Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 28 février 2017, n° 15/01269

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 28 févr. 2017, n° 15/01269
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/01269
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Annecy, 5 mai 2015, N° 2014J43
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PG/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre Civile – 1re section

Arrêt du Mardi 28 Février 2017

RG : 15/01269

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 06 Mai 2015, RG 2014J43

Appelante

SAS CURIOZ LOISIRS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, 228 route de Paris – XXX

représentée par la SCP CORDEL BETEMPS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY et la SELARL OSTIAN COOK QUENARD, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

Intimé

M. B Z

né le XXX à XXX

représenté par Me Stephane COERCHON, avocat au barreau d’ANNECY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 09 janvier 2017 par Monsieur Philippe GREINER, en qualité de rapporteur, avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Philippe GREINER, Président

- Monsieur Pascal LECLERCQ, Conseiller,

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-

La société CURIOZ LOISIRS, sis à LA BALME DE SILLINGY, a été créée le 14/06/2011 et a pour activité le commerce de véhicules type « camping cars ». Au 31/08/2012, son chiffre d’affaires était de 14.532.000 euros, et elle employait 17 salariés.

Le 11/10/2005, elle a embauché M. X en qualité d’employé d’atelier, avec pour tâches les réparations sur les véhicules, le montage d’accessoires, les travaux électriques et mécaniques, la maintenance et le dépannage, le contrat de travail stipulant que le salarié s’engage « par ailleurs à consacrer toute son activité professionnelle à l’entreprise, et à ne pas prendre d’autre activité professionnelle, rémunérée ou non, sans autorisation écrite ».

Dans un rapport du 12/09/2013, l’agence C D, mandatée par la société CURIOZ LOISIRS, indique que les lundis 23/09 et 14/10/2013, elle a constaté que le véhicule de M. X arrivait à 9h 05 dans l’entreprise FLASH SERVICE CAMPING CAR, sis à Chavanod, (74) et qu’un homme correspondant au signalement de M. X pénétrait dans les locaux de l’entreprise.

Autorisé par ordonnance du 07/11/2013 du président du tribunal de grande instance d’Annecy, Me Y, huissier de justice, a dressé le 02/12/2013 un constat dans les locaux de l’entreprise de

M. Z, à l’enseigne FLASH SERVICE CAMPING CAR, d’où il résulte que :

— l’huissier, rencontrant M. Z, lui a demandé de voir M. X ;

— après que M. Z ait feint la surprise, il a finalement appelé M. X ;

— celui-ci a confirmé son identité, et a déclaré à l’officier ministériel qu’il travaillait quelques heures par mois pour M. Z depuis juin 2013, lui procurant un revenu d’environ 300 euros par mois, s’occupant de réparations de camping cars ;

— il a déclaré en outre connaître M. Z depuis environ deux ans, ce dernier faisant des interventions au sein de la société CURIOZ LOISIRS.

Par acte du 20/01/2014, la société CURIOZ LOISIRS a assigné devant le tribunal de commerce de Chambéry M. Z en paiement de la somme de 100.000 euros de dommages intérêts.

Par jugement du 06/05/2015, le tribunal a débouté la société CURIOZ LOISIRS de sa demande et l’a condamné à payer à M. Z la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

La société CURIOZ LOISIRS a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions du 12/12/2017, elle demande à la Cour de condamner M. Z au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages intérêts outre 5.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, exposant en substance que :

— M. Z s’est rendu coupable de travail dissimulé en faisant travailler M. X et en essayant de cacher l’existence de celui-ci à l’huissier lors de sa venue ;

— les conditions dans lesquelles travaille M. X établissent la mauvaise foi de M. Z ;

— M. X avait un accès au listing clients et aux tarifs, avait suivi des stages de formation financés par la société CURIOZ LOISIRS ;

— son travail au sein de l’entreprise de M. X est concomitant à une perte de chiffre d’affaires de la société CURIOZ LOISIRS, le résultat net passant de 327.263 euros en 2012 à 58.964 euros en 2013 ;

— il a généré un chiffre d’affaires pour M. Z qui a été évaluée à 82.485 euros par M. A, expert comptable.

Par conclusions d’intimé n° 2, M. Z conclut à la confirmation du jugement déféré, au rejet des prétentions de l’appelante, et réclame paiement de la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, répliquant en résumé que :

— la liberté du travail étant le principe, il n’a commis aucune faute ;

— M. X travaillait à des opérations de tôlerie et de peinture, sous la direction du chef d’atelier, et n’avait aucune autonomie dans son travail, n’ayant accès à aucune information privilégiée ;

— lui-même était intervenu en qualité de sous-traitant pour la société CURIOZ LOISIRS et n’a pas besoin du savoir faire de cette société ;

— il ignorait le contenu du contrat de travail de M. X ;

— la société CURIOZ LOISIRS sous-traitant des travaux à des concurrents directs, elle ne peut justifier la restriction apportée à la liberté de travail de M. X ;

— la preuve d’un quelconque dommage n’est pas rapportée, d’autant que les comptes sociaux de l’exercice 2013 montrent une hausse sensible de l’activité.

MOTIFS DE LA DECISION

Si la liberté de la concurrence reste, dans une économie de marché, le principe fondamental des rapports commerciaux, chaque commerçant ou industriel ayant la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que cela puisse lui être reproché, cette liberté dans l’exercice de la concurrence n’est pas absolue, la recherche de la clientèle ne devant pas exprimer un comportement déloyal. Tel est le cas lors d’une captation de la clientèle par des moyens déloyaux, comme pourrait l’être l’usage de fichiers clients ou la connaissance des conditions tarifaires du concurrent, obtenue par des moyens anormaux, mais aussi le débauchage du personnel de la société concurrencée.

L’action en concurrence déloyale trouvant son fondement dans les dispositions des articles 1382 et 1383 (anciens) du code civil, l’appelante doit démontrer le caractère fautif d’une intervention sur le marché, l’atteinte à la clientèle actuelle ou potentielle étant licite en application du principe de la licéité du dommage concurrentiel.

En revanche, peu importe la nature de la faute, intentionnelle ou non, ou l’existence d’une situation de concurrence directe ou effective entre les deux sociétés qui n’est pas une condition de l’action, celle-ci pouvant être mise en 'uvre, dès lors que le comportement litigieux intervient directement ou indirectement dans l’exercice d’une activité économique développée dans un secteur concurrentiel.

En l’espèce :

— aux termes du contrat de travail liant le liant à la société CURIOZ LOISIRS, M. X ne pouvait exercer une autre activité professionnelle sans autorisation de son employeur; cette clause, outre le fait que sa validité ne peut être remise en cause par M. Z, tiers au contrat de travail, est régulière, le contrat de travail étant régi par le principe de loyauté dans les relations contractuelles entre les parties ;

— M. Z ne saurait prétendre qu’il ne connaissait pas l’irrégularité de la situation de son employé, puisqu’il a essayé, lors de la venue de l’huissier, de dissimuler sa présence dans ses locaux ;

— l’emploi de M. X par M. Z est de nature à générer un préjudice pour la société CURIOZ LOISIRS, qui voit un concurrent direct pouvoir offrir un meilleur service à sa clientèle, avec des prix plus modérés, et ce, alors que M. X était parfaitement formé, non seulement concernant la mécanique, mais aussi l’entretien spécifique des cellules ou la pose d’accessoires, comme le montrent les stages de formations payés par son employeur ;

— toutefois, le préjudice qui est en résulté n’a pu être que minime : la présence de M. X dans l’entreprise de M. Z était limitée à un jour par semaine ; – M. X n’avait pas de fonction commerciales au sein de la société CURIOZ LOISIRS, et n’était ainsi pas à même de provoquer un détournement de clientèle au profit de M. Z ; si celui-ci a pu grâce à cette man’uvre proposer un meilleur service à sa clientèle, renforçant ainsi sa position sur le marché annécien du camping car, l’impact sur la société CURIOZ LOISIRS n’a pu être que marginal, celle-ci étant bien plus importante que l’entreprise de M. Z, bénéficiant d’une forte notoriété, et disposant d’un personnel nombreux ;

— si son chiffre d’affaires a connu une inflexion, il ne s’est agi que d’un phénomène conjoncturel, l’année 2013 s’avérant bien meilleure, les années suivantes connaissant des chiffres similaires à ceux des années précédentes ;

— en tout état de cause, le dommage ne peut être équivalent à une perte de chiffre d’affaires, mais à une perte de marge nette.

Dans ces conditions, la Cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer à la somme de 8.000 euros les dommages intérêts qui seront alloués à la société CURIOZ LOISIRS.

Enfin, l’équité ne commande qu’une application modérée des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile exposés par l’appelante, tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement entrepris,

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que M. Z a commis un acte de concurrence déloyale au détriment de la société CURIOZ LOISIRS, par l’emploi d’un salarié de cette dernière, à l’origine d’un préjudice,

CONDAMNE M. Z à payer à la société CURIOZ LOISIRS les sommes de :

—  8.000 euros de dommages intérêts ;

—  2.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel,

AUTORISE Me BETEMPS, avocats, à recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 28 février 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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