Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 27 janvier 2022, n° 18/05710

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 sb, 27 janv. 2022, n° 18/05710
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/05710
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Haut-Rhin, 9 novembre 2014
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

HP/FA

MINUTE N° 22/095 NOTIFICATION :


Copie aux parties


- DRASS


Clause exécutoire aux :


- avocats


- parties non représentées


Le


Le Greffier


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR


CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 27 Janvier 2022


Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 18/05710 – N° Portalis DBVW-V-B7C-G6OR


Décision déférée à la Cour : 10 Novembre 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du HAUT-RHIN

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN

[…]

[…]

[…]

Comparante en la personne de Mme A B, munie d’un pouvoir

INTIM''E :

Société CHACOK DEVELOPPEMENT (en liquidation judiciaire), prise en la personne de son mandataire judiciaire, Me X/société BTS², […]

[…]


Quartier Saint-Pierre Représentée par Me BROUD, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me TOURON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PAÜS, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Conseiller, faisant fonction de Présidente de chambre,

Mme HERY, Conseiller

Mme PAÜS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :


- contradictoire


- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERY, Conseiller, en remplacement du président empêché,


- signé par Mme HERY, Conseiller, en remplacement du président empêché, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROC''DURE

M. C D attaché commercial, salarié de la SAS Chacok Développement, est décédé à son domicile, le 21 octobre 2013.


Le 22 octobre 2013, le docteur E F a établi un certificat médical d’accident du travail faisant état d’un 'syndrome anxio dépressif lié à un surmenage professionnel (burn-out) compliqué d’un suicide'.


A réception de ce certificat médical, la SAS Chacok Développement a établi la déclaration d’accident du travail réglementaire mais a formulé ' de façon expresse toute réserve sur le caractère professionnel de cet événement'.


Le 17 janvier 2014, après enquête, la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin a notifié à la SAS Chacok Développement sa décision de prendre en charge le décès de M. C D au titre de la législation professionnelle.


La SAS Chacok Développement a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable, puis en l’absence de décision dans le délai imparti, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin lequel, par jugement en date du 10 novembre 2014, dans l’instance l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin, a dit que la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin du caractère professionnel du suicide de M. C D survenu le 21 octobre 2013 n’était pas opposable à la SAS Chacok Développement.


Par lettre recommandée en date du 11 décembre 2014, la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin a interjeté appel de ce jugement.


Le 4 novembre 2016, l’instance a été radiée pour être réinscrite au rôle à réception des conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin le 31 octobre 2018.


La SAS Chacok Développement ayant fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce d’Antibes en date du 9 octobre 2018, les organes de la procédure sont intervenus à l’instance.


Dans ses conclusions en date du 26 octobre 2018, dont elle reprend oralement le bénéfice à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin demande à la cour de:


- confirmer le jugement en ce qu’il reconnu que la caisse avait respecté le principe du contradictoire,


- infirmer le jugement pour le surplus et par conséquent, juger la décision de prise en charge de l’accident de M. C D au titre de la législation professionnelle, opposable à la SAS Chacok Développement,


- débouter la SAS Chacok Développement de l’ensemble de ses prétentions.


Dans ses conclusions transmises par courriel le 6 octobre 2021, dont elle reprend oralement le bénéfice à l’audience, la SAS Chacok Développement prise en la personne de son liquidateur, la SCP BTSG 2 prise en la personne de Maître G X, demande à la cour de :


- infirmer le jugement en ce qu’il a retenu que la caisse avait respecté le principe du contradictoire,


- rejeter les attestations de MM. Y et Z,


- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il a jugé inopposable à son égard la décision de la caisse de prendre en charge le suicide de M. C D au titre de la législation sur les accidents du travail,


- condamner la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens de l’instance.


Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS DE LA D''CISION


L’accusé de réception de la notification du jugement entrepris n’a pas été versé au dossier de la cour. Interjeté dans les formes légales, l’appel de la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin est donc recevable, le délai de recours n’ayant pas valablement couru à son égard.


Par l’effet de l’indépendance des rapports Caisse/ayants droit et Caisse/employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des accidents du travail, du décès de M. C D est définitivement acquise au bénéfice de ses ayants droit.


La contestation de la SAS Chacok Développement ne peut donc tendre qu’à l’inopposabilité à son égard de cette décision.


A cette fin, la SAS Chacok Développement développe deux moyens, l’un tenant à la procédure d’instruction suivie par la caisse, le second tenant aux conditions de fond de prise en charge de cet accident.


La SAS Chacok Développement fait d’abord grief aux premiers juges d’avoir rejeté son premier moyen et soutient sur le fondement des dispositions des articles R441'11 et suivants du code de la sécurité sociale, que la caisse n’a pas mené une instruction contradictoire en ne recueillant que les éléments en faveur d’une reconnaissance du caractère professionnel de l’accident auprès des proches de M. C D. La SAS Chacok Développement ajoute que le dossier transmis était incomplet à défaut de contenir le rapport d’intervention des pompiers, le procès-verbal de gendarmerie ou encore l’acte de décès.


La société soutient enfin, que la caisse a fait preuve de partialité, ajoutant que l’épouse de M. C D était alors employée par la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin.


Concernant l’instruction du dossier, l’article R441-11 du code de la sécurité sociale prévoit qu’en cas de réserves motivées ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et aux ayants droit de la victime de l’accident un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou procède à une enquête auprès des intéressés. L’enquête est obligatoire en cas de décès.


L’article R441-14 du code de la sécurité sociale met en outre, à la charge de la caisse, une obligation d’information notamment à l’égard de l’employeur avant de prendre sa decision.


Ainsi, la caisse, lorsqu’elle a diligenté des mesures d’instruction complémentaires ou une enquête conformément à l’article R441-11 dernier alinéa, communique notamment à l’employeur au moins 10 jours francs avant de prendre sa décision, par tous moyens permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier.


Tout élément susceptible d’enrichir le dossier, dont le contenu est fixé par l’article R441-13 dans sa version antérieure au 10 juin 2016, doit alors être porté à la connaissance de l’employeur.


Ce dossier doit comprendre :

1°) la déclaration d’accident et l’attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l’expert technique.
Ce dossier peut, à leur demande, être communiqué à l’assuré, ses ayants droit et à l’employeur, ou à leurs mandataires.


Il est de principe constant que la caisse satisfait à son obligation d’information à l’égard de l’employeur dès lors que la lettre adressée à celui-ci l’informe de la clôture de l’instruction, de la nature de la maladie, de sa désignation et du tableau dans lequel elle figure ainsi que de la possibilité de consulter le dossier et que l’employeur a disposé d’un délai de 10 jours francs pour consulter les pièces du dossier.


Ces dispositions permettent d’assurer le caractère contradictoire de la procédure.


Par conséquent, la violation d’une de ses obligations rend la décision de la caisse inopposable à l’employeur si celui-ci n’a pas été suffisamment informé des éléments susceptibles de lui faire grief et ayant déterminé la décision de prise en charge.


En premier lieu, s’agissant de l’attestation de salaire, il importe tel que le relève la caisse, d’analyser la portée de l’obligation d’information à la charge de la caisse laquelle à pour finalité d’assurer l’information de l’employeur quant aux éléments sur lesquels la caisse s’est apuyée pour apprécier la nécessité de prendre en charge l’accident déclaré au titre de la législation professionnelle.


Tel n’est pas l’objet de l’attestation de salaire, formulaire cerfa destiné certes à l’employeur mais dont la finalité est de permettre à la caisse de liquider les droits éventuels du salarié victime d’un accident du travail ou des ses ayants droit sur la base d’un salaire de référence.


Il en résulte que le défaut de communication au stade de l’instruction, de ce formulaire par la caisse est sans emport et ne peut, seul, justifier l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’égard de l’employeur.


En second lieu, il est constant que la caisse a diligenté une enquête et a informé la SAS Chacok Développement de la clôture de son instruction par lettre reçue le 2 janvier 2014.


La décision de prise en charge est intervenue dans les délais réglementaires après qu’il a été laissé à la SAS Chacok Développement la possibilité de consulter le dossier, étant observé que les pièces constitutives lui ont été adressées ce alors même que la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin n’y était pas obligée.


Il ressort du rapport d’enquête que cette mesure d’instruction a, tel que le soutient la caisse, été conduite par Mme I J, agent enquêteur assermentée sur la circonscription du Bas-Rhin tel qu’en attestent les mentions concordantes dudit rapport ainsi que de sa fiche d’information interne. (Pièces 8 et 9)


Ces éléments permettent d’écarter l’accusation de partialité laquelle ne procède en réalité, que des allégations de la SAS Chacok Développement.


Concernant l’enquête, il est de principe en application des dispositions susvisées dans leur rédaction alors applicables et antérieures à l’entrée en vigueur du décret du 23 avril 2019, que lorsque la caisse envoie avant décision à l’employeur et aux ayants droit de la victime d’un accident du travail un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou procède à une enquête auprès des intéressés, la caisse procède alors selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux.


Toutefois dans ces circonstances il incombe à la caisse dans ses rapports avec l’employeur, de prouver qu’elle a recueilli les éléments sur lesquels elle s’est fondée tant auprès des ayants droit de la victime qu’auprès de l’employeur, abstraction étant faite à ce stade de l’appréciation qu’elle en aura faite, ceci ressortissant de l’analyse du fond.


S i l ' e n q u ê t r i c e m e n t i o n n e s ' ê t r e e n t r e t e n u e a v e c M m e W i l h e l m , v e u v e d e M. C D, entretien à l’occasion duquel lui ont été remis des courriers, mails et attestations ainsi qu’avec deux clients de la SAS Chacok Développement et un voisin, aucune des mentions de son rapport ne fait état d’un contact ou d’une tentative de contact direct ou indirect avec l’employeur de M. C D que ce soit par un entretien physique, un contact téléphonique, une demande de rapport écrit ou encore par mail.


Aucune des pièces produites par la caisse n’émane non plus de la SAS Chacok Développement à l’exception des courriers ou mails professionnels adressés à M. C D de son vivant, documents remis à l’enquêtrice par la famille de celui-ci.


Dans ces circonstances peu importe que le délai de consultation laissé à la SAS Chacok Développement ait été conforme au délai réglementaire puisqu’en réalité, la caisse a manqué au principe de loyauté et au principe de la contradiction dans la conduite même de son enquête.


Dans ses conditions, la décision de prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle du suicide de M. C D est inopposable à la SAS Chacok Développement prise en la personne de son liquidateur, ce qui commande la confirmation du jugement.


Succombant en son appel, la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin supportera la charge des dépens exposés le cas échéant postérieurement au 31 décembre 2018.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DÉCLARE RECEVABLE l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens de l’instance d’appel exposés le cas échéant postérieurement au 31décembre 2018.

Le Greffier Pour le président empêché, 1. K L M N

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