Cour d'appel de Dijon, 4 décembre 2007, n° 06/02172

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 4 déc. 2007, n° 06/02172
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 06/02172
Décision précédente : Tribunal de commerce de Beaune, 23 novembre 2006, N° 05/2779

Sur les parties

Texte intégral

CV/LG

Société Y Z

C/

SA Société D’EXPLOITATION A B

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 04 Décembre 2007

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE CIVILE B

ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2007

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 06/02172

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 24 NOVEMBRE 2006, rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUNE

RG 1re instance : 05/2779

APPELANTE :

Société Y Z

Ayant son siège social : Zona Franca Sector C Calle D n°1 al 9

XXX

représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour

assistée de la SCP BELIN DE CHANTEMELE-ANDRES & LANEYRIE, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

SA Société D’EXPLOITATION A B

XXX

XXX

représentée par la SCP AVRIL & HANSSEN, avoués à la Cour

assistée de Maître GRAMMONT, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Octobre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur JEANNOUTOT, Premier Président, Président,

Monsieur RICHARD, Conseiller, assesseur,

Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme X,

ARRET rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile,

SIGNE par Monsieur JEANNOUTOT, Premier Président, et par Madame X, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La SA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION A B (société A B) a pour activité principale le négoce et la distribution de produits en verre en particulier de bouteilles destinées aux producteurs de vins.

Au cours de l’année 2000 elle est entrée en relation avec la société espagnole Y Z SL qui fabrique et commercialise ces articles.

Par lettre du 17 novembre 2000 la société Y Z a donné son accord pour la distribution de ses bouteilles par la société A B dans la zone de Bordeaux sur le marché de la viticulture avec interdiction de vendre les produits Z à des moyens et grands embouteilleurs.

Il était prévu, à partir du 1er janvier 2001, une augmentation des prix de 5 %.

La collaboration entre les sociétés A B et Y Z s’est poursuivie pendant plus de quatre ans ; elle s’est développée également dans le cadre de la distribution de bouteilles de champagne.

Le 31 janvier 2005 la société Y Z a adressé à la société A B ses nouveaux tarifs applicables dès le 1er février 2005.

Déplorant une hausse inacceptable de ceux-ci (10 % au minimum, 15 % pour trois références et 17 % pour la bouteille champenoise) la société A B a fait connaître qu’elle refusait cette augmentation puis a passé ses commandes au tarif 2004 ; elle a par la suite accepté une hausse de 5 % mais les commandes passées sur cette base auprès de la société Y Z ont été refusées.

Par acte d’huissier du 21 juillet 2005, reprochant à la société Y Z la rupture brutale de leurs relations commerciales, la SA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION A B l’a assignée sur le fondement de l’article L 442-6 du Code de commerce en paiement des sommes de :

* 234 778 euros au titre de la perte de bénéfices,

* 50 000 euros en réparation de l’atteinte causée à son image,

* 8 000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 24 novembre 2006, estimant que la hausse importante et brutale de ses tarifs avait constitué pour la société Y Z un moyen détourné de mettre fin à ses relations commerciales avec la société A B, le tribunal de commerce de Beaune l’a condamnée à payer à cette dernière les sommes de 117 389 euros au titre de son préjudice financier, 25 000 euros pour atteinte à son image de marque et 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. L’exécution provisoire de cette décision a en outre été ordonnée.

La société Y Z a interjeté appel. Par conclusions déposées le 19 octobre 2007 auxquelles la Cour se réfère par application de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile elle sollicite l’infirmation du jugement, le débouté de la société A B et sa condamnation à lui payer la somme de 146 389 euros outre intérêts de droit à compter du 27 décembre 2006 avec capitalisation ainsi que 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Elle indique qu’en 2004, par suite d’une restructuration du groupe dont elle fait partie, les tarifs de vente ont été harmonisés et que l’offre de prix formulée en 2005 tenait compte de cette contrainte.

Elle rappelle que le non renouvellement d’un contrat de concession venu à expiration est un droit et que le concédant n’engage sa responsabilité qu’en cas d’abus dans l’exercice de ce droit.

Elle précise :

— que l’augmentation des prix était contractuellement prévue dès l’origine

— que l’accord ne prévoyait aucune distribution exclusive

— que c’est la société A B qui a mis fin à leurs relations contractuelles en cessant de s’approvisionner auprès d’elle

— que sur 31 produits 24 ont subi une hausse de 10 % (77 % des produits vendus à A B), 3 une hausse de 15 % et 1 une hausse de 17 %.

Elle estime que le tribunal a considéré à tort qu’il s’agissait pour elle d’un moyen détourné de mettre un terme à ses relations avec l’intimée et que la société A B affirme sans preuve que BSN, qui appartient au même groupe qu’elle, proposait à ses clients des tarifs inférieurs à ceux qu’elle lui soumettait.

Elle allègue qu’il apparaît au contraire que la société A B a prémédité la rupture ainsi qu’en témoigne l’absence de baisse de son chiffre d’affaires.

Quant au préjudice elle relève que le seul préjudice indemnisé est celui qui résulte de la brutalité de la rupture et que l’indemnisation se fait sur la marge bénéficiaire brute que la société aurait été en droit d’escompter en l’absence de rupture des relations commerciales.

Elle fait observer que l’intimée, qui se borne à produire un extrait de compte tiers et des simulations mais ne verse aucun bilan, ne rapporte la preuve d’aucun préjudice. Elle ajoute qu’elle ne démontre pas qu’elle était particulièrement dépendante d’elle quant à son approvisionnement et qu’en tout état de cause elle a accepté ce risque.

Par conclusions déposées le 19 octobre 2007 auxquelles il est pareillement fait référence, la SA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION A B, qui forme un appel incident, demande à la Cour de condamner la société Y Z à lui payer la somme de

234 778 euros en réparation du préjudice économique causé par la rupture brutale des relations commerciales, celle de 50 000 euros en réparation de l’atteinte portée à son image et une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir :

— que l’économie du contrat a été modifiée de manière substantielle par les augmentations de tarifs imposées par la société Y Z, la hausse étant notamment de 17 % pour les bouteilles champenoises qui représentent pour elle un chiffre d’affaires de 400 000 euros par an,

— qu’aucun concurrent n’a pratiqué de telles hausses et qu’elle ne pouvait les répercuter à sa clientèle,

— que BSN, qui fait partie du groupe Owens Illinois auquel appartient l’appelante, a proposé à ses propres clients des tarifs inférieurs pour les mêmes produits,

— que ces augmentations tarifaires, liées à la restructuration du groupe qui pouvait désormais appréhender le marché français en direct, signifiaient nécessairement la fin de ses relations commerciales avec la société Y Z et la perte de ce distributeur,

— que cette rupture a été brutale et qu’aucun préavis n’a été respecté,

— que la durée du préavis s’apprécie en fonction de la durée des relations entre les parties, de la nature de ces relations, de l’importance des investissements réalisés et de l’évolution du chiffre d’affaires, de la notoriété du produit et de la difficulté rencontrée pour trouver d’autres sources d’approvisionnement,

— qu’en l’espèce son chiffre d’affaires était en nette augmentation entre 2003 et 2004 et qu’elle n’a pas réussi à se procurer un produit de remplacement,

— qu’elle avait donc besoin d’un préavis de douze mois et que la somme de 234 778 euros représentant une année de marge brute doit lui être allouée en indemnisation de son préjudice,

— qu’en outre une atteinte a été portée à sa réputation commerciale dans la mesure où elle s’est trouvée soudainement dans l’incapacité de satisfaire sa clientèle.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que selon l’article L 442-6 du Code de commerce engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers,… de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce…;

Attendu qu’il n’est pas contesté que les sociétés A B et Y Z entretenaient des relations stables et continues depuis le 17 novembre 2001, la première réalisant auprès de la seconde l’acquisition de bouteilles vides destinées aux producteurs des régions bordelaise et champenoise; que le montant total des 'achats consommés', c’est à dire des produits Z ayant fait l’objet d’une revente, s’est élevé, selon l’attestation établie par Monsieur C D, commissaire aux comptes de la SA A B, en 2003 à 1 571 759 euros et en 2004 à 1 773 759 euros ;

Qu’il n’est pas davantage discuté que par lettre du 31 janvier 2005 la société Y Z a notifié à la SA A B une nouvelle grille tarifaire applicable dès le 1er février 2005, c’est à dire le lendemain ;

Que les parties s’accordent pour reconnaître que ces nouveaux tarifs représentaient une hausse de :

—  17 % sur la bouteille champenoise de 75 cl

—  15 % sur trois autres références de bouteilles de bordeaux

—  10 % sur tous les autres articles ;

Qu’il résulte des tableaux produits par l’intimée, conformes selon l’attestation établie par le commissaire aux comptes à ses états statistiques par représentant et par articles, que la vente des bouteilles champenoises représentait un chiffre d’affaires de 433 027 euros en 2003 et de 389 758 euros en 2004, soit une proportion moyenne de 21,5 % du chiffre d’affaires total réalisé sur la vente des produits fournis par la société Y Z; que sur ce produit, qui constituait une part importante des achats réalisés par l’intimée, la hausse appliquée a donc été de 17 % ;

Que si la société A B ne produit aucune pièce permettant d’établir que, comme elle l’affirme, la société BSN, filiale du groupe Owens Illinois auquel appartient aussi l’appelante, proposait à ses propres clients, pour les mêmes produits, des tarifs inférieurs à ceux qui lui étaient imposés, la société Y Z ne conteste pas que ces augmentations étaient très nettement supérieures à celles pratiquées par les autres producteurs puisqu’elle tente de les expliquer par une restructuration du groupe et la nécessité d’harmoniser les tarifs proposés;

Que contrairement à ce qu’affirme l’appelante la société A B n’avait pas prémédité la rupture de leurs relations dès lors qu’elle a adressé à son cocontractant plusieurs courriers afin de l’inciter à renoncer à la hausse annoncée et qu’elle a effectué des commandes, acceptant même une augmentation de 5 % ; qu’il ressort d’ailleurs des bilans versés aux débats que son chiffre d’affaires global est passé de

19 380 301 euros en 2004 à 17 806 047 euros en 2005, ce qui témoigne des perturbations apportées à son activité à cette période ;

Qu’il importe peu que la lettre d’engagement du 17 novembre 2000 ait mentionné que s’agissant de la politique de prix la société A B devrait suivre les indications qui lui seraient données par le groupe pour la sauvegarde du marché puisque, sans prendre parti sur la licité d’une telle clause, il convient d’observer qu’elle se rapporte au prix de vente pratiqué par l’intimée et non au prix d’achat;

Que pour la société A B, placée dans l’impossibilité de la répercuter à ses propres acheteurs, cette hausse inopinée et importante des prix d’achat a constitué une modification substantielle et brutale des relations commerciales jusqu’alors entretenues avec l’appelante; que celle-ci est donc responsable de la rupture de ces relations intervenue sans préavis ;

Attendu qu’en l’espèce les relations entre les parties ont duré de novembre 2000 à janvier 2005, que le chiffre d’affaires réalisé par la société A B sur les produits Y Z était en augmentation et qu’il représentait 10 % de son chiffre d’affaires total; que l’intimée ne verse aucune pièce de nature à justifier des difficultés rencontrées pour retrouver un fournisseur mais que ses affirmations à ce titre peuvent être admises, s’agissant de produits très spécifiques et d’un marché particulièrement concentré ;

Que compte tenu de ces éléments, la durée du préavis qu’aurait dû observer la société Y Z peut être fixée à six mois;

Que le préjudice résultant du défaut d’observation d’un préavis doit être apprécié au regard de la marge bénéficiaire brute que la société aurait été en droit d’escompter en l’absence de rupture des relations commerciales ;

Qu’il résulte des tableaux établis par l’intimée à partir de ses états statistiques que sa marge brute pour l’année 2004 s’est élevée à 234 778 euros, soit un taux de marge moyen de 11,68 % ;

Que l’appelante ne peut prétendre appliquer le taux de marge général réalisé par la société A B tel qu’il ressort de ses bilans puisque cette marge est différente en fonction des produits commercialisés ;

Qu’en outre elle conteste la valeur probante des tableaux produits par l’intimée, certifiés conformes à ses états statistiques par son commissaire aux comptes, mais qu’elle n’a sollicité que la production des bilans pour les années de référence; qu’or ces documents ont été versés mais qu’ils ne permettent pas de différencier les résultats provenant des ventes de produits fournis par la société Y Z; que celle-ci est d’ailleurs tout à fait à même de démontrer par ses propres écritures comptables l’éventuelle inexactitude des achats effectués par la société A B, mais qu’elle ne le fait pas ;

Que le tribunal a donc exactement fixé le préjudice résultant de l’inobservation du délai de préavis à la somme de 117 389 euros ;

Attendu toutefois que la société A B ne démontre par aucune pièce qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de satisfaire aux commandes qui lui ont été passées et que son image de marque s’en est trouvée dégradée ; qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

Attendu enfin qu’il n’y a pas lieu de lui accorder une indemnité supplémentaire sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 24 novembre 2006 par le tribunal de commerce de Beaune sauf en ce qu’il a condamné la société Y Z à payer à la société A B la somme de 25 000 euros au titre de l’atteinte à son image de marque,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déboute la SA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION A B de sa demande à ce titre,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Y Z SL aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SCP AVRIL HANSSEN, Avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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