Cour d'appel de Chambéry, 29 novembre 2016, n° 15/02140

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 29 nov. 2016, n° 15/02140
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/02140
Décision précédente : Tribunal de commerce de Chambéry, 17 septembre 2015, N° 2015R00072

Texte intégral

PG/AM

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre Civile – 1re section

Arrêt du Mardi 29 Novembre 2016

RG : 15/02140

Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de
Commerce de CHAMBERY en date du 18
Septembre 2015, RG 2015R00072

Appelante

SARL MICHEL PERRET, dont le siège social est situé 1 rue de la République – 73000
CHAMBERY

Représentée par Me Guillaume PUIG, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL
AJURISS, avocats plaidants au barreau de
BELFORT

Intimées

SAS GARANKA HOLDING, dont le siège social est situé 8 avenue Pablo Picasso – Le Technipole
- 94120 FONTENAY SOUS BOIS

SAS GARANKA SUD EST, dont le siège social est situé 32 rue Gustave Eiffel -ZA des Césardes – 74600 SEYNOD

Représentées par Me Rachel BRANCAZ, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et le
CABINET WEIL & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de
PARIS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 18 octobre 2016 par Monsieur Philippe GREINER,
Président, en qualité de rapporteur, avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL,
Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Monsieur Philippe GREINER,
Président,

— Monsieur Pascal LECLERCQ,
Conseiller,

— Madame Alyette FOUCHARD,
Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-

Le groupe VAILLANT, propriétaire du fabricant de chaudières à gaz SAUNIER DUVAL, est constitué de multiples sociétés sur le territoire français, commercialisant et entretenant des appareils de chauffage au gaz, grâce à l’acquisition d’une cinquantaine de sociétés dont le capital est detenu par

sa filiale GARANKA HOLDING, anciennement FRANCE SERVICE, ayant elle-même pour filiale la société GARANKA SUD EST, issue de la fusion en 2011 de plusieurs sociétés ayant leur activité dans le quart Sud Est de la France.

La société GARANKA SUD EST avait pour président M. X, jusqu’à sa révocation intervenue le 30/06/2015 et sa mise à pied à titre conservatoire, M. X étant par ailleurs salarié, puis licencié pour faute lourde le 24/07/2015.

Dans le même temps, M. X était gérant et principal associé au travers de la société TCT
HOLDING, de la société d’exploitation de l’entreprise
MICHEL PERRET, ayant pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce de plomberie, sanitaire, électricité, chauffage, vente, installation et réparation d’appareils ménagers, cette société assurant des travaux en sous-traitance pour le compte de la société GARANKA.

Le 29/06/2015, la société GARANKA HOLDING a présenté une requête au président du tribunal de commerce de Chambéry aux fins de voir désigner un huissier de justice chargé de se rendre au siège de la société MICHEL PERRET, d’accéder au poste informatique de M. X, de prendre copie des fichiers des clients et des prospects ainsi que des devis établis au cours des 5 dernières années, des certificats d’immatriculation des véhicules de la sociétés, de ses factures d’Y de matières premières et approvisionnements, des baux commerciaux et des liasses fiscales des années 2013 et 2014.

Par ordonnance du 29/06/2015, le président de cette juridiction a fait droit à la requête, en précisant que :

— les constatations de l’huissier de justice seront transmises à la société requérante, sous la forme d’un procès-verbal, mais en aucun cas la copie des éléments recueillis appartenant à la société MICHEL
PERRET à l’effet que la société GARANKA HOLDING, ou toute autre société de son chef, ne puisse faire état d’un avantage concurrentiel tiré de la mesure,

— les copies des éléments recueillis devront être séquestrées par l’huissier de justice et en aucun cas ne devront être communiquées à la société
GARANKA HOLDING ou à l’une de ses filiales, jusqu’à ce qu’une décision de justice exécutoire lui ordonne de les remettre à toute personne ou entité qu’il appartiendra à la juridiction saisie de désigner.

Le 07/07/2015, Me Z, huissier de justice à Chambéry, a procédé aux opérations autorisées par l’ordonnance, en étant assisté d’un expert informatique. Ce dernier est rentré sur le logiciel SAV ++, et a sauvegardé les éléments demandés, à savoir le fichier clients et prospects et les devis des 5 dernières années, en recherchant sur 4 boîtes mail tout ce qui était relatif à GARANKA,
TECHNIGAZ, SAVOGAZ et THERMI SERVI GAZ, copiant 955 messages de l’adresse

mpchauffage731@gmail.com

et 38 messages de l’adresse

mpchauffage73@gmail.com

sur une clé

USB.

Le même jour, Me A, huissier de justice à Annecy, s’est rendu dans les locaux de la société GARANKA SUD EST à Seynod (74), dans les bureaux occupés par M. X, Mme B, M. C, ces trois salariés étant mis à pied ce jour là, où une série de photographies ont été prises, notamment de dossiers afférents aux sociétés MICHEL PERRET, ALPES
ASCENSEURS et CIDEP.

Par acte du 10/08/2015, les sociétés GARANKA
HOLDING et GARANKA SUD EST ont assigné la société MICHEL PERRET en référé devant le tribunal de commerce de Chambéry aux fins de se voir remette la clé USB séquestrée en l’étude de l’huissier en exécution de l’ordonnance sur requête.

Dans ses conclusions déposées pour l’audience du 04/09/2015, la société MICHEL PERRET a

conclu notamment à la rétractation de cette décision.

Par ordonnance de référé du 18/09/2015, le tribunal de commerce de Chambéry a :

— autorisé la remise aux sociétés GARANKA
HOLDING et GARANKA SUD EST d’une copie de la clé USB séquestrée en l’étude de Me Z, aux frais de ces sociétés,

— rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 29/06/2015,

— donné acte aux sociétés GARANKA HOLDING et
GARANKA SUD EST de ce que les documents listés à la pièce n° 28 de la société
MICHEL PERRET, seront mis à sa disposition à compter du 28/09/2015, sous astreinte.

Par acte du 23/12/2015, la société GARANKA SUD EST a assigné la société MICHEL PERRET, la société ALPES ASCENSEURS et M. X devant le tribunal de commerce de
Chambéry aux fins principalement de voir annulée une convention du 12/12/2013 conclue entre les sociétés MICHEL
PERRET et GARANKA SUD EST, en paiement de la somme de 59.832 euros au titre de la répétition des sommes versées dans le cadre de cette convention, et en paiement à titre provisionnel de la somme de 688.370 euros au titre du préjudice subi pour concurrence déloyale.

La société MICHEL PERRET a relevé appel le 12/10/2015 de l’ordonnance de référé du 18/09/2015, demandant à la Cour dans ses conclusions du 04/10/2016 de réformer l’ordonnance déférée, de débouter les sociétés intimées de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, faisant valoir que :

— le procès-verbal du 07/07/2015 est nul, faute d’intérêt légitime pour les sociétés
GARANKA, plusieurs personnes ayant participé aux opérations de constat, des correspondances échangées avec l’avocat de la société MICHEL PERRET ayant été copiées et en raison de l’atteinte au secret des affaires et au respect de la vie privée de M. X,

— les intérêts de la société MICHEL
PERRET ont été atteints de manière disproportionnés,

— les termes de l’ordonnance n’ont pas été exécutés valablement par l’huissier et les sociétés requérantes.

Dans leurs conclusions d’intimées n°5, les sociétés GARANKA HOLDING et GARANKA SUD
EST demandent à la Cour de :

— dire que la demande d’annulation du procès-verbal de constat sur ordonnance du 07/07/2015 ne relève pas de la compétence du juge de la rétractation et qu’elle est en tout état de cause mal fondée,

— dire qu’elles justifient d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige les opposant à la société MICHEL
PERRET,

— dire que la mesure d’instruction ne porte pas d’atteinte disproportionnée aux droits de la société
MICHEL PERRET,

— dire qu’elles sont fondées à avoir communication des éléments de preuve séquestrés en l’étude de l’huissier instrumentaire,

— confirmer l’ordonnance entreprise,

— rejeter les demandes de la société MICHEL
PERRET,

— la condamner au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

' Sur la rétractation de l’ordonnance sur requête

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Constitue un motif légitime une demande tendant à l’obtention de pièces de nature à faire établir la réalité d’actes de concurrence déloyale effectués par un concurrent, sauf si la demande aboutirait à violer des droits fondamentaux, notamment la liberté d’entreprendre, du commerce et de la libre concurrence. C’est pourquoi la requête doit apporter au juge saisi des éléments suffisamment étayés pour que soit plausible l’existence d’actes de concurrence déloyale commis par la partie chez laquelle doit se dérouler la mesure d’instruction.

En l’espèce, à l’appui de sa requête, les sociétés GARANKA HOLDING et GARANKA SUD EST ont produit notamment cinq attestations émanant de salariés, (MM. D, Y, E,
F et G) selon lesquelles des techniciens de GARANKA SUD EST ont assuré des dépannages pour le compte de la société MICHEL
PERRET, des travaux résultant de devis ont été assurés par cette société, du matériel GARANKA a été utilisé par la société MICHEL
PERRET.
De tels éléments, circonstanciés et émanant de plusieurs salariés, sont de nature à suspecter la société
MICHEL PERRET d’actes de concurrence déloyale.

Pour éviter la déperdition des preuves, un effet de surprise devait être recherché, ce qui rendait illusoire le recours à une procédure de référé. Ainsi, la mesure sollicitée justifiait une dérogation à la règle du contradictoire, conformément à l’article 875 du code de procédure civile.

Par ailleurs, les investigations opérées par l’huissier ne constituent pas une atteinte disproportionnée aux intérêts de la société MICHEL PERRET, s’agissant de recueillir des éléments avant qu’ils disparaissent, à titre conservatoire, dans l’attente de leur exploitation éventuelle, les sociétés requérantes ne se voyant pas remettre les éléments obtenus.

C’est donc par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a rejeté la demande en rétractation de l’ordonnance sur requête présentée par la société MICHEL PERRET. La décision entreprise sera ainsi confirmée de ce chef.

' Sur la régularité des opérations de constat

Il est de principe que le contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, qui n’affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation. Dès lors, le juge des référés n’a pas été valablement saisi par les appelants de cette demande.

Par ailleurs, il résulte du constat dressé que l’huissier commis a bien personnellement procédé aux opérations pour lesquelles il avait été commis, l’ordonnance critiquée l’ayant autorisé à se faire assister d’un expert en informatique, étant relevé que si des salariés de la société GARANKA SUD
EST étaient présents sur place, c’est parce qu’il s’agissait de leur lieu de travail, dans des bureaux loués à MP CHAUFFAGE, ces salariés n’ayant en aucune manière pris part aux opérations de constat. Du reste, les opérations de constat n’ont été conduites que dans les locaux occupés par la société MP CHAUFFAGE et sur les seuls postes informatiques utilisés par les salariés de cette

dernière.

En outre, si 37 messages provenant de la messagerie de la société MP CHAUFFAGE n’ont pas été copiés immédiatement sur la clé USB en possession de l’huissier, ils l’ont été par la suite, l’huissier expliquant dans son procès-verbal que ces messages ont tout d’abord été envoyés sur la messagerie de l’expert, qui les a ensuite copiés sur la clé USB. Il n’a pu en résulter un quelconque grief pour la société MP CHAUFFAGE, aucun tiers non mandaté par l’ordonnance déférée n’ayant pu avoir connaissance des documents en cause.

Enfin, aucun élément du dossier ne permet de dire que des correspondances échangées entre la société MP CHAUFFAGE et son avocat auraient été copiées sur la clé USB, de même que des éléments ayant trait à la vie privée de M. X.

Il n’y a donc pas lieu à référé concernant ce moyen.

' Sur la communication des éléments recueillis par Me Z aux sociétés
GARANKA
HOLDING et GARANKA SUD EST

L’huissier de justice commis s’est fait remettre la liste des clients et prospects de la société MICHEL
PERRET, la liste des devis, les messages au nombre de 955 présents sur la boîte mail

mpchauffage73@gmail.com

, outre 37 messages transmis ultérieurement par l’expert présents sur la

boîte mail

mpchauffage731@gmail.com

.

L’appelante fait valoir que des éléments recueillis par l’huissier n’ont pas trait au litige, que leur connaissance par un concurrent a été de nature à permettre aux sociétés GARANKA d’avoir accès à des documents confidentiels, tels que les tarifs pratiqués ou la clientèle de la société, avec pour conséquences des prestations restées impayées d’un montant de 93.344,47 euros, le débauchage d’un collaborateur ainsi qu’un démarchage actif auprès de ses propres clients.

Toutefois :

— il ressort des éléments du dossier, notamment d’un constat dressé le 07/07/2015 par Me
A, huissier de justice, qu’au siège de GARANKA SUD EST étaient détenus l’ensemble des documents comptables, administratifs et financiers des sociétés MP CHAUFFAGE et ALPES
ASCENSEURS,

— ces documents n’ont pas fait l’objet de la saisie opérée par l’huissier Me Z,

— les éléments de concurrence déloyale qui auraient été commis par la société GARANKA SUD
EST allégués par l’appelante apparaissent trop ponctuels pour trouver leur origine dans les fichiers saisis par l’huissier,

— comme l’a exactement relevé le premier juge, dans le cadre du débat contradictoire qui s’est déroulé devant lui, la société MICHEL PERRET ayant indiqué n’avoir exercé que des activités complémentaires et non concurrentes de celles de la société GARANKA, il n’existait pas de risque d’atteinte disproportionnée au secret des affaires, sous couvert du constat litigieux.

Dans ces conditions, c’est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a autorisé la communication des éléments recueillies par l’huissier aux sociétés GARANKA
HOLDING et GARANKA SUD EST avant engagement de l’instance au fond.

L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Enfin, à ce stade de la procédure, l’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article

700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

DIT n’y avoir lieu à référé concernant la régularité du constat opéré par Me Z,

DIT n’y avoir lieu à paiement des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société MICHEL PERRET aux dépens de première instance et d’appel,

AUTORISE Me H, avocate, à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 29 novembre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Président, et Sylvie
LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

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