Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 7 janvier 2020, n° 18/00639

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 7 janv. 2020, n° 18/00639
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 18/00639
Décision précédente : Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, 19 février 2018, N° 2016000078
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AF/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 07 Janvier 2020

N° RG 18/00639 – N° Portalis DBVY-V-B7C-F5ZG

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 20 Février 2018, RG 2016000078

Appelante

BANQUE LAYDERNIER, SA dont le siège social est situé […]

Représentée par la SCP MERMET & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimé

M. Z X

né le […] à CLERMONT-FERRAND, demeurant […]

Représenté par Me Florent FRANCINA, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 30 septembre 2019 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  M. Michel FICAGNA, Président,

—  Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller, qui a procédé au rapport

—  Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

La société Anthomea, dont M. Z X était le gérant, a souscrit le 1er juin 2013, auprès de la Banque Laydernier, un crédit en compte courant d’un montant de 70.000 euros pour une durée de 12 mois, devant être entièrement remboursé au 1er juin 2014, au taux d’intérêt de 3,70 % l’an.

L’article 11 de la convention prévoit que le crédit est garanti par l’aval d’un billet à ordre, donné par M. X gérant de la société, réalisé le même jour par acte séparé. Un billet à ordre a ainsi été établi le 1er juin 2013 pour 70.000 euros, sur lequel la société Anthomea figure comme bénéficiaire et comme souscripteur, et signé par M. X.

Par acte du 31 octobre 2013, M. X a cédé la totalité de ses parts dans la société Anthomea à M. B Y qui en est devenu le gérant et s’est, en cette qualité, substitué dans toutes les

garanties personnelles que M. X avait consenties au profit de la société. Le billet à ordre du 1er juin 2013 n’a toutefois pas été mentionné au titre des garanties transmises avec les parts sociales, et le concours bancaire objet de cette garantie a été maintenu.

A l’échéance, le crédit n’a pas été remboursé en totalité par la société Anthomea et le billet à ordre n’a pas été payé faute de crédit suffisant sur son compte. Par deux courriers recommandés avec accusé de réception en date du 21 octobre 2014, la Banque Laydernier a:

— dénoncé la convention de compte courant à la société Anthomea, et l’a mise en demeure de lui payer la somme de 70.000 euros outre intérêts,

— mis M. X en demeure de payer la même somme au titre de l’aval donné au billet à ordre du 1er juin 2013.

Ces mises en demeure étant restées sans effet, la Banque Laydernier a déposé une requête en injonction de payer auprès du président du tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, lequel, par ordonnance du 12 octobre 2015, a enjoint à la société Anthomea et à M. X en qualité d’avaliste, de payer à la Banque Laydernier la somme de 70.000 euros en principal, outre 1.661,59 euros d’intérêts et les frais de procédure.

La société Anthomea et M. X ont chacun formé opposition à cette ordonnance et l’affaire est revenue devant le tribunal de commerce.

En cours d’instance, la société Anthomea a été placée en redressement judiciaire par jugement du 1er juillet 2016, converti en liquidation judiciaire le 20 avril 2017, Me Luc Gomis étant désigné en qualité de liquidateur.

La Banque Laydernier a déclaré sa créance au passif de la société Anthomea, et les organes de la procédure ont été appelés en cause devant le tribunal de commerce.

Par jugement contradictoire, rendu le 20 février 2018, le tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains a:

' constaté que la créance de la Banque Laydernier figure au bilan de la société Anthomea pour l’exercice 2013/2014,

' fixé la créance de la Banque Laydernier au passif de la société Anthomea à la somme de 75.580,55 euros conformément à la déclaration de créance du 19 juillet 2016,

' débouté la société Anthomea de sa demande de dommages et intérêts de 8.000 euros,

' débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts de 25.000 euros,

' débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700,

' dit que les dépens seront mis à la charge de parties,

' dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du jugement.

La lecture des motifs du jugement révèle que le tribunal a considéré que le billet à ordre du 1er juin 2013 n’était pas régulier et que la Banque Laydernier ne pouvait s’en prévaloir à l’égard de M. X, ni en qualité d’avaliste, ni en qualité de caution.

Par déclaration du 29 mars 2018, la Banque Laydernier a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il l’a

déboutée de sa demande en paiement dirigée à l’encontre de M. X.

L’affaire a été clôturée à la date du 19 septembre 2019 et renvoyée à l’audience du 30 septembre 2019, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 3 décembre 2019, prorogé à ce jour.

Par conclusions notifiées le 19 septembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la Banque Laydernier demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de commerce,

' réformer partiellement le jugement déféré,

' statuant à nouveau,

' condamner M. X, en sa qualité d’avaliste du billet à ordre du 1er juin 2013, à payer à la Banque Laydernier la somme principale de 70.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2014 et jusqu’à parfait paiement,

' débouter M. X de son appel incident,

' condamner M. X à payer à la Banque Laydernier une indemnité de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

' condamner M. X en tous les dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions notifiées le 20 septembre 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. X demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les articles L. 512-1 et suivants et l’article L. 511-21 du code de commerce,

Vu les anciens articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation (applicables aux fais de l’espèce),

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil (applicables aux faits de l’espèce),

' confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de la Banque Laydernier en condamnation de M. X à lui verser la somme de 70.000 euros outre intérêts, en exécution d’un billet à ordre irrégulier et ne présentant aucune mention d’un engagement à titre personnel de ce dernier,

' réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. X en condamnation de la Banque Laydernier à lui payer la somme de 25.000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice,

Statuant à nouveau,

' dire que la Banque Laydernier a manqué à ses obligations élémentaires en omettant de porter à la connaissance des parties l’existence de l’aval et en omettant d’imposer ou de solliciter la substitution de l’avaliste au moment de la cession des parties de la société Anthomea en octobre 2013, lors du renouvellement du billet à ordre en mai 2014 ou lorsqu’elle a accordé un prêt à la nouvelle société de M. X en avril 2014,

' condamner la Banque Laydernier à verser la somme de 25.000 euros à M. X à titre de dommages et intérêts,

' condamner la Banque Laydernier à verser la somme de 3.500 euros à M. X au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

' condamner la même aux entiers dépens.

MOTIFS ET DÉCISION

1/ Sur la régularité du billet à ordre

En application de l’article L. 512-1, § I, du code de commerce, le billet à ordre contient:

1° la clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre;

2° la promesse pure et simple de payer une somme déterminée;

3° l’indication de l’échéance;

4° celle du lieu où le paiement doit s’effectuer;

5° le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait;

6° l’indication de la date et du lieu où le billet est souscrit;

7° la signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur.

L’article L. 512-2 dispose que le titre dans lequel une des énonciations indiquées au I de l’article L. 512-1 fait défaut ne vaut pas comme billet à ordre, sauf dans les cas déterminés aux II à IV de ce même article.

Le billet à ordre, par sa nature même, lie nécessairement un souscripteur et un bénéficiaire distincts, le souscripteur ne pouvant être en même temps le bénéficiaire, ce qui reviendrait à souscrire un engagement à soi-même.

En l’espèce, M. X soutient, comme l’a retenu le tribunal, que le billet à ordre du 1er juin 2013 n’est pas régulier puisque la société Anthomea y figure à la fois comme souscripteur et comme bénéficiaire, ce qui est impossible.

La Banque Laydernier soutient pour sa part que l’identité entre le souscripteur et le bénéficiaire du billet à ordre n’entraîne pas la nullité de ce dernier, l’endossement par le souscripteur bénéficiaire au profit d’une banque lui conférant la qualité de bénéficiaire du titre.

Il résulte du billet à ordre litigieux, produit aux débats en original par la Banque Laydernier, que la société Anthomea y figure comme bénéficiaire et comme souscripteur. Ce document contient à trois reprises la signature de M. X:

— au recto avec le tampon de la société Anthomea comme signature du souscripteur,

— au recto encore sous la mention manuscrite «bon pour aval de la somme de 70.000 euros»,

— au verso, avec le tampon de la société Anthomea, sous la mention manuscrite «bon pour aval de la somme de 70.000 euros soixante dix mille euros X Z le gérant».

Il résulte de ces mentions que, contrairement à ce que soutient la banque, le billet à ordre n’a jamais

été endossé à son profit.

Ainsi, si l’identité du bénéficiaire et du souscripteur n’entraîne pas automatiquement la nullité du billet à ordre, c’est à la condition que par l’effet de l’endossement un bénéficiaire distinct du souscripteur ait été désigné, permettant ainsi la régularisation de l’acte. Or en l’espèce la Banque Laydernier ne peut prétendre en être le bénéficiaire, faute d’apparaître en cette qualité sur le billet litigieux.

En conséquence, le billet à ordre n’est pas régulier en la forme.

Sur ce point, c’est à juste titre que M. X souligne que la Banque Laydernier, en sa qualité de professionnel, aurait dû vérifier la validité formelle du billet à ordre qui lui a été remis par la société Anthomea, ce qu’elle n’a manifestement pas fait.

2/ Sur la validité de l’engagement de M. X

Il est de jurisprudence constante que l’aval porté sur un billet à ordre irrégulier peut constituer un cautionnement.

Toutefois, M. X étant une personne physique, la validité de son engagement de caution au profit de la Banque Laydernier en garantie des engagements souscrits par la société Anthomea, est soumise au respect du formalisme impératif prévu par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ancien, applicables en l’espèce.

Il n’est pas discutable que l’aval porté sur le billet à ordre remis à la banque ne respecte pas ce formalisme, de sorte que l’engagement de caution de M. X est nul.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande en paiement formée par la Banque Laydernier à l’encontre de M. X, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la régularité de l’aval lui-même, puisqu’il a été porté sur un billet à ordre irrégulier et ne peut donc avoir les effets de l’aval au profit du porteur du billet.

Le tribunal ayant omis de statuer spécifiquement, dans le dispositif du jugement, sur le rejet de la demande en paiement formée par la Banque Laydernier à l’encontre de M. X, il y sera remédié par le présent arrêt.

3/ Sur la responsabilité de la Banque Laydernier

M. X forme un appel incident et fait grief au jugement déféré de l’avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la banque qui a commis des fautes contractuelles à son encontre.

Il invoque en premier lieu le fait que la banque aurait omis de lui rappeler qu’il était avaliste du billet à ordre lors de la cession de ses parts sociales à M. Y, cette garantie n’ayant donc pas été transmise au cessionnaire, contrairement à toutes les autres précédemment consenties.

Toutefois, dès lors qu’il a été retenu ci-dessus que M. X n’est pas tenu au paiement de l’aval au profit de la Banque Laydernier, aucun préjudice ne peut en avoir résulté, étant souligné que:

— contrairement à ce que M. X prétend, le billet à ordre n’a jamais été renouvelé, son échéance ayant été maintenue au 31 mai 2014,

— en sa qualité de gérant de la société Anthomea, débitrice, il avait incontestablement connaissance du billet à ordre litigieux qu’il a lui-même établi et signé à trois reprises,

— en sa qualité de cédant des parts sociales il avait qualité pour proposer une substitution d’avaliste, ce qu’il n’a pas fait (l’acte de cession des parts sociales n’étant pas produit aux débats),

— l’octroi par la Banque Laydernier à la société Groupe X d’un emprunt de 270.000 euros le 2 avril 2014, dont M. X fait état comme constitutif d’une faute de la banque, n’a strictement aucun lien avec le présent litige.

M. X fait encore grief à la Banque Laydernier d’avoir procédé abusivement à la saisie conservatoire des parts sociales qu’il détient dans la SARL Groupe X et de son compte bancaire, ce qui aurait entraîné de nombreux désagréments.

Toutefois, les mesures de saisie conservatoire pratiquées par la Banque Laydernier, qui était à la fois prêteur des fonds à la société Anthomea et détenteur du billet à ordre avalisé, même jugé irrégulier, ne peuvent apparaître comme abusives, celle-ci ayant pu croire de bonne foi détenir une garantie due par M. X. La faute n’est donc pas établie.

Au demeurant, il y a lieu de souligner que la somme rendue indisponible sur le compte bancaire s’élevait à 27,11 euros, dont M. X ne peut sérieusement prétendre qu’elle lui aurait été nécessaire pour pourvoir aux besoins de sa famille, tandis qu’il n’a pas été dessaisi de ses parts sociales, celles-ci ayant seulement été rendues indisponibles.

Enfin, et d’une manière générale, force est de constater que M. X ne rapporte la preuve d’aucun préjudice qu’il aurait subi du fait des fautes ci-dessus alléguées à l’encontre de la Banque Laydernier.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions critiquées.

4/ Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Banque Laydernier, qui succombe en son appel, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains le 20 février 2018 en toutes ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Déboute la Banque Laydernier de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. Z X,

Condamne la Banque Laydernier à payer à M. Z X la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Banque Laydernier aux entiers dépens.

Ainsi prononcé publiquement le 07 janvier 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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