Cour d'appel de Douai, 22 décembre 2006, n° 06/00484

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 22 déc. 2006, n° 06/00484
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 06/00484
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Douai, 5 février 2006

Sur les parties

Texte intégral

ARRET DU

22 Décembre 2006

N° 2897/06

RG 06/00484

TV/VG

JUGT

Conseil de Prud’hommes de DOUAI

EN DATE DU

06 Février 2006

— Prud’Hommes -

APPELANT :

M. B A

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Véronique PARENT (avocat au barreau de DOUAI)

INTIME :

Société DES TRANSPORTS DELCROIX

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Martine STACHEL (avocat au barreau de DOUAI)

DEBATS : à l’audience publique du 07 Novembre 2006

XXX

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : V. GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

XXX

: PRESIDENT DE CHAMBRE

R. DEBONNE

: CONSEILLER

XXX

: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2006

XXX, Président, ayant signé la minute

avec S. LAWECKI, greffier lors du prononcé

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI avait embauché M. B A le 5 juin 1990 en qualité de chauffeur routier, d’abord par contrat de travail à durée déterminée, puis par contrat de travail à durée indéterminée.

La SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI a notifié à M. B A le 8 septembre 2004 un courrier de licenciement pour faute grave.

Saisi par M. B A d’une contestation de son licenciement par la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI, le conseil de prud’hommes de Douai, par jugement en date du 6 février 2006, auquel il y a lieu de se reporter pour l’exposé des faits et des prétentions et moyens antérieurs des parties, a :

— débouté M. B A de toutes ses demandes ;

— condamné M. B A aux dépens.

M. B A a fait appel le 2 mars 2006 de ce jugement.

M. B A demande à la Cour :

— de réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

— de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

— de condamner la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI à lui payer :

* 52.800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

* 2.000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

* les intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir.

A l’appui de ses demandes, M. B A conteste la réalité des faits de vol de carburant qui lui sont reprochés. Il fait valoir que le moyen de preuve utilisé contre lui, à savoir un enregistrement vidéo, est illicite. Il considère en tout état de cause la sanction disproportionnée au motif que les faits qui lui sont reprochés sont une pratique courante dans l’entreprise. Il ajoute avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination.

De son côté, la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI demande à la Cour :

— de confirmer le jugement frappé d’appel en ce qu’il a débouté M. B A de toutes ses demandes ;

— de condamner M. B A à lui payer la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI soutient que les faits reprochés à M. B A sont prouvés, par des moyens licites selon elle. Elle conteste avoir toléré la pratique du vol de carburant par ses chauffeurs. Elle conteste également les faits de harcèlement moral et de discrimination invoqués par M. B A. Subsidiairement, elle conteste l’évaluation du préjudice allégué par M. B A.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Les faits reprochés à M. B A dans le courrier de licenciement pour faute grave sont les suivants :

'Vous avez été vu à la station libre service AS 24 de TOURNAI le 10 août 2004, à 15 heures 40 en train de remplir un bidon de carburant et vous avez placé ce bidon dans votre cabine.

Cette action est totalement interdite dans l’entreprise et vous le saviez pertinemment.

Nous vous rappelons que cette station entièrement automatique ne délivre du carburant

qu’en utilisant des cartes de crédit d’entreprise.'

Pour prouver la réalité de ces faits, la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI a produit aux débats :

1°) un procès-verbal de constat établi par Me X, huissier de justice à Douai, en date du 7 septembre 2004, relatant les constatations faites par cet huissier en visionnant une cassette vidéo contenant l’enregistrement filmé des faits litigieux ;

2°) une attestation d’un certain M. I-J Y datée du 24 août 2004 qui indique : 'Je vous confirme que le 10 août, dans le cadre de ma mission de surveillance pour le compte de la station A24 de Tournai, j’ai pu voir le conducteur du véhicule DELCROIX identifié par le n° 231, remplir un bidon de gas-oil'.

M. B A fait valoir que l’enregistrement vidéo litigieux est un mode de preuve illicite.

Il a produit aux débats un courrier de M. Y daté du 16 septembre 2005 dans lequel ce dernier 'confirme… travailler pour le compte de la société E dont le gérant est M. C D’ et précise que 'la station AS24 de Tournai est surveillée par des caméras fixes branchées sur un enregistreur numérique, et que le tout est installé dans un entrepôt en face de la station et que… le matériel appartient à la société E et que mon mandataire est M. D E et non AS24'.

A ce courrier était joint un contrat-type établi par la société E et ses clientes et le courrier précisait que 'dans le cas présent', ce contrat avait été passé avec la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI. L’article 1 de ce contrat précise que la société E a pour but 'd’aider les sociétés de transports à lutter contre les vols de palettes, de gas-oil ou de marchandises dont elles sont victimes’ et l’article 4 dispose que le client 'ne devra en aucune manière dévoiler aux chauffeurs l’origine des renseignements fournis'.

La SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI a produit elle-même aux débats une attestation de M. C F, se présentant comme le gérant de E et le 'collaborateur’ de M. Y. Cette attestation précise notamment que 'ce dossier a été transmis aux transports DELCROIX pour suite à donner’ et que 'le lendemain du 10.08.04 le conducteur… est allé voir l’entreprise en face de l’AS24 Tournai avec deux autres personnes…'.

Il résulte suffisamment de ce qui précède que les preuves invoquées par la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI, à savoir l’enregistrement vidéo et le témoignage de M. Y ont été obtenues uniquement grâce à un système de surveillance des conducteurs routiers confié par la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI à la société E, à l’insu de ces conducteurs.

Il s’agit dès lors d’un mode de preuve illicite, en application de l’article 9 du Code civil, ce qui suffit à rendre dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement litigieux.

Au moment de son licenciement par la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI, qui employait habituellement plus de 11 salariés, M. B A, né en 1958, avait 15 ans d’ancienneté et percevait un salaire mensuel moyen de 2.100 €. M. B A ne donne pas de précision sur son cursus professionnel depuis son licenciement, sauf des justificatifs de recherche d’emploi et de versement d’allocations par l’Assédic. La SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI produit aux débats des bulletins de paie faisant état d’une embauche chez un autre employeur en qualité de chauffeur poids lourds à compter de mai 2005.

Au vu de ces éléments, le montant des dommages-intérêts auxquels M. B A a droit par application de l’article L. 122-14-4 du Code du travail sera fixé à la somme de 17.000 €.

Par application du même article, la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI devra également rembourser à l’Assédic concernée les indemnités de chômage versées à M. B A dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur le harcèlement moral

Il résulte de l’article L. 122-49 al. 1er du Code du travail qu’ 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Il résulte par ailleurs de l’article L. 122-52 du même Code qu''en cas de litige relatif à l’application des articles L. 122-46 et L. 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Or, M. B A n’établit nullement des faits permettant de présumer l’existence d’un quelconque harcèlement moral. Les écrits émanant de MM. Z et de MOINET ne sont pas conformes aux règles de forme relatives aux attestations et, en toute hypothèse, n’évoquent aucun fait précis caractérisant un harcèlement moral. De plus, et surtout, M. B A a lui-même sollicité pour témoigner en sa faveur M. G H, responsable syndical, et le courrier daté du 21 novembre 2005 que ce dernier a rédigé suite à cette sollicitation contredit les affirmations de M. B A quant aux discriminations dont ce dernier prétend avoir fait l’objet.

Le jugement frappé d’appel sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. B A de ce chef de demande, même si ce jugement ne contient strictement aucune motivation sur ce point.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l’ article 1153-1 du code civil, les condamnations prononcées portent intérêts au taux légal à compter de la décision y faisant droit pour toute somme de nature indemnitaire.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la solution du litige, les dépens seront mis à la charge de la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI, par application de l’article 696 du Nouveau Code de procédure civile et il y a lieu de condamner la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI, partie tenue aux dépens, à payer à M. A, qui a exposé des frais non compris dans les dépens, notamment des honoraires d’avocat, la somme de 1.000 € par application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile, et de débouter la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI de sa demande reconventionnelle sur le même fondement.

DÉCISION DE LA COUR :

' Confirme le jugement frappé d’appel en ce qu’il a débouté M. B A de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

' Infirme pour le surplus le jugement frappé d’appel et, statuant à nouveau :

— dit que le licenciement de M. B A par la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamne la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI à payer à M. B A les sommes suivantes :

* 17.000 € (dix sept mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

* 1.000 € (mille euros) par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

— condamne la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI à rembourser à l’Assédic des Pays du Nord les indemnités de chômage versées à M. B A dans la limite de 6 mois d’indemnités ;

— déboute la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI de sa demande reconventionnelle fondée sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

— condamne la SA TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

XXX

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