Cour d'appel de Douai, 20 décembre 2012, n° 11/08356

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 20 déc. 2012, n° 11/08356
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 11/08356

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE A

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 20/12/2012

***

N° de MINUTE : 742/2012

N° RG : 11/08356

Jugement (N° 07/05391)

rendu le 11 Juillet 2008

par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

sur renvoi par arrêt

rendu le 18 Mai 2011

par la Cour de Cassation

REF : JD/VD

DEMANDEUR A LA DÉCLARATION DE SAISINE

APPELANT

Monsieur W X

né le XXX à ALGER

Demeurant

XXX

LONDRES

représenté par Me Roger CONGOS de la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avocat au barreau de A, constitué aux lieu et place de la SCP CONGOS-VANDENDAELE, anciennement avoués

XXX

INTIMÉ

MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE A

représenté par Monsieur Jean-Louis KANTOR, XXX

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

AD AE, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l’audience publique du 29 Octobre 2012, après rapport oral de l’affaire par AD AE. Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Madame AD AE, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 septembre 2012

***

Le 21 septembre 2006, le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France a refusé à M. W X la délivrance d’un certificat de nationalité française.

Par acte d’huissier en date du 19 mars 2007, M. W X a fait assigner M. le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de PARIS devant ce tribunal pour faire déclarer qu’il possède la nationalité française par filiation maternelle.

Par jugement en date du 11 juillet 2008, le tribunal de grande instance de PARIS a :

— débouté le demandeur de son action déclaratoire

— dit que M. W X, né le XXX à XXX n’est pas français

— ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil

— condamné M. W X aux dépens.

Par arrêt en date du 10 décembre 2009, la cour d’appel de PARIS a confirmé le jugement, ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil et condamné M. W X aux dépens.

La cour d’appel a dit qu’aucun acte d’état-civil ne prouvait que la filiation de M. AB D, né en 1922 (grand-père de M. W X), à l’égard de M. E D, né le XXX (bisaïeul de M. W X), avait été établie durant sa minorité, que cette filiation n’avait été établie que postérieurement à son accession à la majorité par la transcription à l’état-civil algérien, le 30 novembre 1993, suivant jugement algérien du 28 novembre 1993, d’un mariage religieux datant de 1916, que la chaîne de filiation interrompue ne permettait pas de démontrer l’existence d’un lien de filiation juridiquement établi à l’égard d’un ascendant de statut de droit commun et que Mme U D, mère de M. W X, n’ayant pas de filiation juridiquement établie à l’égard d’un ascendant de statut de droit commun ne pouvait avoir transmis à son fils la nationalité française.

Par arrêt en date du 18 mai 2011, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 10 décembre 2009 entre les parties par la cour d’appel de PARIS et remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de A.

Elle a dit que, étant déclaratif, un jugement supplétif rendu par les autorités judiciaires algériennes en 1993, qui constate qu’un mariage a eu lieu en Algérie en 1916, apporte, en l’absence de contestation de sa régularité, la preuve de l’antériorité de l’existence du mariage à une personne née en 1922, partant de sa filiation légitime, peu important que cet acte de mariage concernant ses parents n’ait été transcrit que postérieurement à sa majorité.

M. W X a remis au greffe, le 14 décembre 2011, sa déclaration de saisine de la cour d’appel de A après renvoi de la cour de cassation.

Il demande à la Cour :

— d’infirmer le jugement

— de dire qu’il satisfait à toutes les conditions légales pour la délivrance de son certificat de nationalité française

— de dire que sa filiation est établie à l’égard de sa mère, elle-même française, et de tous ses ascendants et qu’il a conservé la nationalité française

— d’ordonner la mention de l’arrêt à intervenir en marge des actes requis par l’article 28 du code civil.

Il fait valoir que sa mère, Mme U D a conservé la nationalité française lors de l’indépendance de l’Algérie, en application de l’article 32-1 du code civil, puisqu’elle relevait du statut civil de droit commun en tant que descendante d’un admis à la qualité de citoyen français et qu’elle possédait une filiation légitime régulière à l’égard de celui-ci.

Il affirme en effet que sa mère, née le XXX, s’est mariée le XXX avec M. O X, né le XXX, et qu’elle était l’arrière-petite-fille de M. C AK AL, né vers 1857 à B, lequel avait été admis à la qualité de citoyen français par décret du 2 décembre 1884 pris en application du senatus consulte du 14 juillet 1865.

Il expose qu’il convient de distinguer le nom tribal de type généalogique figurant sur le décret de naturalisation, C AK AL K BR, du nom patronymique D AK AL attribué en 1892 lors de l’instauration de l’état-civil en Algérie, et plus particulièrement à FORT NATIONAL, puisque c’est à cette date que des noms patronymiques ont été conférés aux familles pour figurer sur les registres et matrices de l’état-civil français, l’Algérie étant alors un département français.

Il soutient que le certificat de conformité et individualité atteste formellement que M. D C AK AL AK BR est la même personne que M. C AK AL BH né en 1857 à B, commune mixte de FORT NATIONAL, et qui a fait l’objet d’une admission à la nationalité française en application du senatus consulte du 14 juillet 1865, que l’absence de mention de la qualité de citoyen français sur le registre matrice de M. D C AK AL s’explique par le fait que l’obtention de la nationalité française était à l’époque antérieure à l’inscription sur les registres d’état-civil qui en est la conséquence.

Il indique que la cour de cassation considère qu’il n’y a pas lieu d’exiger la preuve d’un acte d’état-civil, antérieurement à l’application de la loi et qu’en conséquence, l’article 20-1 du code civil n’est pas applicable à propos de M. AB D.

Il précise qu’en tout état de cause, il justifie d’une filiation légitime de M. AB D, établie durant sa minorité, même si elle a fait l’objet d’une transcription tardive sur les registres de l’état-civil et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas communiquer l’acte d’état-civil dressé le 25 avril 1922 à 10 heures que les autorités algériennes ne peuvent retrouver.

Il observe que son frère, M. AS AT AU X, né le XXX à XXX père et de la même mère que lui, a été reconnu Français en application des dispositions de l’article 17 du code de la nationalité française.

Il reprend son argumentation relative au nom de son trisaïeul, selon laquelle en 1884, date de sa naturalisation, il n’existait pas d’état-civil avec nom patronymique, filiation et date de naissance réelle, mais une dénomination orale composée de BM (prénom), AK (fils de), AL (prénom du père), K BL (tribu d’appartenance) et que, lors de l’introduction en Kabylie de l’état-civil français en 1892, le nom tribal K BR a été remplacé par un nom patronymique, en l’espèce D.

M. le Procureur Général demande à la Cour :

— de constater que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré

— de confirmer le jugement

— d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Il explique qu’il appartient à celui qui prétend avoir conservé la nationalité française en vertu de l’article 32-1 du code civil de rapporter la double preuve, d’une part de sa qualité de Français avant l’indépendance de l’Algérie, d’autre part de son statut civil de droit commun, que les Français musulmans originaires d’Algérie relevant d’un statut civil de droit local devaient rapporter la preuve de leur renonciation à leur statut civil de droit local et de leur admission au statut de droit commun avant l’indépendance, pour prouver qu’ils avaient conservé la nationalité française après l’indépendance de l’Algérie, que cette renonciation au statut civil de droit local devait avoir été expresse et qu’elle ne pouvait résulter que d’un décret ou d’un jugement d’admission au statut de droit commun pris en application du senatus consulte du 14 juillet 1965, de la loi du 4 février 1919 ou de celle du 18 août 1929.

Il indique qu’il revient à la Cour de déterminer si la chaîne légale de filiation entre M. X et un ascendant de statut civil de droit commun est établie, observation étant faite que les admis au statut civil de droit commun sont tenus de se conformer, du fait même de leur propre demande d’admission, à l’ensemble des règles du code civil, pour ce qui concerne le droit des personnes, à savoir l’état-civil, la filiation et le mariage.

Il soutient que les documents versés aux débats n’établissent pas une filiation entre M. S D (bisaïeul né le XXX à B) et l’admis à la qualité de citoyen français M. AK AL K BL BM, né en 1857, puisque le père de M. S D ne porte pas le même patronyme que l’admis dont le nom officiel BM a été fixé dans le décret du 2 décembre 1884 et que l’année de naissance ne coïncide pas, qu’il y a une absence d’identité entre l’admis et le trisaïeul du requérant, M. W X.

M. le Procureur Général conclut qu’à défaut pour Mme U D, mère de M. W X, de pouvoir compter parmi ses ascendants une personne relevant du statut civil de droit commun, elle relevait du statut civil de droit local au moment de l’indépendance de l’Algérie et qu’elle a perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, faute pour son père, dont elle suivait la condition, d’avoir souscrit la déclaration de reconnaissance prévue par l’article 2 de l’ordonnance du 21 juillet 1962.

Il demande en conséquence la confirmation de l’extranéité de M. W X.

SUR CE :

Conformément à l’article 1043 du code de procédure civile, la déclaration de saisine de la cour d’appel de A a été communiquée le 23 décembre 2011 au Ministère de la Justice qui en a délivré récépissé le 10 avril 2012.

L’article 32-1 du code civil énonce que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l’annonce officielle des résultats du scrutin d’autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.

Pour constater l’extranéité de M. W X, le tribunal s’est fondé sur trois éléments :

— le mariage de M. E D, bisaïeul de M. X, qui serait intervenu en 1916, n’a été dressé dans l’état-civil algérien qu’en 1993, soit 50 ans après la majorité de M. AB D et 77 ans après les faits

— aucun acte d’état-civil n’est produit permettant de prouver une filiation établie pendant la minorité entre M. E D, né le XXX et la personne admise à la qualité de citoyen français, l’acte de mariage produit dressé le 28 janvier 1999 aux termes d’un jugement du 27 janvier 1999 faisant état d’un mariage intervenu avec Mme I J et non avec Mme I AN AO

— l’identité de personne entre le prétendu trisaïeul de l’intéressé et la personne admise à la citoyenneté française selon le décret du 2 décembre 1884 n’est pas démontrée ; en effet, les noms patronymiques ne correspondent pas, aucune explication n’est donnée quant à l’absence de mention dans le décret d’admission du patronyme D lequel a toujours été utilisé par les ascendants de M. W X, étant précisé que l’extrait matrice de l’ascendant de M. W X ne comporte aucune mention de l’admission à la citoyenneté française.

Le lien de filiation légitime entre M. AB D, né le XXX, son père, M. E D et sa mère, Mme AH H , mariés en 1916, le mariage ayant été transcrit sur les registres de l’état-civil le 30 novembre 1993 en exécution d’un jugement rendu le 28 novembre 1993 par le tribunal de Tizi Ouzou, n’est plus remis en cause par le Ministère Public, à la suite de l’arrêt de cassation du 18 mai 2011.

Par ailleurs, le moyen tiré de l’absence de filiation établie pendant la minorité de M. E D à l’égard de la personne admise à la qualité de citoyen français, M. C D, n’est pas repris par le M. le Procureur Général.

Il ressort en tout état de cause de l’extrait des registres des actes de mariage (transcription) dressé le 6 mars 2007 que M. C D, né à B en 1857, s’est marié en 1875 avec Mme I J, née à XXX.

Le livret de famille de M. C D, né en 1857 à B et de Mme I J, née en 1853 à Z, dont l’acte de mariage a été dressé par le cadi en 1875, suivant jugement du 27 janvier 1999, fait apparaître que M. E D, né le XXX est le 6e enfant (sur sept) de ces deux époux, la mère des sept enfants inscrits étant mentionnée comme I J, ou I K L, ou 'mère non dénommée'.

La filiation légitime de M. E D vis à vis de son père, M. C D, et de sa mère, Mme I J ou K L, est ainsi établie, de même que la chaîne ultérieure de filiation, à savoir :

— M. AB D, né le XXX, fils de M. E D et de Mme G H, mariés en 1916, suivant jugement en date du 28 novembre 1993

— Mme U D, née le XXX, fille de M. AB D et de Mme Q R , mariés le XXX, légitimée par le mariage de ses parents

— M. W X, né le XXX, fils de M. O X et de Mme U D, mariés le XXX.

Enfin, M. W X verse aux débats une lettre rédigée le 23 octobre 2008 par le Président de l’assemblée populaire communale de NATH-Y dans laquelle celui-ci expose que la loi sur la naturalisation fut promulguée en 1884 en tenant compte de la spécificité indigène, que l’enregistrement des copies intégrales des actes de naissance, décès et mariages ne fut promulgué qu’en 1892, que, s’agissant de la différence entre les deux transcriptions (décret de naturalisation et transcription sur le registre de naissance), il y a lieu de préciser que lors de son admission en qualité de citoyen français en 1884, l’intéressé n’avait pas encore été inscrit à l’état-civil pour raison de non-existence de cette procédure qui n’a débuté qu’en 1892, que l’intéressé avait opté pour l’appellation tribale (suivant us et coutumes) et que les noms patronymiques n’avaient été données aux familles qu’en 1892.

Il apparaît, au vu du certificat de conformité et d’individualité en date du 24 novembre 1998, que M. N CD AK AL K BR, âgé de 35 ans en 1892, né à B, est bien la même personne que celle désignée comme étant M. BM AK AL K BR né en 1857 à B, commune mixte de Fort National, telle qu’elle est mentionnée sur l’attestation d’admission à la qualité de citoyen français par décret du 2 décembre 1884, dossier n°5431x 1884.

L’extrait du registre-matrice de la tribu d’Oussameur fraction d’B mentionne que M. D C AK AZ, était âgé de 35 ans en 1892 (ce qui confirme sa naissance en 1857), et qu’il s’est marié en 1875 avec Mme I J.

Ainsi, la personne mentionnée sur le décret de naturalisation du 2 décembre 1884 est bien le bisaïeul de Mme U N et le trisaïeul de M. W X.

Le lien de filiation entre Mme U N et son arrière-grand -père, M. M N, bénéficiaire du décret de naturalisation du 2 décembre 1884 (dossier n° 5431 x 1884), sous le nom de M. BM AK AL K BR, est démontré, de sorte que la mère de M. W X a conservé de plein droit la nationalité française lors de l’accession à l’indépendance de l’Algérie.

M. W X est donc français, par filiation maternelle, comme né d’un parent français, en application de l’article 17 de l’ancien code de la nationalité dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, puisqu’il était mineur lors de son entrée en vigueur, comme né d’un parent français.

Il convient d’infirmer le jugement et de dire que M. W X est français.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après renvoi de cassation, par arrêt contradictoire :

CONSTATE que les formalités de l’article 1043 du code de procédure civile ont été respectées

INFIRME le jugement

STATUANT à nouveau,

CONSTATE que M. W X est français, en application de l’article 32-1 du code civil

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil

MET les dépens de première instance et les dépens d’appel exposés devant les Cours d’Appel de Paris et A à la charge du Trésor Public.

Autorise, si ils en ont fait l’avance sans en avoir reçu provision, la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoué, au titre des actes accomplis antérieurement au 1er janvier 2012 et Maître Roger CONGOS, avocat, au titre des actes accomplis à compter du 1er janvier 2012, à recouvrer les dépens d’appel exposés devant la Cour de A conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

C. POPEK E. AE

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