Cour d'appel de Chambéry, 13 octobre 2016, n° 15/01568

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 13 oct. 2016, n° 15/01568
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/01568
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bonneville, 4 juin 2015, N° 13/01571

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 13 Octobre 2016

RG : 15/01568

ET/SD

Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 05 Juin 2015, RG 13/01571

Appelants

M. X Y

né le XXX à XXXZ demeurant
XXX CLUSES

M. A Y

né le XXX à XXXZ demeurant
XXX CLUSES

M. B Y

né le XXX à XXXZ demeurant
XXX CLUSES

Mme C Y épouse D

née le XXX à XXXZ demeurant
XXX CLUSES

assistés de la SCP LE RAY GUIDO, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, Me Sabrina
SCARAMOZZINO, avocat plaidant au barreau de l’AIN

Intimés

M. E F G H

né le XXX

et

Mme I J épouse G
H

née le XXX

demeurant XXX
CLUSES

assistés de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocat au barreau de CHAMBERY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 21 juin 2016 avec l’assistance de Madame Sylvie
DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président qui a procédé au rapport

— Monsieur Franck MADINIER,
Conseiller,

— Monsieur Gilles BALAY,
Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits, procédure et prétentions des parties :

Les consorts Y sont propriétaires en indivision d’une parcelle située sur la commune de
Cluses, cadastrée B numéro 1065, située en amont de la parcelle des époux G
H, B numéro 1067 qu’ils ont acquises en 2011. Une parcelle numéro 1066 est en indivision entre eux et sert de chemin d’accès à leur propriété sur lequel a été édifié un abri. Un litige est né entre les parties concernant la propriété de cet abri que les consorts
Y considèrent comme leur propriété.

Sur leur saisine, le tribunal de Grande instance de
Bonneville dans une décision du 5 juin 2015 a :

— débouté les consorts Y de leurs demandes basées sur une prescription acquisitive du cabanon ,

— les a condamnés à le démolir et à le retirer dans le délai d’un mois suivant la signification de la décision, sous astreinte,

— les a condamnés à payer une somme de 500 e en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— condamner les mêmes aux dépens avec bénéfice de distraction au profit de Me K.

Les consorts Y ont fait appel par déclaration au greffe de la cour en date du 16 juillet 2015.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 8 janvier 2016, ils demandent à la cour de :

— déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts de leurs adversaires formulée en cause d’appel,

— débouter les époux G H,

— infirmer en totalité le jugement du 5 juin 2015,

Statuant à nouveau,

— dire recevable l’intégralité de leurs demandes,

— juger qu’ils ont acquis par prescription trentenaire la propriété exclusive de l’abri édifié sur la parcelle B 1066 et du sol qu’il recouvre,

En conséquence,

— ordonner la division de ladite parcelle à partir des limites matérialisées par les côtés de l’abri, à leurs propres frais,

— ordonner la publication du jugement au service de la publicité foncière,

— condamner les époux G
H à leur payer une somme de 2500 au titre du préjudice subi du fait de l’exécution provisoire ordonnée par le tribunal de Grande instance de Bonneville qui les a contraints à abattre le cabanon, outre celle de 4000 par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel et à supporter les entiers dépens.

Ils exposent que la jurisprudence de la Cour de cassation invoquée par leur voisin signifie sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, que la volonté d’un seul indivisaire ne peut suffire pour sortir d’une indivision forcée et perpétuelle et qu’il faut un consentement unanime de tous les indivisaires pour parvenir à cette sortie. Au contraire, l’usucapion ne constituerait pas une volonté unilatérale mais un moyen de se voir légalement attribuer un droit réel à celui qui a manifesté une attitude de propriétaire, et ce, au détriment du propriétaire en titre. Depuis 1974, la Cour de cassation admettrait l’usucapion dans le cadre d’une indivision. Ils écartent la notion de servitude de passage concernant le chemin qui bénéficie à la propriété sans qu’il n’y ait de fonds servant et de fonds dominant puisque ce sont les mêmes fonds qui bénéficient du passage et qui le subissent, des fonds indivis. Le cabanon litigieux construit en 1954, au pied des escaliers de la parcelle numérotée 1065 n’a jamais été contesté en son existence et n’empêche aucunement le passage et la bonne circulation sur la parcelle 1066 puisse que positionné en recoin. Le premier juge a avec raison, écarté la notion de servitude de passage pour retenir celle d’indivision. Rien n’empêcherait le jeu d’une prescription acquisitive sur la parcelle 1066 indivise. Depuis toujours, eux et leurs auteurs ont utilisé de manière exclusive, sans discontinuer cet abri. Ils contestent la portée probatoire pour discuter d’une possession continue, des photographies produites par leurs adversaires qui n’ont aucune portée et ne sont pas datées avec certitude étant rappelé que leurs voisins ne sont devenus propriétaires qu’en août 2011. Jamais leurs voisins ou leurs auteurs n’auraient, depuis 1954, réclamé les fruits tirés de l’abri, donné en location à diverses reprises et qui aurait été entretenu et réparé depuis toujours par les familles Y. Le caractère équivoque de la possession serait à envisager dans l’esprit des tiers et non en considération de celui qui possède ou de son co-indivisaire. Or, de nombreux tiers ont attesté avoir toujours été persuadés de la propriété des consorts Y sur le cabanon. La Cour de cassation a retenu que si les actes de possession accomplis par un co- indivisaire sont, en principe, équivoques à l’égard des autres, ils perdent ce caractère dès lors qu’ils démontrent l’intention manifeste de ce co-indivisaire de se comporter comme seul et unique propriétaire du bien indivis dont il établit avoir la possession exclusive. Le critère d’une fermeture à clé ne doit pas être privilégié d’autant moins que pendant des années une porte fermée à clef a existé, que la serrure a été

supprimée lorsque les boîtes aux lettres des occupants de la parcelle 1065 ont été installées à l’intérieur. Par la suite, la porte du cabanon a également été supprimée afin d’entreposer un container poubelles pour ces mêmes logements de la parcelle 1065. Le manquement estimé par le premier juge d’un entretien correct du cabanon n’est pas davantage un critère pour leur refuser l’usucapion, étant rappelé que la simple vétusté est normale s’agissant d’un ouvrage qui date de plus de 60 ans.
Concernant l’autre difficulté sur la propriété du mur séparant les parcelles, ils rappellent qu’il existe une présomption de mitoyenneté en application de l’article 653 du Code civil. Et que leur voisin n’apporte aucune démonstration du caractère privatif de ce mur de clôture.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 9 mars 2016, les époux
G H demandent à la cour de :

À titre principal,

— juger irrecevables les demandes des consorts Y,

À titre subsidiaire,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

— débouter les appelants de toutes leurs demandes,

— juger recevable la demande de dommages-intérêts des époux G H,

— condamner solidairement les consorts Y à leur payer une somme de 3000 en réparation du préjudice de jouissance et moral subi, celle de 5000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon.

Ils exposent avoir acquis, par acte notarié du 22 août 2011, la moitié indivise de la parcelle B 1066 qui sert de chemin d’accès aux parcelles 1067 et 1065. Sur cette parcelle à usage de chemin, a été édifié en toute illégalité, un cabanon particulièrement inesthétique, de vieilles planches et de tôles, qui prend appui sur le mur de leur propriété, mur qui leur est privatif. Le chemin étant considéré au travers des différents actes notariés comme un accessoire obligatoire et indispensable aux deux propriétés, il s’agirait donc d’une indivision forcée et perpétuelle, dès lors exclusive de l’application du droit commun de l’indivision et rendant impossible une sortie de cette indivision, en particulier par prescription du bien indivis. Dès lors les consorts
Y seraient irrecevables en leur demande d’usucapion et de division de la parcelle. À titre subsidiaire ils contestent la possession exclusive et non équivoque de leurs voisins sur le cabanon, car jamais il n’y aurait eu d’actes visant à priver les co-indivisaires de la jouissance du bien indivis qu’est le cabanon. Depuis leur arrivée en 2011, ils ont pu eux-mêmes utiliser l’abri pour y entreposer leurs containers poubelles. Si les consorts
Y se sont servis seuls du cabanon, c’est parce qu’eux mêmes n’en avaient aucune utilité, et non pas tant, parce qu’ils les considéraient comme seuls propriétaires de l’abri, qui au demeurant constituait un amas de tôles très dangereux, révélant l’absence d’entretien depuis de bien longues années et donc effectivement un comportement entaché d’équivoque. Monsieur Y se comportait en simple propriétaire indivis, en réalisant un entretien minimum, limité à étendre du gravier dans le cabanon, ce qu’il faisait également à la même fréquence, sur le chemin d’accès.
L’existence du cabanon qui prend appui sur le mur de leur propriété les empêche au demeurant de réaliser des travaux sur ce mur auquel ils ne peuvent accéder et obstrue le passage pourtant créé par acte notarié. Leur mur est contigu à la parcelle 1066 qui est indivise il ne peut être considéré comme

mitoyen. À défaut, ils plaident l’existence d’un trouble anormal du voisinage en raison de la nature et de l’inesthétisme de l’abri qui n’a aucune utilité. La résistance et la mauvaise foi de leurs voisins les ont privés sur une longue période du libre accès à leur mur de clôture, les empêchant de réaliser les travaux nécessaires à sa restauration et leur a causé également un stress important.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2016.

Motivation de la décision :

* sur la recevabilité des demandes :

L’existence d’une indivision n’est pas nécessairement incompatible avec la notion d’acquisition par prescription trentenaire, il s’agit d’une question de fond, qui doit être examinée sans irrecevabilité acquise.

* sur la situation juridique et matérielle :

Le contenu des titres respectifs des parties n’est pas contesté ou remis en cause.

L’acte de vente établi en l’étude de Me L, notaire à Cluses, les 7 et 12 décembre 1954, entre monsieur et madame M N et monsieur et madame O Y, énonce la cession sur la commune de Cluses, au lieudit la Perrière :

* de la propriété entière d’une parcelle de terre de 503 m² cadastrée B 1346,

* la moitié indivise d’un chemin, (l’autre moitié indivise étant à monsieur M
P), chemin longeant la lisière sud de la propriété P, cadastré B1345p pour 0a6 et 1346 pour 0a67ca5.

Ce même acte rappelant l’origine de propriété, indique qu’aux termes d’un autre acte du 1er octobre 1951,(acte produit aux débats) les époux N ont vendu partie de la parcelle de terre acquise de monsieur Q et, pour la desservitude de la parcelle qu’ils conservaient, établi un chemin indivis entre eux et les acquéreurs sous les charges et conditions suivantes : '… ce chemin sera considéré comme un accessoire obligatoire et indispensable des propriétés N et P et sera la copropriété avec indivision forcée desdits propriétaires…'. Il comporte concernant les servitudes une déclaration selon laquelle il n’existe sur l’immeuble vendu, aucune autre servitude que celle relative au chemin dont il a été question plus haut.

Les mêmes termes se retrouvent dans l’acte fondateur des droits des consorts Y, à savoir une donation partage du 5 juin 2002, qui rappelle les droits indivis sur le chemin cadastré 1066.

Du côté des époux G H, les titres, en particulier l’acte de vente du 22 août 2011 des consorts R à leur profit, vise également la vente de la propriété de la parcelle n°B1067 et de la moitié indivise du sol du chemin longeant la lisière sud du terrain au cadastre B1066. Au paragraphe des servitudes, il est indiqué la création d’une servitude le 1er octobre 1951 au sujet du chemin, littéralement rapportée : '….ce chemin commun sera considéré comme un accessoire obligatoire et indispensable des propriétés de chacun de monsieur N et P et sera copropriété avec indivision forcée desdits propriétaires…'.

Il est donc connu des deux parties au présent litige, que les droits détenus sur le chemin depuis leur acquisition, est un droit indivis, afin d’assurer l’accès à leurs propriétés respectives et qui a été voulu

pérenne, car qualifié de forcé et obligatoire.

Un procès-verbal de constat établi par Me S, huissier de justice, le 4 octobre 2013, illustre la situation des lieux et le cabanon, adossé à une descente d’escalier, manifestement ancien et construit à partir de tôles ondulées, tubes métalliques et bois qui reste une construction précaire, assez rudimentaire et facilement démontable.

L’utilisation de cet abri, par les différents occupants de la maison Y, est attestée par de nombreux témoignages d’amis, de voisins, qui en décrivent l’utilité au pied des escaliers pour y mettre vélos, mobylettes, poubelles, ce depuis des années. Certains exposent qu’ils 'considéraient’ que le local appartenait aux Y (ce qui n’est d’ailleurs pas faux s’agissant de droits indivis de propriété). Monsieur F
T a même assisté à sa construction par l’ancien propriétaire, monsieur N et relate son emploi quasi quotidien par la famille Y.

Cependant, l’utilisation prolongée de cet abri, pour des raisons de convenance et des pratiques d’accès, ne suffit pas à démontrer l’intention des consorts Y de se comporter en propriétaires exclusifs, alors qu’ils n’ignoraient pas l’existence de l’indivision rappelée lors de l’achat. A cet égard, la propriété du sol entraîne la propriété du dessus et du dessous, en application de l’article 552 du code civil, alors que les consorts Y tentent presque une preuve inverse, l’utilisation du cabanon, durant plus de trente ans, entraînerait la propriété du chemin sous son assiette.

Mais cette utilisation certes paisible n’en est pas moins équivoque, car il ne ressort d’aucun élément du dossier que les consorts Y, co-indivisaires et qui avaient donc en cette qualité, usage libre du chemin et du cabanon, aient entendu en exclure leurs voisins, co-indivisaires également. Sur les clichés produits par les époux G H (14) on osberve que l’abri ne dispose d’aucune porte ou fermeture. Le local, présentait pour les consorts Y un aspect pratique afin d’éviter de hisser les vélos, deux roues et objets encombrants dans leur immeuble, situé en hauteur au delà d’un escalier, de sorte que les voisins ont pu tolérer l’existence de cet abri sans pour autant se sentir évincés de leurs droits sur l’ensemble de l’indivision ou sur le cabanon, et cette tolérance ne peut créer de droit.

Quant à l’animus domini, la volonté de se comporter en propriétaire, seul et exclusif, les époux
G H, font à juste titre observer que dans un courrier en date du 21 septembre 2011, de leur notaire, Me U, les consorts Y ont reconnu l’existence de l’indivision existante avec monsieur G H auquel ils proposaient d’acheter une surface d’environ 30 m², expliquant que cet abri, construit pas monsieur N, leur était indispensable compte tenu de la configuration des lieux de la situation en hauteur de leur maison, pour entreposer des vélos, motos, poubelles et boites aux lettres.

En conséquence de quoi, les consorts Y doivent être déboutés de leur demande visant à acquérir la propriété exclusive du cabanon et de son sol.

* sur les autres demandes :

Les époux G H invoquent pour la première fois devant la cour d’appel l’existence d’un préjudice de jouissance et moral, ils ne sont pas recevables en application de l’article 564 du code de procédure civile à former cette prétention sans lien suffisant et ne tendant pas aux mêmes fins que le débat sur la propriété du chemin.

Il est inéquitable de laisser à la charge des époux G H les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 4 000 leur sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge des consorts Y, appelants de la décision de première instance.

Par ces motifs :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE solidairement les consorts Y à payer aux époux G H une somme de 4 000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

LES CONDAMNE in solidum aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon
Arnaud Bollonjeon.

Ainsi prononcé publiquement le 13 octobre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN,Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND,
Greffier.

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