Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 3 avril 2018, n° 16/01862

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 3 avr. 2018, n° 16/01862
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 16/01862
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Annecy, 18 juillet 2016, N° 2015J00046
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PG/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre Civile – 1re section

Arrêt du Mardi 03 Avril 2018

RG : 16/01862

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 19 Juillet 2016, RG 2015J00046

Appelante

SA AUCHAN, demeurant […]

représentée par Me Nicolas CHAMBET, avocat au barreau d’ANNECY

Intimée

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, dont le siège social est situé 1 esplanade de France – […]

représentée par la SELARL LEGI RHONE ALPES JULLIEN PIOLOT, avocats postulants au barreau d’ANNECY, et Me Jean-Louis FOURGOUX, avocat plaidant au barreau de PARIS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 13 février 2018 par Monsieur Philippe GREINER, en qualité de rapporteur, avec l’assistance de Mme X LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Philippe GREINER, Président

—  Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-

La société AUCHAN exploite un hypermarché à Epagny, dans l’agglomération annécienne, d’une superficie de 6.165 m², tandis que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE (ci-après désignée CASINO) exploite un supermarché de 1.600 m² à La Balme de Sillingy, à environ 6 km.

L’article 1er de l’arrêté du 07/07/1976 du Préfet de la Haute-Savoie dispose que « les établissements de commerce de détail où sont mis en vente des matériels de radio-télévision, électro-ménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, des articles de droguerie en ce qui concerne notamment les produits d’entretien, peinture et papiers peints seront fermés au public le dimanche toute la journée dans le département de la Haute-Savoie ».

Par acte du 29/01/2015, la société AUCHAN a assigné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE devant le tribunal de commerce d’Annecy en paiement de la somme de 15.000 euros de dommages intérêts pour concurrence déloyale.

Par jugement du 19/07/2016, le tribunal a débouté la société AUCHAN de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

La société AUCHAN a relevé appel de cette décision, demandant à la Cour, dans ses conclusions du 10/01/2018, de réformer le jugement entrepris et de :

— constater que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s’est livrée à des actes de concurrence déloyale, le dimanche 07/09/2014, en proposant à la vente des articles d’ameublement et d’équipement de la maison, de matériel de radio-télévision, d’électro-ménager, de quincaillerie, de bricolage, de droguerie, en violation de l’arrêté préfectoral du 07/07/2016 ;

— condamner la société CASINO au paiement de la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice économique, de celle de 15.000 euros au titre de son préjudice moral ;

— interdire à la société CASINO de vendre les dimanches les articles et produits visés par l’arrêté préfectoral du 07/07/1976 et ce, sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée ;

— la condamner au paiement de la somme de 7.500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Elle Y valoir en substance que :

— elle a Y dresser un constat par huissier le 07/09/2014, après avoir été autorisée pour ce faire par le président du tribunal de commerce d’Annecy par ordonnance du 20/08/2014, la demande de rétractation formée par la société CASINO ayant été rejetée le 17/12/2014, aux termes duquel le magasin de la Balme de Sillingy était ouvert ce dimanche là et présentait à la vente des produits visés par l’arrêté préfectoral susmentionné ;

— ce texte est applicable en l’espèce et doit s’appliquer à tous les commerces, même à ceux à prédominance alimentaire ;

— son inobservation est constitutive d’un acte de concurrence déloyale, en ce qu’elle crée une rupture d’égalité entre les opérateurs économiques ;

— le supermarché CASINO n’entre pas dans la catégorie des commerces de proximité et propose le même type de marchandises, et ce, dans la même zone de chalandise, les deux magasins étant situés à 5,2 km l’un de l’autre, soit une quinzaine de minutes en voiture ;

— la société CASINO ayant réalisé ce jour là un chiffre d’affaires de 21.068,55 euros, la perte de chance qui en est résulté pour la société AUCHAN de réaliser un chiffre d’affaires supplémentaire doit être fixée à 15.000 euros, de même que son préjudice moral, reconnu pour les personnes morales.

Dans ses conclusions en réponse et récapitulatives n° 1 d’intimée, la société CASINO, pour conclure à la confirmation de la décision déférée, au débouté de la société AUCHAN de ses demandes et à sa condamnation à 10.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, réplique que :

— l’arrêté préfectoral ne s’applique pas à son magasin, qui est à prédominance alimentaire et est situé en dehors de la zone de chalandise de l’hypermarché AUCHAN, celle d’un hypermarché n’étant pas la même que celle d’un supermarché ;

la société AUCHAN n’a subi aucun préjudice, et ses demandes sont disproportionnées, le chiffre d’affaires des produits concernés dans le magasin Casino ce jour là n’ayant atteint que la somme de 2.102,50 euros.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des éléments du dossier que les deux magasins en cause proposent à la vente le même type de marchandises, relevant tous deux de la catégorie des commerces de détail non spécialisé à prédominance alimentaire.

Par ailleurs, ils sont situés dans la même zone de chalandise, c’est à dire celle de l’agglomération annécienne, n’étant distincts l’un de l’autre que de 6 km environ, c’est à dire moins d’un quart d’heure en véhicule.

Le supermarché CASINO étant dans la zone de chalandise de l’hypermarché AUCHAN, la société AUCHAN justifie ainsi d’un intérêt légitime à agir en concurrence déloyale à l’encontre de la société CASINO.

En matière de concurrence déloyale, celui qui entend voir retenir la responsabilité de son concurrent doit rapporter la preuve des actes commis constitutifs d’une concurrence déloyale, le préjudice subi et le lien de causalité entre ces actes et le préjudice, le fondement de son action étant la responsabilité quasi-délictuelle, régie par les articles 1240 et 1241 du code civil.

En l’espèce, il est reproché à la société CASINO d’avoir ouvert son magasin en contravention avec l’arrêté préfectoral susrappelé.

Ce texte ne limite pas son champ d’application aux seuls établissements qui proposeraient à la vente les articles mentionnés dans l’arrêté, à savoir des matériels de radio-télévision, électro-ménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, des articles de droguerie en ce qui concerne notamment les produits d’entretien, peinture et papiers peints, mais est opposable à tous les magasins qui en offrent à leurs clients.

Comme cela ressort du procès-verbal de constat du 07/09/2014, le supermarché CASINO dispose de plusieurs rayons d’articles de radio-télévision et électroniques tels que téléviseurs, téléphones sans fil, appareils photo numériques, imprimantes laser, casques audio, chaînes A-B, avec les consommables et accessoires afférents, de piles électriques, ampoules, produits de petit bricolage , d’appareils électro-ménagers (cafetières électriques, aspirateurs, bouilloires, grille-pains, friteuses, mixers, centrales vapeur, etc..) ainsi que des produits de ménage (balais, seaux, serpillières..) et pour la maison (vaisselle, ustensiles de cuisine).

Ces rayons étaient accessibles à la clientèle le dimanche 7 septembre 2014. Dès lors, le supermarché CASINO ne peut bénéficier des dispositions de l’article L.3132-13 du code du travail, qui permettent aux commerces alimentaires de poursuivre leur activité jusqu’au dimanche 13 heures. En effet, cette dérogation n’est pas de droit, un préfet pouvant déroger à ce texte, lui-même dérogatoire, de façon à imposer les mêmes règles de repos hebdomadaire à tous les professionnels exerçant la même activité, à titre principal ou accessoire, pour maintenir une égalité de concurrence.

La Cour considère dans ces conditions que la faute alléguée à l’encontre de la société CASINO est établie.

En ouvrant le dimanche les rayons non alimentaires concernés par l’arrêté préfectoral, la société CASINO a causé nécessairement un préjudice à la société AUCHAN en attirant la clientèle ne pouvant se rendre dans l’hypermarché d’Epagny, celui-ci étant fermé.

Le chiffre d’affaires réalisé ce dimanche par la société CASINO a été de 21.068,55 euros, étant relevé que celui généré par la vente des marchandises visées par l’arrêté préfectoral a été de 2.102,50 euros. Compte tenu du Y que l’achat de produits alimentaires le dimanche est essentiellement le Y d’une clientèle de proximité, que le préjudice subi est la perte de marge et non celle du chiffre d’affaires, la Cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer son montant à 2.000 euros. En revanche, il n’est pas démontré que l’image de la société AUCHAN ait été atteinte, et en conséquence, la demande de dommages intérêts pour préjudice moral sera rejetée.

Par ailleurs, étant allégué par l’appelante, sans que cette affirmation soit sérieusement contestée par l’intimée, que la société CASINO ouvre son supermarché régulièrement le dimanche matin, il lui sera enjoint, sous astreinte, de cesser la vente des produits visés à l’arrêté préfectoral à cette période.

Enfin, l’équité ne commande qu’une application modérée des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a commis une faute en proposant à la vente le dimanche 7 septembre 2014 des matériels de radio-télévision, électro-ménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, des articles de droguerie, ayant occasionné un préjudice à la société AUCHAN,

LA CONDAMNE à payer à la société AUCHAN la somme de 2.000 euros à dommages intérêts en réparation de son préjudice économique,

DIT n’y avoir lieu à dommages intérêts pour préjudice moral,

Y Z à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de proposer à la vente le dimanche des matériels de radio-télévision, électro-ménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, articles de droguerie, et toutes marchandises visées par l’arrêté du Préfet de la Haute-Savoie du 7 juillet 1976, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée,

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à la société AUCHAN la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel, qui comprendront le coût du procès-verbal dressé par la société OFFICIALIS,

AUTORISE la Selarl CHAMBET, avocat, à recouvrer directement les dépens dont elle a Y l’avance sans avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 03 avril 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Président et X

LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 3 avril 2018, n° 16/01862