Cour d'appel de Colmar, 25 novembre 2015, n° 15/01127

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 25 nov. 2015, n° 15/01127
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 15/01127
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 15 février 2015

Texte intégral

BP

MINUTE N° 705/2015

Copies exécutoires à

XXX

XXX

Maîtres D’AMBRA & BOUCON

Le 25 novembre 2015

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 25 novembre 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 15/01127

Décision déférée à la Cour : jugement du 16 février 2015 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et défenderesse :

La S.A. GENERALI VIE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

représentée par XXX XXX, avocats à COLMAR

plaidant : Maître ETIEMBLE, avocat à PARIS

INTIMÉE et demanderesse :

Madame M F-G

XXX

XXX

représentée par Maîtres D’AMBRA & BOUCON, avocats à COLMAR

plaidant : Maître FREEMANN-HECKER, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Z POLLET, Président

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller

Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Z POLLET, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 3 janvier 2003, Mme F-G, qui exerçait la profession de chirurgien dentiste, a souscrit auprès de la société Generali France un contrat d’assurance dit 'plan professions libérales’ garantissant notamment les risques d’incapacité temporaire totale de travail et d’invalidité totale et définitive.

A compter du 26 janvier 2010, Mme F-G a du arrêter de travailler en raison de problèmes de santé. Elle n’a pas pu reprendre l’exercice de sa profession et a vendu son cabinet le 15 juin 2011.

Après avoir versé des indemnités journalières jusqu’au 31 juillet 2010, la société Generali France a cessé d’honorer sa garantie au motif que l’incapacité de Mme F-G n’était plus totale et donc n’était plus garantie.

Par ordonnance de référé en date du 17 mai 2011, une expertise médicale a été ordonnée et la société Generali France a été condamnée à verser à Mme F-G, à titre provisionnel, les indemnités journalières prévues au contrat d’assurance, soit 191,15 euros par jour, à compter du 1er octobre 2010 jusqu’à ce qu’il soit établi par voie d’expertise soit que Mme F-G ne serait plus en état d’incapacité totale, soit que son état serait consolidé.

Le Docteur Z A, commis en qualité d’expert, a établi le 28 mars 2012 un rapport concluant à l’existence d’une pathologie visuelle entraînant une invalidité professionnelle totale et définitive au sens du contrat d’assurance.

Mme F-G ayant fait assigner la société Generali France pour bénéficier de la garantie invalidité, le tribunal de grande instance de Strasbourg, par jugement du 31 décembre 2012, a ordonné une nouvelle expertise, confiée au Docteur J H-I, lequel a établi un rapport définitif le 30 décembre 2013.

Au vu de ce rapport, le tribunal de grande instance de Strasbourg, par jugement en date du 16 février 2015, a

— dit que l’état de Mme F-G est consolidé depuis le 1er août 2011,

— dit que Mme F-G est en invalidité et, en application de l’article 18 des conditions générales du contrat d’assurance, qu’elle a droit à une rente égale à 85 % de l’indemnité journalière, qui cesse d’être due si le taux d’invalidité devient inférieur à un tiers, en cas de liquidation de la pension vieillesse, en cas de décès et au plus tard au 65e anniversaire de l’assurée,

— condamné la société Generali France à payer à Mme F-G

* la somme de 183 136,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de la rente invalidité pour la période du 1er avril 2012 au 16 février 2015,

* la somme de 174,25 euros par jour à compter du 17 février 2015, cette somme cessant d’être due si le taux d’invalidité devient inférieur à un tiers, en cas de liquidation de la pension vieillesse, en cas de décès et au plus tard au 65e anniversaire de l’assurée,

* la somme de 10 750 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de remboursement des cotisations d’assurance payées par Mme F-G du 1er août 2011 au 16 février 2015,

* la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— dit que Mme F-G est exonérée du paiement des cotisations à compter du jugement,

— condamné la société Generali France à payer à Mme F-G la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Generali France aux entiers dépens,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Generali France a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 26 février 2015.

Par ordonnance en date du 29 septembre 2015, il a été fait application des dispositions de l’article 915 du code de procédure civile et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 7 octobre 2015.

*

La société Generali France demande à la cour, avant dire droit,

— de condamner Mme F-G, sous astreinte, à communiquer le rapport du Docteur B C, désigné en qualité d’expert judiciaire dans une affaire opposant Mme F-G à la compagnie ACM vie,

— d’ordonner un complément d’expertise afin de déterminer si les traitements curatifs évoqués par l’expert H-I présentent ou non un risque assez élevé pour qu’il soit déconseillé à Mme F-G de les suivre, et, en tant que de besoin, afin de dire s’il existe d’autres traitements que Mme F-G pourrait suivre sans risque élevé pour sa santé.

Au fond, l’appelante demande à la cour, à titre principal,

— de prononcer la nullité du contrat d’assurance en raison des fausses déclarations faites par Mme F-G lors de son adhésion au régime de prévoyance des professions libérales,

— de condamner Mme F-G à restituer la somme de 101 243,17 euros perçue à tort, avec intérêts au taux légal à compter du paiement des prestations,

— de condamner Mme F-G à payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour faute dolosive.

Au soutien de ces demandes, la société Generali France fait valoir que Mme F-G a omis de déclarer, dans le questionnaire du 3 janvier 2003, une intervention chirurgicale qu’elle avait mentionnée dans un précédent questionnaire du 29 avril 1999, un kyste ovarien pour lequel elle avait été traitée et une myopie ayant fait l’objet de traitements au laser. Selon l’appelante, ces fausses déclarations étaient intentionnelles et ont modifié l’opinion du risque pour l’assureur.

A titre subsidiaire, la société Generali France soutient que les conditions de la garantie invalidité ne sont pas remplies, aux motifs que la présence de corps flottants dans le vitré des yeux, dont est atteinte Mme F-G, ne constitue pas une maladie au sens du contrat d’assurance et que Mme F-G est de mauvaise foi au regard de son refus de suivre un traitement non chirurgical sans risque de nature à faire disparaître les corps flottants. L’appelante sollicite en conséquence la condamnation de Mme F-G à lui rembourser la somme de 37 774,08 euros au titre des indemnités journalières versées indûment du 1er août 2011 au 31 mars 2012.

A titre plus subsidiaire, la société Generali France fait valoir que l’incapacité professionnelle de Mme F-G n’est que partielle, que la garantie incapacité totale de travail n’est donc pas due, ni, par voie de conséquence, la garantie exonération du paiement des cotisations.

En toute hypothèse, la société Generali France conclut au rejet de la demande Mme F-G en dommages et intérêts et à sa condamnation au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Mme F-G conclut au rejet des demandes avant dire droit formées par la société Generali France et au rejet de son appel.

Elle demande à la cour

— à titre principal, d’actualiser les sommes allouées par le tribunal de grande instance de Strasbourg, la somme due au titre de la rente d’invalidité s’élevant au 3 juillet 2015 à 207 009 euros, somme à parfaire au jour de l’arrêt à raison de 174,25 euros par jour, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la rente invalidité est due à compter de la date de consolidation fixée au 1er août 2011, de lui donner acte qu’elle accepte la compensation entre, d’une part les sommes dues depuis cette date au titre de la rente et, d’autre part, celles versées au titre des indemnités journalières entre le 1er août 2011 et le mois de mars 2012, et, en conséquence, condamner la société Generali France à lui payer, après compensation, la somme de 216 751,92 euros, somme à parfaire au jour de l’arrêt à raison de 174,25 euros par jour, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— à titre plus subsidiaire, si la cour devait estimer son état non consolidé, de condamner la société Generali France à lui verser la somme de 243 540 euros au titre des indemnités journalières échues au 3 juillet 2015, somme à parfaire au jour de l’arrêt à raison de 174,25 euros par jour, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation, ainsi que les indemnités journalières à compter de l’arrêt à intervenir,

— en tout état de cause, de condamner la société Generali France aux dépens et au paiement d’une somme de 15 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Formant appel incident du chef des sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges à titre de dommages et intérêts et au titre du remboursement des cotisations d’assurance perçues à tort par la société Generali France, Mme F-G demande à la cour de fixer ces sommes à

—  20 000 euros pour les dommages et intérêts,

—  15 000 euros au titre du remboursement des cotisations, somme à parfaire au jour de la décision, à hauteur de 250 euros par mois.

L’intimée conteste avoir fait de fausses déclarations lors de la souscription du contrat d’assurance, faisant valoir notamment que la myopie n’est pas une maladie et que les traitements au laser dont elle avait fait l’objet étaient purement préventifs. Elle soutient en outre qu’à supposer qu’il puisse lui être reproché de fausses déclarations, celles-ci n’étaient pas intentionnelles.

S’agissant des conditions de la garantie, Mme F-G soutient qu’elles sont acquises dès lors que les corps flottants dans le vitré constituent bien une maladie qui l’empêche d’exercer sa profession de chirurgien dentiste, et qu’eu égard aux risques des traitements qui pourraient lui être appliqués, elle est fondée à les refuser.

*

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions en date du 6 octobre 2015 (conclusions de la société Generali France n° 4 et conclusions en réplique et récapitulatives de Mme F-G).

MOTIFS

Sur les demandes avant dire droit de la société Generali France

Les demandes de la société Generali France tendant à ce que soient ordonnés la production d’un rapport d’expertise concernant une autre affaire, ainsi qu’un complément d’expertise dans la présente affaire, sont motivées par le caractère

prétendument insuffisant des éléments dont dispose la cour pour apprécier l’état d’invalidité de Mme F-G, au regard notamment de la possibilité pour elle de suivre des traitements curatifs.

Au vu des deux expertises judiciaires déjà ordonnées dans la présente affaire et des éléments produits par chaque partie, en particulier ceux afférents aux risques inhérents aux traitements susceptibles de remédier à la présence de corps flottants dans le vitré de yeux de Mme F-G, la cour estime être suffisamment informée pour statuer au fond, sans qu’il soit besoin de recourir à des éléments de preuve supplémentaires.

Les demandes avant dire droit formées par l’appelante seront donc rejetées.

Sur la nullité du contrat d’assurance

Aux termes de l’article L. 113-8 du code des assurances, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

En l’espèce, la société Generali France reproche à Mme F-G d’avoir répondu faussement aux questions n° 13, 12 h et 12 c du questionnaire médical rempli à l’occasion de la souscription du contrat, en date du 3 janvier 2003.

XXX

Cette question était libellée comme suit: 'Avez vous connaissance d’autres informations concernant votre état de santé qui n’aient pas été mentionnées dans le présent questionnaire ''

Mme F-G a répondu non à cette question alors que, selon la société Generali France, elle aurait du faire état d’une opération qu’elle avait déclarée dans un précédent questionnaire en date du 29 avril 1999.

Toutefois, comme l’ont retenu les premiers juges, eu égard au caractère général de la question posée, l’assureur ne peut, en vertu de l’article L. 112-3, alinéa 4, du code des assurances, se prévaloir de l’imprécision de la réponse apportée par l’assuré. Il convient en effet de relever que la question ne fait aucune référence à une 'opération’ subie par l’assuré.

Il y a lieu d’ajouter que le questionnaire de 1999 dans lequel Mme F-G avait déclaré, en réponse à une question précise, avoir subi une opération, a été versé aux débats dans la présente affaire par Mme F-G elle-même, ce qui est exclusif de sa mauvaise foi.

XXX

Cette question était la suivante: 'Avez vous été soumis à un traitement ou avez vous connaissance d’affections concernant des maladies de l’appareil génital ou des seins (pour les femmes: tumeurs, kystes, mastose etc ; pour les hommes: tumeurs, kystes etc) ''

A cette question, Mme F-G a répondu par la négative, alors que, dans le questionnaire précité de 1999, elle avait déclaré avoir déjà eu une affection gynécologique. Dans ses écritures, elle précise que cette affection consistait en un kyste ovarien à caractère bénin, ayant justifié une intervention chirurgicale en 1983 suivie d’aucun traitement.

S’il est ainsi constant que Mme F-G n’a pas répondu de manière exacte à la question précise qui visait notamment les kystes, le caractère intentionnel de la fausse déclaration n’est pas établi, étant rappelé que Mme F-G a elle-même spontanément produit le questionnaire de 1999 sur lequel se fonde l’assureur.

En outre, la société Generali France était informée du risque puisque le questionnaire de 1999 concernait un contrat de prévoyance souscrit auprès du même assureur par l’intermédiaire du même mandataire, M. D E, agent d’assurance.

XXX

La question était posée comme suit: 'Avez vous été soumis à un traitement ou avez vous connaissance d’affections concernant des maladies des yeux ou des oreilles (cécité congénitale, cataracte, glaucome, surdité, etc) ''

La société Generali France fait grief à Mme F-G de ne pas avoir mentionné, en réponse à cette question, une myopie qui avait fait l’objet de traitements par laser dans les années 1970-1980, puis en 2003, année de souscription du contrat.

Or, contrairement à ce qui est soutenu par l’assureur et conformément à ce qu’a indiqué l’expert judiciaire H-I, la myopie, qui, comme c’était le cas en l’espèce, peut être corrigée par le simple port de lunettes, n’est pas une 'maladie des yeux', au contraire de la cécité, de la cataracte et du glaucome.

Quant aux traitements par laser, ils étaient à visée préventive et non curative. En effet, selon l’expert H-I, ces traitements tendent à prévenir des lésions dégénératives de la périphérie rétinienne et permettent de diminuer les risques de complications telles que le décollement de la rétine. Compte tenu du libellé de la question qui lie 'traitement’ et 'maladie des yeux', ils n’avaient pas à être déclarés.

Au surplus, le traitement subi en 2003 est postérieur au questionnaire, daté du 3 janvier 2003.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de la société Generali France tendant à l’annulation du contrat.

Sur la mise en jeu de la garantie invalidité

Les conditions de la garantie

Il n’est pas contesté que Mme F-G a souscrit la garantie invalidité visée à l’article 18 des conditions générales du contrat d’assurance, lequel stipule: 'l’invalidité professionnelle résultant d’un accident ou d’une maladie est évaluée de 0 à 100 % d’après le taux et la nature de l’invalidité fonctionnelle par rapport à la profession exercée, en tenant compte de la façon dont elle était exercée antérieurement à l’accident ou à la maladie, des conditions normales d’exercice de la profession et des possibilités restantes, abstraction faite des possibilités de reclassement dans une profession différente'.

La société Generali France soutient que cette garantie n’est pas acquise en l’espèce aux motifs que

— la présence de corps flottants dans le vitré des yeux ne constitue par une maladie au sens du contrat d’assurance,

— l’état de Mme F-G n’est pas consolidé,

— elle n’est pas dans l’impossibilité d’exercer sa profession.

La qualification de maladie

L’article 4 des conditions générales du contrat d’assurance définit la maladie comme une 'altération de l’état de santé constatée par une autorité médicale compétente'.

Il est constant que Mme F-G présente des corps flottants du vitré dans les deux yeux. Il s’agit de condensations du gel vitréen en rapport avec un vieillissement de celui-ci. L’expert H-I a considéré qu’il n’y avait pas chez Mme F-G d’altération significative de la qualité de l’image. Il a toutefois constaté des 'déficits paracentraux non systématisés et peu importants'.

S’agissant des conditions d’acquisition de la garantie invalidité professionnelle, les troubles de la vision causés par les corps flottants doivent être appréciés au regard de leur incidence sur l’exercice de la profession de Mme F-G. Or, il est certain que, pour un chirurgien dentiste, qui pratique notamment des gestes chirurgicaux requérant une grande précision, une altération de la vue a une incidence importante. Si les corps flottants ont peu de retentissement sur l’acuité visuelle, ils sont 'paracentraux', mobiles, multiples et affectent les deux yeux.

Ils causent une gêne sous la forme d’une sensation de 'mouches volantes’ altérant le champ de vision. L’expert H-I a d’ailleurs admis que les corps flottants sont gênants quand ils sont centraux et il a reconnu, en l’espèce, leur incidence professionnelle, puisqu’il a indiqué que Mme F-G pourrait réaliser des détartrages et des prises d’empreintes, ce qui signifie a contrario qu’elle ne peut plus effectuer d’actes chirurgicaux.

Dès lors, les corps flottants du vitré, nonobstant les appréciations de l’expert H-I, constituent, en l’espèce, une altération de l’état de santé, donc une maladie, relevant de la garantie invalidité professionnelle.

La consolidation

Pour conclure à l’absence de consolidation de Mme F-G, la société Generali France se fonde sur l’avis de l’expert H-I selon lequel l’état de santé de Mme F-G pourrait être amélioré par des traitements curatifs non chirurgicaux (laser Y pulsé) ou chirurgicaux (vitrectomie).

Toutefois, Mme F-G produit des avis qui contredisent celui de l’expert judiciaire, émanant de trois spécialistes: le Docteur Flora Debré, ophtalmologue à Strasbourg, le Docteur X, ophtalmologiste à Nancy, expert près la cour d’appel de Nancy, et le professeur Sahel, chef de service du centre hospitalier national d’ophtalmologie de l’hôpital des Quinze-vingts à Paris. Ces trois médecins émettent des doutes sérieux sur l’efficacité des traitements suggérés par l’expert H-I. Le docteur X indique en particulier que le traitement par laser Y n’est efficace que pour des corps flottants de taille importante, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La cour ne peut prendre parti dans cette querelle médicale mais elle estime qu’en l’état des avis contradictoires du corps médical, il ne peut être exigé de Mme F-G qu’elle se prête aux traitements évoqués par l’expert judiciaire, qui ne sont pas sans risques, surtout la vitrectomie dont les complications potentielles sont la cataracte, le décollement de la rétine et l’endophtalmie.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a dit que l’état de Mme F-G est consolidé à la date du 1er août 2011 qui avait été retenue par l’expert A.

L’impossibilité d’exercer la profession

Le contrat d’assurance énonce que l’incidence professionnelle de l’invalidité doit être appréciée en tenant compte de la profession, de la façon dont elle était exercée antérieurement à la maladie, des conditions normales d’exercice de la profession et des possibilités restantes.

Mme F-G exerçait la profession de chirurgien dentiste en cabinet libéral. L’altération de sa vision lui interdit d’effectuer des actes chirurgicaux. Elle pourrait, selon l’expert H-I, effectuer des détartrages et des prises

d’empreintes, mais une telle réduction de son activité ne lui permettrait pas de conserver sa patientèle et donc son cabinet. Il n’y a pas lieu de tenir compte de la possibilité, évoquée par l’expert judiciaire, d’exercer comme dentiste de prévention en milieu scolaire, le contrat prévoyant expressément qu’il faut se référer aux conditions 'normales’ d’exercice de la profession et à celles antérieures à la maladie.

Il convient donc de considérer que l’invalidité professionnelle est en l’espèce absolue et définitive. C’est au demeurant ce qui a été reconnu par la Caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et sages femmes (CARCDSF) selon décision de la commission d’inaptitude du 25 mars 2011. Mme F-G bénéficie d’une carte d’invalidité et elle n’est plus couverte par une assurance de responsabilité professionnelle.

Le montant des sommes dues par l’assureur

La base de calcul de la rente retenue par Mme F-G, à savoir 85 % de 205 euros par jour, soit 174,25 euros par jour, ne fait l’objet d’aucune contestation de la part de la société Generali France.

La rente d’invalidité est due depuis la date de consolidation fixée au 1er août 2011.

A la date du présent arrêt, le montant dû par la société Generali France est donc de

174,25 x 1 578 = 274 966,50 euros

De cette somme doivent être déduites les indemnités journalières versées par l’assureur du 1er août 2011 au 28 mars 2012, soit 32 774,08 euros.

La somme due par la société Generali France à la date du présent arrêt ressort ainsi à

274 966,50 – 32 774,08 = 242 192,42 euros.

Le jugement déféré sera donc réformé en ce qu’il a alloué à Mme F-G la somme de 183 136,75 euros. Il sera en revanche confirmé en ce qu’il a condamné la société Generali France au paiement de la somme de 174,25 euros par jour, le point de départ de ces échéances devant toutefois être fixé à la date de l’arrêt et non à la date du jugement.

La somme allouée étant actualisée à la date du présent arrêt, elle sera assortie des intérêts au taux légal à compter de cette date.

Sur la garantie exonération des cotisations

Cette garantie est due, selon l’article 19 des conditions générales du contrat d’assurance, à compter de la date de l’arrêt de travail et pendant toute la durée du paiement des prestations servies au titre des garanties incapacité ou invalidité, c’est-à-dire du 26 janvier 2010 jusqu’à la date du présent arrêt, soit 70 mois.

La somme de 250 euros par mois réclamée par Mme F-G au titre des cotisations versées à tort n’est pas contestée par la société Generali France. Celle-ci ne conteste pas non plus n’avoir remboursé que six mois de cotisations.

Dès lors, Mme F-G est fondée à solliciter la somme de

250 x (70 – 6) = 16 000 euros.

Le jugement déféré sera donc réformé en ce qu’il a alloué à Mme F-G la somme de 10 750 euros à ce titre, et la société Generali France sera condamnée au paiement de la somme de 16 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Le jugement doit en revanche être confirmé en ce qu’il a exonéré Mme F-G du paiement des cotisations, étant précisé que cette exonération sera valable pour la période allant du présent arrêt jusqu’à la date où cessera la rente d’invalidité.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Le tribunal a considéré que la résistance de la société Generali France était abusive et il l’a condamnée à ce titre au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La cour observe qu’il existait une contestation sérieuse quant à la validité du contrat et aux conditions d’acquisition de la garantie, et que la dernière expertise réalisé par le docteur H-I était favorable à l’assureur. Dans ces conditions, la résistance de l’assureur ne peut être qualifiée d’abusive. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

En revanche, aucune faute n’ayant été commise par Mme F-G, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Generali France en dommages et intérêts.

Sur les frais et dépens

La société Generali France, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme F-G en cause d’appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l’appelante tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

REJETTE les demandes avant dire droit de la société Generali France ;

CONFIRME le jugement rendu le 16 février 2015 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, sauf sur les montants des sommes dues par la société Generali France à Mme F-G en vertu du contrat d’assurance, et sur la demande de dommages et intérêts de Mme F-G ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE la société Generali France à payer à Mme M F-G les sommes suivantes,

— la somme de 242 192,42 € (deux cent quarante deux mille cent quatre-vingt douze euros et quarante deux centimes) au titre de la garantie invalidité professionnelle, arrêtée à la date du présent arrêt et déduction faite des indemnités journalières versées du 1er août 2011 au 31 mars 2012au titre de la garantie incapacité totale de travail, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

— la somme de 174,25 € (cent soixante quatorze euros et vingt cinq centimes) par jour au titre de la garantie invalidité professionnelle, de la date du présent arrêt jusqu’à la date de cessation de la garantie, fixée par le contrat d’assurance soit au jour où le taux d’invalidité deviendra inférieur à un tiers, soit au jour de la liquidation de la pension vieillesse de l’assurée, soit au jour de son décès, et au plus tard au jour de son 65e anniversaire ;

— la somme de 16 000 € (seize mille euros) au titre de la garantie exonération des cotisations, arrêtée au jour du présent arrêt, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

REJETTE la demande de Mme M F-G en dommages et intérêts pour résistance abusive ;

DIT que l’exonération du paiement des cotisations continuera de la date du présent arrêt jusqu’à la date de cessation de la garantie invalidité professionnelle fixée contractuellement comme rappelé ci-dessus ;

Ajoutant au dit jugement déféré,

CONDAMNE la société Generali France à payer à Mme M F-G la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel ;

REJETTE la demande de la société Generali France formée en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Generali France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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  1. Code de procédure civile
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