Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 10 mars 2022, n° 20/00534

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 10 mars 2022, n° 20/00534
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 20/00534
Décision précédente : Tribunal d'instance de Cherbourg, 26 décembre 2019, N° 19/000316
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 20/00534 – ARRÊT N° JB.

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQE2

ORIGINE : DECISION du Tribunal d’Instance de

[…]

en date du 27 Décembre 2019 – RG n° 19/000316

COUR D’APPEL DE CAEN DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 MARS 2022

APPELANTE :

S.A. BNP H I FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA


N° SIRET : 542 097 902

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me France LEVASSEUR, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Laure REINHARD, avocat au barreau de NIMES

INTIMES :

Madame Z X épouse LE Y

née le […] à […]

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

Monsieur B LE Y

né le […] à […]

[…]

[…]

représentés par Me Jonathan MINET, avocat au barreau de CAEN, assistés de Me Samuel HABIB, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE prise en la personne de la S.E.L.A.R.L BAILLY G mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société

NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

DEBATS : A l’audience publique du 10 janvier 2022, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY,


Président de Chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en

a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 10 mars 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article

450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *


Au début du mois de septembre 2012, Monsieur B LE Y et Madame Z LE Y née


X ont été démarchés par téléphone par la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE.


Le 2 août 2012, un agent s’est présenté au domicile des époux LE Y. Ce dernier leur a proposé de déposer une candidature à un programme écologique mis en place par la société EDF et la banque SOLFEA, soumis à sélection.


Le 27 septembre 2012, les époux LE Y ont signé un bon de commande pour l’installation d’une centrale photovoltaïque et un ballon thermodynamique.


Ils ont signé le même jour un contrat de prêt affecté avec la banque SOLFEA pour un montant de 22900 euros correspondant au coût de l’installation.


Le 4 octobre 2012, la BANQUE SOLFEA a informé les époux LE Y de l’acceptation du financement.


L’installation a eu lieu le 18 décembre 2012, mais sans être mise en service.


Le 20 décembre 2012, les époux LE Y étaient destinataires des modalités de financement par


SOLFEA et du tableau d’amortissement.
Le 14 avril 2014, le raccordement de 1'installation a été effectué. Un an après, M. et Mme LE Y ont perçu leurs premiers revenus énergétiques.


Ils constataient que ces revenus ne couvraient pas le remboursements de l’emprunt contracté.


Par jugement du 18 juin 2014, la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE


FRANCE, 'GROUPE SOLAIRE DE FRANCE", était placée en redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire le 12 novembre 2014.


Par acte d’huissier en date du 18 avril 2019, Monsieur B LE Y et Madame Z LE Y née X ont assigné la société […]


FRANCE sous 1'enseigne GROUPE SOLAIRE DE FRANCE et la société BNP H I


FINANCE venant aux droits de la BANQUE SOLFEA devant le Tribunal d’instance aux fins de voir annuler le contrat de vente et le contrat de crédit affecté et voir engager la responsabilité de la société BNP H


I FINANCE.


Par jugement en date du 27 décembre 2019, le tribunal d’instance de Cherbourg-en-Cotentin a :


- déclaré recevables les demandes présentées par Monsieur B LE Y et Madame Z LE


Y née X ;


- prononcé la nullité du contrat conclu le 29 février 2012 entre d’une part la SAS NOUVELLE REGIE DES


JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, 'GROUPE SOLAIRE DE FRANCE", représentée par la


D E M. J., ès qualités de liquidateur judiciaire, et d’autre part, B LE Y et Madame


Z LE


Y née X ;


- constaté la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté, conclu le 12 décembre 2013 entre d’une part, la


SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, et d’autre part,


B LE Y et Madame Z LE Y née X, pour un montant de 21.500 euros ;


- condamné la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, 'GROUPE


SOLAIRE DE FRANCE", représentée par la D E M. J., ès qualités de liquidateur judiciaire, à payer à B LE Y et Madame Z LE Y née X la somme de 4.554 euros, correspondant au devis de remise en état de la toiture, en réparation du préjudice subi ;


- a fixé cette créance de 4.554 euros au passif de la liquidation judiciaire de la SAS NOUVELLE REGIE DES


JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, 'GROUPE SOLAIRE DE FRANCE’représentée par la


D E M. J., ès qualités de liquidateur judiciaire ;


- rejeté les demandes de la SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA


BANQUE SOLFEA, tendant au remboursement du capital prêté et à l’octroi de dommages et intérêts ;


- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;


- condamné in solidum la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE,

'GROUPE SOLAIRE DE FRANCE", représentée parla société E M. J., ès qualités de liquidateur judiciaire, et la SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA,

à régler à B LE Y et Madame Z LE Y née X la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;


- condamné in solidum la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE,

'GROUPE SOLAIRE DE FRANCE", représentée par la D E M. J., ès qualité de liquidateur judiciaire, et la SA BNP H I FINANCE,

venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, au paiement des dépens ;


- ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.


La SA BNP H FINANCE I FRANCE a fait appel du jugement par déclaration du 2 mars

2020.


Dans ses dernières conclusions du 30 novembre 2021, la SA BNP H I FINANCE a fait appel du jugement par déclaration du 2 mars 2020.


La SA BNP H I FINANCE demande à la cour d’appel de :

- juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par BNP H I FINANCE, venant aux droits de BANQUE SOLFEA, à l’encontre du jugement rendu le 27 décembre 2019 par le Tribunal d’instance de


Cherbourg en Cotentin ;


- réfrormer cette décision en ce que le Tribunal a prononcé l’annulation des contrats et retenu une faute du prêteur, le privant de son droit au capital prêté ;


Statuant à nouveau ;


Vu l’article 2224 du Code civil


- juger irrecevable l’action des époux LE Y visant à voir prononcer la nullité du contrat principal de vente, et partant du contrat de crédit ;


- juger irrecevable l’action des époux LE Y visant à voir reconnaître la responsabilité du prêteur et ainsi à le voir privé de son droit à restitution du capital prêté ;


Subsidiairement,


Vu les articles L. 110-1 et suivants du code de commerce


- juger que les contrats de par leur objet ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation ;


Par conséquent,


- débouter les époux LE Y de toute demande sur le fondement de ces dispositions ;


A tout le moins ;


- juger n’y avoir lieu à faire applicable des dispositions relatives au démarche à domicile


Par conséquent,


- débouter les époux LE Y de l’intégralité de leurs demandes


Plus subsidiairement, en cas d’application de ces dispositions ;


- juger n’y avoir lieu à prononcer l’annulation des contrats sur le fondement de ces dispositions ;


- juger n’y avoir lieu à prononcer l’annulation des contrats sur le fondement du dol et de l’absence de cause ;
Par conséquent,


- débouter les époux LE Y de l’intégralité de leurs demandes ;


A titre infiniment subsidiaire, en cas d’annulation des contrats


- juger que BANQUE SOLFEA, aux droits de laquelle vient BNP H I FINANCE n’a commis aucune faute ;


- juger que Monsieur et Madame LE Y ne justifient pas de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité à l’égard du prêteur ;


Par conséquent,


- juger que les époux LE Y ont remboursé le crédit par anticipation ;


- juger que BNP H I FINANCE conservera le bénéfice du capital anticipé remboursé par anticipation ;

- juger que BNP H I FINANCE, venant aux droits de BANQUE SOLFEA, devra rembourser aux époux LE Y les sommes perçues (or capital prêté), après justification par ces derniers de la résiliation du contrat auprès d’EDF, de la restitution des sommes perçues au titre du contrat de revente, ainsi que de la restitution au Trésor des crédits d’impôts perçus ;


- débouter Monsieur et Madame LE Y de toute autre demande, fin ou prétention ;


En tout état de cause,


- condamner solidairement Monsieur B LE Y et Madame Z X épouse LE


Y à porter et payer à BNP H I FINANCE une indemnité à hauteur de 2500 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et

d’appel.


Dans leurs dernières conclusions du 17 novembre 2021, Monsieur B C et Madame Z LE


Y, intimés, ayant formé un appel incident, demandent à la cour d’appel de :


- confirmer le jugement du Tribunal d’instance de Cherbourg du 19 décembre 2019 en ce qu’il a :


- déclaré recevables les demandes présentées par Monsieur B LE Y et Madame Z


X épouse LE Y,


- prononcé la nullité du contrat conclu le 29 février 2012 entre d’une part la SAS NOUVELLE REGIE DES


JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, « GROUPE SOLAIRE DE FRANCE », représentée par la


D E G, ès qualités de liquidateur judiciaire, et d’autre part, Monsieur B LE Y et

Madame Z X épouse LE Y,


- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 12 décembre 2013 entre d’une part, la


SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, et d’autre part,

Monsieur B LE Y et Madame Z X épouse LE Y pour un montant de

21.500 euros,


- rejeté les demandes de la SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA


BANQUE SOLFEA, tendant au remboursement du capital prêté et à l’octroi de dommages et intérêts,
- condamné in solidum la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, «


GROUPE SOLAIRE DE FRANCE », représentée par la D E G, ès qualité de liquidateur judiciaire et la SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA,

à régler à Monsieur B LE Y et Madame Z X épouse LE Y la somme de

1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné in solidum la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, «


GROUPE SOLAIRE DE FRANCE », représentée par la D E G,ès qualités de liquidateur judiciaire et la SA BNP H I FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA au paiement des dépens. »


Réformant pour le surplus et statuant à nouveau,


- dire les demandes de Monsieur et Madame LE Y recevables et les déclarer bien fondées ;


- débouter la société BNP H I FINANCE venant aux droits de la banque SOLFEA de

l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;


- ordonner le remboursement par la société BNP H I FINANCE venant aux droits de


BANQUE SOLFEA des sommes qui lui ont été versées par Monsieur et Madame LE Y, au jour du jugement à intervenir, à savoir la somme de 31.630,71 euros ;

- Si la Cour venait à infirmer le Jugement en ce qu’il a privé la Banque de sa créance de restitution,


A titre subsidiaire:


- condamner la société BNP H I FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA à verser aux époux LE Y, la somme de 31.600 euros, à titre de dommage et intérêts, sauf à parfaire, au titre de leur préjudice causé par la négligence fautive de la banque.


A titre infiniment subsidiaire :


- prononcer la déchéance du droit de la BNP H I FINANCE venant aux droits de


SOLFEA aux intérêts du crédit affecté ;


En conséquence,


- condamner la société BNP H I FINANCE venant aux droits de la Banque SOLFEA à rembourser aux époux LE Y les intérêts indûment perçus ;


En tout état de cause,


- condamner la société BNP H I FINANCE venant aux droits de SOLFEA, à verser à

Monsieur et Madame LE Y la somme de :


- 4.554,00 euros, au titre de leur préjudice financier, sauf à parfaire,•


- 3.000,00 euros au titre de leur préjudice économique et leur trouble de jouissance,•


- 4.000,00 euros au titre de leur préjudice moral ;•


- condamner la société BNP H I FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA à verser aux époux LE Y, la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,


- condamner la société BNP H I FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA au paiement des entiers dépens.


L’ordonance de clôture a été rendue le 15 décembre 2021.


Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

SUR CE, LA COUR,


- Sur la prescription de l’action en nullité pour irrégularité du contrat


La société BNP H I FINANCE soutient que l’action des époux LE Y est prescrite dès lors que le point de départ de l’action en nullité pour irrégularité formelle d’un contrat se situe au jour où

l’acte a été passé, que les dispositions du code de la consommation étaient reproduites au sein des conditions générales et étaient donc connues des époux LE Y puisque lisibles et compréhensibles par un consommateur profane.

Monsieur et Madame LE Y font valoir que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et que ce délai en l’espèce devait courir à compter de la date de la première facture de production ou à titre subsidiaire à tout le moins à partir de la date du raccordement au réseau s’agissant d’un contrat de services à exécutions successives.


Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.


Les époux LE Y invoquent l’article L 121-23 du code de la consommation applicable à la date du contrat aux démarchages à domicile qui dispose que :


Les opérations visées à l’article L 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou

d’exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.


Ils soutiennent que le contrat qu’ils ont signé ne respectait pas ces dispositions en ne désignant pas de manière précise la nature et les caractéristiques des marchandises ou objets offerts ou services proposés, en ne précisant pas les conditions d’exécution du contrat et les délais de mise en service des panneaux photovoltaïques, en ne précisant pas les conditions relatives au paiement, en mentionnant des informations contradictoires sur la garantie, en ne précisant pas le nom du démarcheur, en rendant difficile l’utilisation du bon de rétractation qui s’il était utilisé amputait une partie du contrat.


Au vu du fondement de la demande en nullité du contrat, à savoir le non respect des prerscriptions de l’article


L121-23 du code de la consommation, le point de départ de la prescription est la date de l’acte argué de nullité sauf à ce que les époux LE Y démontrent qu’ils étaient dans l’impossibilité d’agir et qu’ils ignoraient

l’existence de leurs droits.


Ce ne peut être la première facture de production ou le raccordement au réseau qui a permis aux époux LE


Y de connaître leurs droits en la matière, ces éléments étant sans relation avec les faits invoqués au soutien de la demande en nullité


Il résulte des pièces versées aux débats que le contrat signé par Monsieur et Madame LE Y le 27 septembre 2012 contient des conditions générales de vente qui reprennent à leur article 6 les dispositions des articles L121-23 à L 121-26 du code de la consommation.


Ces mentions permettent à un consommateur normalement attentif de confronter les dispositions légales reproduites avec celles de son contrat et ainsi déceler les vices qui affectent le contrat dès la conclusion de celui-ci. (1re Civ., 9 décembre 2020, pourvoi n°18-25.686)


Le contrat a été conclu en l’espèce le 27 septembre 2012.


L’assignation en justice a été délivrée le 18 avril 2019 soit plus de cinq ans après la conclusion du contrat.


L’action en nullité du contrat fondée sur le non respect des dispositions de l’article L121-23 du code de la consommation est donc prescrite.


Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.


- Sur la prescription de l’action en nullité pour dol


La société BNP H I FINANCE argue de la prescription de l’action en nullité pour dol,

s’agissant du caractère définitif du contrat, de l’absence de précision sur les délais de raccordement, sur

l’autofinancement, sur le partenariat prétendument mensonger, sur l’obligation d’information au regard des irrégularités du bon de commande, tous ces éléments étant connus des époux LE Y plus de 5 ans avant l’assignation délivrée le 18 avril 2019.

Monsieur et Madame LE Y soutiennent que c’est le jour où ils ont perçu leurs premiers revenus énergétiques qu’ils se sont rendus compte du dol.


L’article 1304 du code civil, dans sa version applicable au moment de la conclusion du contrat, dispose que :


Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.


Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.


Il sera constaté qu’il n’est pas fait mention d’une nullité du contrat pour défaut de cause.


Concernant le dol, il est invoqué :


- l’absence d’information sur les caractéristiques essentielles du contrat vendu, de nombreuses mentions ne figurant pas sur le bon de commande ;
- la mention fausse de partenariat avec EDF ou ERDF ;


- la présentation fallacieuse de la rentabilité de l’installation ;


- des agissements dolosifs s’agissant de la présentation de l’objet de l’ensemble contractuel et de son caractère définitif.


S’agissant des mentions ne figurant pas sur le bon de commande, la demande de Monsieur et Madame LE


Y a été déclarée prescrite.


S’agissant de l’objet du contrat, du financement par un prêt, sur les conditions de paiement, les époux LE


Y ont été avisés des conditions du crédit lors de la souscription du crédit le 27 septembre 2012, le 4 octobre 2012 ils ont été informés que leur demande de prêt était accordée (courrier de SOLFEA) et le 20 décembre 2012, le tableau d’amortissement reprenant toutes les informations sur le crédit et notamment le montant des intérêt leur a été communiqué.


Toute action en nullité sur ces points était donc prescrite à la date de l’assignation du 18 avril 2019.


Sur le fait soulevé qu’ils auraient été trompés sur l’autofinancement du projet par la vente de l’éléctricité à


EDF, il doit être considéré que les époux LE Y ont connu le montant du rendement de leur installation lors de la première facture du 13 avril 2015.


Ils indiquent qu’ils ont su que la société Groupe Solaire de France faisait état de faux partenariat après avoir reçu les courriers d’ERDF du 12 juin 2015 et d’EDF à une date postérieure ( date non précisée dans le courrier mais postérieure au 14 octobre 2016).


Sur ces points, l’action en nullité pour dol sera jugée non prescrite et recevable.


- Sur le dol


La société BNP H I FINANCE conteste l’existence de manoeuvres frauduleuses pour déterminer les époux LE Y à contracter. Elle soutient qu’aucune intention n’est démontrée.

Monsieur et Madame LE Y font valoir que pour les conduire à contracter il a été fait état de faux partenariats avec EDF et ERDF et qu’il leur a été fait une présentation fallacieuse de la rentabilité de

l’opération qui était un élément déterminant de leur engagement.


L’article 1116 du code civil, applicable au moment de la conclusion du contrat édictait que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.


Il ne se présume pas et doit être prouvé.


En l’espèce, il résulte du contrat qu’il n’est fait aucune référence à EDF. La plaquette publicitaire ne fait pas plus mention d’un partenariat avec EDF.


Le contrat de septembre 2012 fait état de GDF SUEZ DOLCE VITA comme partenaire.


La société BNP indique que la société Groupe Solaire de France proposait à la vente des matériels de marque


CLIPSOL, marque de GDF SUEZ., comme cela apparaît d’ailleurs sur le bon de commande.Cet élément n’est pas contesté par les époux LE Y.


Il apparaît également à la lecture du bon de commande que les chaudières à condensation étaient mises en service par SAVELYS GDF SUEZ.
La mention de partenaire n’était donc pas mensongère et le courrier de la société ERDF daté de juin 2015 qui indique qu’elle n’a pas de partenariat avec les installateurs de panneaux photovoltaïques ne remet pas en cause ces éléments


En tout état de cause, il ne pouvait y avoir de doute sur l’identité du co-contractant.


Il n’est pas de surcroît démontré que les époux LE Y n’auraient pas contracté sans la mention de ce partenariat.


La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque qu’à la condition que les parties l’aient faite entrer dans le champ contractuel.


En l’espèce, le contrat ne fait aucune référence à la rentabilité de l’opération, ce qui ne relève pas de

l’obligation d’information du vendeur. Il n’est pas démontré que le vendeur se serait engagé sur une rentabilité particulière.


Les époux LE Y ne justifient d’aucune information sur ce point donnée par le vendeur qui se serait révélée inexacte étant rappelé que le prix de l’électricité est soumis à variations et dépend d’éléments aléatoires.


La mention ' panneaux photovoltaïques garantie de rendement à hauteur de 90 % pendant 25 ans’ fait référence à la production d’éléctricité par l’installation pendant 25 ans et n’est pas liée à l’existence d’un financement.


La rentabilité de l’opération peut s’apprécier non pas par rapport à la durée du prêt mais par rapport à la longévité de l’installation.


Les époux LE Y ne justifient pas non plus qu’ils se sont engagés à partir de chiffres de rentabilité que le vendeur leur aurait donnés à partir d’une étude chiffrée correspondant à leur installation et présentant un caractère fallacieux.


Ils ne soutiennent pas d’ailleurs avoir fait une quelconque demande sur ce point.


La plaquette publicitaire dont il est fait état mentionne : 'un système d’autofinancement a été pensé avec notre partenaire la banque SOLFO, pour vous aider à financer et à amortir votre projet, sans que cela ne s’en ressente dans votre budget au quotidien. Cet autofinancement se fait d’une part par le biais d’aides octroyées par l’Etat lesquelles se manifestent par un crédit d’impôt et d’autre part par le biais des revenus générés par la vente à EDF de l’électricté que vous produisez.'


Suivant la région, il est fait état d’un revenu entre 1000 et 4800 euros par an et il est précisé ' tout dépend de la puissance et le nombre de m2 que vous pouvez installer sur votre toit.'


Ces mentions non contractuelles sont trop générales pour pouvoir être considérées comme déterminantes dans

l’engagement des époux LE Y alors que ceux-ci devaient de surcroit rembourser une somme de

2786,28 euros par an bien supérieure aux 1000 euros dont il est fait état.


Au vu de ces éléments, il n’est pas démontré de manoeuvres dolosives de la part du vendeur, ni que la rentabilité de l’opération par rapport au crédit contracté était un élément déterminant du contrat pour les époux


LE Y.


La demande en nullité du contrat de vente pour dol sera donc rejetée.


- Sur la mise en cause de la responsabilité de la banque
La société BNP invoque la prescription de la demande et conteste au fond toute faute de sa part notamment par rapport à la libération des fonds qui ont eu lieu à la demande des emprunteurs qui avaient signé

l’attestation de fin de travaux . Elle précise que le coût du raccordement et des démarches en vue des autorisations administratives n’était de surcroit pas intégré dans le bon de commande et n’était donc pas financé par le crédit.

Monsieur et Madame LE Y font valoir que la banque a engagé sa responsabilité :


- en octroyant un crédit accessoire à un contrat nul ;


- en participant au dol de son prescripteur ;


- en manquant à ses obligations en sa qualité de dispensateur de crédits en ne faisant pas apparaître le coût total du crédit et en ne consultant pas le FICP ;


- en libérant les fonds avant l’achèvement de l’installation, le raccordement ayant eu lieu en l’espèce postérieurement à la signature du procès-verbal de réception des travaux et la banque ne pouvant se prévaloir de l’attestation de livarison pour s’exempter de sa responsabilité.


Les moyens relatifs à l’octroi d’un crédit accessoire d’un contrat nul et à la participation de la banque à des manoeuvres dolisives seront écartés au vu des développements ci dessus.


Concernant un manquement de la banque à ses obligations d’information, de mention du coût du crédit et de consulation du FICP, il y a lieu de considérer que l’action en responsabilité formée à ce titre est prescrite, le contrat de crédit ayant été conclu le 27 septembre 2012 et les fonds ayant été débloqués au plus tard le 10 janvier 2013, date de la première échéance.


Concernant la libération des fonds, ils ont eu lieu après l’attestation de fins de travaux du 18 décembre 2012 signée par les emprunteurs.


L’action en responsabilité intentée à ce titre par les époux LE Y est donc prescrite.


Il est précisé dans ce document que le prêt ne finance pas le raccordement au réseau et les autorisations administratives éventuelles.


Il résulte effectivement du contrat que la somme de 22900 euros comprend le coût de la fourniture, la livraison et pose de la centrale photovoltaïque et du ballon thermodynamique.


Les démarches administratives et le raccordement ne sont pas facturés et n’apparaissent pas inclus dans le prix du contrat financé par le contrat de crédit.


Ces opérations étant exclues du contrat de crédit, la banque n’avait pas l’obligation de vérifier leur accomplissement avant de libérer les fonds.


L’attestation précise bien que cette attestation de fin de travaux a pour conséquence de demander à la banque de payer le montant du crédit au vendeur et les époux LE Y n’ont pu se méprendre sur ce point.


Au vu de ces éléments, Monsieur et Madame LE Y seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ou encore de leur demande de déchéance du droit aux intérêts.


Il n’apparaît pas inéquitable que Monsieur et Madame LE Y, qui succombent en leurs prétentions, supportent leurs frais irrépétibles.


Ils seront déboutés de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable que la société BNP H PERSONEL FINANCE supporte ses frais irréptibles.

Monsieur et Madame LE Y seront condamnés solidairement à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur et Madame LE Y seront condamnés solidairement aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR


Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe ;


INFIRME le jugement déféré ;


Statuant à nouveau et y ajoutant ;


JUGE irrecevable l’action en annulation du contrat principal de vente et partant en annulation du contrat de crédit ;


JUGE irrecevable l’action en annulation du contrat principal de vente et partant en annulation du contrat de crédit pour dol s’agissant des mentions ne figurant pas sur le bon de commande, de l’objet du contrat, du financement par un prêt, des conditions de paiement ;


JUGE recevable l’action en annulation du contrat principal de vente et partant en annulation du contrat de crédit pour dol pour le surplus ;


DEBOUTE Monsieur LE Y et Madame LE Y de leur demande d’annulation des contrats pour dol ;


JUGE irrecevale l’action en responsabilité de la banque engagée par Monsieur et Madame LE Y ;


DEBOUTE Monsieur LE Y et Madame LE Y de l’ensemble de leurs demandes ;


CONDAMNE solidairement Monsieur LE Y et Madame LE Y à payer à la société BNP


H I FINANCE la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


CONDAMNE solidairement Monsieur LE Y et Madame LE Y aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

[…]
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Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 10 mars 2022, n° 20/00534