Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 2 mai 2019, n° 17/03022

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 2 mai 2019, n° 17/03022
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 17/03022
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 18 juin 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MD

MINUTE N° 176/2019

Copies exécutoires à

Maître BISCHOFF – DE OLIVEIRA

La SELARL WEMAERE-LEVEN

-LAISSUE-MERRIEN

Le 02 mai 2019

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 02 mai 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 17/03022

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 juin 2017 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et demanderesse :

Madame A X

[…]

[…]

représentée par Maître BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

plaidant : Maître Elodie ABRAHAM, avocat à PARIS

INTIMÉES et défenderesses :

1 – Madame F Z-E

[…]

[…]

2 – La Compagnie d’assurances AXA FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

69836 SAINT-PRIEST CEDEX 9

représentées par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE-MERRIEN, avocats à la Cour

plaidant : Maître LUTZ-SORG, avocat à STRASBOURG

3 – La REUNION DES ASSUREURS MALADIE (R.A.M.)

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

assignée à personne habilitée le 26 octobre 2017

n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame C D

ARRÊT Réputé contradictoire

— prononcé publiquement après prorogation du 25 avril 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame C D, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme X, souffrant de diabète, a consulté Mme le docteur Z-E, médecin généraliste, depuis 2003 et notamment, à de nombreuses reprises, de mai à juillet 2012, pour des douleurs au pied gauche qui se sont aggravées et ont, après différents soins, nécessité une amputation transmétatarsienne du pied gauche, dont il est résulté différentes séquelles.

Une expertise médicale a été ordonnée en référé, qui a conduit au rapport du docteur Y du 20 octobre 2014.

Celui-ci rappelle que Mme X présente un diabète de type I, insulinodépendant, depuis l’âge de 16 ans, dont l’évolution a entraîné des complications : suite à des plaies, l’amputation des cinquièmes orteils des deux pieds et, par ailleurs, une rétinopathie.

L’expert s’interroge sur le suivi de la patiente par le docteur Z-E. Il relève que l’apparition de la plaie métatarsienne a conduit cette dernière à prendre des avis spécialisés, qui ont eux-mêmes conduit à des mesures thérapeutiques adaptées. Il qualifie de « fait reconnu » la survenue de complications macro et micro-vasculaires sur un diabète de type I évoluant depuis plus de 20 ans, évoque la particularité de la prise en charge d’un diabète, soulignant que la survenue de complications dégénératives ne peut être imputée causalement à un seul des intervenants. Il évoque, en cas de plaie du pied lors de l’évolution d’un diabète, la suspension, nécessaire avant tout, de l’appui.

Concernant l’amputation réalisée le 22 août 2012, il évoque une indication justifiée, ainsi qu’une préparation, une réalisation et un suivi consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science.

L’expert retient :

— un déficit fonctionnel total du 21 août 2012 au 26 octobre 2012 avec assistance d’une tierce personne deux heures par jour,

— 

un déficit fonctionnel partiel de classe III du 27 octobre 2012 au 30 novembre 2012 avec

assistance d’une tierce personne une heure par jour,

— un déficit fonctionnel partiel de classe II du 1er décembre au 31 décembre 2012,

— consolidation le 26 mai 2014,

— IPP : 18 %,

— souffrances endurées : 3,5/7,

— préjudice esthétique : 6/7,

— il existe un préjudice d’agrément,

— il existe un préjudice sexuel,

— il existe un préjudice professionnel.

Saisi par Mme X qui a fait assigner Mme Z-E, la société d’assurance Axa France et la Réunion des Assureurs Maladie (RAM), le tribunal de grande instance de Strasbourg a, par jugement du 19 juin 2017 déclaré commun et opposable à la RAM, débouté Mme X de l’intégralité de ses demandes.

Il l’a également condamnée aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé expertise R.Civ 14/27, ainsi qu’au paiement de la somme de 1 800 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, in solidum à Mme Z-E et à la société d’assurance Axa France.

Mme X a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 juillet 2017.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives datées du 16 janvier 2018, elle sollicite

l’infirmation du jugement déféré et l’indemnisation de son préjudice corporel définitif comme suit :

—  22 539,40 euros et 2 376,90 euros au titre des dépenses de santé actuelles, mentionnant qu’aucune de ces dépenses n’est restée à sa charge,

—  3 609,80 euros au titre des frais divers,

—  7 182 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

—  11 842,20 euros au titre des dépenses de santé futures,

—  5 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

—  12 000 euros au titre des souffrances endurées,

—  3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

—  63 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

—  11 856 euros à parfaire au titre de la tierce personne future échue,

—  70 252,50 euros au titre de la tierce personne future,

—  33 692 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

—  40 144,01 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

—  117 768 euros au titre de l’incidence professionnelle,

—  15 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

—  40 000 euros au titre du préjudice esthétique,

—  10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

À titre subsidiaire, elle demande :

— la désignation d’un expert psychiatre pour déterminer les séquelles psychologiques qu’elle a subies,

— qu’il soit ordonné à la société d’assurance Axa France de lui verser une provision de 100 000 euros dans l’attente du rapport d’expertise,

En tout état de cause, elle sollicite

— qu’il soit jugé que Mme Z-E prendra en charge les entiers dépens de la procédure de référé, de la procédure de première instance et de la présente procédure « et la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile »,

— que le jugement soit déclaré commun et opposable à la société d’assurance Axa France, assureur responsabilité civile professionnelle de Mme Z-E,

— qu’il soit jugé que la décision sera déclarée opposable à la RAM.

*

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives du 30 novembre 2007, Mme Z-E et la société d’assurance Axa France sollicitent la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le rejet des demandes de Mme X ainsi que la condamnation de cette dernière aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel et à payer la somme de 3 000 euros à la défenderesse, ainsi que la même somme à la société d’assurance Axa France, en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour ce qui concerne la procédure d’appel.

Très subsidiairement, toutes deux sollicitent que les montants mis en compte soient très fortement réduits.

Les prétentions des parties au titre de chaque poste de préjudice peuvent être présentées selon le tableau suivant :

Sommes allouées par le tribunal

Sommes réclamées par l’appelante

Sommes proposées par les intimées

I-Préjudices patrimoniaux

327 972,81 €

7 529,69 €

A- Préjudices patrimoniaux temporaires

69 400,01 €

1 956,00 €

[…] de santé actuelles

22 539,40 + 2 376,90 €

(entièrement aux organismes sociaux)

[…]

3 609,80 €

3) tierce personne avant consolidation

7 182,00 €

1 956,00 € (163 h x 12 €)

4) Perte de gains professionnels actuelle

33 692,00 €

B- Préjudices patrimoniaux permanents

258 572,71 €

5 773,69 €

[…] de santé futures

11 842,20 €

5 773,69 €

[…] personne

11 856 (échue, à parfaire) + 70 252,50 €

3) Perte de gains professionnels futurs

40 144,01 €

4) Incidence professionnelle

117 768,00 €

II- Préjudices extra-patrimoniaux

148 000,00 €

49 893,00 €

A- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

20 500,00 €

5 293,00 €

1) Déficit fonctionnel temporaire

5 500,00 €

(1 430,00 + 363) 1793,00 €

[…]

12 000,00 €

3 500,00 €

3) Préjudice esthétique temporaire

3 000,00 €

B- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

128 000,00 €

44 600,00 €

1) Déficit fonctionnel permanent

63 000,00 €

21 600,00 €

2) Préjudice esthétique

40 000,00 €

15 000,00 €

3) Préjudice d’agrément

15 000,00 €

[…]

10 000,00 €

8 000,00 €

*

Bien que régulièrement assignée par acte du 06 octobre 2017, remis à une personne habilitée à recevoir l’acte, la R.A.M. n’a pas constitué avocat au cours de la procédure d’appel. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Pour sa part, Axa France a fait signifier ses conclusions à la R.A.M par acte du 13 décembre 2017 également remis à une personne habilitée à recevoir l’acte. Le principe du contradictoire a donc été respecté à l’égard de l’organisme social.

*

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique :

— le 1er février 2018 pour Mme X,

— le 1er décembre 2017 pour Mme Z-E et pour Axa France.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 4 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la responsabilité de Mme Z-E

Pour rejeter la demande de Mme X, le premier juge a estimé qu’il n’était rapporté la preuve d’aucune faute commise par Mme Z-E, précisément aucun retard de diagnostic, faute reprochée par Mme X et, a fortiori, aucun lien de causalité entre le retard reproché et le préjudice.

Le premier juge s’est fondé sur le rapport d’expertise judiciaire du 20 octobre 2014, relevant que les conclusions n’étaient pas remises en cause par des éléments techniques postérieurs et nouveaux, et, notamment, que :

— lors des consultations pour une plaie sur la face plantaire du pied gauche et une surinfection en avril 2012, le médecin a pris en charge Mme X qui a adhéré aux prescriptions faites,

— l’apparition de la plaie métatarsienne a conduit le docteur Z-E à prendre des avis spécialisés, qui ont eux-mêmes conduit à des mesures thérapeutiques adaptées,

— la survenue de complications macro et micro vasculaires sur un diabète de type I évoluant depuis 20 ans est un fait reconnu et ne peut pas être imputée causalement à l’un seul des intervenants, ce d’autant que le médecin est soumis à une obligation de moyens et pas une obligation de résultat,

— l’intervention du 22 août 2012 et son indication étaient justifiées ; sa préparation, sa réalisation et son suivi ont été consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science à cette date.

Par ailleurs, le premier juge a rappelé que l’expert avait relevé que :

— le diabète de Mme X était difficilement équilibré, celle-ci s’auto-régulant,

— le diabète insulinodépendant est une pathologie sévère après plusieurs dizaines d’années d’évolution, du fait de la quasi-inéluctabilité de complications évolutives, notamment macro et micro vasculaires,

— en 2005, Mme X avait déjà subi une amputation aux deux pieds.

Pour rejeter la demande subsidiaire de désignation d’un expert psychiatre, le premier juge a retenu l’absence de faute à l’encontre de Mme Z-E, la responsabilité de cette dernière n’étant donc pas engagée.

Le premier juge a également retenu que les questions listées dans les conclusions de Mme X à l’appui d’une demande de complément d’expertise faisaient déjà partie de la mission confiée à l’expert, lequel l’avait intégralement remplie.

Mme X émet des observations concernant le déroulement de l’expertise, mais elle indique que, cependant, elle sollicite la liquidation de son préjudice corporel, le rapport d’expertise étant un élément de preuve susceptible d’être complété par la victime et le juge ayant toute latitude pour s’en écarter ou le compléter au vu des éléments transmis.

Mme X estime que le tribunal a fait une appréciation erronée du rapport d’expertise, l’expert n’ayant pas, selon elle, retenu une absence de faute. Si ce dernier n’a pas expressément évoqué une faute, il a cependant relevé plusieurs défaillances dans la prise en charge effectuée par Mme Z-E, constitutives d’une faute médicale, notamment dans son suivi médical antérieur à mai 2012, et ce compte tenu de la quasi-inéluctabilité de complications évolutives.

Affirmant que Mme Z-E était son médecin traitant depuis 2003 et qu’elle l’a consultée à de nombreuses reprises de mai à juillet 2012 pour des douleurs au pied gauche, elle lui reproche un suivi médical non diligent en ne tenant pas à jour son dossier médical.

Elle estime que les soins donnés par Mme Z-E ont été non conformes aux données acquises de la science et constituent une faute médicale caractérisée, le médecin n’ayant pas mis en place les mécanismes qui auraient permis d’éviter l’amputation, notamment en ne pratiquant pas un examen annuel des pieds et en ne considérant pas la survenue de la plaie comme une urgence médicale, qui aurait exigé un repos avec décharge du pied et d’adresser le patient en moins de 48 heures à une équipe multidisciplinaire, conformément aux recommandations de la Haute autorité de santé, l’expert ayant rappelé la règle qui est de suspendre d’abord et avant tout l’appui.

Elle estime que les soins réalisés par Mme Z-E n’ont été ni attentifs ni consciencieux eu égard aux nombreuses consultations qu’elle a sollicitées et au retard avec lequel le médecin a prescrit des examens médicaux et a eu recours à des « concours appropriés ». Elle fait valoir qu’une prise en charge médicale plus attentive tout au long de son suivi médical, et a fortiori à compter de mai 2012, lui aurait permis de recevoir des traitements plus précocement et d’éviter l’amputation ou à tout le moins, dans une moindre mesure.

Elle soutient que le retard de diagnostic du médecin a conduit à son amputation et a entraîné une perte de chance totale de guérison, de réduction des séquelles en évitant l’amputation et de réduction de l’importance des souffrances qu’elle a endurées.

Elle conteste les éléments de défense de Mme Z-E et notamment :

— le « nomadisme médical avéré » invoqué à son encontre par le médecin, affirmant que Mme Z-E était bien son médecin traitant depuis 2003,

— la mise en cause d’autres professionnels de santé, indiquant n’avoir engagé la responsabilité d’aucun autre professionnel de santé,

— sa prétendue consommation alcoolique,

— sa consommation tabagique, indiquant l’avoir arrêtée définitivement au tout début de l’année 2012, après un premier arrêt en 2006,

— sa prétendue automutilation des jambes au ciseau, indiquant démontrer qu’elle n’a aucune cicatrice sur ses jambes.

Mme le docteur Z-E confirme que Mme X l’a consultée pour la première fois en 2003, mais elle conteste avoir été son médecin traitant, observant que ce concept n’existe que depuis 2006 et invoquant un nomadisme médical avéré de Mme X qui, ayant été infirmière aux hospices civils de Strasbourg, y avait noué de solides relations ; elle observe à ce titre qu’elle n’a quasiment jamais prescrit d’insuline à la patiente, alors que de telles injections lui sont nécessaires quotidiennement.

Mme le docteur Z-E confirme cependant que Mme X l’a consultée le 9 mai 2012 pour des douleurs au pied suite à une infection. Elle indique avoir effectué les prescriptions et sollicité les examens nécessaires puis, à la première alerte, l’avoir confiée à des spécialistes, une angiographie et une angioplastie ayant été réalisées le 9 juillet et l’angiologue ayant lui-même sollicité l’avis de plusieurs spécialistes. Elle évoque de nouveaux bilans et des suivis et traitements consciencieux.

Le médecin rappelle être tenu à une obligation de moyens et estime avoir assuré un suivi consciencieux et vigilant, ayant suivi l’évolution de sa patiente, sollicité les examens complémentaires nécessaires puis l’avoir orientée le plus rapidement possible vers les structures adaptées à son état. Elle observe que l’état de son pied ne s’est pas amélioré malgré l’intervention des spécialistes dès le 9 juillet 2012.

Elle souligne que l’évolution naturelle de la maladie est à prendre en compte, tout comme l’hygiène de vie de l’intéressée, et affirme notamment :

— que Mme X avait déjà fait l’objet d’amputation des cinquièmes orteils de chaque pied dans le passé,

— n’avoir cessé de la mettre en garde sur la nécessité d’interrompre sa consommation de tabac et d’alcool,

— l’avoir incitée à consulter un spécialiste dans la mesure où elle s’automutilait les jambes au ciseau, recommandations non suivies par la patiente.

Elle conteste tout retard de diagnostic et souligne que l’expert n’indique nullement que l’amputation aurait pu être évitée, mais qu’il indique au contraire que ce geste était indispensable au cas d’espèce.

Sur le préjudice de Mme X, les intimées observent que l’expert ne distingue jamais les séquelles imputables à l’amputation du 22 août 2012 par rapport à l’état antérieur.

Elles contestent l’existence d’une perte de chance imputable à Mme Z-E.

*

À titre liminaire, il convient de souligner que, dans son rapport, l’expert n’a fait que répondre aux questions contenues dans sa mission, qui étaient axées essentiellement sur l’intervention du 22 août 2012 et sur les soins pré et post-opératoires, mais non sur le suivi assuré en amont par le docteur Z-E. De plus, le complément d’expertise sollicité par Mme X, qui aurait permis d’étendre explicitement le champ de l’expertise à l’ensemble du suivi assuré par le médecin généraliste, a été refusé par le juge chargé du contrôle de l’expertise.

Cependant, le rapport d’expertise contient suffisamment d’éléments pour examiner la responsabilité de Mme Z-E, étant complété par les pièces produites par les parties et notamment par la littérature médicale suffisamment explicite versée aux débats par Mme X.

Si la notion de médecin traitant n’existait pas lorsqu’a commencé le suivi de Mme X par Mme Z-E, il résulte des éléments fournis par cette dernière qu’elle assurait le suivi habituel de la patiente depuis 2003, à raison de 2 à 18 consultations par an, à l’exception de l’année 2009 où n’a eu lieu aucune consultation.

Le dossier médical de Mme X transmis par celle-ci à l’expert comportait, outre les dates de consultation, 21 feuilles blanches sans aucune référence nominative, des résultats d’examens sanguins et quelques comptes-rendus de spécialistes qui lui étaient adressés.

Or, l’expert relève sans être contesté que la lecture du dossier médical ne fait apparaître ni contrôle régulier de la glycémie et de l’hémoglobine glyquée, ni donnée d’examen clinique, ni conseil diététique, ni prescription d’une autosurveillance par lecteur de glycémie, ni même une consultation de cardiologie et d’ophtalmologie, systématique au moins annuellement. L’angiologue qui a examiné Mme X le 9 juillet 2012, sur la demande de Mme Z-E, souligne d’ailleurs l’absence de bilan vasculaire chez cette patiente diabétique de type 1 et tabagique.

Cela conduit l’expert à s’interroger sur la démarche du médecin d’accepter de « suivre » un patient sans pour autant « le prendre en charge » d’un point de vue thérapeutique, notamment dans le cadre d’une pathologie aussi sévère qu’un diabète de type I évoluant depuis plusieurs années, et ce en raison de la quasi-inéluctabilité de complications évolutives. Seul un avis spécialisé préalable avait été pris en novembre 2010 auprès d’un diabétologue, qui a modifié la prescription d’insuline.

Dès lors qu’il a accepté d’assurer ce suivi, le médecin ne peut se retrancher derrière le fait, d’ailleurs non prouvé, que Mme X aurait elle-même auto-régulé son diabète et l’aurait considéré comme une affaire exclusivement privée, pour ne pas assumer son rôle élémentaire dans le suivi d’une telle pathologie, au vu des enjeux pour la patiente.

Il ne peut non plus se retrancher derrière le fait que Mme X se faisait prescrire par ailleurs l’insuline qui lui était nécessaire quotidiennement.

Or, un suivi plus rigoureux de cette pathologie était susceptible, sinon d’éviter, au moins d’atténuer ou de ralentir certaines complications, telles que les complications vasculaires et leurs conséquences. Il apparaît donc que le docteur Z-E a fait preuve de laxisme dans le suivi médical de Mme X, malgré la nature et l’importance de sa pathologie.

Par ailleurs, lors des premières consultations de Mme X pour la plaie apparue en avril 2012, le médecin n’a pas suspendu l’appui, alors que l’expert rappelle bien qu’au cours de l’évolution d’un diabète notamment insulinodépendant, en cas de plaie du pied, « la règle est de suspendre d’abord et avant tout l’appui, indépendamment des autres mesures thérapeutiques ».

De plus, le guide des affections de longue durée de juillet 2007 de la Haute autorité de santé produit par Mme X mentionne la survenue d’une plaie chez un diabétique à risque comme une urgence médicale nécessitant, non seulement un repos avec décharge du pied, mais aussi d’adresser le patient pour avis à une équipe multidisciplinaire coordonnée, dans un délai inférieur à 48 heures. Si les extraits du guide produit concernent le diabète de type 2, ces recommandations auraient dû inciter le médecin traitant, même pour un diabète de type 1, à s’entourer plus rapidement d’avis spécialisés, compte tenu des risques encourus par la patiente. En effet, l’article de la revue Prescrire de septembre 2014, produit également par l’appelante, s’il est postérieur aux faits en cause, souligne la gravité potentielle des infections des plaies des pieds des patients diabétiques, susceptible de nécessiter une amputation.

Si l’expert établit que le docteur Z-E a pris des avis spécialisés qui ont conduit à des mesures thérapeutiques adaptées, en revanche, il ne s’est pas prononcé sur les délais de prise de ces avis, cette question ne faisant pas partie de sa mission. Or, alors que la première consultation a eu lieu le 9 mai 2012, suivie de quatre autres consultations en mai, quatre également au mois de juin, ainsi que trois en juillet, le premier prélèvement bactériologique n’a été réalisé que le 27 juin, après l’échec de plusieurs traitements antibiotiques successifs. Surtout, la première consultation d’un spécialiste a été prescrite tardivement (début juillet d’après Mme X) et n’a eu lieu que le 9 juillet 2012 en urgence, s’agissant d’une consultation auprès d’un angiologue, accompagnée d’une angiographie et d’une angioplastie.

L’angiologue a constaté une artériopathie de type périphérique stade 4 du membre inférieur gauche. Il a relevé que le pronostic du pied gauche était réservé et a pris l’avis du chirurgien vasculaire, du dermatologue et du gastro-entérologue. Par la suite, alors qu’un prélèvement bactériologique de la plaie du pied du 24 juillet 2012 ne montrait plus d’infection, c’est cette ostéo-arthrite évolutive, et précisément la nature de la plaie, l’atteinte osseuse débutante et la mauvaise qualité de la vascularisation artérielle qui ont, malgré les traitements mis en place, entraîné l’amputation transmétatarsienne à gauche qui a dû être réalisée le 22 août 2012, et dont ni l’indication, ni la réalisation, ne sont remises en cause par l’expert, qui ne relève également aucune faute dans sa préparation et son suivi.

Au vu de l’ensemble des éléments ci-dessus, il apparaît que le flou et le laxisme manifestés par le docteur Z-E dans le suivi médical de Mme X, de 2003 à 2011, s’est manifesté également lors des consultations de mai à juin 2012 pour la plaie du pied gauche qui allait finalement entraîner une amputation. Mme Z-E n’a visiblement pas pris la mesure de la gravité de cette plaie alors même que Mme X avait déjà subi deux amputations, l’une à chacun des pieds.

Au total, le flou et l’insuffisance manifestés par le docteur Z-E dans le suivi au long cours du diabète 1, ainsi que dans les soins apportés à la patiente en mai et juin 2012, pour la plaie de son pied gauche, l’absence de prescription de la suspension immédiate de l’appui de ce pied ainsi que le retard dans la mise

en 'uvre des examens bactériologiques et dans la consultation de spécialistes, constituent, de la part du médecin généraliste, au regard de l’urgence et de la gravité de la situation, une faute médicale.

Cependant, au vu des antécédents de Mme X, de l’ancienneté de son diabète et des amputations pratiquées antérieurement, mais aussi du risque créé par un tabagisme prolongé, la consommation habituelle d’alcool n’étant pas suffisamment établie par les pièces produites par les intimés, cette faute n’a pu entraîner qu’une perte de chance d’éviter l’amputation, qu’il convient d’évaluer à 50 %.

C’est dans cette proportion que l’indemnisation de Mme X devra donc être assurée.

II – Sur les différents préjudices

A – Préjudices patrimoniaux

1- Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1-1- Dépenses de santé actuelles

Mme X invoque une créance du RSI de 21 511,40 euros, à laquelle s’ajoute une indemnité de 1 028 euros, et précise que la créance de la mutuelle s’élève à 2 376,90 euros. Elle évoque l’absence de frais médicaux restés à charge.

Les intimées ne présentent pas d’observation particulière sur ce poste de préjudice. Elles produisent un décompte du RSI mentionnant une créance de 21 511,40 euros au titre des dépenses de santé actuelles, pour la période du 9 mai 2012 au 31 décembre 2013, indiquant ne pouvoir cependant chiffrer le montant de sa créance définitive. Ce décompte a été établi après le rapport d’expertise, si bien que l’organisme a eu connaissance de la date de consolidation. Ce montant peut donc être retenu au titre de sa créance relative aux dépenses de santé actuelles. Mais il en va différemment du montant de 1 028 euros représentant l’indemnité prévue par l’article 9-1 de l’ordonnance du 24 janvier 1996, à la charge du tiers responsable. En effet, cette indemnité n’est susceptible d’être réclamée que par l’organisme social lui-même. Or, le RSI n’a présenté aucune demande à ce titre.

Par ailleurs, Mme X justifie du montant de la créance définitive de sa mutuelle, soit 2 376,90 euros.

Le préjudice lié aux dépenses de santé actuelles s’élève donc au total à 23 888,30 euros et, étant donné la perte de chance de 50 % retenue, le montant susceptible d’être dû par le docteur Z-E s’élève à 11 944,15 euros soit 10 755,70 euros (21 511,40 : 2) au RSI et 1 188,4 euros (2 376,90 : 2) à la mutuelle, étant rappelé qu’aucun d’eux n’a cependant pas présenté de demande à ce titre.

1-2- Les frais divers

Au titre des frais divers, Mme X sollicite :

—  800 euros au titre de l’intervention de son médecin de recours,

—  2 508 euros représentant les frais d’expertise,

—  228 euros de frais de train pour se rendre à l’expertise,

—  73,80 euros de frais de taxi entre le lieu de la gare et celui de l’expertise.

Les intimés soutenant que les frais divers ne peuvent être admis que sur justificatifs, Mme X indique avoir produit les justificatifs nécessaires.

Mme X justifie des honoraires du médecin pour l’assistance lors de l’expertise, soit 600 euros, et pour l’évaluation postérieure du retentissement psychologique de l’amputation, soit 200 euros.

S’il est justifié d’inclure, dans le préjudice de Mme X, les frais d’assistance par son médecin-conseil lors des opérations d’expertise, les frais engagés postérieurement à l’expertise, pour l’évaluation du retentissement psychologique de l’amputation, ne paraissent

pas devoir être pris en compte dans le cadre de la présente décision, alors que l’appréciation de ce retentissement psychologique n’a nullement été soumise par Mme X à l’évaluation de l’expert. Or, s’il était réel, celui-ci devait largement préexister à cette expertise. Il en résulte donc que doit être pris en compte à ce titre un montant de 600 euros.

S’agissant des frais d’expertise judiciaire, ils sont compris dans les dépens de la procédure de référé-expertise qui font d’ailleurs l’objet d’une demande distincte de la part de l’appelante. Ils seront donc pris en compte dans le cadre de ces dépens.

Par ailleurs, Mme X justifie des frais de train aller-retour entre Strasbourg et Paris, de 228 euros, et des frais de taxi de 73,80 euros, le tout en date du 26 mai 2014, s’agissant des frais de trajet pour se rendre à l’expertise. Il en résulte donc que doit être pris en compte à ce titre un montant total de 301,80 euros.

Au total, le préjudice de Mme X au titre des frais divers s’élève donc à 901,80 euros et, compte tenu de la perte de chance retenue, de 50 %, elle doit être indemnisée à hauteur de 450,90 euros.

1-3- L’assistance actuelle par tierce personne

L’expert a retenu l’assistance d’une tierce personne, deux heures par jour (toilette et habillage), pendant le déficit fonctionnel total, du 21 août 2012 au 26 octobre 2012, ainsi qu’une heure par jour (toilette en sécurité, repas) pendant le déficit fonctionnel partiel de classe III, du 27 octobre 2012 au 30 novembre 2012. Pendant cette dernière période, l’expert retient que Mme X a déclaré n’avoir pu se déplacer pour la visite des locaux et avoir travaillé essentiellement par téléphone.

Mme X reproche à l’expert de ne pas l’avoir interrogée sur ses besoins en aide humaine et estime que les deux heures puis l’heure par jour qu’il a retenues ne couvrent pas ses besoins réels. Elle ajoute qu’il n’a pas répondu à son dire à ce sujet.

Elle invoque une assistance à raison de 3 h 30 par jour de sa sortie de l’hôpital, le 30 août 2012, jusqu’à la mi-décembre, soit 108 jours x 3 h 30 à 19 euros de l’heure, précisant qu’elle ne pouvait faire ses courses, habitant au deuxième étage sans ascenseur, préparer ses repas, couper sa viande, faire la vaisselle et la ranger, faire le ménage.

Les intimées contestent cette demande et invoquent l’assistance retenue par l’expert, soulignant que celui-ci n’a pas retenu d’aide supplémentaire parce que Mme X n’en avait pas besoin.

Elles estiment que l’indemnisation ne peut dépasser 12 euros de l’heure, en l’absence de charges sociales, l’aide ayant été apportée par des proches, et chiffrent ce préjudice au montant maximal de 1 956 euros (163 heures à 12 euros).

Au vu des besoins de tierce personne retenus par l’expert, il apparaît que celui-ci a sous évalué la durée d’assistance de cette nature au regard-même de ses observations.

En effet, pendant la période de déficit fonctionnel total, 2 heures par jour d’assistance par une tierce personne apparaissent insuffisantes, l’aide n’ayant pas été nécessaire que pour la toilette et l’habillage, mais aussi, à l’évidence, pour les repas notamment, que l’expert a pris en compte uniquement lors de la période de déficit temporaire partiel, ainsi que pour les courses et l’essentiel des tâches ménagères. Il apparaît donc justifié de retenir, pendant cette période, 3 heures par jour.

Par la suite, pendant la période de déficit fonctionnel de classe III, il apparaît justifié, au vu des observations de l’expert lui-même, qui admet la nécessité d’une aide pour la toilette en sécurité et pour les repas, de retenir une assistance de 2 heures par jour, 1 heure apparaissant insuffisante pour assumer ces tâches mais aussi les courses, qui, à l’évidence, n’ont pu être assurées par une personne ayant eu besoin d’aide pour sa toilette et ses repas, et n’ayant pu travailler essentiellement que par téléphone, en évitant les déplacements. De plus, l’expert indique tenir compte de l’état de Mme X mais aussi du fait qu’elle habite au deuxième étage sans ascenseur. En revanche, il n’est pas justifié de retenir ultérieurement l’assistance d’une tierce personne, les éléments de l’expertise n’en faisant pas apparaître la nécessité.

Par ailleurs, le taux horaire de 19 euros sollicité par Mme X apparaît conforme aux taux habituellement retenus, y compris si l’aide a été apportée par les proches de la victime, contrairement au taux horaire proposé par les intimées, qui apparaît trop peu élevé.

Cela conduit à l’évaluation de ce préjudice aux montants suivants :

— du 30 août (sortie de l’hôpital selon Mme X elle-même) au 26 octobre 2012 : 58 jours x 3 h x 19 € = 3 306 euros,

— du 27 octobre au 30 novembre 2012 : 35 jours x 2 h x 19 € = 1 330 euros.

Le préjudice de Mme X au titre de l’assistance par une tierce personne temporaire doit donc être évalué au montant total de 4 636 euros (3 306 + 1 330), et son indemnisation, compte tenu de la perte de chance de 50 %, au montant de 2318 euros (4 636 : 2).

1-4- La perte de gains professionnels actuels

Mme X expose être agent commercial en immobilier depuis 2001, profession nécessitant de nombreux déplacements, un relationnel et une forme physique et morale importants.

Elle évoque des pertes d’équilibre très gênantes, suite à l’amputation, lorsqu’elle a repris son travail, et se réfère aux revenus perçus l’année précédant son amputation pour le calcul de cette perte de gains actuels. Elle conteste que cette baisse de revenus puisse être liée à la conjoncture.

Les intimées estiment ce poste de préjudice non justifié. Elles font valoir que la baisse de revenus peut être liée à la conjoncture et que Mme X devrait produire ses avis d’imposition des deux années précédant les faits.

Elles ajoutent que, la consolidation étant acquise au 26 mai 2014, d’après l’expert, Mme X était apte à reprendre son activité d’agent immobilier sous réserve d’un chaussage adapté.

*

L’expert a retenu l’aptitude de Mme X à reprendre son activité d’agent immobilier, sous réserve d’un chaussage adapté. Cependant, il ajoute que la gêne consécutive à l’amputation trans-métatarsienne chez un agent immobilier devant se déplacer pour des visites est constitutive d’un préjudice professionnel. Or, une telle gêne est inévitablement à l’origine d’une baisse de rentabilité, donc d’une chute de ses gains professionnels, et il est donc bien justifié de retenir un préjudice relatif à une perte de revenus professionnels actuels, qui apparaît effective en l’espèce.

Mme X ne produit pas ses avis d’imposition des années concernées et elle ne produit aucun justificatif de ses revenus antérieurs à 2011. Elle justifie cependant des revenus de l’année qui a précédé l’amputation et de ses recettes en 2012, 2013 et 2014. Ces éléments permettent de constater une perte de recettes qui n’est pas due à des motifs extérieurs à son état de santé. De plus, elle justifie ne pas avoir perçu d’indemnités journalières.

D’après les extraits de comptes de résultat produits par Mme X, ses recettes se sont élevées à 29 442 euros en 2011, puis 22 292 euros en 2012, 20 498 euros en 2013 et enfin 21 540 euros en 2014, soit, par rapport à ses revenus de l’année 2011 précédant l’amputation, une perte de 7 150 euros en 2012, puis de 8 944 euros en 2013 et de 7 902 euros en 2014, précisément de 3 160 euros jusqu’au 26 mai 2014, soit au total 19 254 euros.

C’est à ce montant que doit être fixé son préjudice relatif aux pertes de gains professionnels actuels et, compte tenu de la perte de chance de 50 % retenue, son indemnisation doit s’élever à 9 627 euros (19 254 : 2).

2- Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

2-1- Les dépenses de santé futures

Mme X met en compte quatre chaussures de Barouk sur l’année, le tout capitalisé au taux de 1,2 %, soit au total 6 448,09 euros, ainsi que le nécessaire pour stériliser et nettoyer la plaie au pied qui, d’après elle, se rouvre constamment, (compresses, pansements et produits de stérilisation et de nettoyage de la plaie), soit 5 399,12 euros, sur la base d’un reste à charge de 17,41 euros par mois, le tout représentant au total 11 847,21 euros au titre des soins futurs.

Les intimées estiment que quatre paires de chaussures par an apparaissent excessives et que deux paires seraient suffisantes, soit un montant total de 5 573,69 euros. Elles ne commentent pas les frais de nettoyage et de pansement de la plaie qu’elles paraissent exclure.

*

Au total, il n’y a pas lieu de remettre en cause le nombre de 4 chaussures de Barouk par an, qui correspond aux besoins de Mme X, dont la profession exige effectivement une marche fréquente. Le prix de ces chaussures, de 69,90 euros, étant justifié par l’appelante, de même que le montant du remboursement par l’organisme social, de 30,49 euros par an, le reste à charge annuel est de (69,90 × 4) ' 30,49 = 249,11 euros.

Au vu de la table de capitalisation dont Mme X sollicite l’application, et qui n’est pas contestée par les intimées, il convient de retenir un coefficient de capitalisation viagère correspondant à son âge lors de la consolidation, soit 23,240. Il en résulte un montant de 249,11 × 23,240 = 5 789,31 euros.

Par ailleurs, pour les frais de soins des pieds, Mme X justifie d’un montant restant à sa charge de 17,41 euros par mois, soit 208,92 euros par an, ce qui représente au total : 208,92 × 23,240 = 4 855,30 euros.

Le préjudice au titre de ces frais futurs s’élève donc à 10 644,61 euros (5 789,31 + 4 855,30) et Mme X doit être indemnisée à ce titre, compte tenu de la perte de chance de 50 % retenue, de (10 644,61 : 2) = 5 322,30 euros.

2-2- La tierce personne future

Mme X réclame à ce titre un montant de 82 108,50 euros, estimant que l’expert n’a pas tiré les conséquences de ses déclarations lors du recueil de ses doléances, ayant noté que, dans la vie quotidienne, le ménage, les courses, le port de charges sont difficiles et requièrent une aide, sans toutefois l’interroger sur la tierce personne et sans répondre à son dire.

Elle indique ne pouvoir porter des courses lourdes, passer l’aspirateur, étendre son linge en hauteur car ne pouvant plus se baisser ou se mettre sur la pointe des pieds. Elle évalue l’aide nécessaire à trois heures par semaine et réclame 11 856 euros pour la période échue jusqu’au 26 mai 2014, à laquelle il conviendra d’ajouter la somme de 70 252,50 euros.

Les intimés estiment que ce poste de préjudice doit être rejeté, l’expert n’ayant pas retenu de tierce personne future.

*

Effectivement, l’expert n’a pas retenu de nécessité d’une assistance par tierce personne future et Mme X ne fournit aucun élément, aucun avis médical, susceptible de contredire l’avis de l’expert judiciaire. Les attestations qu’elle produit sont insuffisantes à ce titre. En conséquence, elle ne rapporte pas suffisamment la preuve de la réalité de ce poste de préjudice et sa demande présentée à ce titre doit être rejetée.

2-3- La perte de gains professionnels futurs

Mme X sollicite un montant de 71 956,61 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, soit 33 692 euros jusqu’au 26 mai 2018 et 40 144,01 euros pour la période postérieure, en procédant à une capitalisation à l’aide d’un taux de l’euro de rente de 4,766, sur la base d’une perte de revenu annuel de 8 423 euros. Elle précise être payée à la commission.

Elle fait valoir qu’elle est moins performante dans son activité professionnelle, qu’elle ne bénéficie plus de la même endurance et des mêmes capacités physiques et morales, alors que la profession d’agent immobilier est difficile. Celle-ci exige de nombreux déplacements et le marché est actuellement fragile. Elle évoque les difficultés de déplacement, celles liées à son apparence physique du fait de son chaussage adapté.

Les intimés soutiennent qu’au vu du rapport d’expertise, il n’est pas établi de perte de gains professionnels futurs en lien direct avec les faits, observant que Mme X a repris son activité.

*

Il a été relevé une perte de gains professionnels actuels, jusqu’à la date de la consolidation, Mme X ayant justifié d’une telle perte en produisant des justificatifs de ses recettes de 2011 à 2014 inclus. Or, les justificatifs de ses revenus de 2014 permettent d’établir que sa perte de revenus s’est étendue, après la consolidation, jusqu’à la fin de l’année 2014. Celle-ci, selon le même calcul, s’élève à 7 902 euros (perte totale de revenus en 2014, par rapport à 2011), dont à déduire la perte antérieure à la consolidation, soit du 1er janvier 2014 au 26 mai 2014, qui s’élève à 3 160 euros, soit un solde de 4 742 euros.

Cependant, Mme X n’a pas produit les justificatifs de ses revenus des années écoulées postérieures et ne permet donc pas à la cour d’évaluer l’existence et le montant éventuel de cette perte pour ces années. Elle sollicite la prise en compte de la moyenne des pertes des années 2013 et 2014, alors qu’elle dispose des justificatifs de ses revenus jusqu’à 2017 a minima.

Faute de tels justificatifs qui sont seuls susceptibles de démontrer la réalité et le montant éventuel de la perte de gains professionnels de ces années et de disposer d’éléments d’appréciation suffisants pour apprécier l’existence d’une telle perte pour la période postérieure, sa demande ne peut qu’être rejetée.

Il en résulte que le préjudice de Mme X au titre de la perte de gains professionnels futurs s’élève à 4 742 euros et que, compte tenu de la perte de chance retenue, elle doit en être indemnisée à hauteur de 2 371 euros (4 742 : 2).

2-4- L’incidence professionnelle

Mme X réclame un montant de 117 768 euros, faisant valoir que l’expert a reconnu l’existence d’un préjudice professionnel constitué par la gêne consécutive à l’amputation, alors qu’elle doit se déplacer, pour monter et descendre les escaliers. L’expert a retenu une gêne dans la marche et vis-à-vis de ses clients dans sa présentation générale. Elle évoque également des pertes d’équilibre, une pénibilité et une fatigabilité liées au piétinement lors des visites des appartements et des états des lieux.

Elle précise que les déplacements représentent a minima 50 % de son temps de travail et elle retient un coefficient d’incidence professionnelle de 50 % de ses revenus annuels pendant les huit ans restant à travailler entre son âge lors de la consolidation, 59 ans, et l’âge de la retraite, 67 ans. Elle conteste que l’indemnisation de ce poste de préjudice fasse double emploi avec la perte de gains professionnels.

Les intimés estiment ce poste de préjudice non justifié, estimant qu’il fait double emploi avec la perte de revenus futurs, non justifiés à ce jour.

*

La demande de Mme X au titre de l’incidence professionnelle, telle qu’elle la chiffre, recouvre celle présentée au titre de la perte de gains professionnels futurs et ce poste de préjudice ne peut donner lieu aux calculs qu’elle propose.

En revanche, le principe même d’un préjudice au titre de l’incidence professionnelle n’apparaît pas contestable au vu des conclusions de l’expert qui a retenu un préjudice professionnel. Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, l’expert relève précisément l’aptitude de Mme X à reprendre son activité d’agent immobilier, sous réserve d’un chaussage adapté. Mais il ajoute que la gêne consécutive à l’amputation trans-métatarsienne chez un agent immobilier devant se déplacer pour des visites est constitutive d’un préjudice professionnel.

Or, l’incidence professionnelle correspond précisément aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l’activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible. L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non pas une perte de revenus, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe, imputable au dommage. Ce poste de préjudice permet également d’indemniser le risque de perte d’emploi qui pèse sur une personne atteinte d’un handicap ainsi que la perte de chance de bénéficier d’une promotion.

Force est de constater que Mme X subit un tel préjudice en raison du handicap résultant de l’amputation trans-métatarsienne du 22 août 2012, qui la gêne dans ses déplacements, qu’il rend pénibles, qui provoque des difficultés d’équilibre et augmente le risque de chute, sur des

sols instables en particulier, qui la rend plus fatigable et a aussi des répercussions sur son apparence physique, alors qu’elle exerce une profession commerciale.

Au vu de tous ces éléments, il convient d’évaluer le préjudice de Mme X au titre de l’incidence professionnelle au montant de 40 000 euros et, au vu de la perte de chance retenue, de fixer son indemnisation au montant de 20 000 euros.

B – Préjudices extra-patrimoniaux

1- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1 -1- Déficit fonctionnel temporaire

L’expert a retenu :

— un déficit fonctionnel total du 21 août 2012 au 26 octobre 2012,

— un déficit fonctionnel partiel de classe III du 27 octobre 2012 au 30 novembre 2012,

— un déficit fonctionnel partiel de classe II du 1er décembre au 31 décembre 2012,

— la consolidation étant fixée au 26 mai 2014.

Mme X réclame un montant total de 5 500 euros dont 1 675 euros au titre du déficit temporaire total, et 437,50 + 3 387,50 euros au titre du déficit temporaire partiel, sur la base d’un tarif journalier de 25 euros, pour les périodes retenues par l’expert, y ajoutant celle comprise entre le 31 décembre 2012 et la date de consolidation, au taux de 25 %.

Elle fait valoir en effet qu’ayant retenu une gêne temporaire partielle de classe II pour le mois de décembre 2012 et un taux d’incapacité de 18 % après la consolidation en date du 26 mai 2014, l’expert n’a pas tenu compte de sa situation réelle entre ces deux périodes. Or, elle fait valoir que son état de santé était encore instable et que la gêne temporaire partielle de classe II (25%) doit s’étendre du 1er janvier 2013 au 26 mai 2014.

Les intimées retiennent un montant journalier de 22 euros, soit un montant de 1 430 euros pendant la période de déficit fonctionnel total puis de 363 euros pour la période de déficit fonctionnel partiel de classe III.

Le montant journalier de 25 euros sollicité par Mme X doit être retenu, de même que la gêne temporaire partielle invoquée par elle entre le 31 décembre 2012 et la date de consolidation, au taux de 25 %, qui est le taux d’incapacité de la période précédente. En effet, ainsi qu’elle le souligne, l’expert a retenu un taux de 18 % de déficit fonctionnel partiel et il doit donc être retenu l’existence d’un taux de déficit partiel supérieur jusqu’à la date de consolidation.

Il convient donc de fixer le préjudice subi au titre du déficit fonctionnel temporaire comme suit, selon les périodes successives :

—  1 675 euros du 21/08/2012 au 26/10/2012 (67 jours x 25 euros),

—  437,50 euros du 27/10/2012 au 30/11/2012 (35 jours x 25 euros x 50%),

—  3 387,50 euros du 01/12/2012 au 26/05/2014, (542 jours x 25 euros x 25%),

soit au total 5 500 euros.

Compte tenu de la perte de chance de 50 % retenue, Mme X doit donc être indemnisée à hauteur de 2 750 euros au titre de ce poste de préjudice.

[…]

Mme X réclame un montant de 12 000 euros compte tenu du taux retenu par l’expert, de 3,5/7. Elle évoque également les souffrances endurées notamment à l’annonce de son amputation, ainsi que la détresse psychologique qui a suivi celle-ci et l’a plongée dans une dépression (physiquement diminuée, sentiment d’isolement, difficultés du quotidien).

Elle évoque également une profonde douleur morale et physique du fait de se sentir diminuée dans l’exercice de sa profession d’agent immobilier, d’avoir dû annuler des rendez-vous professionnels ou de s’y rendre en boitant, de devoir se tenir aux rambardes de sécurité dans les escaliers, de ne pas pouvoir se rendre sur des chantiers de construction en raison des surfaces irrégulières, d’être confrontée à des troubles de l’équilibre.

Les intimées estiment qu’un montant de 3 500 euros est plus conforme à la jurisprudence actuelle des cours et des tribunaux.

Au vu des conclusions de l’expertise, de la nature des lésions et de l’intensité de la souffrance liée au caractère définitif de l’amputation et à la perte de mobilité en résultant, il convient de fixer ce préjudice au montant de 10 000 euros et, compte tenu de la perte de chance retenue, de fixer le montant de l’indemnisation due à Mme X à 5 000 euros.

1-3- Le préjudice esthétique temporaire

Mme X réclame 3 000 euros au titre de ce poste de préjudice, soulignant qu’il n’a pas été prévu par l’expert qui ne l’a pas interrogée à ce sujet, mais qu’il existe incontestablement. Elle invoque les dispositions de l’article 246 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’elle a dû porter une chaussure adaptée particulièrement disgracieuse pendant toute la maladie traumatique, avec laquelle elle devait sortir, cette chaussure attirant les regards des passants. Elle indique avoir dû porter également une orthèse au pied gauche et ajoute que ce chaussage ne faisait qu’accentuer sa boiterie, donnant l’impression qu’elle titubait et qu’elle avait bu. Elle évoque aussi une claudication particulièrement importante après l’amputation.

Les intimées font valoir que ce poste de préjudice n’a pas été retenu par l’expert.

*

Si l’expert n’a pas relevé de préjudice esthétique temporaire, il a retenu un préjudice esthétique définitif et la nature des lésions permet aisément de constater l’existence d’un préjudice esthétique pendant la période qui a suivi immédiatement l’amputation en cause, jusqu’à la consolidation. En effet, la boiterie invoquée par Mme X, particulièrement importante dans les semaines et mois qui ont suivi l’amputation, la nécessité de porter une orthèse, sont indéniables durant cette période.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Mme X en fixant ce poste de préjudice au montant de 3 000 euros auquel sera appliqué le taux de perte de chance retenu pour son indemnisation, laquelle s’élèvera en conséquence à 1 500 euros.

2- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

2-1- Le déficit fonctionnel permanent et la demande subsidiaire d’expertise

Mme X réclame à ce titre un montant de 63 000 euros, faisant valoir que, pour retenir un taux de 18 %, l’expert n’a pas tenu compte des conséquences psychologiques de l’amputation. À ce titre, elle évoque une image d’elle très dégradée, une douleur physique quotidienne, ce qui la plonge dans un état dépressif. Elle évoque des crises d’angoisse, une impulsivité, une irritabilité, des

troubles du sommeil, des cauchemars, un manque d’élan vital, des idées suicidaires et un repli sur elle-même. Elle s’appuie sur un certificat médical du docteur Meyer évaluant une incapacité permanente de 12 % sur un plan purement psychique. Elle retient une valeur du point de 2 100 euros.

Mme X indique solliciter subsidiairement la désignation d’un expert psychiatre pour déterminer ses séquelles psychologiques qui n’ont pas été évoquées par l’expert, si la juridiction ne s’estimait pas suffisamment éclairée pour statuer.

Les intimées font valoir pour leur part que, pour fixer un taux de 18 %, l’expert n’a pas tenu compte de l’état antérieur de la demanderesse, qui avait déjà été amputée dans le passé, et qu’il aurait dû retenir la différence entre l’incapacité antérieure et l’incapacité actuelle. Elles estiment excessif ce taux de 18 % et fantaisiste le taux de 12 % que souhaiterait voir ajouter Mme X. Elles observent que l’état psychologique de cette dernière a été pris en compte dans l’évaluation du déficit fonctionnel et celle du pretium doloris. Elles retiennent une valeur du point de 1 200 euros.

Sur la demande d’expertise complémentaire, les intimées estiment que l’état psychologique de la demanderesse a été pris en compte dans le cadre de la fixation du déficit fonctionnel et dans l’appréciation du pretium doloris. Elles reprennent les motifs du jugement déféré relatifs au rejet de cette demande.

*

Il convient de souligner que les troubles psychologiques invoqués par Mme X, qui produit à l’appui un certificat médical de son médecin traitant du 28 janvier 2015 ainsi qu’un compte rendu de son médecin conseil du 2 février 2015, s’ils sont réels, existaient manifestement lors de l’expertise, mais n’ont pas été soumis à l’examen de l’expert qui était en mesure, en s’entourant si besoin de tout avis utile, d’apprécier leur portée et le lien de causalité éventuel avec l’amputation du 22 août 2012.

Si Mme X reproche à l’expert de ne pas l’avoir interrogée sur ce point, elle ne l’a pas non plus évoqué elle-même lors de ses doléances. De plus et surtout, de telles séquelles n’ont pas non plus été mentionnées dans le dire adressé à l’expert par son conseil et aucun élément relatif à un traitement en cours à ce titre, aucun document médical n’a été transmis à l’expert sur ce point. Or, il appartenait à Mme X d’en produire les justificatifs dans ce cadre. À défaut d’avoir été soumis à un examen contradictoire dans le cadre de l’expertise, ne constituant pas des circonstances nouvelles survenues postérieurement à celle-ci, les éléments médicaux évoqués plus haut n’ont pas lieu d’être pris en compte dans le cadre de la présente décision.

Dès lors, aucune circonstance nouvelle n’étant survenue depuis l’expertise judiciaire et la cour disposant d’éléments suffisants pour statuer sur l’entier préjudice de Mme X, la demande subsidiaire d’expertise psychiatrique ou psychologique de cette dernière doit être

rejetée.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de supposer que les amputations antérieures, qui ne portaient que sur le cinquième orteil de chaque pied, aient entraîné un quelconque déficit fonctionnel pour Mme X. C’est pourquoi les observations des intimées sur le caractère excessif du taux d’incapacité retenu par l’expert sont infondées.

Au contraire, au vu de l’amputation qu’a subie Mme X, ce taux apparaît parfaitement justifié.

Au vu de ce taux de 18 % et de l’âge de Mme X lors de la consolidation, soit 59 ans, il convient de retenir une valeur du point de 1 720, soit un préjudice d’un montant de 18 × 1 720 = 30 960 euros.

Le préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent doit donc être évalué à 30 960 euros et, compte tenu de la perte de chance de 50 % retenue, son indemnisation au titre de ce poste de préjudice s’élèvera à 15 480 euros.

2-2- Le préjudice d’agrément

Mme X réclame un montant de 15 000 euros, se rapportant aux observations de l’expert qui indique qu’elle a dû renoncer aux activités de loisirs, notamment le cinéma. Elle indique avoir détaillé des activités sportives qu’elle pratiquait avant l’amputation dans un dire adressé à l’expert, soit la natation, le ski, la danse et le rock acrobatique, le footing, la pratique du vélo comme moyen de locomotion habituel et lors de randonnées de cyclistes en forêt.

Les intimées n’ont présenté aucune observation sur ce poste de préjudice.

L’expert a effectivement retenu l’existence d’un préjudice d’agrément, relevant que la marche est limitée, entravant les activités normales de loisirs.

Les justificatifs produits par Mme X concernant les activités qu’elle affirme avoir pratiquées, antérieurement à l’amputation subie, sont limités et ne permettent pas d’évaluer ce préjudice à un montant supérieur à 5 000 euros. Son indemnisation, compte tenu de la perte de chance, s’élèvera donc à 2 500 euros.

2-3- Le préjudice esthétique définitif

Mme X réclame un montant de 40 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif, pour un taux de 6/7 retenu par l’expert.

Elle évoque la contrainte d’un chaussage adapté, l’impossibilité de porter des chaussures ouvertes, des sandales, des chaussures à talons, une difficulté particulière pendant l’été, son refus de laisser voir son pied amputé, les soins quotidiens de son pied amputé, l’intervention de plusieurs professionnels dont elle doit supporter les regards, ce qui est une source d’angoisse et de gêne pour elle. Elle évoque une atteinte à sa dignité.

Les intimées proposent un montant de 15 000 euros, observant que l’expert a fixé un taux de 6/7 sans préciser s’il tient compte de la pathologie ancienne de la demanderesse.

*

Il convient de souligner que les amputations très limitées subies antérieurement à celle du mois d’août 2012 par Mme X ne réduisent en rien le préjudice esthétique résultant de

cette nouvelle amputation, particulièrement importante.

Au vu des conclusions de l’expert, il convient de fixer ce poste de préjudice au montant de 40 000 euros et le montant de l’indemnisation due à Mme X au montant de 20 000 euros.

2-4- Le préjudice sexuel

Mme X sollicite un montant de 10 000 euros, soulignant que l’expert a reconnu un préjudice concernant à la fois le désir sexuel et la réalisation de l’acte compte tenu de la modification de son image corporelle. Elle affirme qu’elle était une femme sexuellement active avant l’amputation.

Les intimées offrent un montant de 8 000 euros.

L’expert a retenu l’existence d’un préjudice sexuel concernant effectivement à la fois le désir sexuel et la réalisation de l’acte, dont l’importance justifie de fixer le préjudice sexuel de Mme X au montant de 10 000 euros, son indemnisation devant s’élever, à ce titre, au montant de 5 000 euros.

C-Récapitulatif

Il doit être constaté que la demande de provision de Mme X est sans objet, dans la mesure où il est statué sur son préjudice définitif.

Au total, il doit être tenu compte, dans la liquidation du préjudice corporel de Mme X, des prestations versées par le RSI à hauteur de 10 755,70 euros, et par la mutuelle ACM à hauteur de 1 188,45 euros, au titre des dépenses de santé actuelles.

En considération des éléments ci-dessus, le préjudice de Mme X, au titre de la perte de chance de 50 %, sera liquidé comme suit :

Évaluations

Sommes revenant à la victime au titre de la perte de chance

Sommes revenant aux organismes sociaux

I-Préjudices patrimoniaux

104 066,70 €

40 089,20 €

10 755,70 € (RSI)

1 188,45 €(mutuelle ACM)

A- Préjudices patrimoniaux temporaires

48 680,10 €

12 395,90 €

10 755,70 € (RSI)

1 188,45 €(mutuelle ACM)

[…] de santé actuelles

21 511,40 € (RSI)

2 376,90 €(mutuelle ACM)

10 7555,70 € (RSI)

1 188,45 €(mutuelle ACM)

[…]

901,80 €

450,90 €

3) Perte de gains professionnels actuels

19 254,00 €

9 627,00 €

4) Assistance par tierce personne temporaire

4 636,00 €

2 318,00 €

B- Préjudices patrimoniaux permanents

55 386,60 €

27 693,30 €

[…] de santé futures

10 644,60 €

5 322,30 €

[…]

néant personne permanente

4) Pertes de gains professionnels futurs

4 742,00 €

2 371,00 €

5) Incidence professionnelle

40 000,00 €

20 000,00 €

II- Préjudices extra-patrimoniaux

104 460,00 €

52 230,00 €

A- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

18 500,00 €

9 250,00 €

1) Déficit fonctionnel temporaire

5 500,00 €

2 750,00 €

[…]

10 000,00 €

5 000,00 €

3) Préjudice esthétique temporaire

3 000,00 €

1 500,00 €

B- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

85 960,00 €

42 980,00 €

1) Déficit fonctionnel permanent

30 960,00 €

15 480,00 €

2) Préjudice d’agrément

5 000,00 €

2 500,00 €

3) Préjudice esthétique permanent

40 000,00 €

20 000,00 €

[…]

10 000,00 €

5 000,00 €

TOTAL:

208 526,70 €

92 319,20 €

10 755,70 € (RSI)

1 188,45 €

(mutuelle ACM)

Aucune provision n’a été versée et n’est donc à déduire de ces montants.

Il doit être souligné que Mme X ne sollicite pas de condamnation de Mme Z-E ou de la Société d’assurances Axa France et que la cour statuera donc dans les limites des demandes dont elle est saisie, figurant dans le dispositif des conclusions de l’appelante, qui tendent à ce qu’il soit dit que son préjudice sera indemnisé.

Par ailleurs, conformément à sa demande, le jugement sera déclaré commun et opposable à la Société d’assurances Axa France ainsi qu’à la RAM.

III- les dépens et frais non compris dans les dépens

L’appel de Mme X étant accueilli, au moins partiellement, et la responsabilité de Mme Z-E retenue, le jugement déféré sera infirmé sur les dépens et sur les dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi, il sera mis à la charge du docteur Z-E les dépens de la première instance, qui incluront les dépens de la procédure de référé expertise, ainsi que les dépens de l’appel, mais aussi le paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme X.

Pour les mêmes motifs, la demande des intimées au titre des frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés en appel sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique,

CONFIRME le jugement rendu le 19 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise psychiatrique complémentaire présentée par Mme X ;

INFIRME le dit jugement en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que Mme F Z-E a commis une faute médicale dans les soins procurés à Mme A X ;

DIT que le préjudice en lien avec cette faute consiste en une perte de chance, égale à 50 %, d’éviter les conséquences dommageables de l’amputation subie le 22 août 2012 ;

DIT que Mme A X doit être indemnisée à hauteur des montants suivants, à l’exclusion des sommes de 10 755,70 € (dix mille sept cent cinquante cinq euros et soixante dix centimes) et de 1 188,45 € (mille cent quatre-vingt huit euros et quarante cinq centimes) au titre des dépenses de santé actuelles, compte tenu des prestations versées par le RSI et par la mutuelle ACM :

—  450,90 € (quatre cent cinquante euros et quatre-vingt dix centimes) au titre des frais divers,

—  2 318 € (deux mille trois cent dix-huit euros) au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation,

—  9 627 € (neuf mille six cent vingt sept euros) au titre de la perte de gains professionnels actuels,

—  5 322,30 € (cinq mille trois cent vingt deux euros et trente centimes) au titre des dépenses de santé futures,

—  2 371 € (deux mille trois cent soixante et onze euros) au titre de la perte de gains professionnels futurs,

—  20 000 € (vingt mille euros) au titre de l’incidence professionnelle,

—  2 750 € (deux mille sept cent cinquante euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire,

—  5 000 € (cinq mille euros) au titre des souffrances endurées,

—  1 500 € (mille cinq cents euros) au titre du préjudice esthétique temporaire,

—  15 480 € (quinze mille quatre cent quatre-vingts euros) au titre du déficit fonctionnel permanent,

—  2 500 € (deux mille cinq cents euros) au titre du préjudice d’agrément,

—  20 000 € (vingt mille euros) au titre du préjudice esthétique définitif,

—  5 000 € (cinq mille euros) au titre du préjudice sexuel ;

CONSTATE qu’est sans objet la demande subsidiaire de Mme A X tendant à ce qu’il soit ordonné à la société d’assurance Axa France de lui verser une provision de 100 000 € (cent mille euros) ;

CONDAMNE Mme F Z-E à supporter les entiers dépens de la procédure de référé et de la procédure de première instance ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE Mme F Z-E aux entiers dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à verser, à Mme X la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de Mme F Z-E et de la Société d’assurances Axa France fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉCLARE le présent arrêt commun et opposable à la Société d’assurances Axa France et à la Réunion des Assureurs Maladie.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 2 mai 2019, n° 17/03022