Cour d'appel de Dijon, 30 juillet 2013, n° 11/01261

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 30 juill. 2013, n° 11/01261
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 11/01261
Décision précédente : Tribunal de commerce, 13 juin 2011

Sur les parties

Texte intégral

XXX

H Z

C/

SA B

SA SEME FRANCE La SA SEME FRANCE

XXX

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE A

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUILLET 2013

N° 13/

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 11/01261

Décisions déférées à la cour : Jugement du 14 Juin 2011, rendu par le tribunal de commerce de A, Ordonnance du 08 Juillet 2010 rendue par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de A, Sur renvoi ordonné par arrêt du 07 février 2012 de la cour de cassation cassant l’arrêt du 1er février 2011 rendu par la cour d’appel de A

APPELANTES ET INTIMÉES :

SCP H Z en la personne de Maître H Z

ès-qualités de liquidateur judiciaire de la « SA SEME FRANCE »

XXX

21000 A

représentée jusqu’au 31 décembre 2011 par la SCP FONTAINE-TRANCHAND & SOULARD, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l’effet de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, et ultérieurement par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de A, assisté de la SCP MAZEN-CANNET-MIGNOT, avocat au barreau de A

SA B

dont le siège XXX

XXX

représentée par Me Florent SOULARD, avocat au barreau de A

SA SEME FRANCE

dont le siège social est XXX

XXX

représentée par Me Patrice CANNET de la SCP MAZEN-CANNET-MIGNOT, avocat au barreau de A

INTIMÉE :

XXX

dont le siège social est XXX

XXX

représenté jusqu’au 31 décembre 2011 par la SCP BOURGEON & BOUDY, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l’effet de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, et ultérieurement par Me Xavier ALLAM, membre de la SCP CHAUMONT- CHATTELEYN- ALLAM-EL MAHI, avocat au barreau de A,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Avril 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame JOURDIER, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport,

Monsieur PLANTIER, Conseiller,

Monsieur BESSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame C,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNE par Madame JOURDIER, Président de chambre, et par Madame C, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société anonyme SEME FRANCE ('société européenne pour la maîtrise de l’énergie – France') animait un réseau national de ventes de produits relatifs à l’énergie renouvelable et plus particulièrement de pompes à chaleur. Elle avait recours aux prestations de transport, de commissionnaires en douane, de logistique et de stockage de la société B.

Faisant valoir un arriéré de factures de 251.985,81€, la société B a notifié à la société SEME FRANCE le 4 juin 2009 l’exercice, en application des articles L.132-2 du code de commerce et 2286 du code civil, de son droit de rétention sur les marchandises qu’elle détenait.

Par jugement du 9 juin 2009, le tribunal de commerce de A a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société SEME FRANCE, puis par jugement du 23 juin 2009 a prononcé la liquidation judiciaire de celle-ci, en désignant la S.C.P. H Z comme liquidateur judiciaire.

* * * * *

Le 8 juillet 2009 a société B a déclaré une créance de 245.011,69 € privilégiée en application des articles L.132-2 et L.133-7 du code de commerce. A la suite des contestations élevées par Me Z ès qualités, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE, statuant par ordonnance du 8 juillet 2010, a retenu la régularité de la déclaration de créances et a admis en totalité et à titre privilégié la créance déclarée.

Appel ayant été interjeté par le liquidateur de la société SEME FRANCE, la cour d’appel de A par arrêt du 1er février 2011 a infirmé cette ordonnance, a constaté l’irrégularité de la déclaration de créance pour défaut de justification d’une délégation de pouvoir au profit de son signataire existant au jour de la déclaration, et a rejeté toutes les prétentions de la société B.

Cet arrêt a été cassé et annulé en toutes ses dispositions par la Cour de cassation dans l’arrêt prononcé le 7 février 2012 par sa chambre commerciale, financière et économique. Au visa de l’article L.622-24 alinéa 2 du code de commerce, la Cour de cassation a reproché à la cour d’appel de A de ne pas avoir recherché 'comme elle y était invitée, si l’attestation datée du 5 mai 2010 produite par la créancière , émanant de son président-directeur-général, ne suffisait pas à établir que le préposé déclarant bénéficiait, à la date de la déclaration, d’une délégation de pouvoir à cette fin'.

H Z a saisi la cour d’appel de A désignée comme cour de renvoi ; l’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 12/402.

* * * * *

Dès le début de la procédure collective la société B s’est opposée à la restitution des marchandises détenues pour la société SEME FRANCE, et sur lesquelles elle avait notifié son droit de rétention, tant que sa créance ne serait pas payée. Des paiements ont eu lieu en juin 2009, la société SEME FRANCE ayant cédé à la société B des créances sur ses concessionnaires.

Puis par acte d’huissier de justice du 3 décembre 2009 la société B a demandé judiciairement l’attribution des marchandises retenues à hauteur de sa créance évaluée à 250.000 €, au juge des référés du tribunal de commerce de A qui s’est déclaré incompétent au profit du juge-commissaire. Ce dernier par ordonnance du 14 septembre 2010 :

— a débouté la société B (qui demandait principalement en vertu de son droit de rétention l’attribution du stock à hauteur de sa créance avant et après liquidation judiciaire évaluée à 336.055,12 €) de l’ensemble de ses demandes,

— a condamné la société B à laisser la société SEME FRANCE accéder à l’intégralité du stock de façon à permettre la réalisation des actifs, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard,

— a condamné la société B à restituer à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE (qui avait fait valoir une clause de réserve de propriété) des marchandises représentant la somme de 109.551,01 €,

— a prononcé des condamnations relatives aux frais et dépens.

La société B ayant exercé contre cette ordonnance le recours prévu par l’article R.621-21 du code de commerce, le tribunal de commerce de A a rejeté comme injustifiée l’opposition de la société B, et pour tenir compte de la restitution partielle de marchandises à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE, a confirmé partiellement l’ordonnance de 14 septembre 2009 en condamnant la société B à restituer les marchandises à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE à concurrence de 55.366,73 € TTC ou à défaut à lui verser le dit montant dans un délai de 15 jours à compter du jugement.

En outre le tribunal de commerce de A a condamné la société B à verser la somme de 5.000 € à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE pour procédure abusive, enfin a condamné la société B aux dépens et à payer à la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE et à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 28 juin 2011, la société B a formé appel de ce jugement. La société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE a formé également appel, par acte du 7 juillet 2011. Les deux affaires ont été jointes sous le N°11/1261.

Par arrêt prononcé le 24 avril 2012, la cour d’appel de A a :

— déclaré recevable l’appel de la société B,

— confirmé le jugement rendu pat le tribunal de commerce le 14 juin 2011 en ce qu’il a condamné la société B à restituer les marchandises à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE à concurrence de 55.366,73 € TTC ou à défaut à lui verser le dit montant, condamné la société B à verser la somme de 5.000 € à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE pour procédure abusive, enfin a condamné la société B aux dépens et à payer à la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE et à la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— sursis à statuer sur les autres chefs de demandes de la société B ( en paiement de 336.055,12 € outre intérêts contre le liquidateur) et de la S.C.P. H Z ès qualités ( en paiement par la société B d’une indemnité de 282.558 €) dans l’attente de la saisine de la cour de renvoi dans le litige sur la déclaration de créances,

— prononcé des condamnations au titre des dépens et des autres frais.

* * * * *

Par ordonnance du 21 février 2013, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la jonction des affaires inscrites au répertoire général sous les numéros 12/402 et 11/1261.

* * * * *

SUR CE, LA COUR

Vu les dernières conclusions de la société SEME FRANCE remises au greffe le 27 mars 2013,

Vu les dernières conclusions de la S.C.P. H Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEME FRANCE , remises au greffe le 28 mars 2013,

Vu les dernières conclusions de la société B, remises au greffe le 2 avril 2013,

Vu l’ordonnance de clôture de la mise en état en date du 2 avril 2013,

Attendu qu’en application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

Sur la déclaration de créances

Attendu que la créance de la société B a été déclarée par lettre à en-tête de la société précisant sa dénomination sociale, son siège social, sa forme et son numéro de registre du commerce et des sociétés, signée le 8 juillet 2009 par 'le directeur administratif et financier F X’ , et précisant le montant de la créance et la nature des privilèges réclamés ; qu’elle était accompagnée des factures correspondantes et d’un relevé de compte, le tout 'certifié sincère et conforme’ ; qu’ainsi cette lettre contient toutes les mentions prescrites par les articles L.622-25 et R.622-23 du code de commerce ; qu’il importe donc peu que l’imprimé CERFA annexé à cette déclaration ne soit pas signé et comporte une erreur matérielle, d’ailleurs aisément rectifiable puisque dans les cadres préétablis les noms du créancier et du débiteur ont été inversés ;

Attendu que la déclaration a été signée non par le représentant légal de la société anonyme mais par un préposé, Mme Y, qui est directeur administratif et financier, comme le confirment la déclaration d’embauche et le registre du personnel produits par la société ; qu’en plus des deux documents datés du 2 janvier 2008 et du 8 juillet 2009, par lesquels Monsieur E président directeur général de la société B atteste avoir donné à Mme X 'pouvoir de déclarer par sa propre signature toutes créances aux procédures de sauvegarde, de règlement judiciaire ou de liquidation judiciaire', la preuve que celle-ci avait reçu pouvoir du représentant de la personne morale à cette fin lorsqu’elle a déclaré la créance de la société B à la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE résulte de l’attestation en ce sens établie le 5 mai 2010 par le P.D.G. de la société B ;

Attendu que toutes les contestations de la société SEME FRANCE et de son liquidateur quant à la régularité de la déclaration de créance de la société B sont donc mal fondées ;

Sur le montant de la créance de la société B

Attendu que Me Z ès qualités n’a jamais acquiescé à la déclaration de créance de la société B, et au contraire a contesté devant le juge-commissaire les factures, notamment quant aux tarifs appliqués et à certains frais de douane anciens, et le bien fondé des privilèges allégués ; qu’elle reste donc recevable à contester encore en appel le montant et la nature de la créance réclamée par cette société ;

Attendu que peu importe l’absence de document écrit formalisant les relations contractuelles entre la société B et la société SEME FRANCE, dès lors que cette dernière et son liquidateur reconnaissent que depuis plusieurs années la société B effectuait des prestations pour la société SEME FRANCE ; que les factures dont le règlement est demandé ont été établies entre le 22 avril 2009 et le 30 juin 2009, pour des prestations toutes comprises entre le 26 mars et le 4 juin 2009 (sauf la page 9 de la facture du 30 avril 2009 pour environ 500 € HT et la page 1 de la facture du 29 mai 2009 [pièce 15] pour environ 175 € HT.) ; que la société SEME FRANCE ne les a pas contestées à réception, ni lors de la mise en demeure et n’établit pas que les tarifs appliqués ne correspondaient pas à ceux appliqués pour les factures antérieurement réglées relatives au transport, expédition et stockage ;

Attendu que s’agissant de la TVA à l’importation et des droits de douane contestés par la société SEME FRANCE et son liquidateur, il ressort de l’ensemble de documents versés aux débats (notamment document de transport, bordereau de l’administration douanière, et courrier et factures d’D produits en pièce 134) qu’un arrivage de climatiseurs du 1er avril 2007 à Fos sur mer a donné lieu à la perception par l’administration douanière à l’époque de 132.512 € initialement facturés par erreur à la société D, puis d’une liquidation supplémentaire d’avril 2009 pour 16.863 € que la société B a bien acquittés sous son nom pour le compte de son commettant, et ce avant l’échéance limite du 15 juin 2009 fixé par les Douanes ; que la société SEME FRANCE et son liquidateur contestent donc à tort les factures de 132.556,17 € et de 16.863 € relatives à ces taxes et droits de douane que la société SEME FRANCE ne justifie ni même prétend avoir acquittés elle-même, alors qu’ils sont afférents à 770 climatiseurs qui lui ont été facturés par la société D ; que contrairement à ce qu’elles prétendent le total de cette facturation est de 647.070 € et non de 847.100 €, ce qui est assez voisin de la base imposable fixée non par le fournisseur mais par l’administration douanière à 653.570 € ;

Attendu que les factures de la société B ne sont donc pas utilement contestées ; que par conséquent la créance antérieure au redressement judiciaire dont la société B demandait l’admission pour 245.011,69 € était justifiée au jour de l’ouverture de la procédure collective ;

Sur la nature de la créance

Attendu que dans sa déclaration de créance, la société B s’est prévalue des privilèges édictés par les articles L.132-2 et L.133-7 du code de commerce respectivement au profit du commissionnaire et du transporteur ; que les factures, documents de transport, décomptes de droits de douane montrant qu’elle agissait effectivement pour le compte de la société SEME FRANCE comme transporteur ou comme commissionnaire de transport ou de douane ;

Attendu que dans les factures annexées à la déclaration de créance, les frais de transport et frais annexes de stockage sous douane, de droits de douane, d’assurance et de surtaxe carburant bénéficient incontestablement du privilège du transporteur tels que défini par l’article L.133-7 du code de commerce ;

Qu’en revanche la facturation des prestations logistiques, c’est-à-dire du stockage facturés au mois des 'climatiseurs’ et 'lessives’ dans les entrepôts de la société B, ne porte pas sur une prestation annexe du transporteur et ne bénéficie pas des privilèges invoqués par la société B ; que le montant de ces facturations, c’est-à-dire pour mai 2009 : 42.131,96 € TTC (facture 1165218) et pour partie de juin 2009 : 18.359,51€ HT soit 21.957,97 € TTC (partie de la facture 1178416), constitue donc une créance chirographaire ;

Que s’agissant de la partie privilégiée de la créance, il importe peu que la société B n’ait pas précisé facture par facture lequel des deux privilèges s’appliquait étant donné qu’ils sont de même rang ;

Attendu qu’en définitive la société B requiert donc à bon droit la confirmation de l’ordonnance du juge-commissaire en ce qu’il a admis sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE pour le montant de 245.011,69 € ; qu’en revanche l’ordonnance doit être infirmée sur la nature de la créance, qui est simplement chirographaire pour 64.089,93 € et privilégiée pour 180.921,76 € ;

Sur le droit de rétention et la demande d’attribution du prix de vente des stocks

Attendu que la société B soutient qu’elle a légitimement exercé son droit de rétention sur les marchandises détenues pour le compte de sa débitrice la société SEME FRANCE jusqu’à ce qu’une décision de justice exécutoire lui ordonne de libérer les stocks le 14 septembre 2010 ; qu’elle demande l’attribution du prix de la vente des stocks, réalisée par le liquidateur judiciaire en octobre 2011, à concurrence de la somme de 336.055,12 € représentant sa créance avant et après liquidation judiciaire, augmentée des intérêts légaux à compter du 8 juillet 2009 ;

Que la S.C.P. H Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEME FRANCE et cette dernière contestent la légitimité du droit de rétention dont se prévaut la société B et sa demande pécuniaire, d’abord parce que selon elles les créances invoquées ne bénéficient pas d’un privilège, ensuite parce que la facturation de frais de stockage postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire n’est justifiée ni dans son principe ni dans son montant, enfin parce que la demande d’attribution du prix de vente est une demande nouvelle en appel et comme telle irrecevable ;

Attendu qu’à défaut de démontrer qu’étaient opposables à la société SEME FRANCE ses conditions générales de vente, dont l’article 10 stipule un droit de gage conventionnel sur les marchandises, valeurs et documents en sa possession, la société B peut invoquer comme fondement du droit de rétention dont elle faisait état dans sa lettre de mise en demeure concernant les factures impayées au 4 juin 2009 les dispositions de l’article 2286 du code civil, dans la mesure où ses créances résultent des relations contractuelles qui sont à l’origine de la détention des marchandises pour le compte de la société SEME FRANCE ;

Que le bénéfice d’un droit de rétention n’est pas un privilège mais une sûreté supplémentaire, distincte de celles conférées au commissionnaire et au transporteur par les articles L.132-2 et L.133-7 du code de commerce leur octroyant les privilèges invoqués par la société B dans sa déclaration de créances ;

Attendu que le droit de rétention de l’article 2286 du code civil n’est pas subordonné à un accord des parties ; que tous les postes composant la créance admise de 245.011,69 € constituent des créances pouvant fonder le droit de rétention de la société B ; que cependant entre juin 2009 et août 2009, la société B a reçu des règlements grâce à des cessions de créances consenties par la société SEME FRANCE avec l’aval de son administrateur judiciaire, qui d’ailleurs ni l’un ni l’autre n’ont alors contesté le principe du droit de rétention ; que selon le décompte produit en pièce 65 par la société B, elle a encaissé des cessions pour la somme totale de 108.934,26 € ; que la société B reconnaît dans son courrier du 2 septembre 2009 adressé au commissaire-priseur que la créance fondant le droit de rétention se trouve donc réduite à 136.121,18 € pour sa partie antérieure à l’ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société B prétend fonder son droit de rétention également sur sa créance résultant des factures de stockage postérieures au redressement judiciaire jusqu’à l’enlèvement des stocks, et ce pour un montant de 199.933,94 € puisqu’elle demande 336.055,12 € en tout (336.055,12 – 136.121,18 = 199.933,94) ;

Attendu que sans contester le fait qu’une créance relevant de l’article 2286 du code civil puisse fonder la rétention – de la chose détenue pour le compte de son débiteur – par le créancier impayé de ses frais de détention même postérieurs à l’ouverture de la procédure collective, la société SEME FRANCE et son liquidateur critiquent tant le principe que le montant de cette facturation, aux motifs que la prolongation du stockage est le fait de la rétention abusive pratiquée par la société B, et que le coût est exorbitant et injustifié ;

Attendu qu’il faut donc reprendre les faits pour déterminer s’il y a eu rétention abusive ;

Attendu que le 14 juin 2009, la S.C.P. H Z faisait écrire par son avocat à la société B que l’exercice de son droit de rétention sur un stock 15 fois supérieur à sa facture était abusif et lui proposait de 'conserver un gage sur la totalité du matériel MITSUBISHI soit 388.250 €' ;

Que le 18 juin 2009 la société B, qui pouvait se douter que la société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE ferait valoir une clause de réserve de propriété au moins sur une partie de son matériel, répondait en rappelant son accord sur des cessions de créances et sur 'une garantie complémentaire constituée par un gage suffisant sur le stock’ et indiquait à l’avocat de Me THIBAUT attendre l’accord de l’administrateur judiciaire et la mise en oeuvre pratique de ce gage ;

Attendu que par lettre du 2 septembre 2009 adressée au commissaire-priseur mandaté par le liquidateur judiciaire pour vendre le stock, la société B manifestait son opposition à toute restitution de marchandise tant qu’elle ne serait pas désintéressée de sa créance ; que le 12 octobre 2009 elle écrivait à Me H Z en exigeant soit un protocole signé lui garantissant le paiement intégral de sa créance chiffrée à 305.271 € avec un acompte immédiat de 50 %, soit l’attribution des marchandises de certains fournisseurs libres de toute revendication d’une valeur de 1432K (sur un total de stock de 3,5M dont une partie revendiquée); que par lettre du 15 octobre adressée au commissaire-priseur, elle réitérait son opposition à la vente 'tant que l’étude de Me Z n’aura pas accédé à nos demandes’ ;

Attendu que la S.C.P. H Z, qui affirme sans être contredite que les stocks détenus par la société B constituaient le seul actif de la liquidation judiciaire, ne pouvait pas accepter les exigences exorbitantes de la société B ; que dès lors celle-ci a fait dégénérer en abus l’exercice, au départ légitime, de son droit de rétention, en continuant à bloquer après octobre 2009 des marchandises d’une valeur supérieure à 10 fois sa créance, faisant ainsi échouer la vente aux enchères prévue par le liquidateur judiciaire ; qu’elle est donc mal venue à demander le paiement de frais de stockage au-delà d’octobre 2009 ; que d’après les factures appliquant les mêmes tarifs que ceux appliqués avant le redressement judiciaire, et donc incontestablement contractuels, les frais de stockage entre mi-juin 2009 et fin octobre 2009 s’élèvent à :

—  2e partie de juin : 11.126,73

— juillet : 31.515,33

— août : 31.515,33

— septembre : 31.588,05

— octobre : 31.600,29

total : 137.345,73 €

Que cette créance de 137.345,73 € justifiait, comme la créance antérieure dont le solde est de 136.121,18 €, le droit de rétention de la société B ;

Attendu qu’en application de l’article L.642-20-1 du code de commerce, la société B, qui de plus ne s’est pas dépossédée volontairement des marchandises retenues en vertu de l’article 2286 du code civil, est fondée à reporter son droit de rétention sur le prix de vente des dites marchandises ; que la demande en ce sens est recevable en appel même si en première instance le créancier demandait l’attribution judiciaire du gage ; qu’en effet cette modification de l’exercice de son droit de rétention est la résultante de l’évolution du litige, la vente du stock rendant désormais impossible une attribution en nature ;

sur la demande de dommages et intérêts formée par Me Z ès qualités

Attendu qu’il résulte des développements qui précèdent que la société B porte la responsabilité d’une partie du retard survenu dans la réalisation des stocks ; qu’en effet ses prétentions abusives et son attitude intransigeante, confirmée par une attestation du clerc du commissaire priseur, ont empêché la vente prévue en octobre 2009 ; qu’en revanche la S.C.P. H Z ne justifie pas pourquoi elle n’a pas procédé à l’enlèvement et à la vente des stocks dès l’ordonnance du juge-commissaire du 14 septembre 2010, assortie de l’exécution provisoire de plein droit, qui lui en donnait les moyens, quitte à consigner une partie du produit de cette vente pour respecter les droits qui seraient reconnus à la société B à l’issue de ses recours ;

Attendu que la S.C.P. H Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEME FRANCE demande la condamnation de la société B à lui payer 282.558 € en compensation de la perte de valeurs des stocks qui ont été vendus 220.000 € alors qu’ils avaient été valorisés à 2.010.235,98 € dans la comptabilité de la société SEME FRANCE ;

Attendu que les responsabilités dans le retard de réalisation des stocks sont partagées ; que les matériels de haute technologie tels que ceux distribués par la société SEME FRANCE se déprécient très vite ; que la demande d’indemnisation de la perte de valeur des marchandises dirigée contre la société B est donc partiellement fondée et doit être accueillie à hauteur de 150.000 € ;

Attendu qu’en définitive la société B est fondée à réclamer à la S.C.P. H Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEME FRANCE la rétrocession du prix de vente à concurrence de la différence entre sa créance totale de 136.121,18 + 137.345,73 = 273.466,91 € et les 150.000 € de dommages et intérêts dont elle est redevable envers la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE, soit à concurrence de 123.466,91 € ;

Attendu que la société B demande que les sommes qui lui sont dues portent intérêts à compter du 8 juillet 2009, c’est-à-dire à compter de sa déclaration de créances ; que cependant une partie de sa créance n’était pas échue à cette date ; que de plus étant donné la compensation partielle opérée par le présent arrêt entre les dettes réciproques, cette demande est injustifiée ; que le point de départ des intérêts doit être fixé à la date de la signification du présent arrêt ;

Attendu que les parties succombant partiellement dans leurs prétentions, chacune gardera la charge de ses propres dépens et frais relatifs aux instances d’appel, y compris ceux afférents à l’arrêt cassé ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

1°) statuant sur l’appel de l’ordonnance d’admission de créances rendue le 8 juillet 2010 par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE :

CONFIRME l’ordonnance déférée, en ce qu’elle a dit que la déclaration de créance de la société B est régulière et recevable, et en ce qu’elle a admis au passif de la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE la créance de la société B pour 245.011,69 € ;

L’INFIRME en ce qu’elle a admis la totalité de la créance à titre privilégié et statuant à nouveau sur la nature de la créance, DIT que la créance de la société B est privilégiée pour 180.921,76€, et simplement chirographaire pour 64.089,93 € ;

2°) statuant dans le cadre de l’appel du jugement du tribunal de commerce du 14 juin 2011, ayant confirmé l’ordonnance rendue le 14 septembre 2010 par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société SEME FRANCE, et sur les points ayant fait l’objet du sursis à statuer ordonné par l’arrêt de cette Cour du 24 avril 2012 :

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté toutes les demandes de la société B et statuant à nouveau ;

DIT que la société B bénéficiait d’un droit de rétention en application de l’article 2286 du code civil sur les marchandises détenues pour le compte de sa débitrice la société SEME FRANCE ;

DIT que la société B a légitimement exercé ce droit jusqu’au mois d’octobre 2009 et qu’elle est recevable et bien fondée dans sa demande de report de ce droit sur le prix de vente des marchandises en question ;

DIT que la créance de la société B garantie par ce droit de rétention s’élève à la somme totale de 273.466,91 € ;

DIT que la société B a abusé de son droit de rétention sur les marchandises à compter du mois de novembre 2009 et la CONDAMNE à payer 150.000 € de dommages et intérêts à la S.C.P. H Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEME FRANCE en réparation du préjudice subi de ce fait par la société SEME FRANCE ;

ORDONNE en conséquence après compensation l’attribution à la société B, en vertu de son droit de rétention, du prix de vente des dites marchandises à concurrence de la somme de 123.466,91 € outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

DIT n’y avoir lieu de prononcer une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties gardera la charge des dépens assumés par elle dans les trois instances d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Dijon, 30 juillet 2013, n° 11/01261