Cour d'appel de Chambéry, 12 septembre 2013, n° 12/01557

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 12 sept. 2013, n° 12/01557
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 12/01557
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Annecy, 26 juin 2012, N° F11/00309

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2013

RG : 12/01557 – JMA/VA

B A

C/ SAS COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire- d’ANNECY en date du 27 Juin 2012, RG : F 11/00309

APPELANT :

Monsieur B A

1 rue L-Y Rousseau

XXX

Représenté à l’audience par Me Paul LEFEVRE, substituant Me Thierry MAREMBERT de la SCP KIEJMAN & MAREMBERT, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM

XXX

XXX

XXX

Représentée à l’audience par Me L-Y FOURNIER ( SCP FROMONT- BRIENS & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur LACROIX, Président,

Monsieur ALLAIS, Conseiller, qui s’est chargé du rapport,

Madame REGNIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame CHAILLEY,

********

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM a pour activité principale la production de disques en aluminium et de laminés courants et produits laqués, pour les marchés des articles culinaires, de l’automobile et du luminaire.

Elle occupe 140 salariés sur le site de Cran-Gevrier et applique la Convention Collective Nationale de la Métallurgie.

Monsieur B A a été engagé selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 juillet 2006, en qualité de directeur industriel, statut cadre position 3B de la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et cadres de la Métallurgie.

En sa qualité de directeur industriel, monsieur B A avait la responsabilité de la performance industrielle de la société, qui à cette époque connaissait une situation économique et financière particulièrement dégradée.

En septembre 2008, monsieur X est nommé à la tête de la société et infléchit une nouvelle politique industrielle et commerciale de l’entreprise.

Durant l’été 2010, monsieur B A apprend qu’il est atteint d’un cancer et il est alors en arrêt de travail à compter du 27 août 2010, arrêt de travail qui s’est prolongé jusqu’au mois de mai 2011.

Le 21 avril 2011, monsieur B A a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement alors même que l’arrêt maladie était toujours en cours.

Le 9 mai 2011 monsieur B A a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Contestant le bien fondé de son licenciement, monsieur B A a alors saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy le 21 juillet 2011 à l’effet de voir dire et juger à titre principal que son licenciement est nul du fait de son caractère discriminatoire, de voir ordonner sa réintégration et à défaut l’allocation d’une somme de 336.384,00 euros à titre de dommages et intérêts. A titre subsidiaire il demande que son licenciement soit jugé sans cause réelle ni sérieuse.

Par jugement du 27 juin 2012, le Conseil de Prud’hommes jugeant que le licenciement pour insuffisance professionnelle était justifié et sans lien avec l’état de santé du salarié a :

— rejeté la demande de nullité de monsieur B A et les demandes afférentes,

— dit que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse et débouté monsieur B A de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

— condamné monsieur B A à payer à la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM la somme de 150,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux entiers dépens.

La décision a régulièrement été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception le 6 juillet 2012.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juillet 2012, monsieur B A a interjeté appel de la décision.

Aux termes des débats et des écritures des parties, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est fait référence pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés,

MI B A, par conclusions du 4 juin 2013, demande à la Cour de :

A titre principal :

— constater le caractère discriminatoire du licenciement et prononcer en conséquence sa nullité,

— ordonner sa réintégration au sein de la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM,

— condamner la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à lui payer un rappel de salaire du 11 août 2011, date de la rupture de son contrat de travail, à la date de sa réintégration effective, sur la base d’un salaire brut mensuel de 9.000,00 euros,

— condamner la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à lui payer une indemnité de 224.256,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du caractère illicite du licenciement et pour préjudice moral,

A titre subsidiaire et à défaut de réintégration :

— condamner la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à lui payer une indemnité de 336.384,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du caractère illicite du licenciement et pour préjudice moral,

A titre infiniment subsidiaire :

— constater que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,

— condamner la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à lui payer une indemnité de 336.384,00 euros pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

En tout état de cause :

— condamner la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à lui payer les sommes suivantes :

. 9.000,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 7.751,95 euros au titre du reliquat du bonus 2010 lui restant dû,

. 30.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, il fait valoir que la lettre de licenciement contient un nombre très important de griefs sans aucun fondement avec la réalité, énumérés de façon très exhaustive dans le seul but d’élargir au maximum le périmètre du licenciement et sans aucune référence avec les cinq années qui ont précédé la maladie.

Il reprend point par point le catalogue des griefs invoqués pour les contester et insiste sur le fait que l’insuffisance professionnelle reprochée n’est destinée en réalité qu’à cacher son licenciement pour raison de santé par une construction rétrospective totalement artificielle.

Il fait valoir qu’en 5 ans d’activité, il n’a jamais eu le moindre reproche alors que c’est pourtant et notamment grâce à lui que la société s’est redressée.

Il indique qu’il a bien été licencié en raison de son état de santé, ce qui constitue une décision discriminatoire ayant pour conséquence d’entraîner la nullité du licenciement ainsi opéré.

Il fait valoir que son retour dans l’entreprise après sa convalescence, ne posait pas de problème, qu’aucun signe ne laissait supposer qu’il avait failli à sa mission et qu’il allait être licencié, que ce n’est en réalité que le 4 avril 2011 que monsieur X lui signifiait qu’il ne souhaitait plus son retour au sein de l’entreprise, que la chronologie des événements est bien la preuve du lien de causalité existant entre son état de santé et la volonté par la direction de mettre un terme à son contrat de travail.

Du fait de la nullité de son licenciement, il s’estime fondé à demander sa réintégration dans l’entreprise sur la base d’un salaire brut mensuel de 9.000,00 euros et rappelle en tout état de cause l’importance de son préjudice, notamment moral, du fait de la rupture abusive et déloyale dont il a été l’objet.

De son côté, par conclusions du 29 mai 2013, la Société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM demande à la Cour de :

Avant toute défense au fond :

— constater que monsieur B A a délibérément violé le principe de confidentialité des échanges intervenus devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,

— constater en application des dispositions des articles 443 et 446 du Code de Procédure Civile, la nullité de la procédure initiée par monsieur B A,

— confirmer en conséquence le jugement en ce qu’il a débouté monsieur B A de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

— constater l’absence de discrimination et de nullité du licenciement,

— constater le bien fondé du licenciement,

— confirmer en conséquence le jugement qui a débouté monsieur B A de l’ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

— constater l’impossibilité de réintégrer monsieur B A et le débouter en conséquence de ce chef de demande,

— limiter le montant des dommages et intérêts à une somme qui ne saurait être supérieure à 54.000,00 euros,

Dans tous les cas :

— débouter monsieur B A de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— constater qu’il est rempli de ses droits au titre de son bonus 2010,

— le débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner monsieur B A à lui payer une indemnité de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle rappelle, in limine litis, que les échanges qui interviennent devant le bureau de conciliation sont strictement confidentiels, les parties ne pouvant pas en faire état par la suite dans le cadre de la procédure, que la violation du caractère confidentiel de ces échanges est sanctionnée par la nullité de la procédure conformément aux dispositions de l’article 446 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que monsieur B A n’hésite pas dans ses conclusions déposées devant la cour à écrire :

« qu’embarrassé par cette concomitance troublante, CCA en a d’ailleurs été réduite à mentir aux membres du bureau de conciliation le 28 septembre 2011 afin de tenter de déconnecter sa décision de licenciement de la maladie du concluant. Elle a en effet prétendu oralement que monsieur A avait repris le travail pendant quinze jours à l’issue de son arrêt maladie, ce qui est faux. »

Elle indique qu’un tel comportement qui est en totale violation du principe ci-dessus énoncé, ne vise en réalité qu’à influencer la cour, que dès lors la nullité de la procédure du fait de son irrégularité doit être prononcée.

Sur le fond, elle indique que monsieur B A a été licencié du fait de son incapacité à remplir de manière satisfaisante ses fonctions de directeur industriel.

Elle fait valoir que la situation de l’entreprise s’est fortement dégradée de 2009 à août 2010, date du départ en congé maladie de monsieur B A et indique que cette dégradation est totalement et exclusivement imputable au directeur industriel.

Elle fait valoir que ce n’est pas moins de 36 pièces (emails, courriers et plaintes de clients ) qui sont versées aux débats pour démontrer l’exactitude des faits reprochés et la réalité de la dégradation industrielle de l’entreprise.

Elle reprend point par point les griefs articulés dans la lettre de licenciement pour justifier de l’insuffisance professionnelle.

Elle précise que suite au remplacement de monsieur B A par monsieur Y, la situation s’est alors très nettement améliorée en quelques mois, sans que pour autant il y ait des moyens supplémentaires mis à la disposition du nouveau directeur, mais simplement en appliquant des techniques qui étaient inconnues de monsieur B A.

Elle rappelle que le fait pour un salarié d’être en arrêt maladie, ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire, qu’en l’espèce le licenciement n’a jamais été décidé en raison de l’état de santé de monsieur B A, mais bien uniquement pour des motifs liés à son insuffisance professionnelle.

Elle conteste enfin les sommes réclamées et indique qu’en tout état de cause la réintégration de monsieur B A dans l’entreprise est impossible.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur l’exception de nullité :

Attendu que les éléments et propos invoqués par monsieur B A et qui auraient été tenus par la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM devant le bureau de conciliation ne concernent pas une ébauche de conciliation ou de proposition transactionnelle, mais sont seulement des moyens invoqués par l’employeur pour refuser toute conciliation, qu’il n’existe donc pas au cas d’espèce de violation du principe de confidentialité ;

Qu’au surplus, la procédure étant orale et les moyens et prétentions pouvant être déposées par chaque partie jusqu’à la clôture des débats, monsieur B A a déposé un nouveau jeu de conclusions en date du 4 juin 2013, dans lequel il a retiré le passage litigieux et donc purgé l’exception de nullité soulevée ;

Sur le fond :

Attendu que monsieur B A a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec avis de réception du 9 mai 2011 aux motifs suivants :

'Depuis juillet 2006, vous avez la responsabilité de la performance industrielle de CAA, en qualité de directeur industriel.

La dégradation des performances industrielles, notamment au début de l’année 2010, a toutefois révélé votre incapacité à faire face aux enjeux de notre Société.

En effet, au début de l’année 2009, compte tenu des difficultés rencontrées sur son marché, et de la fluctuation du LME (London Metal Exchange), notre Société a réorienté sa stratégie vers la recherche de marchés de niches, avec de plus petits volumes mieux adaptés à ses capacités productives.

Des efforts considérables ont été accomplis, notamment par les équipes commerciales, afin de pouvoir positionner notre Société sur ces marchés, avec une augmentation des prix acceptée par les clients.

L’amélioration de la situation économique que notre Société pouvait légitimement espérer, a toutefois été remise en cause par la détérioration des performances industrielles, notamment au premier semestre 2010.

Par conséquent, à la fin de l’année 2010, notre Société a pu enregistrer un résultat net de 519 K€, mais uniquement en raison de contingences extérieures (vente exceptionnelle d’un terrain, effet favorable du LME, économie sur l’achat de chutes d’aluminium), la performance industrielle étant, quant à elle, négative de près de 2 500 K€.

Cette mauvaise performance, alors que les autres paramètres étaient favorables, a révélé les nombreuses carences que vous avez accumulées sur des aspects majeurs de votre métier.

Vous disposiez pourtant des moyens permettant d’atteindre un niveau de performance industrielle satisfaisant.

En effet, suite à votre absence pour cause de maladie à compter du mois de septembre 2010, votre remplaçant, arrivé à la fin du mois d’octobre 2010, a disposé des mêmes moyens que vous.

Or, quelques mois seulement après son arrivée, certains indicateurs de production se sont améliorés, et l’environnement de travail s’est nettement amélioré.

Les changements intervenus pendant votre absence, sans moyens supplémentaires, confirment, si besoin en était, vos lacunes et insuffisances, qui peuvent se résumer, notamment, par les éléments suivants :

. En votre qualité de Directeur industriel, vous vous être souvent obstiné à suivre des stratégies inadaptées. Vous avez tenté des expériences génératrices de graves perturbations et de retards de production (grandes largeurs, plaques longues, laminage 5754 … ).

· En outre, le manque de travail de votre part au contact des opérateurs de production, votre manque de pragmatisme, une intellectualisation excessive de tous les sujets, ont laissé se développer des coûts supplémentaires (coûts de non-qualité), une dégradation de la maintenance préventive, une irrégularité de l’ADEF (Affectation Définitive à Disposition des Expéditions), et un non-respect des délais trop important (un mois, voire plusieurs mois chez certains clients).

La baisse de l’Indicateur de Respect des Délais (IRD) a, à cet égard, eu des conséquences catastrophiques dans les rapports avec nos principaux clients (DSI/Téfal).

.Vos carences managériales ont également largement contribué aux mauvaises performances industrielles de notre Société.

.Vous avez, en effet, laissé se développer un certain laxisme au sein de vos équipes d’opérateurs (horaires et consignes de sécurité non respectées, attitude désinvolte au poste de travail).

.En outre, nous avons relevé un certain nombre de lacunes dans la gestion des membres de l’encadrement de vos équipes de travail.

.Vous avez également fait preuve de carences en matière de communication, ne sachant pas imposer des réponses précises de la part de la maîtrise sur des questions techniques.

.Vous avez enfin totalement négligé les relations avec les représentants du personnel présents au sein de vos équipes.

.De manière générale, vous avez fait preuve d’un manque de communication manifeste à l’égard des membres de la Direction, vous avez refusé de tenir compte des avertissements et des conseils que vous a donnés le Comité de Direction, et n’avez pas su, ainsi, adapter vos décisions stratégiques.

.Vos difficultés relationnelles avec les équipes commerciales se sont, en outre, révélées être un obstacle au bon fonctionnement de l’équipe de Direction.

.Enfin, vos nombreuses disputes avec le responsable de l’Atelier Fonderie (B. E F) ont également nui à la performance de cette activité, pourtant essentielle au bon fonctionnement de l’entreprise.

L’ensemble de ces éléments révèlent donc votre incapacité à remplir de manière satisfaisante les fonctions de Directeur Industriel.

Lors de notre entretien du 3 mai 2011, vous avez, de manière particulièrement surprenante, refusé de vous exprimer sur l’ensemble de nos griefs à votre encontre.

Votre attitude ne nous a donc pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Nous avons donc décidé de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle…'

Sur la nullité du licenciement pour mesure discriminatoire prohibée :

Attendu que monsieur B A sollicite que soit prononcé la nullité du licenciement au motif que sous couvert d’une apparente justification tirée d’une prétendue insuffisance professionnelle, il a été en réalité licencié alors qu’il était en arrêt de maladie, pour des raisons tenant exclusivement à son état de santé ;

Attendu que la suspension du contrat de travail du fait de la maladie ne fait pas obstacle au licenciement du salarié pour une autre cause personnelle indépendante de l’état de santé ;

Qu’en effet est seulement prohibé en application de l’article L. 1132-1 du code du travail, le licenciement motivé exclusivement par l’état de santé du salarié, ce qui constitue au regard de l’article précité une mesure discriminatoire entraînant la nullité du licenciement ainsi opéré et la réintégration du salarié victime de cette discrimination ;

Attendu qu’il convient de noter en premier lieu que la lettre de licenciement ne vise pas l’état de santé de monsieur B A comme motif de licenciement, la référence à la maladie n’étant au cas d’espèce mentionnée que pour accentuer la prétendue carence managériale de monsieur B A par comparaison avec le nouveau directeur qui l’a remplacé en octobre 2010 et qui avec des moyens similaires aurait eu des résultats supérieurs ;

Attendu qu’en second lieu les différents échanges de courriels intervenus entre monsieur G X et monsieur B A, ou ceux échangés entre monsieur L M N et monsieur B A, notamment ceux émis en début d’année 2011, ne comportent aucune critique liée à l’absence prolongée de monsieur B A du fait de sa maladie et ne laisse augurer aucune procédure de licenciement liée à cette absence prolongée pour maladie ;

Attendu qu’enfin et au regard de la chronologie de la procédure de licenciement, ce n’est que le 21 avril 2011, alors même que monsieur B A était guéri et qu’il devait reprendre son travail, que la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM a effectivement engagé une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ;

Attendu que les motifs liés à l’insuffisance professionnelle tels qu’énoncés dans la lettre de licenciement, qui, il convient de le rappeler fixe les termes du litige, sont en outre antérieurs à la déclaration de maladie de l’intéressé (août 2010), puisqu’il est notamment reproché à monsieur B A de n’avoir pas su redresser la situation économique de la société à compter du début de l’année 2009 alors même qu’il en était le directeur depuis 2006 ;

Attendu qu’en l’espèce le motif discriminatoire du licenciement, lié notamment à l’état de santé de monsieur B A, n’étant pas rapporté, il convient dès lors d’analyser le bien fondé du licenciement et notamment d’analyser le motif tiré de l’insuffisance professionnelle ;

Sur l’insuffisance professionnelle :

Attendu qu’il est constant qu’il existait des raisons extérieures et objectives aux difficultés économiques de la société, difficultés qui sont d’ailleurs reprises dans la lettre de licenciement, et dont monsieur B A n’était pas directement responsable ;

Attendu qu’il est notamment reproché à monsieur B A, malgré l’existence d’une conjoncture économique nationale et internationale défavorable, d’avoir suivi des stratégies inadaptées en tentant des expériences génératrices de graves perturbations et de retards de production ;

Attendu que la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM ne peut en premier lieu soutenir que les problèmes liés à la qualité se sont aggravés sous la direction de monsieur B A, alors qu’est produit aux débats un document intitulé 'qualité CAA ', qui démontre à l’inverse que les coûts de non qualité ont été en baisse constante de 2007 à 2010 ;

Attendu qu’au surplus et contrairement aux affirmations de la direction, l’arrivée du remplaçant de monsieur B A, n’a pas eu pour effet de poursuivre cette amélioration, puisque en 2012 l’indicateur qualité se dégradait à nouveau ;

Attendu qu’en ce qui concerne les retards, ceux-ci ne deviennent réellement préoccupants qu’à compter de l’été 2010, soit donc après le départ en maladie de monsieur B A ;

Attendu qu’au surplus les retards après le départ de monsieur B A sont d’ailleurs plus importants que ceux constatés au cours des années précédentes, notamment en 2009 ;

Attendu que surtout les retards sont justifiés par une baisse importante des stocks et par voie de conséquence l’obligation de travailler à flux tendu, alors que parallèlement les commandes étaient en forte hausse ;

Qu’il suffit ainsi de se reporter au procès verbal du CE du 21 septembre 2010, soit à une date antérieure à l’arrivée du remplaçant de monsieur B A, pour vérifier que les commandes approchaient un niveau historique, que tous les industriels qui avaient liquidé leur stock se trouvaient dans la même situation que la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM, à savoir l’impossibilité d’assurer les volumes supplémentaires des commandes du fait de la diminution des stocks non reconstitués ;

Que dès lors les retards reprochés ne sont pas dus à un manque de stratégie professionnelle de monsieur B A, mais trouvent bien leur origine dans un contexte économique extérieur défavorable, générant notamment pour la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM un défaut d’approvisionnement en matières premières ;

Que lors des réunions du CE des 13 avril, 11 mai et 22 juin 2010, il est expressément rappelé par messieurs X et Z que ' la société prend des commandes tout en sachant qu’elle ne pourra respecter les délais ', ce qui démontre bien que cette situation était connue de la direction générale et que monsieur A n’était pas à l’origine de cette difficulté liée aux retards ;

Attendu qu’en ce qui concerne les plaintes des clients au sujets de ces mêmes retards, l’analyse des pièces permet de confirmer que ces retards ne sont pas directement imputables à monsieur B A, mais sont la conséquence soit d’un défaut de matière première, soit d’événements extérieurs à monsieur B A, (pannes sur machines, incendie), soit de problèmes situés plus généralement en amont de l’intervention de monsieur B A ;

Attendu qu’en tout état de cause, monsieur B A qui était directeur industriel de la société depuis 2006, ne s’est jamais vu reprendre sur sa stratégie industrielle et sur ces choix avant la présente procédure et ce d’autant plus que les prétendus choix litigieux ont tous été agréés par monsieur X, ainsi que cela résulte de la lecture des différents procès verbaux des Comités de Direction, qu’il suffit pour s’en convaincre de se reporter au procès verbal du CE du 15 décembre 2009, dans lequel monsieur X confirme que c’est lui qui prend les décisions avec l’équipe de direction, l’un des interlocuteurs présent allant même jusqu’à lui faire la remarque suivante:

' le directeur industriel applique la politique que vous avez décidée, il y a un an, il menait une politique différente’ ;

Attendu que dès lors il ne peut être reproché les choix stratégiques de monsieur B A alors que ces choix étaient décidés par monsieur X, lui même ;

Attendu qu’en ce qui concerne les griefs comportementaux (carences managériales, laxisme, disputes avec le responsable de l’atelier fonderie et absence de relations avec les représentants du personnel …) il n’est justifié d’aucun mouvement social particulier au sein de l’entreprise qui trouverait son origine dans le comportement de monsieur B

A avec les représentants du personnel, que monsieur E F, responsable de l’atelier fonderie a simplement été rappelé à l’ordre par monsieur B A pour des motifs liés à la sécurité, qu’il est enfin justifié des rappels à l’ordre adressés par monsieur B A à l’ensemble des équipes industrielles pour lutter contre ce qu’il qualifie de comportements inadmissibles ;

Attendu que l’ensemble de ces éléments démontrent bien à l’inverse, contrairement à ce qu’affirme la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM, que monsieur B A était parfaitement impliqué dans la vie de l’entreprise et que son souci de poursuivre le redressement économique de la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM était constant ;

Attendu qu’eu égard aux difficultés extérieures que connaissait la société, aux éléments objectifs existant tant en interne qu’en externe et sur lesquels monsieur B A n’avait aucune prise directe, à savoir l’implication personnelle de monsieur X dans les choix stratégiques opérés et l’absence de toute critique sérieuse sur le comportement managérial ou relationnel de monsieur B A, il convient de dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne repose donc sur aucune cause réelle ni sérieuse ;

Sur les conséquences financières de la rupture :

Attendu que monsieur B A ayant plus de deux ans d’ancienneté et la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM employant plus de 11 salariés, il sera fait application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

Qu’il n’est pas contesté que le salaire mensuel de référence est de 9.000,00 euros;

— sur le rappel du bonus au titre de l’année 2010 :

Attendu que les modalités d’attribution et de calcul de ce boni ont été expliquées à monsieur B A par courrier du 14 juin 2010 ;

Que le montant de la prime ayant été calculé conformément à l’augmentation de l’EBITDA entre 2009 et 2010 et au prorata des jours effectivement travaillés, monsieur B A étant dès lors rempli de ses droits pour avoir perçu la somme de 14.527,00 euros, il sera en conséquence débouté de ce chef de demande ;

— sur le complément d’indemnité de préavis :

Attendu que suite à son licenciement, le préavis de monsieur B A s’est déroulé du 12 mai 2011 au 11 août 2011 ;

Qu’ayant été en arrêt de maladie jusqu’au 6 juin 2011, il n’est pas contesté que la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM n’a pas pu déclencher le versement du salaire complémentaire par la société gérant le régime de prévoyance, au motif selon elle que monsieur B A ne lui a pas communiqué le montant des indemnités journalières perçues de la sécurité sociale ;

Attendu que cependant la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM justifie qu’elle a versé en avril un indû de 3.568,00 euros, dont elle ne demande pas le remboursement ;

Attendu que monsieur B A ne fournit quant à lui aucune explication ni justificatif à l’appui de sa demande de versement d’indemnité complémentaire, notamment au niveau de la réalité des IJ perçues, des avantages financiers maintenus et des salaires complémentaires effectivement reçus, qu’il sera en conséquence débouté de ce chef de demande ;

— sur l’indemnisation du préjudice :

Attendu que monsieur B A est âgé de 49 ans, qu’il est toujours sans emploi depuis plus de deux ans, qu’au 30 janvier 2013, il percevait pour tout revenu une ARE de 4.976,43 euros net ;

Attendu qu’il convient en conséquence de lui allouer une indemnité de 100.000,00 euros pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

Sur les demandes accessoires :

Attendu qu’il convient de faire application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, qui prévoit que dans les cas prévus à l’article L 1235-3 dudit code, le juge doit ordonner d’office, lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l’instance et n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le versement par l’employeur fautif de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à payer à monsieur B A la somme de 3.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 27 juin 2012 du conseil de prud’hommes d’Annecy dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette l’exception de nullité pour violation du principe de confidentialité,

Dit et juge que le licenciement de monsieur B A est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Condamne en conséquence la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à payer à monsieur B A la somme de 100.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute monsieur B A de sa demande au titre du rappel de boni pour l’année 2010 et au titre du complément d’indemnité compensatrice de préavis,

Y ajoutant,

Ordonne d’office, par application de l’article 1235-4, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Condamne la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM à payer à monsieur B A la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société COMPAGNIE ALPINE D’ALUMINIUM aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Ainsi prononcé le 12 Septembre 2013 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur LACROIX, Président, et Madame CHAILLEY, Greffier.

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Cour d'appel de Chambéry, 12 septembre 2013, n° 12/01557