Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 9 février 2017, n° 16/01071

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 2e ch., 9 févr. 2017, n° 16/01071
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 16/01071
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Albertville, 7 avril 2016, N° 14/00336
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 09 Février 2017 RG : 16/01071

XXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d’ALBERTVILLE en date du 08 Avril 2016, RG 14/00336

Appelant

M. K-L P B

né le XXX à XXX – XXX

assisté de Me Bernard GROLEE, avocat au barreau d’ALBERTVILLE

Intimés

DEPARTEMENT DE LA SAVOIE, pris en la personne de Monsieur Hervé GAYMARD, président du conseil général demeurant Hôtel du Département, XXX – XXX

assisté de la SCP LOUCHET FALCOZ CAPDEVILLE, avocat au barreau d’ALBERTVILLE

XXX, prise en la personne de son représentant légal demeurant Hôtel de Ville – XXX

sans avocat constitué

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 13 décembre 2016 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a procédé au rapport – Monsieur Gilles BALAY, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSE DU LITIGE

La parcelle cadastrée section XXX, lieu-dit 'Sur la Cour', d’une contenance de 2a 82ca sur le territoire de la commune de Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), qui appartenait à monsieur C B, a fait l’objet d’une ordonnance d’expropriation le 30 juillet 1953.

De cette parcelle est issue celle cadastrée section XXX, lieu-dit 'Sur la Cour’ d’une contenance de 1a 22ca, dont la commission permanente du Conseil Général de Savoie a approuvé, par délibération du 9 avril 2010, la cession par le Département de la Savoie à la commune de Saint-Bon-Tarentaise.

Estimant être propriétaire de cette parcelle en vertu d’un acte de partage du 29 décembre 1995, Monsieur K-L B a, par requête du 10 juin 2010, saisi le tribunal administratif de Grenoble d’un recours en annulation pour excès de pouvoir de cette délibération.

Par jugement du 19 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer jusqu’à ce que le tribunal compétent statue sur la revendication de propriété de monsieur K-L B qui, par acte d’huissier du 12 février 2014, a saisi le tribunal de grande instance d’Albertville à cette fin, sollicitant au surplus l’allocation de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 8 avril 2016, le tribunal a rejeté la demande de monsieur K-L B, considérant qu’il ne rapportait pas la preuve de la rétrocession de la parcelle XXX au propriétaire exproprié, monsieur C B et l’a condamné à payer au Conseil Général de Savoie et à la commune de Saint-Bon-Tarentaise, la somme de 500 euros chacun, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur K-L B a fait appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour du 17 mai 2016.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2016, monsieur K-L B demande à la cour, à titre principal de :

— déclarer son appel recevable,

— le dire propriétaire de la parcelle cadastrée section XXX, lieu-dit 'Sur la Cour’ sur le territoire de la commune de Saint-Bon-Tarentaise (Savoie),

— condamner le Département de la Savoie et la commune de Saint-Bon-Tarentaise à lui payer la somme de 6 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Monsieur K-L B fait valoir que, conformément aux dispositions de l’article 28-4-e) du décret du 4 janvier 1955, son action en revendication de propriété ne serait pas soumise, pour être recevable, à publication auprès du service de la publicité foncière, mais qu’il a, en tout état de cause, publié son assignation. Faute de signification, l’ordonnance d’expropriation du 30 juillet 1953 serait inopposable à C B et à ses ayants droit (DL des 8 août et 30 octobre 1935), sans que ce défaut puisse être purgé par les dispositions de l’article 30-1 du décret du 4 janvier 1955.

Cette parcelle aurait donc bien dépendu de la succession de C B, ce qui aurait permis à la veuve et au fils de ce dernier de la céder à A B par acte du 16 juillet 1971, puis à monsieur K-L B d’en devenir propriétaire suite au partage intervenu par acte du 29 décembre 1995, tous actes régulièrement publiés.

Ces actes régleraient tout conflit de propriété, sans qu’il ait à démontrer que la parcelle a été rétrocédée à son auteur et les mentions cadastrales seraient conformes à ces titres.

Etant de bonne foi puisque titré par actes publiés et non contestés et s’étant, depuis son acquisition le 16 juillet 1971, toujours comporté comme seul propriétaire de la parcelle litigieuse, il doit être regardé comme l’étant.

Il pourrait, en outre, légitimement invoquer la prescription acquisitive trentenaire, voire abrégée, la parcelle n’ayant jamais été affectée à un usage public, ni même été utilisée par le Département de la Savoie ou la commune de Saint-Bon-Tarentaise, tandis que C B, puis A B et lui-même l’ont, de tout temps, utilisé comme pré de fauche, sans qu’aucun vice n’entache cette possession.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2016, le Département de la Savoie demande à la cour de déclarer la demande de monsieur K-L B irrecevable et non fondée, de l’en débouter et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

L’assignation de monsieur K-L B serait bien soumise à l’exigence de publication au service de la publicité foncière résultant des dispositions des articles 28-4 C, 30.5 et 33.c du décret 55-22 du 4 janvier 1955, sous peine d’irrecevabilité.

Le principe de l’estoppel, interdirait à monsieur K-L B d’invoquer en appel le fait que C B n’a jamais cédé la parcelle litigieuse, alors qu’il prétendait, en première instance, que ce dernier l’avait régulièrement acquise du département par voie de rétrocession.

Si le Département ne peut plus, aujourd’hui, justifier de la signification de l’ordonnance d’expropriation, sa publication le 26 septembre 1953 à la conservation des hypothèques de Chambéry la rendrait opposable erga omnes depuis cette date.

Si monsieur K-L B apparaît comme propriétaire de la parcelle au cadastre, ce serait suite à une attestation notariée erronée établie le 4 novembre 1968, bien après la publicité précédemment évoquée.

Monsieur K-L B ne saurait invoquer l’erreur comme source de droit et ce d’autant qu’en l’espèce, elle n’est même pas commune aux parties.

Les propriétaires des fonds Sallier et Bremon traverseraient la parcelle litigieuse pour accéder à la voie publique, entachant d’équivoque la possession de monsieur K-L B et de ses auteurs. L’expropriation de 1953 empêcherait, en outre, tout usucapion, le domaine public étant imprescriptible.

La clôture de la procédure est intervenue le 28 novembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la publication de l’assignation en revendication de propriété

Le Département de la Savoie fonde son moyen d’irrecevabilité de l’action en revendication de propriété sur les dispositions de l’article 28-4 c) du décret du 4 janvier 1955 qui ne concernent que les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention, à l’exclusion des revendications et il est constant que les dispositions de l’article 28-4 e) soumettent à publicité les décisions relatives aux revendications immobilières, mais pas les demandes en revendication.

L’assignation par laquelle monsieur K-L B a attrait le Département de la Savoie en justice aux fins de revendication de propriété de la parcelle cadastrée section XXX n’est donc pas soumise à publicité foncière pour être recevable.

Au demeurant, monsieur K-L B a fait publier la dite assignation au service de publicité foncière de Chambéry 1, le 6 octobre 2016 sous la référence 2016 P 13779, sachant, ainsi que l’indique l’adjoint au chef du service par courrier du 21 novembre 2016 (pièce 14-3 de monsieur K-L B), qu’en raison des charges et des moyens disponibles du service, et non pour cause d’erreurs à rectifier, l’arrêté de publication n’interviendra qu’environ 7 mois après le dépôt, au rang de ce dernier.

Sur l’estoppel

Il est constant que l’estoppel est une fin de non recevoir caractérisée par le comportement procédural d’une partie constituant un changement de position en droit, de nature à induire en erreur la partie adverse sur ses intentions.

Il peut être soulevé à tout moment et donc pour la première fois en appel.

Il ressort de l’assignation par laquelle il a saisi le tribunal de grande instance d’Albertville et du rappel des prétentions des parties ressortant du jugement déféré que monsieur K-L B fondait sa revendication de propriété sur la rétrocession de la parcelle cadastrée section XXX, issue de la division de la parcelle cadastrée section XXX qui avait fait l’objet de l’expropriation, alors qu’en appel il se prévaut de l’absence de signification de l’ordonnance d’expropriation du 30 juillet 1953 au propriétaire exproprié auquel, ainsi qu’à ses ayants droit, elle serait, en conséquence, inopposable.

Il n’est pas contestable que monsieur K-L B opère là un changement de position juridique, la nouvelle étant inconciliable avec celle développée en première instance, mais ce volte face judiciaire n’est pas pour autant de nature à induire le Département de la Savoie en erreur sur l’intention de l’appelant qui est la même en appel qu’en première instance: obtenir la reconnaissance de son droit de propriété sur la parcelle n° 1415.

L’estoppel invoqué par le Département de la Savoie n’est donc pas caractérisé. La revendication de propriété de monsieur K-L B est donc recevable.

Sur la propriété de la parcelle cadastrée section XXX

Il ressort de deux décrets-lois des 8 août et 30 octobre 1935, repris par l’article 19 d’un décret n° 59-1335 du 20 novembre 1959, que l’ordonnance ne peut être exécutée à l’encontre de chacun des intéressés que si elle lui a été préalablement notifiée par l’expropriant, sans que la publication de l’ordonnance puisse pallier ce défaut de notification, contrairement à ce que soutient l’expropriant.

Or, le Département de la Savoie reconnaît ne pas pouvoir justifier de la notification de l’ordonnance d’expropriation à C B alors propriétaire de la parcelle cadastrée section XXX, d’une contenance de 2a 82ca, dont est issue la parcelle cadastrée section XXX d’une contenance de 1a 22ca, cette inexécution de l’expropriation étant corroborée par le titre de propriété dont justifie monsieur K-L B.

Il ressort, en effet, de l’attestation de maître X, notaire, du 4 novembre 1968 que la parcelle cadastrée section XXX dépendait de la succession de C B, ce qui a permis à sa veuve, Y Z et à son fils, H I B, de la vendre à monsieur A F B, suivant acte du 28 juin 1971 publié le 20 juillet 1971, dont la succession a donné lieu à un acte de partage reçu le 29 décembre 1995, publié le 7 mars 1996 sous les références volume 96P n° 3370, aux termes duquel monsieur K-L B s’est vu attribuer le deuxième lot comprenant la parcelle cadastrée section XXX et ce, en cohérence avec la matrice cadastrale désignant monsieur K-L B comme étant le propriétaire de la dite parcelle.

Il doit donc être retenu que la parcelle cadastrée section XXX, lieu-dit 'Sur la Cour’ commune de Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), d’une contenance de 1a 22ca est la propriété de monsieur K-L B.

Sur les demandes annexes

Le Département de la Savoie sera condamné à payer à monsieur K-L B la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il supportera également les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par défaut,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare la revendication de propriété de monsieur K-L B recevable.

Dit que monsieur K-L B est propriétaire de la parcelle cadastrée section XXX, lieu-dit 'Sur la Cour’ commune de Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), d’une contenance de 1a 22ca.

Déboute le Département de la Savoie de l’intégralité de ses demandes. Condamne le Département de la Savoie à payer à monsieur K-L B la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne le Département de la Savoie à supporter les dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître Bernard Grolée, avocat en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 09 février 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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