oppose en tout état de cause la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat , soutenant avoir exécuté correctement son obligation essentielle.

Elle reproche enfin à la société Vdd une rupture injustifiée et brutale de leurs relations commerciales dont elle sollicite la réparation, outre le paiement des factures restées impayées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 septembre 2021 et le dossier a été fixé à l’audience du 13 octobre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

1) sur la demande principale :

Le système F G est un protocole interbancaire permettant d’offrir un niveau de sécurité supplémentaire pour les transactions bancaires réalisées en ligne consistant à demander à l’internaute, en plus de son numéro de carte bancaire et de son cryptogramme visuel, une authentification supplémentaire , en l’espèce un code à usage unique reçu par SMS, afin de s’assurer que la personne qui réalise la transaction est bien la véritable titulaire de la carte bancaire.

En vertu des dispositions de l’article 1134 dans sa version applicable à ce litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Les conditions d’utilisation du service Payline contiennent les dispositions suivantes :

— article 5.1 : Monext s’engage à respecter les modalités et les délais de traitements dans les annexes et doit s’assurer de la bonne exécution de l’ensemble du service décrit aux présentes. En outre, Monext est tenu d’une obligation de moyens pour l’exécution du service et s’engage à tout mettre en oeuvre pour les effectuer en conformité avec les règles applicables en l’espèce.

Monext informera le client des difficultés rencontrées dès qu’elle en aura connaissance.

— article 5.2 : le Client avertira sans délai par tous moyens écrits de tout défaut de fonctionnement dès qu’il apparaît.

— article 7.7 : le client est responsable de l’utilisation du service… En aucun cas, la responsabilité de la société Monext ne saurait être recherchée lorsqu’il y a faute, négligence ou défaillance du Client, qu’il s’agisse de la transmission d’informations erronées ou de documents incomplets ou inexacts, de mauvaise utilisation du matériel ou des logiciels, de non respect des conseils donnés…

Il est établi que la société Monext n’a pas activé le dispositif F G suite à la bascule du site www.pixmania.ir au site www.pixmania.ie, alors que l’activation de ce système était prévue par le contrat. Elle a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.

Selon la société Monext, sa cliente, la société Vdd a commis elle-même deux fautes contractuelles graves de nature à l’exonérer totalement de sa responsabilité par application de l’article 7.7 du contrat.

Elle argue ensuite d’une absence de lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et le préjudice dont il est sollicité la réparation.

* sur 'la validation des paramètres de la bascule’ :

La société Monext soutient qu’il appartenait à la société Vdd après la bascule du site de procéder à un nouveau test de validation, comme le guide d’intégration de la solution Payline le prévoyait, qui lui aurait permis de s’assurer que le protocole F G était actif et d’éviter ainsi les paiements frauduleux.

La société Vdd fait valoir qu’elle n’a jamais été informée de la nécessité d’effectuer un nouveau test lors de la bascule et que la société Monext ne lui a notamment pas adressé un nouveau Pv de recette. Elle ajoute que le guide d’intégration ne lui a jamais été remis et qu’en tout état de cause, les dispositions de ce dernier sont incompréhensibles.

Il ressort des pièces produites que la société Monext a demandé à la société Vdd d’effectuer un paiement fictif lors de la mise en place initiale du système de paiement G 3 D, qui a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de recette le 4 mars 2016.

Selon les explications fournies par la société Monext, la même procédure aurait dû être suivie lors du basculement de l’adresse internet du site pixmania.

La société Monext justifie avoir adressé un mail à la société Vdd le 24 mars 2021 portant l’information suivante ' les créations sont réalisées ce matin sur le point de vente Pixmaniae. Vous pouvez à présent faire vos corrections'.

Elle n’a cependant pas adressé à sa cliente un nouveau procès-verbal de recette aux termes duquel celle-ci aurait attesté avoir effectué de nouveaux tests. Elle n’a pas relancé sa cliente et n’a , à aucun moment, vérifié que ces tests, qui selon elle étaient indispensables, avaient bien été réalisés.

Dès lors, la société Vdd, qui n’a pas été clairement informée de la nécessité de faire de nouveaux tests et d’établir un nouveau procès-verbal de recette, a pu légitiment considérer qu’une telle étape n’était pas nécessairement après la bascule de son site.

Il convient en conséquence de juger qu’il ne peut être retenu une faute commise par la société Vdd qui exonérerait la société Monext de sa responsabilité contractuelle.

* sur le suivi de l’activité :

La société Monext soutient que le sinistre ne serait pas intervenu si la société Vdd avait assuré un suivi diligent de son activité qui lui aurait ainsi permis de s’apercevoir que le système F G n’était pas activé. La société Monext fait encore valoir que sa cliente aurait dû s’inquiéter de l’augmentation de 245% du volume total des paiements entre mars et avril, et des 12 avis de débit qu’elle a reçus des banques. Elle explique que si la solution Payline permet un premier contrôle automatique des transactions, par la banque, ce contrôle doit être accompagné d’un second contrôle réalisé par le client.

La société Vdd soutient qu’elle n’a pas été défaillante dans le suivi de son activité et qu’elle a averti la société Monext dès les premiers impayés. Elle affirme que son interface Payline indiquait de manière erronée que le protocole d’identification F G était activé. Elle explique que son activité génère des milliers de transactions qui ne peuvent être vérifiées de manière individuelle et que le système F vise justement à diminuer le temps consacré à la vérification des commandes.

La société Vdd soutient avec raison que son obligation contractuelle se limitait à signaler à la société Monext sans délai toute anomalie dans les transactions effectuées.

Il convient de rechercher si la société Vdd a de manière fautive tardé à signaler les anomalies constatées à la société Monext.

Le protocole 3 D aurait dû être activé le 16 mars 2016. La société Vdd a signalé les anomalies constatées le 26 juin 2016, soit un peu plus de trois mois après.

La société Monext produit un procès-verbal qu’elle a fait dresser par un huissier en janvier 2018 aux fins d’établir que l’interface Payline permet au client de s’assurer que le système F G est actif. Or, ce seul procès-verbal dressé deux ans après les faits, ne suffit pas à contredire les affirmations de la société Vdd selon lesquelles l’interface Payline ne lui indiquait pas à l’époque que le système F avait été désactivé à l’occasion de la bascule du

site sur une nouvelle adresse.

En tout état de cause, il appartenait bien en premier lieu à la société Monext de s’assurer de l’activation du protocole 3 D et non à sa cliente et une telle faute ne pourrait être considérée comme exonératoire de responsabilité.

En second lieu, il sera relevé que l’augmentation du panier moyen et du volume de paiement qui serait nécessairement un signe de fraude selon la société Monext peut s’expliquer par le redémarrage de l’activité de pixmania.

La cour remarque ensuite que le nombre de transactions non autorisées n’est pas plus élevé en avril 2016, mois suivant la bascule effectuée en mars, qu’en février 2016. En mai 2016, le nombre de paiements non honorés a certes augmenté mais le pourcentage de fraude détectée a baissé.

Dès lors, ce critère n’apparaît pas, tel qu’il est présenté, pertinent, en tout cas sur une période aussi brève.

Enfin, en ce qui concerne les avis de débits, il sera relevé que le 1er ne date que du 12 avril 2016, soit presque un mois après la bascule et qu’il n’a été suivi que de 8 débits, tous isolés entre le 12 avril et 3 juin 2021, ce qui n’est pas significatif eu égard au nombre important de transactions.

Le 16 juin 2016, la société Vdd a reçu quatre avis de débit le même jour, suivi de deux le 20 juin, ce qui l’a conduite à procéder à une vérification approfondie des paiements et à avertir la société Monext des difficultés rencontrées le 24 juin 2016.

La société Vdd a ainsi averti la société Monext d’une anomalie 8 jours après ce qui peut être considéré comme le premier incident qui aurait dû l’alerter.

Compte tenu du nombre important de transactions quotidiennes et des enjeux financiers qui en découlent, il sera jugé que la société Vdd auraît dû réagir plus rapidement après ce premier incident caractérisé. Cette faute n’est cependant pas de nature à exonérer la société Monext de sa responsabilité mais conduit la cour à laisser une part de responsabilité à la charge de la société Vdd qui sera évaluée à 20%.

* sur le lien de causalité :

La société Monext conteste le fait que les impayés aient été générés par le défaut d’activation du système F G expliquant à cet effet que le système ne donne qu’une information sur la transaction mais ne la bloque pas, seul le commerçant pouvant décider de la passer ou d’annuler la transaction.

Aux termes des conditions particulières du contrat d’adhésion au système de paiement à distance sécurisée par carte CB conclu par Vdd, le système 3 D G vise à :

— une diminution significative du risque d’impayé,

— une diminution du temps consacré à la vérification des commandes,

— un transfert aux banques émettrices de la responsabilité des paiements frauduleux.

Dès lors, la société Monext ne peut soutenir que l’absence d’activation du système 3 D n’a pas contribué à une augmentation de la fraude sauf à reconnaître que son outil n’est pas efficace.

En outre, la société Vdd, qui pensait que le système F G était activé, a pu légitiment diminué le temps passé à la vérification des commandes comme cela avait été convenu entre les parties.

Enfin, l’utilisation du système 3 D G permettait un transfert aux banques émettrices de la responsabilité des paiements frauduleux qui ne peut intervenir en l’espèce du fait de la faute de la société Monext qui a omis d’activer ce système.

Il convient en conséquence de juger que le lien de causalité entre le défaut d’activation du système 3 D G et le préjudice alléguée est établi, le préjudice étant une perte de chance d’empêcher des paiements frauduleux grâce à un dispositif de contrôle renforcé.

La décision de première instance sera ainsi confirmée en ce qu’elle a retenu la responsabilité de la société Monext.

* sur la clause limitative de réparation :

Aux termes de l’article 7 du contrat, les parties reconnaissent que les dispositions de la présente clause sont déterminantes dans leur volonté de conclure le présent contrat et que le prix convenu reflète la répartition du risque entre les p arties et la limitation de responsabilité en résultant.

Aux termes des articles 7.3 et 7.4 du contrat, sauf disposition contraire du présent Contrat, dans la mesure où le Client démontrerait avoir subi un préjudice direct, Monext ne pourrait être obligée de compenser le dommage de quelque nature qu’il soit, que dans la limite maximum, pour tous préjudices directs survenus au cours d’un mois calendaire donnée et toutes causes confondues, de 50 % du coût de la facturation afférente au mois en cause au titre du présent Contrat. Cette limitation ne s’appliquera pas aux dommages corporels . Monext ne répond en aucun cas des dommages indirects, tels que par exemple tout préjudice financier ou commercial, pertes d’exploitation ou de bénéfice, trouble commercial, manque à gagner, perte ou destruction de données, pertes ou actions intentées par un tiers contre le Client, trouvant leur origine ou étant la conséquence du Contrat.

La société Monext soutient qu’elle a rempli son obligation essentielle en intégrant la solution payline de manière efficace, comme en atteste le procès-verbal de recette sans réserve en date du 4 mars 2016. Selon elle, l’activation du module F n’était qu’un moyen parmi d’autres proposés par la solution Payline pour sécuriser les transactions. La surveillance des transactions ne faisait en outre pas partie de ses obligations.

La société Vdd, représentée par son liquidateur, soutient que la clause limitative de réparation vide de sa substance l’obligation essentielle de la société Monext et doit être réputée non écrite. En outre, la société Monext a commis une faute lourde au sens de l’article 1231-3 du code civil.

La société Monext ne conteste pas que toute clause qui a pour effet de priver de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

La société Vdd a souscrit à l’offre Payline dans le but exclusif de sécuriser les paiements en ligne effectués sur son site. Il est indiqué en début de contrat que la solution Payline est ' certifiée PCI-DSS et F G, vous disposez du meilleur en terme de sécurité de vos paiements'. La société Vdd a en outre souscrit un 'module avancé de lutte anti-fraude'.

Il apparaît dès lors que l’activation du système F G visant à limiter au maximum les paiements frauduleux était une obligation essentielle du contrat souscrit.

La clause limitative de responsabilité aboutit à une indemnisation maximale de 630 euros par mois, ce qui est dérisoire par rapport aux pertes que peut subir le client en cas de dysfonctionnement de la solution Payline et de son système 3 D G, la boutique en ligne Pixmania enregistrant des paiements à hauteur de 2 millions d’euros sur la même période.

Il sera ainsi jugé que cette clause est non écrite.

Le jugement de première instance qui a limité à la somme de 1194,13 euros le montant de l’indemnisation à laquelle la société Vdd pouvait prétendre sera infirmé.

* sur le préjudice :

La société Vdd expose que son préjudice est constitué par les sommes qu’elle a versées à ses vendeurs en contrepartie de la livraison de la marchandise sans obtenir le paiement de ses clients.

Elle produit aux débats :

— les avis de débit des différentes transactions frauduleuses intervenues sur la période considérée,

— un récapitulatif des transactions frauduleuses,

— une attestation de son commissaire aux comptes chiffrant le préjudice subi à la somme de 293 361,91 euros.

La société Monext ne fait valoir aucune observation sur ces pièces.

La société Vdd justifie de l’existence des paiements frauduleux à hauteur de 293 361,91 euros.

Elle a perdu une chance :

— de faire échec à ces paiements par le système 3 D G,

— d’obtenir une indemnisation de sa banque.

Le système F G ne garantissant pas une absence totale de paiement frauduleux et l’indemnisation de la banque étant soumise à certaines conditions, sa perte de chance sera évaluée à 90% des transactions passées, soit 264 025,71 euros.

Compte indiqué précédemment, une part de responsabilité de 20% sera laissée à la charge de la société Vdd qui a alerté la société Monext 8 jours après le premier incident.

La société Monext sera ainsi condamnée à verser la somme de 211 220,57 euros euros à Maître B X et la Selarl Sbcmj prise en la personne de Maître Y en leur qualité de liquidateurs de la société Vdd en indemnisation du préjudice qu’elle a subi du fait des paiements frauduleux.

La décision de première instance sera infirmée sur ce point.

La société Vdd, représentée par ses liquidateurs, sollicite en outre la condamnation de la société Monext à lui verser la somme de 50 000 euros en indemnisation du préjudice de

désorganisation de sa société.

Elle explique qu’elle a dû mobiliser pendant plusieurs jours ses salariés afin de vérifier des centaines de transactions effectuées pendant la période litigieuse.

La société Vdd ne produit aucune pièce aux débats susceptible de permettre à la cour d’apprécier la réalité et l’ampleur du préjudice qu’elle allégue.

Elle sera ainsi déboutée de sa demande de ce chef. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

2) sur les demandes reconventionnelles :

La société Monext demande à la cour de confirmer la décision de première instance ayant condamné la société Vdd à lui verser la somme de 3000 euros au titre des factures impayées et l’infirmation de cette même décision en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

La société Vdd conclut à l’infirmation de sa condamnation au paiement des factures et à la confirmation du rejet de la demande de dommages et intérêts.

Il convient de constater d’office que les demandes en paiement formées par la société Monext sont irrecevables, seule une demande en fixation au passif de la liquidation étant possible sous réserve d’une déclaration de créance régulière.

3) sur les autres demandes

La demande de compensation réciproque est sans objet, la société Monext ayant été déboutée de ses demandes.

La société Monext sera condamnée à verser la somme de 5000 euros à Maître B X et la Selarl Sbcmj prise en la personne de Maître Y en leur qualité de liquidateurs de la société Vdd au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision rendue le 16 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Bordeaux sauf en ce que:

— elle a débouté la société Vdd de sa demande de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice causé par la désorganisation de sa société,

— elle a débouté la société Monext de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales,

statuant à nouveau :

— condamne la société Monext à verser la somme de 211 220,57 euros à Maître B X et à la Selarl Sbcmj prise en la personne de Maître Y en leur qualité de

liquidateurs de la société Vdd en indemnisation du préjudice subi par celle-ci du fait des paiements frauduleux,

— déclare irrecevables les demandes en paiement de factures et de dommages et intérêts formées par la société Monext à l’encontre de la société Vdd, en liquidation judiciaire,

— condamne la société Monext à verser la somme de 5000 euros à Maître B X et à la Selarl Sbcmj prise en la personne de Maître Y en leur qualité de liquidateurs de la société Vdd au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne la société Monext aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 17 novembre 2021, n° 19/00215