Cour d'appel de Caen, 19 janvier 2016, n° 14/00106

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 19 janv. 2016, n° 14/00106
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 14/00106
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lisieux, 5 juin 2014, N° 14/00106

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 14/02138

Code Aff. :

ARRET N°

XXX

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 06 Juin 2014 -

RG n° 14/00106

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 19 JANVIER 2016

APPELANTE :

LA SAS LES CURES MARINES

N° SIRET : 485 367 486

XXX

XXX

prise en la personne de son représentant légal

agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de mandataire du maître de l’ouvrage

représentée par Me Jacques MIALON, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Marie-Odile LARDIN, avocat au barreau de PARIS,

INTIMES :

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER 'LE BEACH HOTEL’ représenté par son syndic la SARL VINDICIS

XXX

XXX

pris en la personne de son représentant légal

représenté par Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN,

assisté de Me Jean-Pierre RAYNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

LA SARL HDS TROUVILLE

N° SIRET : 528 651 722

XXX

XXX

XXX

prise en la personne de son représentant légal

LA SAS SOCIÉTÉ FONCIÈRE SOLEIL INVEST

N° SIRET : 510 203 698

XXX

XXX

prise en la personne de son représentant légal

représentées par Me Guillaume CHANUT, avocat au barreau de CAEN,

assistées de Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE et de

Me Richard DAZIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame PIGEAU, Président de chambre,

Monsieur JAILLET, Conseiller,

Monsieur TESSEREAU, Conseiller, rédacteur,

DEBATS : A l’audience publique du 17 novembre 2015

GREFFIER : Madame X

ARRET : mis à disposition au greffe le 19 Janvier 2016 par prorogation du délibéré initialement fixé au 5 janvier 2016 et signé par Madame PIGEAU, président, et Madame X, greffier

* * *

Les sociétés Natiocréditbail, Locindus et Arkea Crédit Bail sont maîtres de l’ouvrage dans le cadre d’une opération de construction et de rénovation d’un hôtel et d’un centre de thalassothérapie à Trouville.

En vertu d’un contrat de crédit-bail immobilier, elles ont délégué la maîtrise d’ouvrage à la SAS Les Cures Marines, à la fois preneur avec option d’achat, et titulaire d’un bail à construction sur le même bâtiment, cédé aux établissements financiers mentionnés ci-dessus.

La société Les Cures Marines a été investie du mandat d’agir en justice pour mener à bien l’opération.

Le bâtiment supportant l’opération de construction-rénovation jouxte un hôtel en copropriété, dénommé XXX, exploité par la société HDS Trouville, et dans lequel la société Foncière Soleil Invest est propriétaire de lots.

La société Les Cures Marines souhaite pratiquer dans ses murs privatifs, jouxtant immédiatement le fonds voisin, des ouvertures.

L’assemblée générale des copropriétaires de la résidence XXX a donné son accord, mais aucun acte constitutif d’une servitude de vue n’a été établi.

Agissant en vertu d’une autorisation d’assigner à jour fixe, la société Les Cures Marines, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de mandataire des crédits-bailleurs, a fait assigner le syndicat des copropriétaires de la résidence XXX, la société HDS Trouville et la société Foncière Soleil Invest, pour être autorisée à pratiquer les ouvertures prévues, faute de quoi il s’agirait d’un abus de droit, et obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Le syndicat des copropriétaires a formé une demande reconventionnelle aux fins d’enlèvement des échafaudages posés sur son fonds.

Par jugement du 6 juin 2014, le tribunal de grande instance de Lisieux a :

— déclaré l’action de la société Les Cures Marines recevable en la forme ;

— débouté la société Les Cures Marines de ses prétentions tendant à se voir reconnaître un droit à ouvertures avec servitudes de vue, la convention n’étant pas parfaite ;

— débouté la société Les Cures Marines de sa demande en paiement d’une provision et de sa demande d’expertise ;

— jugé que la société Les Cures Marines dispose d’un droit conventionnel de tour d’échelle pouvant s’appliquer aux murs 5, 6 et 7 du plan, mais ordonné à la société Les Cures Marines de faire retirer les échafaudages posés contre ces murs au plus tard le 15 août 2014, sous peine d’astreinte de 250 euros par jour de retard ;

— condamné la société Les Cures Marines à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au syndicat des copropriétaires la somme de 1800 euros, et aux sociétés HDS Trouville et Foncière Soleil Invest, unies d’intérêt, la somme de 1800 euros.

— condamné la société Les Cures Marines aux dépens.

***

La société Les Cures Marines, en son nom et es qualités, a interjeté appel de ce jugement.

Elle fait valoir que le syndicat des copropriétaires a donné son accord, tant le 15 juillet 2009 que le 10 novembre 2012, pour que les vues soient créées, et que cet accord est parfait, puisqu’il n’existait aucune condition particulière, ou subsidiairement que la condition est défaillie du seul fait du syndicat des copropriétaires. Elle soutient en effet que le procès-verbal d’assemblée générale constitue un titre suffisant, que le projet n’a que très peu évolué entre 2009 et 2012, et qu’il existe une collusion entre le syndicat des copropriétaires, la société HDS Trouville, et la société Foncière Soleil Invest, pour faire échec au projet.

Subsidiairement, elle estime que le comportement du syndicat des copropriétaires caractérise un abus de droit, dans le but de lui nuire et de favoriser la société HDS Trouville. Elle demande donc que cet abus soit sanctionné par une réparation en nature, c’est à dire par l’autorisation de pratiquer les vues, soit à titre subsidiaire par une réparation en argent. Elle chiffre son préjudice aux sommes de 12 784 000 euros (en cas de privation de17 chambres), ou 3 760 000 euros (en cas de privation de 5 chambres), sauf à désigner un expert pour déterminer le préjudice.

Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a dit qu’elle bénéficiait d’une servitude de tour d’échelle lui permettant de placer des échafaudages sur le fonds voisin, mais estime qu’en lui refusant la possibilité de monter ces échafaudages, le syndicat des copropriétaires a commis une faute. Elle sollicite une expertise pour chiffrer son préjudice lié au retard pris dans la réalisation des travaux, et réclame à ce titre une provision de 500 000 euros.

Elle précise que les échafaudages sont aujourd’hui enlevés, et que le syndicat des copropriétaires n’a subi aucun préjudice de ce fait.

Elle ajoute enfin que la société HDS n’a également subi aucun préjudice à raison des travaux, d’autant qu’une expertise avait été ordonnée à titre préventif.

Elle réclame aux intimés 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Le syndicat des copropriétaires soutient que la demande de la société Les Cures Marines tendant à l’autorisation de faire pratiquer des vues dans son mur privatif ne relève pas de l’office du juge, s’agissant d’un litige virtuel, et reviendrait à rendre un arrêt de règlement. Il n’appartient pas en effet à une juridiction de délivrer des autorisations de faire.

Il ajoute que la demande est également irrecevable en raison du défaut de publication de l’assignation, et soutient que les demandes présentées pour la première fois en cause d’appel par la société Les Cures Marines ne sont pas recevables.

Il considère que la société Les Cures Marines n’est pas recevable à soutenir que les procès-verbaux de l’assemblée générale du 15 juillet 2009 valent titre, puisque cette demande n’était pas présentée devant les premiers juges, et ne figurait pas dans la demande d’autorisation d’assigner à jour fixe.

Sur le fond, le syndicat des copropriétaires soutient qu’il n’existe aucun titre permettant la création d’une servitude de vues sur son fonds, et que les autorisations données par l’assemblée générale de constituent pas un tel titre. Il estime qu’aucune convention n’a été signée suite à la première délibération, puisque le projet a été radicalement modifié, ce qui a justifié la seconde délibération. Cette seconde délibération n’a pu être concrétisée puisque la création de la servitude était conditionnée par la signature d’un protocole transactionnel tripartite qui n’a jamais été régularisé.

De surcroît, les assemblées générales de 2009 et 2012 ont été annulées par une assemblée générale de juin 2013, aujourd’hui définitive, de telle sorte qu’aucune régularisation de la situation n’est possible.

Il s’estime fondé à refuser un droit de tour d’échelle à l’effet de réaliser des travaux non autorisés, d’autant que la servitude de tour d’échelle figurant dans un acte de 1983 n’est pas applicable aux cours sur lesquelles l’échafaudage a été monté, et aux deux murs donnant sur le patio et la cour.

Au surplus, le tour d’échelle ne pourrait concerner que l’entretien du mur, et non d’importants travaux de rénovation.

Il en conclut que la société Les Cures Marines a en tout état de cause abusé de son droit en édifiant des échafaudages sur le fonds voisin, en attendant 6 mois pour débuter les travaux, et en laissant l’échafaudage sur place pendant de nombreux mois. Il sollicite 50 000 euros de dommages et intérêts de ce chef.

Il réclame 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

***

XXX soutiennent que la société Les Cures Marines n’est pas recevable à produire des pièces ou soutenir des arguments autres que ceux figurant à l’appui de la requête aux fins d’assignation à jour fixe. Les pièces 25 à 39 produites par l’appelante doivent donc être rejetées.

Elles rappellent que la servitude conventionnelle de tour d’échelle ne permettait la pose d’échafaudage que pour permettre la réhabilitation des murs, et non pour procéder à des percements, au surplus prohibés.

Elles soutiennent également que la demande tendant à être autorisé à pratiquer des vues dans les murs est une action 'provocatoire’irrecevable, en ce qu’il est demandé au juge de trancher par anticipation un litige éventuel.

Subsidiairement, sur le fond, la société Foncière Soleil Invest sollicite sa mise hors de cause, n’étant pas concernée par le litige et ne pouvant être responsable des décisions prises ou non par le syndicat ou le syndic, puisqu’elle n’est qu’un copropriétaire parmi d’autres.

La société HDS Trouville s’associe aux observations du syndicat des copropriétaires, conclut à la confirmation du jugement, indique n’avoir commis aucun abus de droit, et s’oppose aux demandes indemnitaires.

Elles réclament chacune à la société Les Cures Marines la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) les moyens de procédure

Les premiers juges ont parfaitement estimé qu’aucune disposition du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière n’imposait de faire procéder à la publication d’une assignation tendant à voir reconnaître l’existence d’une servitude de vue ou d’un droit de tour d’échelle.

La société Les Cures Marines a agi selon la procédure à jour fixe devant le tribunal et, comme l’ont souligné les premiers juges, a respecté les dispositions des articles 788 et suivants du code de procédure civile.

En cause d’appel, elle agit selon la procédure ordinaire et non selon la procédure à jour fixe.

Il lui est dès lors loisible de produire en appel de nouvelles pièces ou de présenter des moyens nouveaux qui ne figuraient pas dans l’assignation initiale devant le tribunal, sous les seules réserves d’une part qu’ils aient pu être contradictoirement débattus (ce qui est le cas), et d’autre part que les règles relatives aux demandes nouvelles énoncées aux articles 564 et suivants du code de procédure civile soient respectées.

Les demandes présentées par la société Les Cures Marines en cause d’appel tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance, même si leurs fondements juridiques peuvent être différents et si le montant des indemnisations réclamées a été fortement réévalué et complété.

Il n’existe donc aucune irrégularité ou irrecevabilité de ce chef.

La société Les Cures Marines demande à la cour de dire que la copropriété de la résidence XXX l’a autorisée à pratiquer des ouvertures et à créer des vues sur le fonds voisin. Il ne s’agit nullement de délivrer une autorisation de faire, ou de rendre un arrêt de règlement, ou de trancher un litige par anticipation. Il s’agit bien d’un litige né et actuel, qui suppose d’apprécier l’existence ou la validité de l’autorisation donnée. La fin de non recevoir tirée du caractère 'provocatoire’ de l’action doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Dès lors qu’il est reproché un comportement fautif à la société Foncière Soleil Invest, à qui il est réclamé une provision sur dommages et intérêts, il n’y a pas lieu de mettre hors de cause cette société.

2) la servitude de vue

Il résulte des articles 675 et suivants du code civil qu’un propriétaire ne peut pratiquer dans un mur non mitoyen joignant immédiatement la propriété d’autrui, des vues donnant sur ce fonds voisin.

Cette règle trouve néanmoins exception s’il a été constitué une servitude de vue entre ces fonds.

Conformément à l’article 690 du code civil, une telle servitude, continue et apparente, ne peut s’acquérir que par titre ou par la possession de trente ans. La possession trentenaire n’étant pas invoquée, il reste à rechercher s’il a été conclu entre les propriétaires un acte valant titre qui, par sa nature, est propre à établir le droit de servitude.

La société Les Cures Marines se prévaut en l’espèce d’une autorisation donnée par le syndicat des copropriétaires de la résidence XXX.

Il apparaît en effet que, par délibération du 15 juillet 2009, le syndicat des copropriétaires a donné son autorisation 'pour la création d’ouvertures sur le patio'. Selon les plans et projets annexés, il s’agissait bien de permettre des ouvertures donnant directement sur le fonds voisin.

Cette résolution n’a cependant jamais été suivie d’effet : aucun acte authentique n’a été établi, aucune publicité n’a été faite.

En tout état de cause, cette autorisation est devenue caduque dès lors que le projet initial a été profondément remanié. En effet, un permis de construire modificatif a été sollicité en 2010, tendant notamment à la création de nouvelles ouvertures par rapport à celles prévues initialement. Ceci explique que l’assemblée générale des copropriétaires a été amenée à délibérer une nouvelle fois sur cette question le 10 novembre 2012.

A cette date, l’assemblée générale a 'confirmé son autorisation pour la création de vues sur le patio', selon le plan joint, différent de celui annexé au procès-verbal d’assemblée générale du 15 juillet 2009. Les copropriétaires ont donné tout pouvoir au syndic pour régulariser l’acte authentique de constitution des servitudes, et ont pris acte 'que ces décisions sont pendantes à la signature d’une convention ayant valeur de transaction', jointe à la convocation de l’assemblée générale. Cette transaction avait pour objet l’organisation du chantier de manière à éviter les nuisances. L’assemblée générale a approuvé les termes de cette convention et a autorisé le syndic à la signer.

Il est constant que le syndic n’a finalement ni régularisé l’acte authentique constitutif de la servitude, ni signé le protocole transactionnel préalable.

On ne peut considérer que la seule autorisation donnée par la copropriété pour la création de vues équivaut à un titre constitutif de la servitude, lequel devait être régularisé par acte authentique.

De surcroît, cette autorisation était subordonnée à la réalisation d’une condition, à savoir la signature d’un protocole transactionnel. Or, ce protocole n’a jamais été régularisé par l’ensemble des parties.

S’il est curieux que le syndic ait refusé de signer ce protocole alors qu’il était mandaté pour ce faire par l’assemblée générale -étant cependant rappelé que seuls les copropriétaires pourraient reprocher ce fait au syndic-, on remarque que le protocole devait également, pour être valable, être signé par la société HDS, exploitant l’hôtel, qui pouvait à sa guise l’accepter ou refuser de le signer, sans que cela constitue un abus de droit de sa part.

Il apparaît de fait que c’est en raison d’un litige sur l’implantation de la base de vie du chantier, située à proximité de l’hôtel et susceptible de nuire à son image commerciale, que la société HDS a refusé de signer ce protocole.

On ne peut donc considérer que l’absence de ratification de la transaction tripartite procède d’une faute ou d’un abus de droit tant du syndic de la copropriété que de la société HDS, ou que ceux-ci soient responsables de la défaillance de la condition.

De même, ne peut être qualifié d’abus de droit le refus par le syndic de régulariser l’acte authentique constitutif de la servitude de vue, dès lors qu’il était expressément prévu la signature préalable d’un protocole transactionnel qui n’a jamais pu être établi, notamment du fait d’un tiers.

La preuve d’une collusion frauduleuse entre la copropriété et la société HDS n’est nullement rapportée.

De fait, la société Les Cures Marines a admis par un courrier du 20 février 2013 adressé au syndic de la copropriété, que le projet était caduc du fait des nouvelles demandes de la société HDS.

En conséquence, en l’absence de titre constitutif d’une servitude de vue, la société Les Cures Marines n’est pas fondée à solliciter l’autorisation de pratiquer les vues litigieuses, et le jugement sera confirmé.

Les demandes indemnitaires et la demande d’expertise s’avèrent en conséquence sans objet.

3) le tour d’échelle

Le tour d’échelle permet au propriétaire d’un fonds de passer, en cas de nécessité, sur la propriété voisine pour effectuer sur son immeuble des réparations ou travaux indispensables.

Il peut être institué par un titre, auquel cas il s’agit d’une véritable servitude. Mais, même en l’absence de titre, les obligations normales de voisinage permettent à un propriétaire de passer temporairement sur le fonds voisin pour effectuer des travaux, sans qu’il y ait reconnaissance d’une servitude.

Il résulte en l’espèce d’un acte du 4 mars 1983, emportant vente par la ville de Trouville (aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Les Cures Marines) à la SCI Hôtelière du Casino de Trouville (aux droits de laquelle vient aujourd’hui la copropriété de l’immeuble le Beach Hôtel), que 'le vendeur conserve son droit de tour d’échelle pour tous travaux qu’il y aurait à faire aux autres bâtiments contigus à celui loué et dont il reste propriétaire.' Tant le règlement de copropriété de la résidence du Beach Hôtel que le contrat de bail à construction conclu entre la commune et la société Les Cures Marines, reprennent cette clause.

La société Les Cures Marines pouvait donc légitimement poser des échafaudages sur le fonds voisin pour réaliser des travaux sur sa propriété, contigüe à celle de la résidence du Beach Hôtel, peu important qu’il s’agisse de travaux d’entretien ou de travaux de rénovation plus conséquents.

Les premiers juges ont à bon droit estimé que cette servitude n’autorisait pas pour autant la société Les Cures Marines à laisser ces échafaudages en place pendant une durée indéterminée.

Si ces échafaudages ont été édifiés pour permettre le percement des fenêtres litigieuses, ce qui n’avait pas lieu d’être, il est justifié qu’ils ont également servi pour permettre des travaux de réhabilitation de l’immeuble, et notamment son ravalement.

Considérant que la société Les Cures Marines a annoncé la fin de ces travaux pour le 30 juin 2014, le tribunal pouvait légitimement lui enjoindre de retirer ces échafaudages pour le 15 août 2014, à peine d’astreinte.

Parallèlement, cette situation ne permet pas d’affirmer que la société Les Cures Marines a abusé de son droit en posant ces échafaudages et en les laissant en place pendant la durée des travaux. La copropriété ne justifie au surplus d’aucun préjudice particulier.

Quant à la responsabilité du syndicat des copropriétaires dans le retard pris pour la réalisation des travaux, il est établi que le syndic a refusé à la société Les Cures Marines l’accès à une partie de sa propriété par courrier du 19 octobre 2013, alors que les travaux devaient avoir lieu à compter du 28 octobre 2013. La société Les Cures Marines a obtenu l’autorisation d’apposer les échafaudages par une ordonnance de référé du 12 décembre 2013, de telle sorte que le retard a été d’environ deux mois.

La société Les Cures Marines sollicite l’indemnisation des conséquences financières de ce retard, indiquant avoir dû indemniser les entrepreneurs chargés des travaux, et avoir subi un préjudice financier du fait du retard dans l’ouverture de l’établissement.

Or, d’une part il n’est pas justifié que la date d’ouverture de l’établissement ait été repoussée, et d’autre part il n’est pas plus établi que l’arrêt du chantier pendant deux mois soit uniquement imputable au refus du syndicat des copropriétaires de laisser monter les échafaudages sur sa propriété.

On ne peut de surcroît considérer comme fautif le fait pour les copropriétaires ou l’exploitant de l’hôtel d’avoir refusé la pose d’échafaudages qui devaient également servir pour la création des ouvertures légitimement contestées.

De plus, même si l’existence d’une servitude de tour d’échelle était opposable à l’exploitant et aux copropriétaires du Beach Hôtel, la société Les Cures Marines ne pouvait à sa guise investir le fonds voisin. Le principe de bonne foi dans l’exécution des conventions lui imposait à tout le moins de prévenir le Beach Hôtel de la date de pose des échafaudages, de la durée de cette pose, et de la date d’intervention des entreprises. Or, il n’est pas justifié que cela ait été fait, d’autant qu’à cette période, les relations entre les parties avaient déjà pris une tournure contentieuse.

La faute des intimés n’est donc pas établie et c’est de façon pertinente que les premiers juges ont rejeté les demandes indemnitaires de la société Les Cures Marines ; le jugement sera confirmé, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise.

Il est équitable d’allouer au syndicat des copropriétaires une indemnité complémentaire de 3000 euros en remboursement des frais engagés, à la société HDS et à la société Foncière Soleil Invest chacune une somme de 1000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Lisieux ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Les Cures Marines de ses demandes d’expertise et de provision suite au retard pris pour la réalisation des travaux ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier XXX de sa demande indemnitaire ;

Condamne la SAS Les Cures Marines à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes complémentaires de :

—  3000 euros au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier XXX ;

—  1000 euros à la SARL HDS Trouville ;

—  1000 euros à la SAS Foncière Soleil Invest ;

Condamne la SAS Les Cures Marines aux dépens d’appel, et dit que la SCP Chanut et Maître Duval bénéficieront des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. X D. PIGEAU

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