Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 2 novembre 2010, n° 10/00428

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 2 nov. 2010, n° 10/00428
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 10/00428
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Annecy, 26 janvier 2010
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE CHAMBERY

CHAMBRE SOCIALE

AFFAIRE N° : 10/00428 VCF/MFM

M. Z X C/ F B C

ARRÊT RENDU LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX

APPELANT :

Monsieur Z X

XXX

XXX

Comparant en personne assisté de Maître Paul DARVES-BORNOZ (avocat au barreau d’ANNECY)

INTIMEE :

F B C

XXX

XXX

74961 CRAN-Y CEDEX

Représentant : Maître GAUTIER, de la SELARL CAPSTAN (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 30 Septembre 2010 avec l’assistance de Madame ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :

Monsieur GREINER, Conseiller faisant fonctions de Président, qui s’est chargé du rapport,

Monsieur GROZINGER, Conseiller

Madame CAULLIREAU-FOREL, Conseiller

********

M. Z X a été engagé par la F B C, sise à CRAN Y à compter du 1er avril 1976.

Le dernier poste qu’il a occupé était celui de responsable d’unité de production, son statut étant celui d’un cadre, position II au coefficient 114.

Les relations contractuelles sont notamment régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 22 juin 2006, M. X sera élu délégué du personnel suppléant pour une durée de 4 ans.

Après une première restructuration à l’automne 1999, l’entreprise qui enregistrait des pertes, a, au début de l’année 2007, fait l’objet d’une nouvelle organisation. En raison de la suppression de postes, dont 4 de responsables d’atelier, des licenciements ont été envisagés dont celui de M. X ; un plan de sauvegarde de l’emploi, prévoyant notamment la création de 4 postes de superviseurs de production, a été élaboré.

Le 29 mai 2007, M. X était convoqué à un entretien préalable pour le 8 juin 2007, date à laquelle trois offres de reclassement lui ont été soumises, offres qu’il a refusées le 17 juillet 2007 notamment au motif que les postes proposés étaient tous sis au-delà du bassin annécien.

Le 26 juillet 2007, une 4e offre de reclassement lui était vainement faite sur un poste de cadre sis à LA VERPILLIERE (38).

A compter du 30 juillet 2007, il était dispensé d’activité avec maintien de son salaire.

Du 17 août au 16 septembre 2007, il subissait un premier arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactif à sa situation professionnelle.

Le 27 septembre 2007, le comité d’entreprise émettait un avis favorable au licenciement de M. X.

Le 23 novembre 2007, la F B C soumettait à M. X une 5e proposition de reclassement sur un poste de technicien support production à CRAN Y, lui laissant un délai de 6 semaines pour l’accepter ou la refuser.

Le 6 décembre 2007, l’inspecteur du travail, que la société avait saisi le 4 octobre 2007, refusait l’autorisation de licencier M. X au motif qu’elle n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement.

Le 20 décembre 2007, la F B C lui confirmait qu’il était maintenu en dispense d’activité avec maintien de son salaire.

Le 26 décembre 2007, il refusait l’offre de reclassement du 23 novembre précédent.

Une seconde procédure de licenciement était engagée le 10 janvier 2008, date à laquelle il était convoqué à un entretien préalable pour le 21 janvier 2008.

Le comité d’entreprise devait donner son avis lors de la réunion du 22 janvier 2008, organisée à cet effet.

Suite à l’ajournement de cette réunion, cette procédure n’a pas été menée à son terme.

Le 21 mars 2008, M. X, toujours en dispense d’activité, se voyait proposer un poste de superviseur de production, de nuit, qu’il refusait le 2 mai 2008, au motif qu’il était incompatible avec son état de santé, fait confirmé par le médecin du travail qui, le 26 juin 2008, le déclarait inapte à ce poste en raison de ses contraintes d’horaires.

Fin 2009, l’entreprise engageait un nouveau plan de restructuration, conduisant à la suppression de 91 emplois sur les 192 qu’elle comptait encore, dont 4 postes de superviseurs.

Le 17 juin 2009, M. X a saisi la juridiction prud’homale :

— d’une demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail induisant toute une série de demandes indemnitaires,

— et d’une demande tendant au paiement de divers rappels de salaires ou accessoires.

Par jugement rendu le 27 janvier 2010, le Conseil de Prud’hommes d’ANNECY déboutait M. X de toutes ses demandes et le condamnait aux dépens, sans faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la F B C.

Le 23 février 2010, M. X interjetait appel de ce jugement.

Le 28 avril 2010, il était désigné délégué syndical CFDT.

Aux termes des écritures des parties, reprises oralement à l’audience et auxquelles, conformément aux articles R. 1451-1 du code du travail et 455 du code de procédure civile, il est fait référence pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés, il est demandé à la Cour :

— par M. X : cf conclusions reçues au greffe les 14 juin et 23 septembre 2010 :

— d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— de prononcer aux torts de la F B C la résolution judiciaire de son contrat de travail, celle-ci ayant notamment manqué à son obligation de lui fournir du travail et modifié sans son accord ses conditions de travail, ce qui a d’ailleurs eu des conséquences sur l’exercice de ses mandats,

— en conséquence, cette résolution produisant les effets d’un licenciement sans autorisation administrative préalable et sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 19.213,80 € d’indemnité conventionnelle de préavis, outre 1.921,38 € de congés payés y afférents,

* 62.444,88 € d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 17.000 € au titre de l’indemnité supra-légale prévue par le PSE de 2007,

* 7.606 € nets d’indemnité pour perte du congé de reclassement,

* 75.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 41.629,90 € de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur attaché à sa nouvelle fonction de délégué syndical,

— de condamner par ailleurs la F B C à lui payer les sommes suivantes dont il a été indument privé :

* 738,97 € au titre de 5 jours de congés payés déduits en décembre 2007,

* 1.625,69 € au titre des congés payés déduits en décembre 2008,

* 1.330 € au titre des indemnités de transport de juillet 2007 à septembre 2010,

* 1.386,30 € au titre des indemnités forfaitaires kilométriques de 2008 à 2010,

— de condamner enfin la société F C aux entiers dépens et à lui payer une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

— par la F B C : cf conclusions reçues au greffe le 26 août 2010 :

— de confirmer le jugement déféré, aux motifs que M. X n’est fondé à obtenir ni le paiement de rappels de salaire et accessoires, ni le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat,

— subsidiairement sur ce second point, de le débouter ou de réduire le montant de certaines des indemnités qu’il réclame,

— en tout état de cause, de le condamner aux dépens d’appel et à lui servir une indemnité de 1.500 € au titre de ses frais irrépétibles.

SUR CE

— Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

L’essence même du contrat de travail emporte pour l’employeur l’obligation de fournir du travail à son salarié.

Or, en l’espèce, la F B C a délibérément manqué à cette obligation, pendant plus de trois ans, son attitude constituant une double faute dans la mesure où elle a ainsi modifié les conditions de travail d’un salarié protégé sans son accord.

Il est spécieux de soutenir que sa décision de dispenser son salarié de travailler n’emportait que des conséquences favorables pour lui. C’est faire fi de tous les effets structurants et positifs induits par l’exécution effective d’un travail, dans la vie personnelle de tout salarié. En l’espèce, il est d’ailleurs symptomatique de noter que l’état de santé de M. X a été rapidement affecté, le fait d’être payé à ne rien faire n’étant confortable qu’en théorie car il constitue une mise à l’écart du monde du travail, privant le salarié :

— d’une partie de ses relations et de son rôle social, fait d’autant plus douloureusement ressenti en l’espèce que M. X était délégué du personnel,

— et de la possibilité de maintenir et d’actualiser ses compétences et expérience professionnelles, fait d’autant plus dommageable en l’espèce qu’il va aggraver la réduction du taux d’employabilité de M. X, déjà induite par son âge de 53 ans.

Par ailleurs, la F B C ne peut pas légitimer son attitude par les difficultés économiques qu’elle a rencontrées depuis une dizaine d’années. D’une part, ainsi que cela ressort notamment de la décision de l’inspection du travail du 6 décembre 2007, les similitudes évidentes voire l’identité des fonctions d’un responsable de production et d’un superviseur de production aurait dû la conduire en 2007, à renommer plutôt qu’à supprimer le poste de M. X, voire à le reclasser sur un poste de superviseur que ses compétences lui permettaient manifestement d’occuper puisqu’en mars 2008, elle lui proposait d’exercer cette fonction, dans des conditions toutefois incompatibles avec son nouvel état de santé. D’autre part, et surtout, il était économiquement absurde de payer un cadre en lui imposant d’être improductif.

Enfin, la F B C ne peut pas sérieusement exciper de ce que M. X ne l’aurait jamais mise en demeure de mettre un terme à sa dispense d’activité. La Cour relève d’une part que le conseil de M. X lui avait clairement indiqué dans son courrier du 10 février 2009 que son absence d’activité n’était pas légitime et caractérisait une faute de sa part à son égard. D’autre part, l’absence de mise en demeure ne la dispensait nullement du respect de ses obligations contractuelles. En toute hypothèse, la Cour constate qu’au jour où elle statue, nonobstant la saisine de la juridiction prud’homale qui remonte à plus d’une année, l’intimée n’a pas modifié son comportement.

Au regard de tout ce qui précède, le manquement contractuel de la F B C, sera sanctionné par la résiliation du contrat de travail de M. X, que la Cour prononcera à effet de ce jour.

— Sur les effets de la résiliation prononcée

Elle produit les effets d’un licenciement nul.

Sachant que son salaire mensuel brut est de 3.202,30 €, il est donc fondé à obtenir :

— une indemnité compensatrice de son préavis, dont l’article 27 de la convention collective fixe la durée à 6 mois, eu égard à son âge et à son ancienneté dans l’entreprise : 19.213,80 € outre 1.921,38 € de congés payés y afférents,

— une indemnité de licenciement, égale selon l’article 29 de la convention collective, à 18 mois de salaire : 57.641,40 €, le courriel du 18 décembre 2007 (pièce 36 du dossier de M. X) n’engageant pas la F B C à lui servir une indemnité de licenciement d’un montant de 62.445 €, ce chiffre n’étant qu’un des premiers éléments de simulation des conséquences d’un éventuel licenciement notifié le 31 janvier 2008,

— des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la Cour, conformément à sa demande, fixera à 75.000 € eu égard notamment à son ancienneté et à son âge,

— des dommages-intérêts pour violation du statut protecteur.

Ils se cumulent avec toutes les indemnisations de droit commun évoquées ci-dessus, notamment l’indemnité compensatrice de préavis.

Leur montant est égal à la rémunération qu’aurait perçue M. X entre la date de rupture de son contrat et l’expiration de la période de protection dont il bénéficie à cette date. A ce jour, M. X dont le mandat de délégué du personnel a pris fin le 22 juin 2010 a le statut de salarié protégé jusqu’au 22 décembre 2010, ce en application de l’article L. 2411-5 du code du travail. C’est à tort qu’il soutient également bénéficier, en sa qualité de délégué syndical, du statut protecteur d’une durée de 12 mois à compter de la résiliation, énoncé par l’article L. 2411-3 du code du travail, dans la mesure où ce texte n’est applicable qu’aux délégués syndicaux ayant exercé leurs fonctions pendant au moins un an, condition qu’il ne remplit pas, sa désignation ne remontant qu’au 28 avril 2010.

Au titre de la période comprise entre le 2 novembre et le 22 décembre 2010, il lui sera donc alloué une indemnité de 5.443,90 €.

En revanche, il sera débouté de ses demandes en paiement de sommes auxquelles il n’aurait pu prétendre que s’il avait été licencié pour motif économique, en exécution du plan de restructuration de 2007, étant précisé qu’il ne peut pas en la matière arguer d’une perte de chance, le fait d’être licencié ne pouvant pas être considéré comme plus avantageux que le maintien de son contrat de travail, même dans les conditions de son exécution depuis le 30 juillet 2007.

— Sur les demandes accessoires

La Cour observe liminairement que :

— les premiers juges ont débouté M. X de ces demandes, sans avoir, sur ce point, motiver leur décision,

— les seules pièces dont elle dispose pour statuer sur ces demandes sont les 4 bulletins de paye de l’appelant des mois de décembre 2007, janvier et décembre 2008, et janvier 2009.

* Sur les congés payés.

La F B C a placé M. X en situation de congés payés :

— le 25, du 26 au 28, et le 31 décembre 2007,

— du 17 au 19, du 22 au 24, le 26 et du 29 au 31 décembre 2008,

— le 2 janvier 2009,

soit pendant un total de 16 jours, d’une valeur globale de 2.364,66 €.

Si la F B C rappelle à juste titre qu’il entre dans ses pouvoirs de fixer les jours de congés de ses salariés, il lui appartenait en l’espèce d’adapter l’exercice de ce pouvoir à la situation très particulière de M. X dispensé d’activité, sauf à s’exonérer de l’exécution de bonne foi de son contrat de travail.

Celui-ci ne pouvait profiter de ses congés que dans les trois situations suivantes, où il avait connaissance, et pouvait donc avoir conscience, de ce qu’il était en congés :

— lors des périodes de fermeture de l’entreprise emportant mise en congés de tout le personnel,

— lorsqu’il avait été fait droit par son employeur à une demande de sa part d’être en congés,

— lorsque son employeur avait décidé qu’il le serait, sous réserve qu’il en ait été préalablement informé.

Or, pour les deux périodes considérées des fêtes de fin d’année, il est justifié du fonctionnement des ateliers de production et il n’est nullement allégué d’une quelconque demande de M. X et la F B C n’établit ni avoir averti l’appelant qu’il serait en congés aux dates mentionnées sur ses fiches de salaire, ni même qu’il était d’usage qu’il le soit habituellement à cette époque de l’année.

C’est donc à bon droit que M. X conteste sa mise en congés et réclame le paiement de la somme globale de 2.364,66 € à titre d’indemnité compensatrice des 16 jours litigieux, dont il n’a de fait pas pu bénéficier.

* Sur les indemnités kilométriques et de transport.

Il n’est pas discuté de la nature indemnitaire de ces sommes qui étaient servies pour compenser les frais de transport et de déplacement professionnel effectivement exposés par le salarié.

En l’espèce, comme M. X était dispensé d’activité, il n’exposait pas ces frais.

C’est donc légitimement que :

— sur ses fiches de salaire, il était opéré chaque mois, une déduction au titre des indemnités de transport initialement mentionnées dans la colonne 'gains’ au taux journalier de 1,634 € puis 1,655 €,

— l’indemnité forfaitaire kilométrique annuelle, qui fut de 462,10 € en 2007, ne lui a plus été payée à compter de l’année 2008.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement de la somme globale de 2.716,30 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 27 janvier 2010 par le Conseil de Prud’hommes d’ANNECY,

SAUF en ce qu’il a débouté M. Z X de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

—  2.716,30 € d’indemnités kilométriques et de transport,

—  17.000 € d’indemnité supra-légale de licenciement,

—  7.606 € de dommages-intérêts au titre du congé de reclassement,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce à effet de ce jour la résiliation du contrat de travail de M. Z X aux torts de la F B C,

En conséquence, condamne cette société à lui payer les sommes suivantes :

* 19.213,80 € d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.921,38 € de congés payés y afférents,

* 57.641,40 € d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 75.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.443,90 € de dommages-intérêts pour violation de son statut protecteur,

Condamne en outre la F B C à payer à M. Z X la somme globale de 2.364,66 € d’indemnité compensatrice de congés payés,

Condamne la F B C aux entiers dépens et à payer à M. Z X une indemnité globale de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 2 Novembre 2010 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur GREINER, Conseiller, faisant fonctions de Président, et Madame ALESSANDRINI, Greffier.

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