Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 18 janvier 2018, n° 17/01573

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 18 janv. 2018, n° 17/01573
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 17/01573
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chambéry, 5 novembre 2014, N° F13/00224
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 18 JANVIER 2018

RG : 17/01573 CF / NC

Z Y épouse X

C/ SARL ELEA CORP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 06 Novembre 2014, RG F 13/00224

APPELANTE :

Madame Z Y épouse X

[…]

[…]

représentée par Me Florian GROBON, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL ELEA CORP

[…]

[…]

représentée par Me Renaud GIULY substitué par Me Cédric RIBOT (SELARL IXA), avocats au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Novembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, Président, qui s’est chargée du rapport

Madame Anne DE REGO, Conseiller

Madame Françoise SIMOND, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame A B,

********

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS

Suivant contrat à durée indéterminée, Z Y a été engagée en date du 21 septembre 2009 par la société ELEA CORP, qui exerce une activité de commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté à l’enseigne OIA Beauté, en qualité de conseillère beauté pour une durée de travail de 37 heures par semaine et été affectée au magasin de Mâcon.

Après avoir été convoquée le 16 avril 2013 à un entretien préalable, lequel se tiendra le 30 avril suivant et sera assorti d’une mise à pied à titre conservatoire à l’issue de cet entretien, Z Y a été licenciée le 6 mai 2013 pour refus réitérés de respecter les consignes et perte de confiance.

Le 16 septembre 2013, Z Y épouse X a saisi le conseil de prud’hommes de Chambéry en contestation du bien fondé de cette mesure.

Par jugement en date du 6 novembre 2014 le conseil de prud’hommes de Chambéry a :

— condamné la société ELEA CORP à payer à Z X la somme de 500 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

— dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ,

— débouté Z Y du surplus de ses prétentions,

— rejeté les demandes respectives des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— mis les dépens à la charge des parties.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception le 17 novembre 2014.

Par déclaration du 15 décembre 2014, Z Y a interjeté appel partiel de la décision.

Le 2 juillet 2015, la cour, constatant l’irrespect par l’appelante du contrat de procédure, a ordonné la radiation de l’affaire, laquelle sera réenrôlée le 28 juin 2017.

Aux termes des débats et des écritures des parties, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est fait référence pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés,

Z X née Y demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu le 6 novembre 2014 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement est irrégulier,

— y ajoutant, condamner la société ELEA CORP à lui verser la somme de 3 479,08 €,

— infirmer le jugement rendu le 6 novembre 214 en ce qu’il a jugé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— statuant à nouveau, dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamner la société ELEA CORP à lui verser la somme de 20 874,46 €,

en tout état de cause,

— condamner la société ELEA CORP à lui payer les sommes suivantes:

* 10 437,23 € en indemnisation des conditions brutales et vexatoires de la rupture de son contrat de travail,

* 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société ELEA CORPS aux entiers dépens.

Elle soutient que :

— l’entretien préalable se tenant à La Motte Servolex, les convocations auraient dû mentionner les adresses de la mairie de La Motte et de la DIRRECTE de la Savoie pour la consultation des conseillers du salarié ; que, tel n’ayant pas été le cas, le licenciement est irrégulier ;

— la société ELEA CORPS ne peut lui opposer l’application de la charte institut fondant la mesure de licenciement dans la mesure où ce document n’a pas fait l’objet d’un dépôt auprès de l’inspection du travail ou du conseil de prud’hommes ; que par ailleurs les exigences imposées par la société n’étaient pas proportionnées et justifiées par rapport à son activité ; que la charte n’aurait vocation à s’appliquer que dans l’institut et non dans la surface de vente ; qu’en outre il n’a jamais été constaté qu’elle n’avait pas les cheveux attachés en cabine ; que l’attitude négative reprochée n’est pas démontrée ; qu’enfin il n’est pas établi qu’elle soit à l’origine de l’encaissement du chèque en cause et qu’il est de pratique courante de forcer l’encaissement d’un chèque rejeté par le traitement Transax ; que son licenciement est donc injustifié et la rupture est en réalité la conséquence des revendications sur le financement de cet équipement de travail qu’elle a émises sur la charte institut.

La société ELEA CORP sollicite de voir :

— dire que la rupture du contrat de travail repose sur une cause réelle et sérieuse et en conséquence confirmer sur ce point la décision du conseil de prud’hommes de Chambéry,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Z X de sa demande d’indemnisation au titre d’un licenciement prétendument vexatoire,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société ELEA CORPS à régler 500 € au titre d’une irrégularité de procédure,

— la condamner à une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

— la charte de l’institut est applicable du seul fait qu’elle a été soumise à la signature de la salariée ; que cette dernière a délibérément refusé de s’y soumettre et s’est vivement opposée à sa hiérarchie ; qu’elle a par ailleurs procédé à l’encaissement d’un chèque refusé par le système Transax, lequel fonctionnait parfaitement, et au surplus ne comportant pas le numéro de la pièce d’identité de son émetteur ;

— il est exact qu’elle n’a pas fait figurer les bonnes adresses sur la lettre de convocation à l’entretien préalable ; que le préjudice subi par la salariée, qui a été assistée lors de l’entretien préalable, est cependant faible.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le

juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu’ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

Que par ailleurs la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Qu’enfin il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement ;

Attendu qu’en l’espèce Z Y a été licenciée par lettre recommandée du 6 mai 2013 pour trois séries de motifs, qu’il convient d’analyser successivement :

- Non-respect de la charte OIA Beauté :

Attendu qu’il est reproché à Z Y de refuser le port de chaussures plates, type ballerines, lors de l’exécution des soins en cabine, exigence prévue par la charte de l’institut ; qu’il lui est également fait grief d’avoir parfois travaillé sans avoir les cheveux attachés ;

Que, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 1321-5 du code du travail : 'Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.' ; que l’article R. 1321-2 du même code dispose que : 'Le règlement intérieur est déposé, en application du deuxième alinéa de l’article L. 1321-4, au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement.' et qu’il résulte de l’article R. 1321-4 que : 'Le texte du règlement intérieur est transmis à l’inspecteur du travail en deux exemplaires.' ;

Qu’en l’espèce, la salariée soutient sans être contredite que la charte OIA Beauté dont se prévaut l’employeur exigeant le port de chaussures plates type ballerine et les cheveux attachés lors des soins en cabine – dispositions de nature disciplinaires rentrant donc dans le champ d’application du règlement intérieur – n’a ni été déposé au greffe du conseil de prud’hommes, ni été transmis à l’inspecteur du travail ; que cette clause ne peut dès lors être opposée à la salariée, laquelle ne peut être régularisée par l’apposition de la signature de toutes les salariés de l’entreprise sur la nouvelle charte en litige, non contractualisée à l’égard de la salariée ; qu’ainsi, l’employeur ne peut valablement se prévaloir d’un manquement de l’intéressée aux dispositions y figurant ;

Que, par suite, ce grief ne peut être retenu ;

- Attitude négative et agressive :

Attendu qu’il est reproché à la salariée un manque de respect à l’égard de la responsable du magasin, une attitude désagréable envers les clientes et un comportement négatif vis à vis de l’enseigne ;

Que le seul témoignage de la responsable Camille Friderich est insuffisant à établir la réalité de ce grief, l’intéressée se bornant à faire état d’un non-respect de la hiérarchie, de réactions excessives, d’un manque de motivation et d’une lassitude de l’équipe sans donner d’exemples précis tout en renvoyant à ce titre à la responsable adjointe Angéline MARET ; que cette dernière n’atteste aucunement de circonstances dans lesquelles la salariée aurait montré la 'hargne’ que lui impute Camille Friderich, mais se contente d’évoquer l’irrespect par la salariée des tenue et coiffure imposées dans la charte ; que dans une attestation délivrée à la salariée, si elle évoque en les généralisant 'quelques démêlés comme dans toute équipe de travail', elle affirme l’absence de hargne à son égard ;

Que ce deuxième grief n’est donc pas établi ;

- Encaissement d’un chèque rejeté par le traitement Transax :

Attendu qu’il est fait grief à la salariée d’avoir sciemment encaissé le 21 mars 2013 un chèque de 106,60 euros rejeté par le système de vérification Transax ;

Que pour autant l’employeur ne produit aucune pièce démontrant que la salariée ait elle-même procédé à la réalisation de l’opération qui lui est reprochée ; qu’il verse en effet un chèque non daté dont le bénéficiaire est Grace Kwanza WANSISA d’un montant de 106,80 €, portant en verso des numéros, les lettres BP BFC et la date du 27 mars 2013, un relevé d’opération à la date du 21 mars 2013 portant mention du chèque litigieux d’un montant de 106,80 et un avis de rejet de la société générale ; que quand bien même la salariée ne conteste pas avoir travaillé le 21 mars 2013, ces pièces sont insuffisantes pour lui imputer la dite opération, alors que son ancienne responsable atteste que des salariés peuvent se succéder pour procéder à un encaissement, en utilisant la touche caisse de l’une ou l’autre ; que dès lors que la salariée conteste avoir procédé à la dite opération et en l’absence d’autres éléments de preuve, ce grief ne peut lui être imputé ;

Attendu qu’en conséquence, en l’absence de grief dument établi, le licenciement est dépourvu de cause réelle et la décision prud’homale sera ce faisant infirmée ;

Que sur l’appréciation du préjudice en application de l’article L 1235-5 du code du travail, il convient d’observer que la salariée exerçait dans une entreprise occupant 4 salariés ; qu’ayant près de 4 années d’ancienneté, son salaire mensuel moyen sur les douze derniers mois s’élevait à la somme de 1 739,54 € brut ; que depuis le licenciement, elle ne justifie pas de sa situation professionnelle ; que dès lors, son préjudice sera évalué à la somme de 11 000 € ; que cette indemnisation intègre les circonstances de la rupture, dès lors qu’il n’est pas justifié d’un préjudice distinct qu’aurait subi la salariée ;

Que l’irrégularité procédurale liée aux mentions de l’adresse de la mairie du département de la Savoie où se tiendra l’entretien préalable au licenciement n’est pas contestée ; que l’employeur ne demande confirmation de l’évaluation retenue par le conseil de prud’hommes à hauteur de 500 € ; que la salariée ne justifie pas d’un plus ample montant ; que la décision prud’homale sera à ce titre confirmée ;

Attendu qu’il n’est pas inéquitable de condamner l’employeur à verser à la salariée une somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles qu’elle a été amenée à exposer durant la procédure ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme partiellement le jugement déféré du conseil de prud’hommes de Chambéry en date du 6 novembre 2014 en ce qu’il a :

— dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

— débouté Z Y du surplus de ses prétentions et rejeté les demandes respectives des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— mis les dépens à la charge des parties.

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la société ELEA CORP à payer à Z Y épouse X la somme de 11 000 € en réparation du préjudice subi du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Déboute Z Y épouse X de sa demande indemnitaire au titre des conditions de la rupture du contrat de travail,

Condamne également la société ELEA CORP à verser à Z Y épouse X une somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirme le surplus des dispositions de la juridiction prud’homale,

Condamne la société ELEA CORP aux entiers dépens.

Ainsi prononcé publiquement le 18 Janvier 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Claudine FOURCADE, Présidente, et Madame A B, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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