Cour d'appel de Chambéry, Chambre sociale, 15 décembre 2011, n° 11/00648

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, ch. soc., 15 déc. 2011, n° 11/00648
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 11/00648
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chambéry, 17 février 2011, N° 10/00112

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2011

RG : 11/00648 CB/MFM

D Z C/ SOCIETE FEES H D, SAS OCV CHAMBERY FRANCE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 18 Février 2011, RG F 10/00112

APPELANT :

Monsieur D Z

XXX

XXX

Comparant en personne assisté de Monsieur MICHELLIER, délégué syndical, dûment muni d’un pouvoir

INTIMEES :

SOCIETE FEES H D

XXX

XXX

Représentée par Maître BOUFLIJA, avocat, substituant Maître Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON

SAS OCV CHAMBERY FRANCE

XXX

XXX

XXX

Représentée par Maître GARLASCHELLI Evelyne, avocat, substituant Maître François COCHET, de la SELURL COCHET, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur BILLY, Président de Chambre, qui s’est chargée du rapport

Madame CAULLIREAU-FOREL, Conseiller

Madame IMBERTON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame ALESSANDRINI,

********

Attendu que Monsieur Z a travaillé au service de la SAS B A VETROTEX FRANCE dans le cadre d’un contrat d’insertion, mis à la disposition de celle-ci par la société FEES H D à compter du 28 août 2000, pour diverses missions successives de remplacements de salariés absents ou surcroît d’activité, puis à nouveau à partir du 1er août 2003 ;

Qu’il a à nouveau travaillé pour VETROTEX à compter du 25 novembre 2005 dans le cadre d’un travail temporaire en vertu d’un contrat avec la société SYNERGIE et a été victime d’un accident du travail le 1er décembre 2005 ;

Que, à l’issue de l’arrêt de travail qui s’en est suivi, il a demandé à être intégré dans la SAS OCV CHAMBERY FRANCE, venue aux droits de VETROTEX qu’elle a rachetée, qui lui a répondu par lettre du 10 juillet 2008 qu’elle n’en avait pas la possibilité ;

Que le Conseil de Prud’hommes de Chambéry, par jugement du 26 février 2010, a pris acte de la mise hors de cause de la société SYNERGIE, a dit irrecevables les demandes de Monsieur Z contre FEES H D faute de convocation à l’audience de conciliation, dit la procédure recevable contre OCV CHAMBERY FRANCE et invité Monsieur Z à saisir le Conseil de Prud’hommes pour faire valoir ses droits ;

Qu’il a présenté une nouvelle demande le 9 avril 2010 contre FEES H D et OCV CHAMBERY FRANCE ;

Que le Conseil de Prud’hommes de Chambéry, par jugement du 18 février 2011, a dit les demandes de Monsieur Z irrecevables 'du fait de l’unicité d’instance existant avec l’instance portant le numéro de registre général 08/00279" ;

Qu’il en a interjeté appel par déclaration au greffe de la cour le 16 mars suivant ;

Attendu que, soutenant qu’il devait être inséré dans les effectifs de la SAS B A VETROTEX FRANCE, qu’il n’en a rien été et qu’il lui a été imposé un nouveau contrat d’insertion de 24 mois, qu’il a accepté malgré l’illégalité de cette situation, qu’au bout de 48 mois, il n’a toujours pas été intégré mais qu’FEES H D a continué de lui proposer des missions au sein de la même société, que B A a changé de relais intérimaire à compter du 25 novembre 2005 et traité avec SYNERGIE et que, pour pouvoir continuer à travailler, il a été contraint de signer un contrat avec celle-ci, qu’il n’y a pas eu d’enquête du CHSCT sur son accident du travail (lombalgie aigüe en intervenant pour débloquer une bobine de fil coincée entre la butée et le poussoir), qu’il a présenté une demande d’intégration d’abord à B A qui a refusé puis auprès d’OCV CHAMBERY FRANCE qui a dans la même période transformé 15 contrats temporaires en emplois pérennes, que l’entreprise l’a reçu le 16 juin 2008, lui refusant une assistance, qu’il a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable, qu’il n’a fait qu’appliquer la décision du 26 février 2010, que son arrêt de travail a duré jusqu’au 31 octobre 2006, qu’il a été reconnu travailleur handicapé, Monsieur Z demande de dire sa demande recevable, de condamner la SAS OCV CHAMBERY FRANCE à l’intégrer sans délai dans les effectifs de l’entreprise, de condamner solidairement FEES H D et la SAS OCV CHAMBERY FRANCE à lui payer 1.500 € conformément à l’article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, de réformer le jugement, de condamner solidairement FEES H D et la SAS OCV CHAMBERY FRANCE à lui payer 30.000 € de dommages et intérêts pour non respect des dispositions du contrat temporaire d’insertion et 1.500 € conformément à l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu’expliquant que les contrats, conclus à partir du 10 septembre 2000, essentiellement pour le remplacement de personnel absent, se sont succédé jusqu’au 20 mars 2003, qu’à cette date, FEES H D a conclu avec Monsieur Z un contrat pour le compte de la société SYGMA auquel il n’a pas donné suite semble-t-il et qu’un nouveau contrat de mise à disposition a été conclu le 1er août 2003, puis de nouveaux contrats successifs jusqu’au 29 septembre 2005, qu’il a été à nouveau mis à sa disposition par la société SYNERGIE à compter du 24 novembre 2005 pour remplacer un salarié absent, puis un autre à partir du 1er décembre, qu’après l’accident du travail elle n’a plus eu de ses nouvelles jusqu’à une lettre de la Fnath du 10 décembre 2007 sollicitant des explications, qu’elle a sollicité son intégration par lettre du 19 juin 2008, que le Conseil de Prud’hommes n’a jamais été saisi régulièrement vis à vis I’FEES H D, que l’instance engagée contre OCV CHAMBERY FRANCE s’est terminée sans condamnation contre elle par le jugement du 26 février 2010, et que Monsieur Z a à nouveau engagé une autre instance contre elle, qu’il y a bien une nouvelle instance contrevenant au principe de l’unicité d’instance de l’article R 1452-6 du code du travail, que rien ne justifie la demande de réintégration, qu’aucune demande ne peut être dirigée contre elle au titre de la législation sur le contrat d’insertion et qu’elle n’a commis aucune faute, la SAS OCV CHAMBERY FRANCE conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement au débouté de Monsieur Z ;

Attendu qu’alléguant que le dernier contrat de mise à disposition conclu avec elle a eu pour terme le 29 septembre 2005, que le Conseil de Prud’hommes a justement jugé qu’il s’agit d’une nouvelle demande dérivant du même contrat de travail, que Monsieur Z n’était plus lié avec elle à la date de l’accident du travail, qu’elle ne peut être mise en cause pour une demande qui n’aurait pu être satisfaite, qu’elle n’a pas qualité pour répondre à sa demande, que l’action, introduite pour la première fois le 18 août 2008, est prescrite dès lors que la seconde période de travail a débuté le 1er août 2003, que les contrats conclus en application du dispositif d’insertion sont nécessairement à durée déterminée, qu’il n’a pour objet que de favoriser le retour à l’emploi, la société FEES H D conclut également à la confirmation du jugement, subsidiairement à l’incompétence de la juridiction prud’homale pour connaître des conséquences d’un accident du travail, de dire l’action irrecevable, et de débouter Monsieur Z et de le condamner à lui payer 2.000 € au titre des frais irrépétibles ;

Attendu qu’à l’audience, la Cour a invité les parties à s’expliquer sur la situation de déni de justice résultant des deux jugements rendus par le Conseil de Prud’hommes, alors que ce dernier, par le premier jugement, déclarant recevable la demande de Monsieur Z contre la SAS OCV CHAMBERY FRANCE, l’a néanmoins renvoyé à saisir à nouveau le Conseil de Prud’hommes, le condamnant aux dépens, pour ensuite dire irrecevable sa nouvelle procédure en vertu du principe de l’unicité d’instance ;

Que les parties indiquent que compte tenu de l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, le principe de l’unicité d’instance ne s’oppose pas à la demande de Monsieur Z ;

Qu’il est de fait qu’aucune décision au fond n’est intervenue dans la première procédure et que la demande de Monsieur Z contre la SAS OCV CHAMBERY FRANCE est recevable, rien ne s’opposant à la recevabilité de sa demande contre la société FEES H D ;

Attendu que les contrats d’insertion conclus avec les entreprises de travail temporaire d’insertion sont soumis par l’article L. 5132-6, et à l’époque des contrats par l’article L. 322-4-16-2 du code du travail aux 'dispositions relatives au travail temporaire prévues au chapitre 1er du titre V du livre II de la première partie’ du même code à la seule exception de la durée des contrats de mission qui peut être portée à vingt quatre mois, renouvellement compris ;

Attendu qu’en l’espèce, Monsieur Z a été employé par la société FEES H D à compter du 28 août 2000 pour deux ans ;

Que ce contrat a fait l’objet d’une décision d’agrément de l’ANPE datée du 28 août 2000 pour deux ans jusqu’au 27 août 2002, renouvelée le 28 août 2002 pour six mois jusqu’au 27 mars 2003, et à nouveau le 28 février 2003 pour deux ans jusqu’au 27 février 2005, dans le cadre de prolongations rendues possibles par l’article 2 du décret 99/107 du 18 février 1999 ;

Que de tels renouvellements pour une si longue durée sont particulièrement surprenants alors que la circulaire DGEFP n° 2001/17 du 26 juin 2007, prise à l’occasion du terme des premiers contrats conclus dans le cadre des premiers agréments de contrats d’insertion par l’activité économique, pose en principe 'l’absence de renouvellement de l’agrément à l’issue des 24 mois', et qu’au cas où cette durée s’avère 'inadaptée, notamment lorsque l’échéance vient interrompre un processus commencé et susceptible de développer les possibilités d’insertion durable', et indique que dans ce cas, une prolongation de six mois au plus devrait constituer la norme’ ;

Qu’il y a en toute hypothèse eu en l’espèce un usage évidemment abusif du contrat d’insertion, avec la bénédiction de l’administration, sauf à considérer que tout cela était utile à permettre l’insertion de Monsieur Z ;

Attendu que l’examen de ses mises à disposition selon le tableau produit par FEES H D établit qu’à partir du 10 septembre 2000, après deux semaines de travail dans une société AKROS, il a uniquement et de façon quasi-permanente été mis à la disposition de la société VETROTEX, jusqu’au 29 septembre 2005, soit pendant cinq ans, avec, pour seules exceptions, des missions les 20 et 21 septembre 2000, à disposition d’une entreprise MSF, le 1er janvier 2001 (') à disposition à nouveau d’AKROS, du 13 janvier au 14 février 2003 pour l’entreprise SERVIMETAL, du 31 mars au 25 avril 2003 pour Y à nouveau et du 13 au 23 janvier 2004 pour X, soit un total de 185 missions dont 179 pour la seule VETROTEX ;

Que Monsieur Z semblait donc avoir rapidement été bien inséré, puisqu’il répondait ainsi à des surcroîts d’activité, et que, pour l’essentiel, il remplaçait des salariés absents pour maladie (AM) ou congés payés (CP) par glissement de poste, en sorte qu’il en résulte très clairement qu’il était occupé à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ;

Que, tout naturellement, ayant été ensuite embauché par l’entreprise de travail temporaire SYNERGIE, Monsieur Z a été mis à nouveau à la disposition de la même société utilisatrice VETROTEX par trois missions le 24 novembre, les 27 et 28 novembre et le 1er décembre 2005, date où il a été victime d’un accident du travail et à partir de laquelle la société VETROTEX ne l’a plus connu, faute d’ 'avoir de ses nouvelles', ce qui est surprenant compte tenu des procédures légales en cas d’accident du travail, dont elle ne conteste pas l’existence ;

Attendu que lorsque Monsieur Z a demandé son intégration dans l’entreprise par une lettre de la FNATH du 19 juin 2008, la société, alors devenue OCV CHAMBERY FRANCE, lui a fait savoir qu’elle n’avait plus aucun poste à lui proposer ;

Attendu que Monsieur Z ne demande plus sa réintégration et qu’il ne fonde pas sa demande sur l’accident du travail, même si celui-ci est manifestement l’occasion d’un profond ressentiment à l’encontre de la SAS OCV CHAMBERY FRANCE, mais qui trouve son examen dans une autre procédure étrangère à la compétence prud’homale ;

Attendu que, sur la demande de dommages et intérêts, la société FEES H D ne soutient pas utilement que l’action de Monsieur Z serait prescrite alors que la prescription quinquennale instaurée par l’article 2224 du code civil qu’elle invoque n’a commencé à courir qu’à compter du 18 juin 2008 comme elle le dit, en sorte qu’elle n’est pas achevée à ce jour et que l’action trentenaire applicable à la demande d’indemnisation de Monsieur Z n’est évidemment pas achevée ;

Attendu que, ainsi qu’il a été rappelé plus haut, les dispositions relatives au contrat temporaire d’insertion incluent celles relatives au contrat temporaire ;

Que c’est à juste titre que Monsieur Z soutient que les contrats temporaires d’insertion ont été détournés de leur finalité, et qu’il en a été fait un usage abusif à son détriment, usage abusif qui n’a de surcroît pris fin qu’à l’occasion d’un accident du travail dont il a été victime, qu’il en résulte nécessairement un préjudice pour lui et que, compte tenu des faits rappelés ci-dessus, de la durée de cet abus qui a essentiellement bénéficié à ses employeurs lesquels ont ainsi manifestement profité du dispositif du contrat d’insertion sans que Monsieur Z en titre le profit qu’il était en droit d’espérer, dès lors qu’il en était en principe un destinataire, des circonstances de la fin de ces contrats de travail, son préjudice sera estimé à 10.000 € ;

Que les deux sociétés intimées, qui par la conjugaison de leur action, ont contribué à ce préjudice sont tenues in solidum de le réparer ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Condamne in solidum la SAS OCV CHAMBERY FRANCE et la société FEES H D à payer à Monsieur D Z la somme de 10.000 € (DIX MILLE EUROS) de dommages et intérêts,

Les condamne in solidum à lui payer 1.000 € (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens.

Ainsi prononcé publiquement le 15 Décembre 2011 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur BILLY, Président de Chambre, et Madame ALESSANDRINI, Greffier.

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