Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 19 novembre 2020, n° 18/00999

  • Remorque·
  • Licenciement·
  • Avertissement·
  • Transport·
  • Propos·
  • Quai·
  • Incident·
  • Dommages et intérêts·
  • Responsable·
  • Mission

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 19 nov. 2020, n° 18/00999
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 18/00999
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 26 novembre 2018, N° 17/00260
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PH/LB

C X

C/

S.A.S. BECKER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2020

MINUTE N°

N° RG 18/00999 – N° Portalis DBVF-V-B7C-FFDM

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation

paritaire de CHALON-SUR-SAÔNE, section CO, décision attaquée en date du 27 Novembre 2018,

enregistrée sous le n° 17/00260

APPELANT :

C X

[…]

71100 SAINT-REMY

représenté par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. BECKER

[…]

[…]

71880 CHATENOY-LE-ROYAL

représentée par Me Fabrice TURLET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Septembre 2020 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur I, Président de Chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

H I, Président de Chambre,

Gérard LAUNOY, Conseiller,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Edwige MARC,

GREFFIER LORS DU PRONONCE : F G

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par H I, Président de Chambre, et par F G, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :

M. C X, selon contrat à durée indéterminée, a été engagé, à compter du 20 octobre 2014, en qualité de technicien de conduite courte distance, par la SAS Transports Becker, exploitant une activité de transports routiers de marchandises et dont l’effectif compte plus de 50 salariés. Il a été licencié, pour cause réelle et sérieuse, le 17 février 2017.

Contestant cette mesure, ainsi qu’un avertissement notifié, le 7 avril 2016, et sollicitant le paiement de dommages et intérêts, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur- Saône, le 7 septembre 2017.

Par jugement du 27 novembre 2018, cette juridiction a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de toutes ses prétentions.

Appelant de cette décision, ce dernier demande à la cour d’annuler l’avertissement, de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner l’employeur à lui verser les sommes suivantes :

-1500 €, à titre de dommages et intérêts, réparant de préjudice résultant de l’avertissement injustifié,

-18000 €, nets, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1500 €, à titre de dommages et intérêts, pour invocation de sanctions disciplinaires,

—  2200 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X sollicite, par ailleurs, la remise des documents de fin de contrat rectifiés.

La SAS Transports Becker conclut à la confirmation du jugement déféré et, subsidiairement, à la limitation à hauteur de la somme de 9768 €, du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame, de plus, une indemnité de 1500 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, la cour entend se référer à leurs conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats.

La clôture de la procédure a été ordonnée, le 6 août 2020. L’affaire a été plaidée à l’audience du 30 septembre 2020 et mise en délibéré au 19 novembre 2020.

SUR QUOI :

Sur l’avertissement :

Attendu que, par lettre du 7 avril 2016, l’employeur a infligé à M. X un avertissement pour les motifs suivants : Le 1er mars 2016, à Beaune, vitesse excessive, non-respect des distances de sécurité, gestes obscènes et insultes ; que cette missive se réfère également à l’inobservation d’un feu rouge et vitesse excessive, le 18 novembre 2015 ;

Attendu qu’outre le constat que ces derniers faits sont prescrits en application de l’article L.1332-4 du code du travail, il convient de relever que l’intimée ne produit aucune pièce démontrant la réalité et l’imputabilité des agissements fautifs prétendus en date du 1er mars 2016 ; qu’ainsi, elle ne verse aux débats ni attestation, ni lettre, ni courriel susceptible d’émaner du «professionnel de la route », témoin du comportement dangereux et irrespectueux prêté à M. X ; qu’il n’est pas davantage précisé et justifié comment ce denier aurait été identifié en tant que conducteur ;

Que, dans ces conditions, il y a lieu d’annuler la sanction susvisée ; que M. X ne produit aucune pièce justifiant d’un quelconque préjudice causé par l’avertissement infondé ; qu’il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Sur le licenciement :

Attendu que la lettre du 17 février 2017, notifiant à l’appelant son licenciement est rédigée comme suit :

« Nous faisons suite a notre entretien du 9 février 2017 qui s’est tenu dans e cadre de laconvocation que nous vous avons adressé le 30 janvier 2017 et dont vous avez accuse réception le 2 février 2017.

Pour cet entretien, vous avez choisi de vous faire assister par Mr D B,

Délégué du Personnel. Nous vous avons convoqué afin de revenir avec vous sur un incident qui s’est produit le 16 janvier 201 7. En date du 16 janvier 201 7, a votre prise de poste, nous avons souhaite recueillir vos explications a propos d’un incident survenu lors de votre mission du 12 janvier 201 7.

En effet, le 13 janvier 2017 au matin, un conducteur parisien nous a signale un incident survenu sur la remorque BC 637 GK qu’il avait la mission de prendre en charge. Lors de sa prise de poste, il a constaté que la remorque avait été reculé dans le quai, endommageant ce dernier et détériorant par la même occasion la remorque. ll s’avère que vous avez été identifié comme le conducteur qui a décroché cette remorque a quai lors de la mission que nous vous avons confié le 12 janvier 2017. Bien que votre responsable vous ai informé de cet incident le 13 janvier lors de votre prise de poste, nous avons souhaitons ganiser une entrevue en raison de votre réaction, d’une part pour recueillir votre version des faits afin de déterminer les responsabilités de chacun dans la survenance de l’ incident, et d’autre part, afin de revenir sur les menaces que vous aviez rononcées devant votre responsable quant aux conséquences que cet incident pourrait avoir ur votre PRQ (« y’a pas intérêt que vous touchiez à ma prime »).

Lors de notre entrevue, votre attitude arrogante, votre comportement agressif ainsi que vos éactions désinvoltes a l’égard des circonstances de l’incident et de ses conséquences ( de outes façon, les quais sont en mauvais état[ . .], les tampons, s 'est fait pour ça ») ont empêché out échange constructif, retirant par la même à l’entrevue sa raison d’être. Devant l’impasse de la situation, nous avons choisi de mettre un terme à nos échanges. A la sortie de l’entrevue, vous nous avez dit que : « puisque c’était comme ça, vous ne partiriez pas ce soir, vous ne vous sentiez pas bien, que vous iriez chez le médecin et que nous recevrions votre feuille d’arrêt ».

Sur ces propos, vous avez quitté les bureaux.Devant votre abandon de poste, afin d’assurer la mission qui devait être la votre, nous avons immédiatement contacté une agence d’intérim afin u’elle puisse nous désigner un conducteur capable d’assurer votre mission au pied levé . Or 30 minutes plus tard, vous vous êtes représenté devant moi, surpris que nous avons confie votre mission a un intérimaire.

Lorsque je me suis permise de vous remémorer vos propos et votre comportement, vous avez nié avoir tenu les propos repris ci- dessus. Vous m’avez informe avoir mis vos affaires dans le camion et votre carte conducteur dans le chronotachygraphe.

Néanmoins, je vous ai informé qu’au regard de vos propos et de votre abandon de poste manifeste, nous avions pris des dispositions en urgence afin d’assurer le travail prévu et que nous maintenions l’organisation mis en place. Vous nous avez alors expliqué que vous étiez juste « énervé, que vous vous êtes simplement rendu à l’atelier pour vous calmer. A l’ atelier, vous avez rencontre Mr Y qui,

au regard de la situation telle que vous lui avez rapporté, vous a invité a retourner voir votre responsable afin d’éclaircit la situation.

Aujourd’hui, une fois encore, nous ne pouvons que constater que vous persister a réagir de manière inappropriée et irrespectueuse, que vos propos sont systématiquement menaçants et agressifs lorsque l’on vous fait une remarque ou que l’on vous demande une explication et que vous réagissez de manière négligente et impertinente aux manquements qui vous sont reproches.

En effet, le 7 avril 2016, nous vous avons adresse un avertissement pour non-respect du code de la Route et des règles de sécurité et comportement irrespectueux au volant d’un véhicule de l’entreprise. Cette sanction disciplinaire faisait suite à un témoignage qui nous avait été adresse par un usage de la route qui avait pris la peine de nous signaler le comportement dangereux, irrespectueux et insultant d’un de nos conducteurs. il s’est avéré après enquête que vous avez été identifié comme étant le conducteur responsable de ces manquements.

Toujours pour rappel, en date du 3 décembre 2015, un de nos clients avait pris la peine de nous adresser un mail pour nous faire part de votre comportement inapproprié du fait de votre refus de porter des chaussures de sécurité sur son site. ll avait reconnu dans son mail que le responsable du dépôt « qui est quelqu’un de calme est un peu sorti de ses gonds devant l’attitude provocatrice du chauffeur». ll s’était avéré que vous étiez ledit chauffeur. Suite a un entretien, nous avions alors choisi de ne pas donner de suite à cet incident dans la mesure ou le responsable du dépôt avait reconnu s’être emporté et clans la mesure ou vous vous étiez engagé a appliquer les consignes de sécurité et a faire preuve d’un comportement

professionnel en toutes circonstances.

Nous ne pouvons que constater, que malgré les nombreuses mises en garde que nous vous avons adressées et malgré l’indulgence dont nous estimons avoir fait preuve à de nombreuses reprises, votre comportement fautif, aggrave par sa répétition, nuit au bon déroulement de vos missions et au bon fonctionnement du service.

L’absence manifeste d’évolution positive, malgré nos précédentes sanctions, nous conduit à prononcer votre licenciement » ;

Attendu qu’en ce qui concerne les dommages imputés à M. X, l’intimée verse aux débats un courriel envoyé par M. Z, conducteur ayant récupéré la remorque le matin du 13 janvier 2017, ainsi rédigé : « Comme discuté habitude remorque dans le quai levée à fond et le meilleur pas de transpalettes. YOUPI » ; que ce message ne fait pas état des détériorations visées dans la lettre de rupture et en tout état de cause ne mentionne pas que l’appelant en serait l’auteur ; que la photographie produite n’en rapporte pas davantage la preuve dès lors qu’il n’est même pas certain qu’elle concerne la remorque litigieuse ; que la société Transports Becker communique enfin l’attestation de M. A, chef d’exploitation, indiquant que M. X, le 16 janvier 2017, aurait reconnu avoir commis le fait fautif, tout en minimisant la gravité ; que ce seul témoignage est insuffisant pour établir que ce dernier serait responsable des dommages causés à la remorque et au quai ; qu’il en est de même s’agissant de la preuve de l’arrogance, de l’agressivité et de l’abandon de poste reprochés à l’appelant ; qu’il est à noter, à cet égard, que la société Transports Becker ne fournit pas de témoignage de M. B dont il est question dans la lettre de licenciement et qui était présent dans l’entreprise, dans la matinée du 16 janvier ; que, dans ces conditions, les faits fautifs allégués en date des 12 et 16 janvier 2017, dont l’employeur précise dans ses écritures qu’ils ont motivé la rupture du contrat de travail, ne sont pas imputables au salarié ;

Qu’il convient d’observer, au surplus, que l’intimée ne produit aucune pièce au soutien de son affirmation selon laquelle les propos du salarié sont systématiquement menaçants et agressifs lorsqu’on lui adresse une remarque ou qu’on lui demande une explication ;

Attendu qu’au vu de ces éléments, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que M. X est en droit de prétendre à l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, qui ne saurait être inférieure à six mois de salaire ; que son ancienneté était de deux ans et quatre mois ; qu’au vu des bulletins de salaire, il percevait une rémunération mensuelle de 2442 € ; qu’il était âgé de quarante-cinq ans lors de la rupture du contrat de travail ; qu’il ne fournit ni explications, ni pièces sur son évolution socio-professionnelle depuis son licenciement ; que, dans ces conditions, il convient d’allouer au salarié une indemnité de 15000 €,nets ;

Attendu que M. X soutient que l’évocation en cours de procédure par l’employeur de faits non visés dans la lettre de licenciement lui a causé un préjudice ; que, cependant, l’intéressé ne précise pas la nature de ce dommage et, a fortiori, n’en démontre pas la réalité ; qu’en conséquence, il doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 1500 € ;

Attendu que la condamnation de la société Transports Becker à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne justifie pas la rectification des documents de fin de contrat ; que cette demande doit être rejetée ;

Attendu que l’employeur, qui succombe, doit être condamné à payer au salarié la somme de 800 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, et doit supporter la charge des dépens de premier ressort et d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme partiellement le jugement déféré ;

Annule l’avertissement notifié le 7 avril 2016 ;

Dit que le licenciement de M. C X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Transports Becker à payer à M. X les sommes suivantes :

-15000 €, nets, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-800 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. X de ses autres demandes ;

Condamne la SAS Transports Becker aux dépens de premier ressort et d’appel ;

Le greffier Le président

F G H I

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 19 novembre 2020, n° 18/00999