Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 mars 2021, n° 20/01559

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 22 mars 2021, n° 20/01559
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 20/01559
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Strasbourg, 7 juin 2020
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MRN/SD

MINUTE N°

170/21

Copie exécutoire à

—  Me Dominique HARNIST

—  Me Julie HOHMATTER

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

Le 22.03.2021

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 22 Mars 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01559 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HKYP

Décision déférée à la Cour : 08 Juin 2020 par le Juge commissaire du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

L’URSSAF D’ALSACE

prise en la personne de son représentant légal

[…]

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour

INTIMEES – APPELANTES INCIDEMMENT :

E.U.R.L. NG BUDIMAN, […],

en liquidation judicaire, représentée par la SELAS MJE, prise en la personne de Maître Y X, liquidateur judicaire

SELAS MJE, prise en la personne de Maître Y X, liquidateur judicaire de la société NG BUDIMAN

[…]

Représentées par Me Julie HOHMATTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

Ministère Public :

représenté lors des débats par M. VANNIER, avocat général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

— Contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 6 mai 2019, a été prononcée la liquidation judiciaire de l’EURL NG Budiman, la Selas MJE, prise en la personne de Maître X, étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 14 mai 2019, l’Urssaf d’Alsace a effectué une déclaration de créance initiale pour un montant de 64 591 euros, à titre privilégié, pour la période de décembre 2018 à mai 2019, intégrant une provision de 30 000 euros.

Elle a ensuite effectué, le 28 mai 2019, une nouvelle déclaration pour la somme de 69 328 euros, et le 5 juillet 2019, une déclaration rectificative d’un montant de 53 660,52 euros, dont 30 000 euros à titre provisionnel.

Le 27 août 2019, le mandataire judiciaire a contesté le caractère privilégié de la créance, au motif qu’elle dépasse le seuil de 15 000 euros et qu’aucune inscription de privilège n’a été effectuée.

Le 4 septembre 2019, l’Urssaf a contesté cette analyse, soutenant que l’article L.243-5 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas, aucune période n’étant supérieure au seuil de 15 000 euros et que selon l’article L.243-4 dudit code, la créance est garantie par le privilège dit occulte de la sécurité sociale pendant un an à compter de la date d’exigibilité.

Le 12 décembre 2019, elle a effectué sa déclaration de créance définitive à hauteur de 21 823,13 euros pour les cotisations dues de décembre 2018 à mai 2019.

Par ordonnance du 8 juin 2020, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg a admis la créance de l’Urssaf d’Alsace au passif de l’EURL NG Budiman, pour un montant de 15 000 euros à titre privilégié, et pour un montant de 6 823,13 euros à titre chirographaire et dit que cette décision sera portée en marge de l’état des créances.

Le 15 juin 2020, l’Urssaf d’Alsace en a interjeté appel.

Le 18 juin 2020, l’EURL NG Budiman et la Selas MJE, prise en la personne de Maître X, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société NG Budiman, se sont constitués intimés.

Par conclusions du 24 novembre 2020, transmises par voie électronique le 26 novembre 2020, l’Urssaf d’Alsace demande à la cour de :

— débouter la partie adverse de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident,

— recevoir l’Urssaf en son appel et y faire droit,

— infirmer l’ordonnance et, statuant à nouveau :

— enjoindre à la société NG Budiman ou au mandataire de régulariser les déclarations qui font l’objet de taxations d’office ou, à défaut, de produire et de communiquer :

— le nombre de salariés employés par la société NG Budiman au jour d’ouverture, ainsi que les rémunérations qui leur sont dues,

— le livre de paie de la société NG Budiman pour la période correspondante,

— admettre la créance de l’Urssaf d’Alsace dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre de la société NG Budiman pour un montant total privilégié de 21 823,13 euros, tel que cela résulte de la déclaration de créance définitive établie par l’Urssaf,

— subsidiairement, dire et juger qu’en toute hypothèse et en cas de dépassement des seuils, le privilège s’applique pour un montant équivalent au seuil fixé par décret et admettre la créance de l’Urssaf d’Alsace, dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre de la société NG Budiman pour un montant total de 21 823,13 euros, dont 15 000 euros à titre privilégié et le surplus à titre chirographaire,

— condamner la société NG Budiman aux entiers frais et dépens.

En substance, elle fait valoir qu’elle avait demandé, et demande toujours, la communication des éléments précités lui permettant d’établir une déclaration de créance définitive, ce qui est important dans la mesure où sa déclaration de créance est proche du seuil de 15 000 euros. Soulignant ne pas demander les bulletins de paie, elle considère que les éléments demandés sont forcément en possession du liquidateur.

S’agissant de l’appréciation du seuil de 15 000 euros, elle soutient qu’il doit l’être par périodes, c’est-à-dire au mois ou au trimestre et que, selon l’article L.243-4 du code de la sécurité sociale, lorsque la créance impayée à sa date d’exigibilité est de moins de 15 000 euros, seuil prévu par l’article D.243-3 b dudit code, applicable en l’espèce, elle bénéficie pendant un an du privilège des caisses de sécurité sociale, sans qu’il soit besoin de procéder à une inscription, mais que lorsque sa créance impayée à la date d’exigibilité est supérieure à ce montant, elle bénéficie du privilège occulte dans les neuf mois suivant sa date limite de paiement, sans formalité, puis, au-delà de ce délai de neuf mois, continue à bénéficier de ce privilège si une inscription a été réalisée.

Elle soutient qu’en l’espèce, il n’était pas nécessaire de procéder à une inscription de privilège, rappelant qu’elle était toujours dans le délai de neuf mois de la date limite de paiement.

Elle ajoute qu’à la date de l’ouverture de la procédure collective, seules étaient exigibles les cotisations des mois de décembre 2018 à mars 2019, pour un montant de 14 591 euros, dont une partie taxée d’office.

Elle soutient que la créance est privilégiée jusqu’à ce que le seuil soit atteint, que l’on raisonne par période ou globalement, de sorte que la créance devait être admise à titre privilégié pour 15 000 euros.

Elle souligne que les créances déclarées ne sont pas concernées par l’inscription, puisqu’inférieures au seuil, et qu’à supposer même qu’elles aient été supérieures au seuil, il aurait été possible de maintenir le privilège dès lors qu’au jour de l’ouverture de la procédure collective, le retard de paiement était inférieur aux 9 mois de la date limite de paiement fixé par l’article L.243-5 du code de la sécurité sociale.

Invoquant l’article L.622-30 du code de commerce, elle ajoute que l’inscription du privilège n’aurait pas été possible.

Elle ajoute que, même en l’absence d’inscription, le privilège de sécurité sociale fondé sur l’article L.243-4 du code de la sécurité sociale peut être invoqué et revendiqué pour les sommes correspondant aux cotisations de moins de 9 mois avant l’ouverture de la procédure collective, qu’en l’espèce la procédure collective est intervenue pendant le délai d’inscription du privilège.

Elle soutient que le privilège occulte a vocation à s’appliquer sur toutes les créances de moins de 15 000 euros sans inscription et que pour la créance supérieure à 15 000 euros, le privilège est maintenu pendant 9 mois à l’issue duquel, pour perdurer, il doit être inscrit, et qu’en l’espèce, il n’était pas possible de rejeter son privilège, dès lors qu’aucune inscription n’était obligatoire, faute de dépassement du seuil et alors qu’au jour de l’ouverture de la procédure collective, le délai de neuf mois n’était pas encore échu.

Par ordonnance du 7 décembre 2020, la Présidente de la Chambre a fixé l’affaire à l’audience du 1er février 2021, le greffe adressant l’avis de fixation le 10 décembre 2020.

Par conclusions du 12 janvier 2021, la Selas MJE, prise en la personne de Maître X, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société EURL NG Budiman demande à la cour de :

— déclarer l’appel mal formé et débouter l’Urssaf de ses demandes, fins et conclusions,

— Sur l’appel incident : infirmer l’ordonnance et dire et juger qu’il y a lieu d’apprécier le seuil de la créance de manière globale pour la totalité de la créance et, par conséquent, rejeter la

totalité de la créance à titre privilégié

— A titre infiniment subsidiaire : confirmer l’ordonnance rendue par le juge-commissaire,

— En tout état de cause : condamner les Urssaf aux entiers frais et dépens et à payer la somme de 1 200 euros à la Selas MJE, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société EURL NG Budiman.

En substance, elle conclut, d’abord, au rejet de la demande d’injonction formée par l’Urssaf, car le mandataire n’a pas à rattraper les manquements du dirigeant et car les documents demandés seraient emprunts d’erreur puisque la qualité de salarié est contestée pour certains d’entre eux.

Elle soutient que le seuil, énoncé aux articles L.243-5 et D.243-3 du code de la sécurité sociale, doit s’analyser dans sa globalité, et non par échéance, comme le soutient l’Urssaf.

Elle ajoute qu’aucun texte ne prévoit le rejet du privilège sur la partie supérieure du seuil et que l’article L.243-5 du code précité doit être lu comme imposant l’inscription de la créance, et non de la fraction de la créance supérieure au montant du seuil, le législateur n’ayant pas précisé que seule ladite fraction doit être inscrite.

Sur la question de la portée et de l’applicabilité du délai de neuf mois prévu à l’article L.243-5 dudit code, elle soutient que si aucune inscription n’a été faite, alors qu’elle aurait dû l’être si le montant dépasse le seuil, le privilège ne peut plus être exercé. Elle fait valoir que le privilège des caisses de sécurité sociale ne figure pas parmi les exceptions, prévues par l’article L.622-30 2° et 3°, au principe posé par l’article L.622-30 1° du code de commerce.

Elle ajoute que les jurisprudences invoquées par l’Urssaf concerne des textes, différents, qui ne sont plus applicables.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande avant-dire droit :

L’Urssaf d’Alsace, à qui il appartient de justifier de sa créance, n’est pas fondée à demander la communication des documents sollicités. Cette demande sera rejetée.

Sur l’admission de la créance :

Selon l’alinéa 1er de l’article L.243-4 du code de la sécurité sociale, 'le paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d’exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés établis respectivement par l’article 2331 du code civil et les articles L. 625-7 et L. 625-8 du code de commerce.'

Selon l’article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction, alors applicable, issue de la loi du 17 mai 2011, 'dès lors qu’elles dépassent un montant fixé par décret, les créances privilégiées en application du premier alinéa de l’article L. 243-4, dues par un commerçant, une personne immatriculée au répertoire des métiers, une personne physique

exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale, ou une personne morale de droit privé, doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de neuf mois suivant leur date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l’avertissement ou de la mise en demeure prévus à l’article L. 244-2, lorsque la créance est constatée lors d’un contrôle organisé en application des dispositions de l’article L. 243-7. Le montant mentionné au présent alinéa est fixé en fonction de la catégorie à laquelle appartient le cotisant et de l’effectif de son entreprise.

Toutefois, l’organisme créancier n’est pas tenu d’inscrire ces créances lorsque le débiteur respecte un plan d’apurement échelonné de sa dette. Dès que le plan est dénoncé, l’organisme créancier doit procéder à l’inscription dans un délai de deux mois.

En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire du redevable ou d’un tiers tenu légalement au paiement de ces sommes, le privilège dont l’inscription n’a pas été régulièrement requise à l’encontre du redevable ne peut plus être exercé pour les créances qui étaient soumises à titre obligatoire à cette inscription.

L’inscription conserve le privilège pendant deux années et six mois à compter du jour où elle est effectuée. Elle ne peut être renouvelée.

Une inscription peut faire l’objet à tout moment d’une radiation totale ou partielle à la diligence des organismes de sécurité sociale ou du redevable sur présentation au greffier d’un certificat délivré par l’organisme créancier ou d’un acte de mainlevée émanant du créancier subrogé. Toutefois, lorsque l’inscription est devenue sans objet, dès lors que le débiteur s’est acquitté de sa dette et sous réserve du règlement, auprès de l’organisme créancier, des frais liés aux formalités d’inscription et de radiation, cet organisme en demande la radiation totale dans un délai d’un mois.

Toutefois, le privilège est conservé au-delà du délai prévu au troisième alinéa sur les biens qui ont fait l’objet d’une saisie avant l’expiration de ce délai.

En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d’ouverture sont remis, sauf si le passif déclaré résulte en tout ou partie du constat de l’infraction mentionnée à l’article L. 8221-1 du code du travail.

La règle d’antériorité du rang de l’inscription hypothécaire fixée à l’avant-dernier alinéa de l’article 2425 du code civil et à l’article 45-5 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle s’applique aux hypothèques mentionnées aux articles L. 243-4 et L. 244-9 du présent code.'

Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, le seuil visé par ce texte, prévu par l’article D.243-3 b dudit code, s’élève à 15 000 euros.

Ainsi, sans qu’il y ait lieu à procéder à une quelconque formalité d’inscription, les créances inférieures à ce seuil sont privilégiées, pendant un an à compter de leur date d’exigibilité.

Au-delà de ce seuil, les sommes privilégiées doivent faire l’objet d’une inscription sur un registre public, et ce dans le délai de neuf mois précité. L’inscription conserve le privilège pendant deux années et six mois à compter du jour où elle est effectuée. Elle ne peut être renouvelée.

Sur la question de savoir comment apprécier le dépassement du seuil, il a été jugé (Soc., 16

mai 2002, pourvoi n° 00-18.067, Bull. 2002, V, n° 162) pour des cotisations des troisième et quatrième trimestres 1995 et du premier trimestre 1996, qu’il résulte de l’article L. 243-5 du Code de la sécurité sociale, alors applicable, que pour conserver les effets du privilège accordé par l’article L. 243-4 du même Code, en garantie du paiement des cotisations sociales dues par un commerçant ou une personne morale de droit privé, même non commerçante, les organismes sociaux doivent inscrire les sommes privilégiées à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou au tribunal de grande instance, dans les trois mois de l’échéance, dès lors que le montant cumulé de la dette dépasse le seuil.

A l’exception de la loi du 26 juillet 2005 qui pendant un temps avait supprimé le seuil en rendant l’inscription obligatoire pour toute créance, les différentes modifications de la rédaction de l’article L.243-5 dudit code n’ont pas été telles qu’elles permettent de remettre en cause ce principe ainsi énoncé.

En l’espèce, dès lors que l’Urssaf a, suivant plusieurs déclarations modificatives, toujours déclaré une créance supérieure à 15 000 euros, le seuil était franchi.

Elle était alors tenue de procéder à l’inscription de son privilège dans le délai de neuf mois suivant la date limite de paiement.

Cependant, s’agissant de créances relatives à des cotisations des mois de décembre 2018 à mai 2019, ce délai de neuf mois n’était pas expiré lorsqu’est intervenue l’ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur le 6 mai 2019.

L’Urssaf soutient qu’étant toujours dans le délai de neuf mois, elle bénéficiait du privilège dit occulte pour l’intégralité de sa créance pendant ce délai de neuf mois.

Le juge-commissaire a admis la créance à titre privilégié jusqu’à la somme de 15 000 euros et à titre chirographaire au-delà.

Or, il résulte de la lecture de l’article L.243-5 du Code de la Sécurité Sociale que l’inscription doit porter sur l’intégralité de la créance et non sur la fraction de la créance supérieure au montant du seuil, le législateur aurait sinon précisé que seule la fraction supérieure au seuil devait être inscrite.

Ainsi, les créances relatives à des cotisations des mois de décembre 2018 à mai 2019 étaient soumises à inscription, puisque dépassant le seuil de 15 000 euros.

Certes, comme il a été dit, le 6 mai 2019, le délai de neuf mois n’étant pas expiré, de sorte qu’elles bénéficiaient encore du privilège dit occulte

Cependant, à cette date était ouverte la procédure collective du débiteur.

L’article L.243-5 3e alinéa prévoit expressément qu’en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire du redevable ou d’un tiers tenu légalement au paiement de ces sommes, le privilège dont l’inscription n’a pas été régulièrement requise à I’encontre du redevable ne peut plus être exercé pour les créances qui étaient soumises à titre obligatoire à cette inscription.

Ainsi, en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’égard du débiteur, ne peut plus être exercé le privilège, fût-il jusque là occulte, et dont l’inscription n’a pas été effectuée alors que la créance était soumise à titre obligatoire à cette inscription, dès lors que son montant dépasse le seuil de 15 000 euros, et ce même si l’Urssaf était encore dans le délai de neuf mois qui lui aurait permis de procéder à cette inscription.

Par ailleurs, plus généralement, l’article L.622 -30 1 °du Code de Commerce énonce comme principe que 'les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture'.

Il n’est fait exception à ce principe que pour le vendeur du fonds de commerce, ou encore pour le Trésor Public, lequel conserve son privilège pour les créances qu’il n’était pas tenu d’inscrire à la date du jugement d’ouverture et pour les créances mises en recouvrement après cette date si ces créances sont déclarées dans les conditions prévues à l’article L. 622-24.

Ce texte ne prévoit ainsi pas la possibilité pour l’Urssaf de conserver son privilège dit occulte pour des créances pour lesquelles il n’était pas tenu d’inscrire un privilège, les créances n’ayant pas franchi le seuil précité, ni pour les créances pour lesquelles il était tenu d’inscrire son privilège qu’il n’était cependant pas encore tenu d’inscrire à la date du jugement d’ouverture, le délai pour y procéder n’étant pas échu à cette date.

Le privilège n’ayant pas été inscrit, il n’a pu conserver ses effets.

En conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a admis la créance pour partie à titre privilégiée.

L’existence et le montant de la créance ne sont pas contestés.

Ainsi, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a admis la créance de 15 000 euros, mais infirmée en ce qu’elle l’a admise à titre privilégié, et, statuant à nouveau, admise à titre chirographaire. Elle sera également confirmée en ce qu’elle a admis la créance de 6 823,13 euros à titre chirographaire.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Urssaf d’Alsace supportera les dépens.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Rejette la demande avant-dire-droit,

Infirme l’ordonnance du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg du 8 juin 2020, mais seulement en ce qu’elle a admis la créance de l’Urssaf à titre privilégié à hauteur de 15 000 euros,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que la créance de l’Urssaf d’Alsace admise pour un montant de 15 000 euros l’est à titre chirographaire,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’Urssaf d’Alsace à supporter les entiers dépens.

La Greffière : la Présidente :

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