Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 28 juin 2021, n° 20/02048

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 28 juin 2021, n° 20/02048
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 20/02048
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Strasbourg, 14 juillet 2020
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PR/SD

MINUTE N°

362/21

Copie exécutoire à

—  Me Dominique HARNIST

— la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 28.06.2021

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 28 Juin 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02048 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HLSE

Décision déférée à la Cour : 15 Juillet 2020 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.R.L. B X

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me LA BURTHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE :

S.A.S. MKI GROUPE

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Thierry CAHN de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me CIEVET, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Février 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller, entendu en son rapport

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

— Contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société à responsabilité limitée (SARL) B X, ci-après également dénommée 'société X', qui exploite une activité d’élevage, d’abattage et de commerce d’animaux, en particulier de volailles, a fait l’acquisition, en vue de la réalisation d’une seconde ligne d’abattage avec extension de ses locaux situés à Wingersheim (67), d’éléments d’équipement de marque 'Linco', auprès d’un abattoir de l’île de la Réunion, les éléments étant démontés puis acheminés et entreposés à Brumath dans des locaux appartenant à la société. La société X devait ensuite solliciter, en vue de la remise en état et de l’installation de ce matériel, une société MKI qui lui adressait, le 6 novembre 2017, plusieurs devis pour un montant global évalué à 313 121 euros.

Par un courriel en date du 8 janvier 2018, la société MKI informait la société X que plusieurs devis, relatifs à la fabrication et à l’installation de la charpente, à l’installation du matériel d’abattage et d’éviscération, à la fourniture du chemin de roulement, au tri des machines, ou encore à l’évacuation et à la filtration des plumes (hors tuyauterie et montage), ne subiraient pas de modification de prix, tandis que d’autres devis pouvaient être révisés à la baisse en fonction de la quantité des pièces remplacées.

À la suite du placement de la société MKI en liquidation judiciaire, par décision du 20 février 2018, son activité a été reprise par la société par actions simplifiée (SAS) MKI Groupe, qui devait poursuivre les discussions avec la société X, avec laquelle un contrat a été signé.

Par assignation délivrée le 19 mai 2020, la société MKI Groupe a fait citer la société X devant le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg afin d’obtenir sa condamnation provisionnelle au paiement du solde du chantier d’installation des

machines, ce à quoi la société défenderesse a opposé l’existence de contestations sérieuses.

Par ordonnance rendue le 15 juillet 2020, le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné la société X à payer à la société MKI Groupe une somme provisionnelle de 24 546,59 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, condamnant la société X aux dépens, ainsi qu’au paiement à la société MKI d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a, notamment, retenu que si la société X contestait les prestations relevant de plusieurs factures, l’une d’entre elles (FA03066) avait été intégralement réglée et concernait des travaux qui n’étaient pas susceptibles de modification par rapport au devis initial, tandis qu’une autre (FAO300312) appelait la rectification d’une erreur de facturation, concernant la fourniture de tendeurs prévue par le devis mais qui, à la demande de la cliente, n’avait pas eu lieu, qu’une troisième facture (FAO030155) avait donné lieu à de multiples doléances, mais avait été réglée en totalité sans observation, d’où l’absence de contestation sérieuse, et qu’enfin une dernière facture (FAO030313) correspondait à un devis accepté et avait été réglée sans réserve dans sa totalité. Le juge des référés en a déduit que les contestations, formulées pour la première fois, étaient purement artificielles et pour les seuls besoins de la cause, ajoutant qu’en définitive, le solde du paiement ne concernait qu’une facture de montage, au titre de laquelle aucune contestation n’était formulée, la société X excipant encore de l’existence de malfaçons dont il n’était rapporté aucun commencement de preuve.

La SARL B X a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 20 juillet 2020.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 novembre 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, elle demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise, et statuant à nouveau, de :

— dire et juger que les demandes de MKI se heurtent à une contestation sérieuse, fondée sur l’inexécution du contrat objet des présentes par la société demanderesse, et débouter, en référé, celle-ci de sa demande de provision,

— dire et juger que l’arrêt à intervenir porte condamnation de l’intimé à restituer les condamnations de première instance exécutées à hauteur de 26 046.59 euros.

— plus subsidiairement, ordonner avant dire droit le séquestre de la provision fixée en première instance dans l’attente des opérations d’expertise ci-après sollicitées entre les mains d’un tiers solvable et assuré, éventuellement le bâtonnier séquestre de l’ordre des avocats d’un des avocats postulant dans l’instance,

En tel cas, dire que l’intimé devra justifier avoir procédé à ce séquestre sous un mois de la signification de l’arrêt à intervenir et qu’à défaut elle pourra y être contraindre sous astreinte de 1 500 euros par jours de retard ;

et en tel cas, désigner tel expert en machinisme ou matériel agricole industriel avec mission de :

— convoquer les parties de manière contradictoire, se rendre sur place, examiner les pièces

produites et les matériels industriels objet du litige,

1. Dire si tous les travaux, qui figuraient sur le devis initial ont été ou non réalisés et le cas échéant, décrire et chiffrer les non-façons,

2. Déterminer techniquement pourquoi la facturation est égale au devis initial alors que des travaux n’ont ' si l’expert l’estimait ainsi – pas été réalisés.

3. Donner un avis technique en fonction notamment des usages professionnels et des échanges contractuels entre les parties, sur le caractère forfaitaire et ou maximum du devis convenu initialement, et sur l’objet même de ce devis, savoir selon la concluante et sous réserve de l’avis de l’expert : la rénovation et remise en marche correcte de la chaîne d’abattage.

4. Décrire les éventuelles malfaçons sur la chaîne d’abatage objet du litige, notamment définir si celle-ci est conforme aux exigences de sécurité, et donner un avis en tel cas sur les responsabilités encourues, notamment au regard du devoir de conseil de la demanderesse et à son obligation de fournir un travail conforme aux exigences de l’art.

5. Chiffrer le montant des non-façons au regard du devis initial, des malfaçons éventuelles et tous les préjudices connexes notamment du chef du retard de mise en fonctionnement de la chaîne d’abattage.

6. chiffrer le montant des travaux qui devaient être réalisés obligatoirement en sus de ceux facturés et mentionnés au devis pour rendre le matériel aux normes légales et réglementaires notamment de sécurité ;

— en tel cas, prendre acte que la société concluante offre d’avancer la moitié des frais et très subsidiairement la totalité, une fois les condamnations prononcées en première instance restituées ou séquestrées entre les mains d’un tiers solvable et assuré,

— condamner la société demanderesse à payer 1 500 euros pour les frais de première instance et 3 000 euros pour les frais d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

À l’appui de ses prétentions, évoquant le caractère estimatif des devis, incluant de multiples travaux éventuels, ainsi que les compétences limitées de son gérant en la matière l’ayant conduit à solliciter un professionnel pour évaluer les travaux nécessaires, tout en devant, par la suite être incitée à régler des factures sans contestation du fait de cette méconnaissance, et la survenance de changements dans les engagements pris, à la suite de la signature du contrat avec la nouvelle société, notamment quant au coût de la main d’oeuvre et des pièces remplacées, en l’absence, par ailleurs, de tout procès-verbal de réception, tout en entendant faire observer qu’une contestation sérieuse pourrait porter sur la réalisation de travaux facturés et réglés, à l’occasion de la demande en paiement d’une autre facture de solde d’un marché global, mais visant des travaux spécifiques, elle invoque, notamment :

— l’étendue de l’exception d’inexécution à l’ensemble du marché nonobstant la multiplicité des factures, dont le paiement n’avait pour effet que de faire peser sur la concluante la charge de la preuve des travaux contestés,

— au titre de l’exception d’inexécution :

* l’absence d’identité entre les travaux objet des devis et les travaux réalisés, sans modification pourtant du prix global, impliquant, en particulier, la facturation de travaux non effectués ou celle de travaux à un prix différent du devis pour en maintenir le prix global, et ce en incluant également des travaux supplémentaires hors accord et qui ne devaient pas être

facturés, alors que d’autres travaux facturés n’ont pas été réalisés, notamment s’agissant du non-remplacement de quatre tendeurs, qui ne fait pas suite à la demande de la concluante, ou de la surévaluation du coût du personnel, notamment en termes de frais de déplacement, alors que les équipements ont été acheminés dans les locaux de la société MKI, l’incohérence des évaluations figurant dans les pièces adverses étant plus généralement critiquée,

* l’existence de malfaçons qualifiées de graves, et selon reconnues par la partie adverse, s’agissant de la non-conformité du tapis d’extraction de plumes ou du non-remplacement de pièces d’usure, non sollicité par la concluante, ou encore de l’absence de justification de l’utilisation de pièces 'Linco’ comme elle s’y était engagée, d’autres dysfonctionnements ayant été identifiés en particulier sur les cames et la ligne de vie,

* l’absence de validation, contractuellement prévue, du travail de remontage par le constructeur, dont la durée d’indisponibilité du technicien, invoquée par la société MKI Group, ne pouvait être indéfinie,

* l’absence de sécurité en conformité du matériel monté, la chaîne ayant été montée sans installation d’une ligne de vie, équipement de sécurité obligatoire permettant la mise en 'uvre d’un dispositif d’arrêt d’urgence de la chaîne,

— l’existence d’un préjudice contractuel qu’elle aurait subi, au regard des travaux non ou mal réalisés qu’elle entend détailler, outre l’absence de dispositif de sécurité obligatoire et de garantie sur les pièces,

— subsidiairement, la nécessité d’une expertise avant dire droit.

La SAS MKI Groupe s’est constituée intimée le 10 septembre 2020.

Dans ses dernières écritures déposées le 28 janvier 2021, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, elle conclut, en substance, à la confirmation de la décision entreprise, ainsi qu’à la condamnation de l’appelante aux dépens, ainsi qu’à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, en cas de confirmation de l’ordonnance dont appel uniquement sur la provision, et notamment au cas où une expertise serait ordonnée, elle entend voir réserver son droit de faire analyser par l’expert judiciaire la liste de toutes les opérations, avec main d’oeuvre et coût des pièces mises en 'uvre, qu’elle aurait effectuées au profit de la société X, sans en réclamer paiement, alors qu’elle l’aurait pu.

Affirmant, notamment, que la partie adverse a entendu se passer de maîtrise d’oeuvre d’exécution, et réfutant le rôle qu’auraient pu jouer à cet égard des cabinets d’ingénierie, elle reproche à la partie adverse d’avoir cherché à obtenir une réinstallation à moindre frais et d’avoir multiplié les intervenants, ce qui exclurait toute opération globale de montage, ainsi que d’avoir privilégié la réinstallation de pièces d’usure ; elle entend également détailler les prestations réalisées et facturées, puis réglées, ainsi que les devis validés, outre les informations délivrées sur les coûts de pièces et de main d’oeuvre, en tenant compte des exigences financières de la cliente, et en prenant en compte ses demandes, les tests devant finalement révéler un bon fonctionnement de l’installation, sans observation de la société X, en particulier quant à l’état des cames, avant que ne lui soit réclamée, sur la base d’un listing établi par un concurrent évincé, la réalisation d’opérations complémentaires pourtant hors marché ou le remplacement de pièces d’usure, auquel il était cependant procédé, avec l’assistance du concurrent, sans pourtant donner lieu, par la suite, au règlement du solde des travaux.

Et elle invoque, pour sa part, notamment :

— une erreur de facturation reconnue à propos des tendeurs automatiques, estimant, cependant, que la somme en cause serait compensée par le montant des opérations non facturées, à évaluer au besoin à dire d’expert,

— les conséquences de l’absence de maîtrise d’oeuvre d’exécution professionnelle, contrairement aux usages dans le domaine concerné et vu l’inexpérience, reconnue, de M. A X, gérant de la société X, à ce titre, occasionnant un retard qui ne pouvait être imputable à la concluante,

— l’absence des malfaçons ou non-façons qui lui sont imputées par la partie adverse, s’agissant de prestations prévues aux devis, acceptés par la suite ou non facturées, les griefs adverses de ce chef manquant en fait, à son sens,

— le défaut de malfaçons graves, comme invoqué par la partie adverse, s’agissant en particulier du tapis d’extraction de plumes, la machine fournie par la concluante étant conforme, mais le bâtiment ayant fait l’objet de modifications dont la maîtrise d’oeuvre d’exécution assurée par M. X ne l’a pas informée, outre l’imprécision des critiques formulées pour le surplus, certaines étant même qualifiées de mensongères, aucun rapport de l’organisme de contrôle ne permettant de caractériser une non-conformité des machines, et la société X s’étant abstenue de provoquer une réception des ouvrages, le cas échéant en situation.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

L’affaire a été fixée et retenue à l’audience de plaidoirie du 22 février 2021.

MOTIFS :

Sur la demande principale en paiement provisionnel :

Aux termes de l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la société X entend invoquer une exception d’inexécution du contrat conclu avec la société MKI Groupe, au titre, tout d’abord, d’une discordance entre les travaux prévus aux devis et les travaux réalisés, sans pourtant que le prix global ne s’en soit trouvé modifié, évoquant, en conséquence, et notamment, la réalisation de prestations supplémentaires qui n’auraient pas dû donner lieu à facturation, ce pendant que la société MKI, tout en admettant une erreur de facturation à propos de tendeurs automatiques, commandés mais finalement non montés, estime, cependant, que la somme en cause serait compensée par l’absence de facturation de prestations réalisées au profit de la société X.

Cela étant, il convient, en premier lieu, de relever que la société MKI Groupe ne conteste, pas en tant que telle, la déduction opérée par le premier juge sur la provision qui lui a été allouée, tout en invitant la cour, dans le cadre d’une éventuelle expertise, à faire analyser si d’éventuelles prestations auraient été réalisées pour le même montant, sans être mises à la charge de la société X.

Pour autant, et en second lieu, il convient d’observer que la société X conteste, pour sa part la facturation opérée par la société MKI Groupe au-delà de cette seule facture. À cet

égard, les contestations élevées par la société X portent, pour l’essentiel, sur la facture numérotée FAO 030155 correspondant à un devis n° OD 714148, pour des prestations de remise en état des machines d’abattage, le montant de la facturation, de 115 790 euros HT, soit 138 948 euros TTC, étant équivalent dans le devis et dans la facture, alors qu’il ressort en particulier d’un courriel en date du 8 janvier 2018 adressé à M. X par M. Y, de la société MKI Groupe, que le devis litigieux pourrait être révisé à la baisse en fonction de la quantité des pièces remplacées (coût des pièces et main d’oeuvre). Or, comme le relève la société X, certaines prestations incluses dans le devis, comme le remplacement de deux moteurs électriques du 'saignoir auto’ ou le remplacement de 12 moteurs sur la 'plumeuse Rotorpick’ ne figurent pas sur la facture, qui mentionne, par ailleurs la fourniture d’une brosseuse de convoyeur n’apparaissant pas sur le devis, et ce sans que pour autant le montant des prestations correspondantes, globalisé à 112 290 euros, ne s’en trouve modifié. Si la société MKI Groupe évoque, pour sa part, l’inexistence du saignoir et la réalisation de travaux compensatoires non facturés, ainsi que le non-remplacement et la non-facturation des moteurs de la 'plumeuse Rotopick', ces postes sont bien mentionnés dans la facturation au titre des postes correspondant au montant global mentionné ci-dessus. La société MKI Groupe produit, d’ailleurs, un autre exemplaire de la facture litigieuse sur laquelle les indications correspondant au 'saignoir auto’ sont barrées, mais sans modification du montant, et avec des annotations mentionnant une 'offre de service’ sans permettre de s’assurer à quoi correspond réellement cette mention. En revanche, la facturation des trois turbines du 'bac échaudoir’ correspondant à une prestation dont la réalisation est partiellement contestée par la société X, apparaît conforme au devis. La répartition des coûts, annexée à un courriel de la société MKI Group en date du 9 avril 2018, aboutit, pour sa part, à un montant de 116 780 euros HT qui n’est pas celui de la facture, et ne permet pas d’expliquer les discordances existant entre le devis et la facture nonobstant l’absence de variation du coût, si ce n’est qu’y apparaît une facturation relative à une brosseuse de convoyeur dont la société MKI Groupe affirme qu’elle aurait été trouvée dans le hangar où était entreposée la machine et révisée g r a t u i t e m e n t . Y s o n t é g a l e m e n t m e n t i o n n é s d e s f r a i s d e déchargement-chargement-manutention pour 1 950 euros, de location d’engin de chargement pour 1 105 euros, ainsi que des frais de port aller-retour pour 6 000 euros, alors que seuls des frais de port apparaissent à hauteur de 3 500 euros dans le devis comme la facture. Ce courriel présente également des discordances, notamment quant au coût de pièces ou main d’oeuvre de certains postes, par rapport au détail figurant à la suite d’un autre courriel du 17 juillet 2018.

En conséquence, au vu des discordances existant entre le devis et la facturation, alors même que les montants de ceux-ci sont strictement identiques, dans un contexte ou, de surcroît, tout ajustement devait se faire à la baisse, la cour estime que la facturation litigieuse relève d’une contestation sérieuse, le seul fait qu’elle ait fait l’objet d’un règlement sans contestation par la société X ne faisant pas obstacle à l’examen des désordres et autres griefs qu’elle invoque, dans le cadre de la présente instance, à l’appui de l’existence d’une contestation sérieuse portant sur une créance revendiquée par la société MKI Groupe, peu important, au demeurant, que l’opération litigieuse n’ait pas fait l’objet d’un marché global, dès lors qu’est en cause une opération complexe qui a été facturée au titre de plusieurs devis par la société MKI Groupe, qui réclame le paiement du solde des travaux correspondants.

Les parties s’opposent également sur la facturation du 'tri des machines', la prestation ayant été facturée au montant prévu par le devis. Cependant, il n’apparaît pas, au vu de ces documents respectifs, que les conditions de réalisation de cette prestation auraient évolué entre la date du devis, soit le 4 avril 2018, et celle de la facturation, le 23 avril 2018, de sorte que cette facturation n’est pas affectée d’une contestation sérieuse.

Quant à la fourniture et au remplacement de pièces d’usure sur la machine d’éviscération, qui a fait l’objet d’un devis approuvé et d’une facture payée par la société X, l’attestation du

technicien de maintenance mentionne, pourtant, l’absence de remplacement des roulements à l’origine d’une panne ultérieure, un poste étant pourtant mentionné à ce titre dans la facturation détaillée, de sorte qu’une contestation sérieuse affecte cette facturation.

La société X invoque également des malfaçons dans l’exécution de ses prestations par la société MKI Groupe, notamment des non-conformités aux normes ou l’absence de validation du remontage de l’installation par le constructeur. À ce titre, la cour note qu’une société BP Tech est intervenue en 2019 pour des travaux de reprise sur des éléments qui avaient fait l’objet de facturation par la société MKI Groupe, à quoi s’ajoute qu’un certain nombre de malfaçons précisément listées ont été identifiées par M. Z, technicien responsable de la maintenance de la chaîne pour la société Food Industrie Services. Si la société MKI Groupe conteste l’objectivité de la société BP Tech, avec laquelle elle serait en concurrence, ainsi que celle de M. Z, dont elle entend contester techniquement les constatations, tout en mettant également en question l’étendue de ses obligations au regard de sa mission, ce qui relève néanmoins d’une appréciation qui ne peut être faite par la juridiction des référés, il n’en demeure pas moins que l’existence d’une contestation sérieuse à ce titre est également établie.

Au total, la demande en paiement provisionnel de la société MKI Groupe se heurte à une contestation sérieuse, de sorte qu’il n’y a lieu à référé à ce titre, l’ordonnance entreprise devant être infirmée de ce chef.

Sur l’expertise :

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l’espèce, il convient d’observer que la société X ne sollicite l’organisation d’une mesure d’expertise à ses frais avancés qu’à titre subsidiaire, et sous réserve d’avoir reçu restitution ou obtenu mise sous séquestre des sommes mises à sa charge. Pour sa part, la société MKI Groupe demande 'Subsidiairement, si, tout en confirmant cette Ordonnance en ce qu’elle a condamné la société B X à verser à la concluante une provision à valoir sur sa créance, la Cour devait la réformer pour le surplus et notamment instaurer une mesure d’expertise judiciaire comme le lui demande l’appelante, la Cour réservera le droit pour la concluante, de faire analyser par l’expert judiciaire la liste de toutes les opérations, avec main d’oeuvre et coût des pièces mises en oeuvre, qu’elle a effectuées au profit de la société B X, et dont elle n’a pas réclamé le paiement alors qu’elle l’aurait pu, la cour précisera également que la provision à valoir sur cette expertise sera totalement avancée par la société B X', ce dont il résulte qu’elle ne sollicite pas elle-même de mesure d’expertise.

En conséquence, la cour constatera qu’elle n’est saisie ni à titre principal, ni à titre reconventionnel d’une demande tendant à voir ordonner une expertise.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société MKI Groupe succombant pour l’essentiel sera tenue des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ceux de la première instance, en infirmation de l’ordonnance entreprise.

L’équité commande en outre de mettre à la charge de la SAS MKI Groupe une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la SARL B X, tout en

disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de cette dernière et en infirmant les dispositions de la décision déférée de ce chef en ce qu’elles ont mis à la charge de la SARL B X une indemnité de 1 500 euros à ce titre, sans faire application de ces dispositions au titre de la première décision.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 15 juillet 2020 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Et statuant à nouveau des chefs de demande infirmés,

Constate que les demandes formées par la SAS MKI Groupe à l’encontre de la SARL B X se heurtent à une contestation sérieuse,

En conséquence,

Dit n’y avoir lieu à référé,

Condamne la SAS MKI Groupe aux dépens de première instance,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties à la première instance,

Constate qu’elle n’est saisie ni à titre principal, ni à titre reconventionnel d’une demande tendant à voir ordonner une expertise,

Condamne la SAS MKI Groupe aux dépens de l’appel,

Condamne la SAS MKI Groupe à payer à la SARL B X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS MKI Groupe,

La Greffière : la Présidente :

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