Cour d'appel de Douai, 27 juin 2014, n° 13/03312

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 27 juin 2014, n° 13/03312
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 13/03312
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cambrai, 7 juillet 2013, N° 11/316

Sur les parties

Texte intégral

ARRET DU

27 Juin 2014

N° 1220-14

RG 13/03312

XXX

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

08 Juillet 2013

(RG 11/316 -section 2)

NOTIFICATION

à parties

le 27/06/14

Copies avocats

le 27/06/14

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

SAS LABORATOIRES INELDEA

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Sylvain JACQUES, avocat au barreau de GRASSE

INTIME :

Mme A Y

XXX

5 RUE DU 8 MAI 1945 SAINT REMY

XXX

Représentée par Me Stephan FARINA, avocat au barreau de LILLE

DEBATS : à l’audience publique du 08 Avril 2014

Tenue par O P

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cécile PIQUARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

K L

: PRESIDENT DE CHAMBRE

O P

: CONSEILLER

G H

: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Juin 2014,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par K L, Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée Mme Y a été embauchée le 30 octobre 2006 en qualité de déléguée commerciale, bénéficiant d’une rémunération mensuelle brute outre une rémunération variable calculée sur la base d’objectifs à atteindre et devant être fixés chaque année par voie d’avenant.

Du mois de mai 2008 au mois d’avril 2009 la salariée a interrompu son activité professionnelle pour bénéficier dans un premier temps d’un congé maternité puis d’un congé parental d’une durée de six mois.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 avril 2011 la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 29 avril 2011.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 3 mai 2011 la salariée a été licenciée dans les termes suivants :

'Nous faisons suite à l’entretien préalable du 29 avril auquel nous vous avions convoquée par lettre adressée en Chronopost et présentée à votre domicile le 21 avril 2011. Lors de cet entretien, au cours duquel vous vous êtes présentée seule, nous vous avons exposé les motifs nous amenant à envisager votre licenciement et avons recueilli vos explications.

Ces dernières n’étant pas de nature à modifier notre appréciation des faits, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse au motif d’une insuffisance professionnelle et d’une insuffisance de résultats comme exposé lors de cet entretien :

En qualité de déléguée commerciale, vous aviez pour fonction d’animer la clientèle de la société sur le secteur défini, et deviez également assurer son développement, lequel était mesuré notamment via une politique d’objectifs contractuels conditionnant votre droit à rémunération variable. Vous étiez chargée de la vente des différentes marques de la société, auprès de notre clientèle constituée par des pharmacies/parapharmacies, club de sport, magasins bio et magasins spécialisés.

Vous exerciez vos fonctions sous l’autorité d’un directeur régional, et de la directrice commerciale ; vous bénéficiez par ailleurs d’un soutien logistique vous permettant un contact permanent avec les outils commerciaux de l’entreprise, ainsi qu’un support produit de nature à vous apporter tous les renseignements techniques sur les produits vendus.

Nous ne pouvons que relever, sur une période significative, que le chiffre d’affaires de votre secteur n’a de cesse de diminuer dans des proportions importantes : celui-ci est ainsi passé, depuis votre prise de poste en 2007, de 293.000 euros à 260.000 en 2010.

Nous relevons que si cette tendance a été inversée en 2009 avec une hausse de 7% c’est pendant l’année durant laquelle votre contrat de travail était suspendu et le secteur confié à vos collègues ; la baisse d’activité s’est confirmée dès votre prise de poste.

Ce constat de forte diminution de votre chiffre d’affaires s’accompagne d’une diminution du nombre de clients, avec de nouveau le constat que ce nombre a connu une progression en 2009 pendant que votre secteur était confié à vos collègues, pour de nouveau repartir à la baisse à votre reprise de poste. L’évolution du nombre de clients sur l’année (de mars 2011 à mars 2010) marque une diminution de l’ordre de 12%. Cette diminution s’enregistre sur 4 de nos 5 catégories de clients, la faible hausse relevée sur les pharmacies étant largement insuffisante pour compenser les pertes constatées par ailleurs.

Nous observons également que le montant moyen de vos prises de commandes reste inférieur à la moyenne constatée sur la France, pour se chiffrer à 346 euros contre 376 euros au niveau France, avec également un panier moyen de 2,47 marques présentes contre 2,56 au niveau France.

Les ventes des gammes de produit présentent, dans ce contexte, une baisse pratiquement générale, aboutissant concrètement à ce que les produits de la société sont de moins en moins présentés à la vente dans votre secteur à nos consommateurs finaux.

Afin de dynamiser le volume des ventes, nos avons décidé d’une offre promotionnelle consistant dans l’offre de cadeaux à nos clients sous la condition d’un certain volume de commande. Nous constatons que contrairement à vos collègues, vous n’avez pas réussi à conclure de ventes d’un niveau suffisant pour déclencher l’offre, ce qui démontre que vous n’avez pas su proposer efficacement cette offre promotionnelle, et donc à augmenter le niveau de vos ventes.

Vos résultats restent par ailleurs très inférieurs à vos objectifs contractuels.

Nous relevons que la tendance de votre activité est à l’opposée de celle de la société, que ce soit en terme d’évolution de chiffre d’affaires, toujours positive pour la société, qu’en terme de développement du nombre de clients, de pénétration des différentes marque sur le marché ou encore de panier de commande moyen. De ces constations, nous ne pouvons donc pas considérer que des causes étrangères à votre activité, liées au contexte économique notamment, seraient à l’origine de votre baisse de chiffre d’affaires. L’analyse comparée avec vos collègues de travail démontre bien que vos résultas restent inférieurs à la moyenne.

La situation est pénalisante à plusieurs niveaux pour le fonctionnement de l’entreprise puisque une faible présence de nos produits sur le marché, outre un manque de rentabilité évident pour la société, favorise l’implantation de nos concurrents à nos détriments, et donc se matérialise par la perte de parts de marché. De même, la valeur du secteur que nous vous avons confiée à votre prise de poste n’a de cesse de diminuer sans que nous puissions entrevoir une issue positive, situation qui ne peut perdurer plus avant.

Au regard de la persistance de cette baisse d’activité, appréciée sur une période significative, et de l’absence de mesures prises par vos soins pour enrayer drastiquement ce constat, nous ne pouvons espérer une amélioration et avons donc été contraint d’envisager votre licenciement.

Lors de l’entretien, vous n’avez pas contesté le constat établi par la société et n’avez pas pu établir de circonstances permettant de l’expliquer par des motifs extérieurs à votre travail.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats, la date de première présentation de cette lettre marquant le point de départ de votre préavis de deux mois.

Passé ce délai nous vous adresserons votre attestation Pôle Emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte.

Nous prendrons très prochainement contact avec vous afin de convenir de la restitution des matériels suivants :

— véhicule de fonction 207 CBB 06;

— carte grise, carte verte et clefs en double exemplaire du véhicule référencé ci-dessus;

— carte essence et carte maintenance ALD relatives au véhicule référencé ci-dessus;

— fax, téléphone portable avec kit piéton;

— ordinateur portable avec chargeur;

— échantillon, book ; tarifs et documents commerciaux, fiches clients.

A toute fin utile, nous vous précisons que vous quittez la société libre de tout engagement de non concurrence et que vous disposez de 86 heures de droit individuel à la formation. Vous avez dès lors la faculté de bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation financée, en tout ou partie, par le montant de l’allocation de formation correspondant à ces heures acquises, à condition d’en faire la demande par écrit, avant la fin de votre préavis.'

Le 29 novembre 2011 Mme Y a saisi le conseil de prud’hommes de Cambrai lequel par jugement en date du 8 juillet 2013 :

a dit que le licenciement de Madame A X s’en trouve être qualifié comme étant sans cause réelle et sérieuse,

a condamné la société INELDEA à payer à Mme A Y les sommes suivantes :

-17500 euros à titre de dommages et intérêts

-1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

a débouté la société INELDEA de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

a prononcé l’exécution provisoire du jugement conformément aux dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail,

a dit y avoir lieu aux intérêts légaux à compter de la date de la saisine pour les sommes à caractère indemnitaire et salarial, à compter de la date du présent jugement pour toutes les autres sommes

a condamné la société INELDEA aux entiers dépens.

Le 19 septembre 2013 l’employeur a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 21 janvier 2014 par la société LABORATOIRES INELDEA.

Vu les conclusions déposée le 31 mars 2014 par Madame Y.

Les parties entendues en leurs plaidoiries qui ont repris leurs conclusions écrites.

SUR CE

Du licenciement

L’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement.

Elle est susceptible de justifier un tel licenciement lorsqu’elle résulte d’une insuffisance professionnelle laquelle peut être établie par l’absence de réalisation par le salarié des objectifs qui lui ont été fixés soit contractuellement soit de manière unilatérale mais à la condition que lesdits objectifs aient été réalistes et que les mauvais résultats du salarié lui soient imputables.

L’insuffisance professionnelle peut également être constituée par la faiblesse des résultats du salarié par rapport à ceux obtenus par ses collègues placés dans une situation comparable mais à la condition que la période de comparaison soit suffisamment longue pour que l’insuffisance de résultats reprochés au salarié puisse être considérée comme significative.

En l’espèce il convient tout d’abord de constater que, contrairement aux allégations de la salariée, la lettre de licenciement est suffisamment motivée, dès lors qu’elle fait référence à une insuffisance professionnelle et une insuffisance de résultats, étant observé qu’elle détaille les agissements qui sont reprochés à Mme X.

Par ailleurs le contrat de travail fait mention de la nécessité pour la salariée de remplir des objectifs pour bénéficier de la rémunération variable, étant précisé que si l’employeur n’a pas été en mesure de fournir l’ensemble des avenants au contrat de travail formalisant des objectifs pour chacune des années concernées, cela est sans incidence dans la mesure où l’employeur a la faculté de fixer de manière unilatérale desdits objectifs, dont l’existence est prévue par le contrat de travail et dont la salariée a été régulièrement informée par le biais des documents annexés à ses fiches de paies.

Le seul fait que la salariée n’ait pas durant l’exécution du contrat de travail contesté les objectifs lui étant assignés par son employeur ne lui interdit pas d’émettre des doutes sur leur caractère réalisable, lequel est soumis à l’appréciation du juge prud’homal qui doit vérifier également que les mauvais résultats lui sont imputables, étant observé qu’un des délégués pharmaceutiques dans un mail en date du 1er mars 2011 s’est plaint, en se prévalant de la « grogne quasi générale » de ses collègues, du système de fixation des objectifs et de celui afférent à la rémunération.

S’agissant de la réalité de l’insuffisance professionnelle de Mme Y caractérisée selon l’employeur par une insuffisance de résultats, il convient de constater qu’il existe un doute, lequel ne repose pas que sur l’envoi à la salariée au mois d’octobre 2010 et au mois de mars 2011 de mails mettant notamment en lumière la qualité de son travail, d’une part pour le mois de septembre 2010, celle-ci arrivant même en quatrième position dans l’ordre des félicitations, et d’autre part pour l’élargissement d’une gamme chez un client.

En effet l’employeur se prévaut d’une diminution constante du chiffre d’affaires réalisées par la salariée en soulignant que celui-ci qui atteignait en 2007 la somme de 293000 euros est passé à 260000 euros en 2010.

Or l’objectif assigné à la salariée pour l’année 2007 s’est élevé à la somme de 430000 euros alors même que celui devant être atteint pour l’année 2010 ne représentait plus que 318684 euros.

Cette diminution significative de l’objectif donné à la salariée est révélateur d’une évolution du secteur d’activité lui étant confié, étant observé que les allégations de cette dernière quant à une modification dudit secteur à son retour de congé maternité sont confirmés par les documents remis par l’employeur lui-même, puisque la liste des départements formant ledit secteur n’est pas le même en fonction des années concernées.

L’appréciation de l’activité de Mme Y pour l’année 2009 par rapport à ses autres années d’activité est à ce titre particulièrement difficile, compte tenu du changement de secteurs.

Les documents remis par l’employeur permettent également de constater que le nombre de clients potentiels s’élevait en 2007 au chiffre de 3019, alors même que pour l’année 2010 et le début de l’année 2011 marqué par le licenciement de la salariée, ce nombre n’atteignait plus que le chiffre de 2954, la salariée soutenant avoir perdu lors de la récupération de son secteur des clients importants.

Il apparaît ainsi que de manière paradoxale par rapport aux plaintes de l’employeur la salariée, bénéficiant d’un nombre de clients potentiels moindre, a réalisé pour l’année 2010 en pourcentage une part plus importante de l’objectif lui étant assigné pour cette même année par rapport aux résultats obtenus au cours de l’année 2007, étant rappelé que l’employeur ne s’est pas expliqué sur les motifs l’ayant conduit à fixer un objectif moins important en 2010, et sur les remarques effectuées par la salariée quant à l’état de son secteur à son retour de congé parental.

Il est surprenant à ce titre que l’employeur, qui a pris soin d’établir des tableaux précis censés refléter l’activité développée par la salariée, évalue de manière approximative le taux d’atteinte des objectifs lui étant assigné à 70 % alors même que l’examen des documents fournis permet au contraire de constater pour l’année 2010 un taux nettement supérieur comme s’élevant à plus de 83 % , qui seul doit être comparé aux résultats obtenus par les collègues de travail de Mme Y, et permet de constater que plusieurs d’entre eux ont obtenu de moins bons résultats.

Au contraire pour l’année 2007, qui constitue la seule année avec l’année 2010 où la salariée a travaillé toute l’année et n’a pas connu de modification de son secteur d’activité à tout le moins en ce qui concerne les départements lui étant affectés, le taux de réalisation des objectifs avoisine seulement 70 %, l’objectif étant de 430000 euros pour un chiffre d’affaires réalisées de 293021 euros.

Le doute quant à la réalité de l’insuffisance professionnelle de la salariée, tel qu’il ressort de l’ensemble des éléments ainsi exposés, doit profiter à cette dernière, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au regard de l’ancienneté de la salariée dans l’entreprise, de l’effectif de cette dernière, de la qualification de Mme Y qui lui a permis de retrouver un emploi, des circonstances de la rupture, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris quant au montant des dommages et intérêts devant être alloués à la salariée en réparation de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, dès lors que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice de Mme Z.

Du remboursement des indemnités chômage

Il convient d’ordonner à la société LABORATOIRES INELDEA de rembourser à pôle emploi des indemnités chômage versées à Mme Z du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d’indemnités.

De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de condamner la société LABORATOIRES INELDEA à payer à Mme Z la somme de 1800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Des dépens

La société LABORATOIRES INELDEA qui succombe doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la société LABORATOIRES INELDEA à payer à Mme A Z la somme de 1800 euros (mille huit cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société LABORATOIRES INELDEA de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme A D du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d’indemnité,

Condamne la société LABORATOIRES INELDEA aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

A. GATNER A. L

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Textes cités dans la décision

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