Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 b, 15 septembre 2020, n° 18/05348

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 5 b, 15 sept. 2020, n° 18/05348
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/05348
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 16 octobre 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

KH/IK

Chambre 5 B

N° RG 18/05348

N° Portalis DBVW-V-B7C-G52Y

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Katja MAKOWSKI

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Copie au

- Ministère Public

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 15 Septembre 2020

Décision déférée à la Cour : 17 Octobre 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur C-E X

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la Cour,

Aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006578 du 11/12/2018

INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :

Madame A Z épouse X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour,

Aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006381 du 27/11/2018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 et de l'ordonnance de Madame la Première Présidente du 31 mars 2020, l'affaire a été mise en délibéré le 09 juin 2020 sans audience, les parties ne s'y étant pas opposées

Mme HERBO, Président de chambre en charge du rapport,

Mme LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller,

Monsieur FREY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

MINISTÈRE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué

S. DI ROSA, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour,

- signé par Mme Karine HERBO, président et Mme Lorine FLEURET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme A Z et M. C X se sont mariés le […] à Memmelshoffen, sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Par assignation en date du 15 février 2018, M. X a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg afin de solliciter l'annulation du mariage pour vice du consentement.

Par jugement en date du 17 octobre 2018, cette juridiction a :

- déclaré les juridictions françaises compétentes pour connaître du litige,

- déclaré la loi française applicable au divorce,

- déclaré recevable l'action en nullité du mariage intenté par M. X,

- débouté M. X de sa demande de nullité du mariage,

- débouté Mme Z de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X aux dépens.

Le 16 novembre 2018, M. X a interjeté appel de cette décision.

Par réquisitions du 7 mai 2019, le procureur général s'en est rapporté.

Dans ses dernières conclusions en date du 29 juillet 2019, M. X demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- prononcer la nullité du mariage,

- débouter Mme Z de son appel incident,

- condamner Mme Z aux entiers dépens.

M. X explique qu'il a rencontré Mme Z sur un site de rencontre début août 2017, qu'elle est arrivée en France avec un visa de trois mois courant de l'année 2017 pour rendre visite à son fils qui réside à Strasbourg et qu'elle a très rapidement exprimé le souhait de se marier, le mariage étant donc organisé dans la hâte le […] et le fils de Mme Z apportant alors quelques affaires personnelles de cette dernière chez lui.

Il fait valoir que l'organisation précipitée de ce mariage témoigne à elle seule de l'absence de véritable intention matrimoniale de Mme Z, qui seule y avait intérêt, ce mariage n'étant absolument pas une priorité pour lui, qui n'a fait que céder à la pression de la partie adverse, étant sous le charme et à la recherche d'une compagne depuis quelques temps. Il souligne que lors de la cérémonie lorsque le maire a proposé aux nouveaux époux de s'embrasser, Mme Z a esquivé et l'a embrassé sur le front, au grand étonnement de tous les invités.

Il explique qu'après le mariage, Mme Z a radicalement changé de comportement, devenant injurieuse et irrespectueuse, certains de ses amis constatant qu'elle les avait manipulés afin de les rallier à sa cause avant de s'apercevoir de ses mensonges. Son entourage témoigne unanimement du comportement de Mme Z qui ne manifestait aucune tendresse à l'égard de son époux, ne formulait que des reproches, faisait du chantage et était très souvent absente du domicile conjugal, sans informer son époux de l'endroit où elle se rendait, ni surtout de l'heure à laquelle elle rentrerait, ce qui n'a pas manqué de l'inquiéter à maintes reprises.

Il conteste avoir mis son épouse à la rue et indique ne pouvoir être responsable du fait qu'elle oublie ses clés. Il ne saurait lui être reproché qu'elle doive se rendre à la gare à pieds alors qu'il travaille. Il souligne qu'elle se contredit en affirmant qu'elle était séquestrée et qu'en aucun cas, elle n'était privée de nourriture, les deux sms qu'elle produit étant simplement un reproche parce qu'il n'avait pas acheté de pain, l'attestation de son fils et sa belle-fille indiquant lui avoir prêté de l'argent pour se nourrir étant partielle et partiale.

Il conteste avec force les violences alléguées, celui-ci étant bien au contraire une personne

calme, toujours d'humeur égale, de nature non violente et qui ne fait preuve d'aucun énervement, ainsi que cela est confirmé par le bailleur du concluant qui le connaît depuis 2014. L'épouse est en revanche décrite par le bailleur (qui réside dans le même ensemble immobilier), comme une personne hystérique, faisant du tapage nocturne lorsque son époux n'était pas là, et qui terrorisait manifestement le concluant en lui donnant régulièrement des ordres.

Il précise que Mme Z n'a eu de cesse de le provoquer, tout en se comportant en véritable célibataire, sortant et rentrant du domicile sans en informer son époux, refusant de cuisiner, alors qu'elle n'avait aucune activité professionnelle tout en refusant toute relation sexuelle ou même gestes tendres. Diverses personnes confirment avoir constaté l'absence de tendresse de l'épouse à son égard et qu'elle n'hésitait pas à l'insulter devant eux, tout en faisant du chantage et en cherchant à le blesser ou à le discréditer.

Il affirme n'avoir jamais eu un geste de violence à l'égard de son époux qui s'est elle-même mise dans un tel état que les gendarmes ont décidé de procéder à son placement en hôpital psychiatrique. Ses déclarations ne sont pas conformes aux constatations du certificat médical. La plainte a d'ailleurs été classée sans suite.

Il précise qu'elle a constitué en fait un dossier pour étayer une procédure de divorce qu'elle a initiée parallèlement à la procédure d'annulation ; qu'elle produit des sms qu'elle a choisi et conservé, sortis de leur contexte ; qu'elle a également fouillé son ordinateur pour y trouver des échanges de courrier avec des femmes, violant ainsi son droit au secret des correspondances, les mails ayant en outre été obtenus par fraude.

Il relève que si Mme Z D avoir sacrifié toute sa vie marocaine et quitté la plupart de sa famille, dont 2 de ses 3 enfants qui résident toujours au Maroc, il est tout de même permis de se demander ce qui la retient en France, puisqu'elle n'a de cesse de se plaindre de sa situation en France, où elle n'a prétendument pas d'hébergement stable ni le moindre revenu, pas même le RSA et où elle ne peut travailler en raison de sa situation administrative. Il expose quant à lui avoir rencontré des problèmes de santé suite à l'attitude de Mme Z et avoir perdu son emploi en Allemagne en raison de ses absences liées au comportement de Mme Z.

Il affirme en conséquence que le seul but recherché par Mme Z était l'obtention d'un titre de séjour par le biais du mariage.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 4 septembre 2019, Mme Z sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et demande à la cour, statuant à nouveau, de lui allouer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive, outre la condamnation de M. X aux dépens.

Mme Z explique qu'ayant eu contact M. X par le biais d'un site de rencontre et après l'avoir vu lors d'un séjour chez son fils, elle est tombée amoureuse de lui et a décidé de quitter sa vie marocaine pour lui. Elle précise qu'elle avait un emploi au Maroc et d'excellentes conditions de vie et n'avait donc pas besoin de trouver un français pour obtenir des papiers français. Elle rappelle qu'elle a toujours un fils et une fille au Maroc.

Elle conteste avoir fait pression sur M. X pour un mariage rapide, ce dernier au contraire lui ayant fait du chantage au suicide, tout comme quand elle a voulu le quitter. Compte tenu de sa confession, il n'était pas concevable qu'elle embrasse un homme sur la bouche devant témoins pendant la cérémonie ce que M. X savait et avait accepté.

Elle affirme qu'après le mariage, elle a subi l'enfermement, l'exclusion du domicile conjugal,

des violences physiques et psychologiques, la malnutrition, les tromperies et les déviances sexuelles de M. X ; qu'elle a, ainsi, été contrainte de passer des nuits dehors pendant plusieurs jours lorsqu'elle ne pouvait se rendre chez son fils à Strasbourg après avoir été mise dehors du domicile conjugal. Elle était victime du chantage permanent de son époux pour se soumettre à sa volonté.

Elle se reporte au jugement de divorce avec son ex-compagne et au compte-rendu d'enquête sociale qui démontrent que M. X est un homme violent.

Elle conteste la teneur des attestations produites par M. X et souligne qu'elle a découvert qu'il échangeait régulièrement avec d'autres femmes par internet dans le but d'assouvir ses déviances sexuelles, messages dont elle indique avoir eu connaissance sans aucune fraude, la messagerie de son époux n'étant protégée par aucun mot de passe et directement accessible sur son propre téléphone.

Elle précise qu'elle a déposé plainte le 27 janvier 2018 après que son époux l'ait frappé sur la tête avec une tasse, puis sur les bras avec une bouteille en verre.

Elle souligne qu'elle n'a désormais ni travail, ni logement.

Elle fait valoir que M. X souhaite pouvoir se débarrasser d'elle à meilleur compte, la demande de nullité formulée par celui-ci n'étant en réalité faite que dans un esprit purement revanchard, ne supportant pas qu'elle puisse mettre fin à l'union sans accepter sa violence et son infidélité, étant rappelé qu'il avait d'ailleurs menacé son épouse par sms d'annuler le mariage si elle ne revenait pas au domicile alors que celle-ci avait fui le domicile conjugal après une dispute.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 février 2020, l'affaire étant fixée à l'audience de plaidoiries du 11 février 2020.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

DISCUSSION

Sur la nullité du mariage

Par application des dispositions combinées des articles 146 et 180 du code civil, le défaut de consentement est sanctionné par la nullité du mariage. Le mariage est nul faute de consentement si les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale. Il appartient au demandeur de prouver le défaut de consentement au jour du mariage en rapportant la preuve que le but poursuivi par le conjoint était étranger à l'union matrimoniale.

En l'espèce, M. X indique qu'il a été victime d'un mariage frauduleux à but migratoire et fait valoir principalement que l'attitude de Mme Z a changé dès la célébration du mariage.

Cependant, les attestations produites par M. X se contentent de constater que l'épouse n'avait pas de gestes tendres ou intimes en public, ce qui peut s'expliquer par la différence culturelle et religieuse. Le comportement injurieux de Mme Z est évoqué sans être explicité et le caractère particulièrement vague de l'ensemble de ces attestations leur ôte toute force probante.

Par ailleurs, Mme Z produit de nombreux sms d'échanges avec son époux qui évoquent leurs sentiments l'un pour l'autre, établissent que le mariage a bien été consommé, M. X se montrant particulièrement insistant pour que son épouse réalise son fantasme.

Mme Z produit par ailleurs des échanges de courriels entre son époux et d'autres femmes, sans que rien n'établisse qu'elle les ait obtenus par fraude, alors que l'ordinateur se trouvait à disposition des époux dans le logement, et qui démontrent que M. X tentait d'obtenir la réalisation de son fantasme auprès d'autres compagnes que son épouse.

Mme Z évoque des violences qui, bien que contestées par son époux, ont fait l'objet d'un dépôt de plainte le 27 janvier 2018 avec un certificat médical mentionnant une incapacité de travail de trois jours, relatant un hématome circulaire de 5 cm de diamètre frontale droit, une douleur à la mobilisation du coude et du bras gauche, des céphalées et insomnie post-traumatique.

Les sms de M. X évoquent le fait qu'il regrette de rendre son épouse malheureuse, de mal la traiter, de l'avoir agressée, qu'il exerce une forme de chantage pour la contraindre à agir dans le sens qu'il souhaite et n'hésite pas à la menacer de fermer la porte du domicile à clé en laissant les clés sur la porte si elle n'est pas de retour au moment qu'il souhaite et d'ainsi la laisser dehors.

Enfin, Mme Z, qui a encore deux enfants qui vivent au Maroc, produit des justificatifs démontrant qu'elle avait dans son pays un emploi bien rémunéré.

Les éléments produits aux débats ne permettent pas d'établir que lors du mariage, Mme Z n'avait pas l'intention de partager la vie de M. X et avait pour seul but d'obtenir un titre de séjour en France, quand bien même le mariage a été célébré dans la précipitation.

La preuve du défaut d'intention matrimoniale de l'épouse n'étant pas rapportée, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. X de sa demande.

Sur les dommages et intérêts

La demande en paiement de dommages-intérêts formée par Mme Z pour procédure abusive n'est pas fondée dès lors qu'il est seulement soutenu que l'appel est abusif et dilatoire sans que soit caractérisé plus avant la faute de nature à faire

dégénérer en abus le droit d'ester en justice.

Mme Z doit être déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement,

Condamne M. X aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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