Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 14 février 2020, n° 18/00889

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 14 févr. 2020, n° 18/00889
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/00889
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 19 février 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ER

MINUTE N° 65/2020

Copies exécutoires à

La SELARL ACVF ASSOCIES

Maître D’AMBRA

Maître WETZEL

Maître CROVISIER

Maître LITOU-WOLFF

La SCP CAHN & ASSOCIES

Le 14 février 2020

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 14 février 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 18/00889 – N° Portalis DBVW-V-B7C-GWET

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 février 2018 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et appelée en garantie :

La S.A. SOCARA

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocats à la Cour

INTIMÉS :

- demandeur :

1 – Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE

[…]

pris en la personne de son Syndic la SARL IMMO M

ayant son siège social […]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représenté par Maître D’AMBRA, avocat à la Cour

- défenderesses :

[…]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître WETZEL, avocat à la Cour

3 – La Société EIFFAGE CONSTRUCTION

venant aux droits de la Société BOPP DINTZNER WAGNER

ET CIE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître CROVISIER, avocat à la Cour

- appelées en garantie :

4 – La SMABTP (SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU

BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS)

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître CROVISIER, avocat à la Cour

5 – La S.A.S. HN INGENIERIE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

INTIMÉE SUR PROVOCATION et appelée en garantie :

La S.A. SOCOTEC DEVELOPPEMENT

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par la SCP CAHN & ASSOCIES, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 décembre 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard POLLET, Président, et Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement après prorogation du 31 janvier 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société civile du Bon pasteur a fait édifier un ensemble immobilier qu’elle a vendu par lots ; cet ensemble immobilier a été réceptionné le 19 juin 2001 et a été constitué en une copropriété dénommée les Terrasses du lac.

En raison de fissurations et d’éclats constatés sur les façades, par actes d’huissier des 6 et 10 juin 2011, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la société civile du Bon pasteur et la société Eiffage construction, entrepreneur général, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg ; la société Socara, titulaire du lot gros 'uvre, et la société HN ingénierie, bureau d’études structure, ont été appelées en garantie, de même que la société Bik architecture et la société Socotec développement ; par ordonnance du 4 janvier 2012, le juge de la mise en état a ordonné une expertise ; le rapport a été déposé le 17 novembre 2014.

Suivant jugement en date du 20 février 2018, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné in solidum la société Eiffage construction et la société Socara à réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, et les a condamnées aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, au profit du syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac ; le tribunal a également condamné la société Socara et la société HN ingénierie à garantir la société Eiffage construction, partiellement en ce qui concerne la société HN ingénierie ; l’appel en garantie à l’encontre de la société Socotec développement a été rejeté et ceux de la société civile du Bon pasteur ont été déclarés sans objet.

Pour l’essentiel, eu égard à la nature et aux conséquences des désordres telles que précisées par le rapport d’expertise, le tribunal a considéré que, faute d’impropriété à la destination de l’immeuble avérée à la date de la décision, la responsabilité de la société Eiffage construction et de la société Socara était engagée sur le fondement de l’article 1147 du code civil, mais non celle de la société civile du Bon pasteur dont la faute n’était pas démontrée ; il a également considéré que ces deux sociétés étaient tenues d’une obligation de résultat et qu’elles devaient donc être condamnées in solidum à procéder aux travaux de réfection nécessaires et a relevé que, selon l’expert, il existait un manquement de la société HN ingénierie à ses obligations.

Le 26 février 2018, la société Socara a interjeté appel de cette décision.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 novembre 2019 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 20 décembre 2019, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions du 3 septembre 2019, la société Socara demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé des condamnations à son encontre, de lui donner acte qu’elle s’est acquittée de la somme de 770 euros au titre de la reprise des éclats et fissures sur le bâtiment A, de débouter le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac de ses demandes et les autres parties de leurs appels en garantie, et de condamner le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Socara soutient que, conformément au rapport d’expertise, les seuls manquements qui lui sont imputables consistent en des défauts ponctuels d’enrobage, auxquels il peut être remédié pour un coût de 770 euros toutes taxes comprises. Les désordres constatés ne relèveraient pas de la garantie décennale, mais de l’entretien courant de l’immeuble dans le cadre d’un ravalement ; aucune faute de sa part ne serait prouvée en ce qui concerne les désordres affectant le bâtiment B ; elle aurait exécuté les travaux lui incombant conformément à la commande et n’aurait pas été tenue de prodiguer des conseils à la société Eiffage construction, spécialiste de la construction.

*

Par conclusions du 28 octobre 2019, la société HN ingénierie demande à la cour de rejeter l’appel de la société Socara à son encontre et de condamner celle-ci aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ; elle sollicite également le rejet de l’appel de la société Eiffage construction ; interjetant elle-même appel incident et provoqué, elle sollicite l’infirmation des condamnations prononcées à son encontre, le débouté du syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac et le rejet des appels en garantie formés contre elle ; subsidiairement, elle demande que la société Eiffage construction, la société Socara et la société Socotec développement soient condamnées in solidum à la garantir.

La société HN ingénierie soutient que les demandes à son encontre sont irrecevables dans la mesure où elle-même a été assignée seulement le 23 juin 2011, plus de dix ans après la réception prononcée le 19 juin 2001.

La société HN ingénierie ajoute que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale et qu’aucune faute de sa part n’est démontrée ; l’expert aurait relevé que les armatures présentes dans le mur fissuré et dans les dalles le supportant étaient suffisantes, ce qui exclurait une erreur de conception imputable au bureau d’études des structures.

À défaut, il conviendrait de condamner la société Socara et la société Eiffage construction à la garantir, de même que la société Socotec développement, laquelle ne pourrait soutenir qu’elle n’était pas chargée de contrôler la solidité.

*

Par conclusions du 3 juin 2019, la société Eiffage construction demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Socara et la société HN ingénierie à la garantir et de les condamner aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de, respectivement, 3 000 et 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Eiffage construction fait valoir que les désordres n’ont pas rendu l’immeuble impropre à sa destination dans le délai de la garantie décennale. Elle ajoute qu’elle a reconnu sa responsabilité dans la survenance des désordres provenant d’un défaut d’enrobage des armatures des murs en béton et qu’elle a admis devoir indemniser le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac ; sur ce point, la société Socara serait tenue à l’égard de l’entrepreneur principal d’une obligation de résultat qui justifierait qu’elle soit condamnée à la garantir. En ce qui concerne les autres désordres, la société Eiffage construction reproche à la société Socara d’avoir manqué à son obligation de conseil concernant le dispositif constructif.

La société Eiffage construction ne s’oppose pas à une condamnation pécuniaire au profit du syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac.

En ce qui concerne l’appel en garantie à l’encontre de la société HN ingénierie, la société Eiffage construction fait valoir que le point de départ du délai de prescription de son action est la date à laquelle elle-même a été assignée par le maître de l’ouvrage ; son action ne serait donc pas prescrite. En revanche, la société HN ingénierie, à l’encontre de laquelle aucune demande n’a été formée par les autres parties, ne pourrait exercer un appel en garantie à l’encontre de la société Eiffage construction. Par ailleurs, cette société soutient que l’expert a mis en évidence des manquements de l’ingénieur structure, à l’origine des désordres affectant un appartement.

*

Par conclusions du 4 novembre 2019, le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac demande à la cour de rejeter l’appel de la société Socara et de la condamner aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ; il ajoute qu’il n’a formé aucune demande contre la société HN ingénierie, ni contre la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics ; interjetant appel incident, le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé une condamnation à exécuter les travaux, de déclarer la société Eiffage construction et la société Socara entièrement responsables du préjudice subi, et de les condamner, solidairement ou in solidum, à lui payer les sommes de 4 677,20 euros et de 21 063,35 euros, outre l’indexation de celle-ci sur l’évolution de l’indice BT01 jusqu’à la date de l’arrêt et les intérêts au taux légal à compter de cette date.

Le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac expose que les désordres sont de deux ordres, d’une part des éclats de béton dus à la corrosion des fers d’armature, qui affectent les murs extérieurs d’un appartement du bâtiment A, et d’autre part des fissures sur les murs extérieurs d’un appartement du bâtiment

B. Les premiers désordres seraient imputables à une insuffisance d’enrobage et le coût des travaux de réfection s’élèverait à la somme de 4 677,20 euros, et non à celle de 770 euros évaluée par l’expert ; ces désordres porteraient atteinte à la solidité de l’ouvrage et le rendraient impropre à sa destination ; au surplus, ils seraient imputables à une faute d’exécution. Les seconds désordres seraient la conséquence de la souplesse laissée aux dalles et d’une insuffisance des liaisons verticales dans les murs ; l’expert, en attribuant la responsabilité de ces désordres à l’ingénieur structure, à l’entreprise de gros 'uvre et, éventuellement, au bureau de contrôle, aurait relevé un manquement à l’obligation de conseil.

*

Par conclusions du 9 novembre 2018, la société Socotec développement demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société HN ingénierie aux dépens ainsi qu’à lui payer une indemnité de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Socotec développement relève que la société HN ingénierie ne produit pas les justificatifs de l’étendue de la mission de contrôle, ni les rapports établis pour l’exécution de cette mission. Aucune faute du contrôleur ne serait donc démontrée.

*

Par conclusions du 23 août 2018, la société civile du Bon pasteur demande à la cour de la mettre hors de cause et de condamner la société Socara aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Par conclusions du 3 juin 2019, la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics demande à la cour de constater qu’aucune demande n’est formée à son encontre, de confirmer le jugement entrepris, de condamner la société Socara à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, de dire, le cas échéant, que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale, de condamner la société Socara et la société HN ingénierie aux dépens, et de condamner la société Socara au paiement d’une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics expose qu’elle est l’assureur des dommages à l’ouvrage et l’assureur de la société civile du Bon pasteur, constructeur non-réalisateur. Elle fait valoir qu’aucune demande n’est faite à son encontre et qu’au surplus ses garanties n’ont pas vocation à s’appliquer.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la société HN ingénierie

Le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac n’a engagé aucune action à l’encontre de la société HN ingénierie.

La société Eiffage construction, qui sollicite la garantie de cette société, a engagé son action par acte d’huissier du 23 juin 2011, soit moins d’un mois après l’assignation qui avait été délivrée à elle-même le 6 juin 2011.

La société HN ingénierie est dès lors mal fondée à contester la recevabilité de l’action de la société Eiffage construction à son encontre.

Sur les désordres

Les désordres affectant le bâtiment A

Lors de la visite des lieux, l’expert judiciaire a constaté divers désordres affectant les murs du sixième étage du bâtiment A (appartement Klein) :

1) au sud, des éclats du béton avec apparition des armatures, du fait d’un défaut de recouvrement de celles-ci, des micro-fissures horizontales en sous-face de la dalle à la jonction avec le mur et en surface de la dalle à la jonction avec l’acrotère, des micro-fissures verticales à la reprise du bétonnage entre deux murs concomitants, des micro-fissures diffuses en pied de mur, un éclat du ragréage de l’acrotère,

2) à l’est, des micro-fissures horizontales et verticales dans le mur en béton et autour de la fenêtre, un éclatement du béton suite à la rouille au droit de l’appui de la poutre en béton armé sur la terrasse, un décollement du ragréage sous peinture, une micro-fissure verticale à la reprise du bétonnage entre deux murs concomitants, des micro-fissures horizontales en sous-face de la dalle à la jonction avec le mur et en surface de la dalle à la jonction avec l’acrotère.

Selon l’expert judiciaire, ces désordres n’affectent pas la solidité de l’ouvrage et, à la date de l’expertise, ils ne le rendaient pas impropre à sa destination. Le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac, qui se prévaut de la garantie décennale, n’apporte aucun élément susceptible de contredire l’appréciation de l’expert, alors que, plus de dix ans après la réception de l’ouvrage, celui-ci est toujours habité et ne présente aucun risque particulier d’effondrement.

Les micro-fissures sont dues à la sollicitation d’un ouvrage en béton armé qui s’est mis en charge et qui subit l’action des chocs thermiques. Le traitement des fissures, du décollement du ragréage et du décollement de la peinture relèvent de travaux d’entretien de l’immeuble dans le cadre d’un ravalement. Aucune faute à l’origine des micro-fissures n’est caractérisée.

En revanche, les éclats constatés dans le béton avec apparition des armatures sont la conséquence d’une insuffisance de l’enrobage de celles-ci à l’about des treillis soudés, cet enrobage ne respectant pas le minimum requis. Il est ainsi établi que ces éclats sont la

conséquence d’une faute commise lors de la réalisation du gros 'uvre.

Cette faute est imputable à la société Eiffage construction, entreprise générale, et à la société Socara, qui a réalisé le gros 'uvre.

L’expert a évalué à 500 euros hors taxes le coût du traitement des points de rouille provoqués par les éclats dans le béton, en considérant que ces travaux pourraient être entrepris lors du prochain ravalement de façade. Cependant, un tel ravalement n’avait pas été décidé à la date des opérations d’expertise et il n’y a pas lieu de différer la réparation des désordres résultant de fautes commises par les constructeurs jusqu’à la réalisation d’un éventuel ravalement. Le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac est dès lors fondé à réclamer une indemnité correspondant au coût réel des travaux de reprise, et non au seul surcoût que représenteraient de tels travaux lors d’un ravalement général de l’immeuble.

Pour justifier du coût des travaux nécessaires, le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac produit un devis daté du 8 août 2018 prévoyant un « traitement sur fer avec une application d’un anti-rouille et une mise en peinture de finition ainsi qu’une reprise du béton avec passivation » au prix de 1 320 euros toutes taxes comprises ; il convient de retenir cette somme. En revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande relative à l’entoilage d’une surface de 88 mètres carrés, après son nettoyage haute pression, ces travaux correspondant à ce que l’expert judiciaire a identifié comme des travaux d’entretien.

La société Socara, qui invoque la remise d’un chèque de 770 euros, ne justifie cependant pas d’un paiement effectif de cette somme, et reconnaît au contraire l’absence d’encaissement du chèque ; elle est donc mal fondée à se prétendre libérée de son obligation, même partiellement.

La société Eiffage construction et la société Socara seront, en conséquence, condamnées in solidum à payer au syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac la somme de 1 320 euros.

Les désordres affectant le bâtiment B

Lors de la visite des lieux, l’expert judiciaire a constaté divers désordres affectant les murs des cinquième et sixième étages du bâtiment B (appartement Moraitis) :

1) à l’est, au niveau 6, une fissuration en escalier se développant dans le mur à partir de l’angle de la façade nord, un éclatement de l’enduit sur l’ébrasement d’une fenêtre, et des micro-fissures horizontales dans le mur perpendiculaire,

2) à l’est, au niveau 5, une fissuration en escalier se développant dans le mur à partir de l’angle de la façade nord, et une micro-fissure verticale rectiligne,

3) à l’ouest, au niveau 6, une fissuration en escalier se développant dans le mur à partir de l’angle de la façade nord, et une fissuration horizontale.

Après avoir pris connaissance des plans du bâtiment et effectué ses propres calculs, l’expert judiciaire a constaté que les armatures placées dans les dalles et dans les murs étaient dimensionnées pour reprendre les charges appliquées, qu’en revanche la souplesse relative des dalles favorisait la flexion et que, si la flexibilité n’était pas gênante en elle-même, en l’espèce elle le devenait en raison de la présence d’un élément rigide tel qu’un mur ; ainsi, en l’absence de liaisons verticales multiples entre les dalles haute et basse, le mouvement de l’une par rapport à l’autre favorise l’apparition de fissures qui peuvent devenir infiltrantes.

Aucun élément ne permet d’affirmer que la solidité de l’immeuble serait compromise ; lors des opérations d’expertise intervenues plus de dix ans après la réception, les fissures n’étaient pas infiltrantes et aucune constatation n’a été faite qui permettrait de caractériser une impropriété de l’immeuble à sa destination.

Toutefois, l’expert judiciaire a caractérisé une erreur de conception à l’origine d’une dégradation anormale des murs des niveaux 5 et 6 ; la responsabilité de la société Eiffage construction est dès lors engagée, ainsi que celle de la société HN ingénierie.

En revanche, ces désordres sont étrangers à l’intervention de la société Socara, en ce qu’ils ne résultent pas de fautes commises lors de l’exécution des travaux de gros 'uvre ; l’étude du comportement des structures, seule de nature à révéler l’erreur de conception, excédait manifestement le domaine de compétence de la société Socara et il ne peut donc lui être reproché d’avoir manqué à une obligation de conseil sur ce point. En conséquence, il n’y a pas lieu de la condamner au titre des désordres affectant les niveaux 5 et 6 du bâtiment B.

Pour remédier à ces désordres, il convient de réaliser des chaînages verticaux supplémentaires permettant de solidariser les dalles entre elles et de créer un ensemble monolithique. Le coût de ces travaux a été évalué par l’expert à la somme de 21 063,35 euros ; ce montant n’est pas contesté ; il convient toutefois, conformément à la demande du syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac, de tenir compte de l’évolution du coût de la construction depuis le chiffrage effectué au vu d’un devis daté du 14 avril 2014.

Dans la mesure où le syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac ne sollicite pas la condamnation de la société HN ingénierie à son profit, seule la société Eiffage construction sera condamnée à lui payer la somme de 21 063,35 euros, revalorisée en fonction de l’évolution de l’indice BT01 depuis le 14 avril 2014 et jusqu’à la date du présent arrêt.

Sur les appels en garantie

La société Eiffage construction est fondée à demander d’être garantie par la société Socara de la condamnation prononcée à leur encontre au titre des désordres affectant le bâtiment A ; dans la mesure où la dégradation du béton est entièrement imputable à une faute commise lors de la réalisation du gros 'uvre, la société Socara sera condamnée à garantir intégralement la société Eiffage construction.

En ce qui concerne la condamnation au titre des désordres affectant le bâtiment B, qui trouvent leur origine dans une erreur commise par le bureau d’études structures, qui n’a pas pris en compte les conséquences sur les murs en briques de la souplesse des dalles, la société Eiffage construction est fondée à demande d’être garantie intégralement par la société HN ingénierie.

En revanche, la société Socara, qui n’a pas commis de faute sur ce point, ne doit pas sa garantie.

S’agissant de la société Socotec développement, la société HN ingénierie, qui ne justifie pas des obligations contractées par le contrôleur technique, ne rapporte la preuve d’aucun manquement à ces obligations. Si elle fait valoir que la société Socotec développement ne pourrait soutenir qu’elle n’était pas chargée de contrôler la solidité, en l’espèce les désordres ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage.

Il n’y a donc pas lieu de condamner la société Socotec développement à garantir la société HN ingénierie.

Par ailleurs, en l’absence de demande à leur encontre, il convient de mettre hors de cause la société civile du Bon pasteur et la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics.

Sur l’abus de procédure

Pour réclamer une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics soutient que l’appel interjeté par la société Socara était irrecevable et à tout le moins mal fondé, faute de demande formée à son encontre.

Cependant, l’appel de la société Socara n’a pas été déclaré irrecevable, et l’absence de demande à l’encontre de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics ne suffit pas à caractériser une faute dans l’exercice de la voie de recours.

La Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et autres frais de procédure

La société Eiffage construction, la société HN ingénierie et la société Socara, qui succombent à titre principal, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile ; la société HN ingénierie et la société Socara seront condamnées à garantir la société Eiffage construction à proportion de 80 % pour la première et de 20 % pour la seconde.

Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Eiffage construction à payer au syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac une indemnité de 2 500 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance ; la société Socara et la société HN ingénierie seront condamnées à garantir la société Eiffage construction de cette condamnation à proportion respectivement de 20 % pour la première et de 80 % pour la seconde.

Les circonstances de l’espèce justifient de rejeter les autres demandes d’indemnité au titre des frais exclus des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Eiffage construction à payer au syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac une indemnité de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Et, statuant à nouveau,

DÉCLARE recevable l’action en garantie de la société Eiffage construction à l’encontre de la

société HN ingénierie ;

CONDAMNE in solidum la société Eiffage construction et la société Socara à payer au syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac la somme de 1 320 € (mille trois cent vingt euros) ;

CONDAMNE la société Socara à garantir intégralement la société Eiffage construction de la condamnation ci-dessus ;

CONDAMNE la société Eiffage construction à payer au syndicat des copropriétaires des Terrasses du lac la somme de 21 063,35 € (vingt et un mille soixante trois euros et trente cinq centimes), revalorisée en fonction de l’évolution de l’indice BT01 depuis le 14 avril 2014 et jusqu’à la date du présent arrêt ;

CONDAMNE la société HN ingénierie à garantir intégralement la société Eiffage construction de la condamnation ci-dessus ;

RAPPELLE que les condamnations ci-dessus produisent de plein droit intérêts à compter du présent arrêt ;

DÉBOUTE la société HN ingénierie de ses appels en garantie ;

MET hors de cause la société Socotec développement, la société civile du Bon pasteur et la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics ;

CONDAMNE la société Eiffage construction aux dépens de première instance ;

CONDAMNE la société HN ingénierie et la société Socara à garantir la société Eiffage construction de cette condamnation aux dépens et de la condamnation à indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile, dans la proportion de 80 % à la charge de la société HN ingénierie et de 20 % à la charge de la société Socara ;

REJETTE les autres demandes d’indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance ;

Ajoutant au jugement déféré,

DÉBOUTE la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

CONDAMNE la société Socara et la société HN ingénierie aux dépens d’appel, à proportion de 20 % à la charge de la première et de 80 % à la charge de la seconde ;

DIT n’y avoir lieu à indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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