Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 octobre 2017, n° 16/01655

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 19 oct. 2017, n° 16/01655
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 16/01655
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saverne, 15 février 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

BP

MINUTE N° 595/2017

Copies exécutoires à

Maître CONTET-DE ROCHEGONDE

Maître SENGELEN-CHIODETTI

Le 19 octobre 2017

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 19 octobre 2017

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 16/01655

Décision déférée à la Cour : jugement du 16 février 2016 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de SAVERNE

APPELANTES et défenderesses :

[…]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

2 – La SARL B JOST C

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

[…]

représentées par Maître CONTET-DE ROCHEGONDE, avocat à la Cour

INTIMÉE et demanderesse :

La SARL FOYER DE LA BASSE BRUCHE

prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître SENGELEN-CHIODETTI, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur A POLLET, Président

Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller

Madame Stéphanie ARNOLD, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Y Z

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur A POLLET, Président et Madame Y Z, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société Foyer de la Basse Bruche a fait réhabiliter deux immeubles à Rosheim, en confiant à la société Valentin Jost la réalisation des travaux de charpente et à la société Jost B C la maîtrise d’oeuvre de ces travaux.

La société Valentin Jost a établi un devis en date du 31 mars 2008, d’un montant de 18 180,15 euros HT.

La facture de la société Valentin Jost en date du 2 juin 2008, d’un montant de 27 467,15 euros HT, a été intégralement payée par la société Foyer de la Basse Bruche le 10 septembre 2008.

Estimant avoir été victime, de la part de la société Valentin Jost et d’autres entreprises, de surfacturations injustifiées, la société Foyer de la Basse Bruche a sollicité, par voie de requête adressée au président du tribunal de grande instance de Saverne, une mesure d’expertise, à l’effet de vérifier des factures selon elles suspectes. M. A X, désigné comme expert par ordonnance du 6 septembre 2012, a établi un rapport en date du 26 octobre 2013.

Au vu de ce rapport, la société Foyer de la Basse Bruche a fait assigner la société Valentin Jost et la société Jost B C devant le tribunal de grande instance de Saverne en restitution d’une somme de 9 797,79 euros.

Par jugement en date du 16 février 2016, le tribunal a

— déclaré la demande recevable,

— condamné la société Valentin Jost à restituer à la société Foyer de la Basse Bruche la somme de 9 287 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

— débouté la société Foyer de la Basse Bruche de sa demande en restitution d’indu dirigée contre la société Jost B C,

— condamné la société Jost B C à payer à la société Foyer de la Basse Bruche un montant de 1 000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

— débouté la société Foyer de la Basse Bruche du surplus de ses prétentions,

— condamné la société Valentin Jost et la société Jost B C in solidum au paiement d’une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire.

Pour déclarer recevable la demande de la société Foyer de la Basse Bruche, le tribunal a jugé que le délai de prescription, d’une durée de cinq ans conformément à l’article 2224 du code civil, n’avait commencé à courir qu’à partir de la date où la société Foyer de la Basse Bruche avait eu connaissance de

son dommage, c’est-à-dire à compter d’un rapport de la mission interministérielle d’inspection du logement social ayant révélé 'des irrégularités sur le chantier’ et au plus tard le 6 septembre 2012, date de la demande d’expertise.

Sur le fond, le tribunal a retenu que l’expertise judiciaire, réalisée non contradictoirement à l’égard de la société Valentin Jost et de la société Jost B C, valait à titre de simple renseignement, que l’acceptation de travaux supplémentaires par le maître de l’ouvrage était incertaine et que, la réalisation de ces travaux ayant été mise en doute par l’expert, la société Foyer de la Basse Bruche était fondée à solliciter, sur le fondement de l’article 1376 du code civil, la restitution, par la société Valentin Jost, d’une somme de 9 287 euros indûment perçue.

Le tribunal a par ailleurs considéré que la société Jost B C n’était pas tenue à la restitution de l’indu, mais qu’elle avait engagée sa responsabilité contractuelle en omettant de vérifier la facture de la société Valentin Jost avant d’émettre à l’intention du maître de l’ouvrage une proposition de paiement, ce manquement justifiant sa condamnation au paiement d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

*

La société Valentin Jost et la société Jost B C ont régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 4 avril 2016.

Elles demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de déclarer les prétentions de la société Foyer de la Basse Bruche prescrites, subsidiairement mal fondées, et de condamner la société Foyer de la Basse Bruche à leur payer une somme de 1 000 euros pour procédure abusive, une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, une somme de 1 500 euros à chacune pour les frais hors dépens exposés en première instance et une somme de 1 500 euros à chacune pour ceux exposés en cause d’appel.

Les appelantes font valoir que la société Foyer de la Basse Bruche, qui a changé de dirigeant depuis les faits litigieux, tente de récupérer contre elles des pertes imputables à des fautes de gestion de son ancien gérant.

S’agissant de la prescription, elles soutiennent que le délai quinquennal a commencé à courir dès le paiement de la facture litigieuse, le 10 septembre 2008, ce paiement ayant été fait en toute connaissance des travaux supplémentaires facturés, de sorte que la prescription était acquise lors de l’introduction de l’instance le 12 mars 2014. Elles ajoutent que la date du rapport de la mission interministérielle qui aurait révélé une surfacturation est ignorée.

Sur le fond, les appelantes soulignent que l’expertise judiciaire leur est inopposable, faute de caractère contradictoire à leur égard, et elles exposent que les travaux supplémentaires, consistant dans le remploi de bois provenant d’un autre chantier, étaient justifiés par la nécessité, apparue en cours de chantier, de

remplacer les colombages de l’immeuble à rénover, et que ces travaux ont été acceptés par le maître de l’ouvrage, ainsi qu’il résulte d’un devis, confirmé par les comptes rendus de chantier.

*

Formant appel incident, la société Foyer de la Basse Bruche conclut à la condamnation des appelantes, in solidum, à lui payer une somme de 9 797,79 euros et une somme de 2 000 euros, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle et à titre subsidiaire sur celui de la répétition de l’indu, outre une somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle estime avoir été victime d’un abus de facturation commis par la société Valentin Jost, avec la complicité de la société Jost B C, étant observé que les gérants de ces deux sociétés sont frères, et s’approprie les motifs du jugement déféré.

*

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique

— le 28 octobre 2016 pour la société Valentin Jost et la société Jost B C,

— le 17 février 2017 pour la société Foyer de la Basse Bruche.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance en date du 14 juin 2017.

MOTIFS

Sur la prescription

Selon l’article 2224 du code civil, la prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, la prescription n’a donc pu commencer à courir qu’à compter du jour où la société Foyer de la Basse Bruche aurait eu connaissance du caractère indu d’une partie des sommes facturées par la société Valentin Jost le 2 juin 2008 et payées le 10 septembre 2008.

Le rapport de la mission interministérielle d’inspection du logement social, dont la date ne ressort pas des pièces versées aux débats, a pointé certaines irrégularités dans la gestion de la société Foyer de la Basse Bruche, mais n’a pas mis en évidence la facturation indue reprochée à la société Valentin Jost pour le chantier de Rosheim. C’est d’ailleurs faute de preuve de telles surfacturations que la société Foyer de la Basse Bruche a sollicité une expertise judiciaire, et c’est le rapport de l’expert judiciaire qui lui a révélé de possibles abus de facturation, lui permettant d’agir en répétition de l’indu.

Il s’ensuit que la prescription a commencé à courir le 26 octobre 2013, date du rapport d’expertise judiciaire, et qu’elle n’était pas acquise à la date d’introduction de la présente instance. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré les demandes de la société Foyer de la Basse Bruche recevables.

Sur le fond

La société Foyer de la Basse Bruche a sollicité une mesure d’expertise en procédant par voie de requête, et non de référé, de sorte que l’expertise n’a pas été réalisée au contradictoire de la société Valentin Jost et de la société Jost B C.

Si cette expertise constitue un moyen de preuve valant, ainsi que l’a énoncé le premier juge, à titre de simple renseignement, elle ne saurait suffire, à elle seule, à rapporter la preuve des faits reprochés à la société Valentin Jost et à la société Jost B C. Or, hormis l’expertise de M. X, la société Foyer de la Basse Bruche ne produit aucun élément de nature à démontrer l’existence d’une surfacturation de la part de la société Valentin Jost. En effet, les pièces qui, selon la société Foyer de la Basse Bruche, corroborent l’expertise, à savoir la convention signée entre les parties, le devis du 31 mars 2008 et les certificats de paiement visés par le maître d’oeuvre, ne prouvent en rien le caractère indu des sommes facturées. Les conclusions de l’expert X quant à l’existence d’un trop versé sont au demeurant discutables, puisque l’expert lui-même a indiqué que des explications étaient à demander à l’entreprise, au maître d’oeuvre et au gérant de la société Foyer de la Basse Bruche à l’époque des faits.

Au surplus, contrairement à l’appréciation du premier juge, le devis de travaux supplémentaires du 20 mai 2008 a bien été accepté par le maître de l’ouvrage, dès lors qu’il comporte, outre le cachet de la société Foyer de la Basse Bruche, la signature de son gérant, identique à celle figurant sur le devis initial. Ce devis correspond à des travaux supplémentaires sur colombages et son acceptation par le maître de l’ouvrage est corroborée par les comptes rendus de chantier des 13 mai 2008, 27 mai 2008 et 10 juin 2008, qui mentionnent la présence du gérant de la société Foyer de la Basse Bruche et desquels il ressort qu’a été constaté le mauvais état des colombages, minés par un champignon, et que la décision été prise, en accord avec le gérant de la société Foyer de la Basse Bruche, de procéder à leur remplacement par des bois en provenance d’un chantier de démolition à Soultz-les-bains, alors que le devis initial prévoyait leur conservation.

L’existence d’une facturation correspondant à des prestations non exécutées ou non acceptées n’étant dès lors pas établie, la société Foyer de la Basse Bruche doit être déboutée de ses demandes, tant sur le fondement de la responsabilité contractuelle que de la répétition de l’indu.

Pour être mal fondée, l’action engagée par la société Foyer de la Basse Bruche ne peut cependant pas être qualifiée d’abusive. La demande des appelantes en dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.

Sur les frais et dépens

La société Foyer de la Basse Bruche, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par chacune des sociétés appelantes, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l’intimée tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

INFIRME le jugement rendu le 16 février 2016 par le tribunal de grande instance de Saverne, sauf en ce qu’il a

— déclaré la demande de la société Foyer de la Basse Bruche recevable,

— débouté la société Foyer de la Basse Bruche de sa demande en restitution d’indu dirigée contre la société Jost B C ;

Statuant à nouveau sur le surplus et ajoutant au jugement déféré,

REJETTE les demandes de la société Foyer de la Basse Bruche contre la société Valentin Jost et la société Jost B C ;

REJETTE les demandes reconventionnelles de la société Valentin Jost et de la société Jost B C en dommages et intérêts ;

REJETTE la demande de la société Foyer de la Basse Bruche fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Foyer de la Basse Bruche à payer à la société Valentin Jost et à la société Jost B C, chacune, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel ;

CONDAMNE la société Foyer de la Basse Bruche aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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