Cour d'appel de Douai, 30 juin 2015, n° 14/03315

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 30 juin 2015, n° 14/03315
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/03315
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lille, 13 mai 2014, N° 12/00909

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

30 Juin 2015

N° 1186/15

RG 14/03315

XXX

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

14 Mai 2014

(RG 12/00909)

NOTIFICATION

à parties

le 30/06/2015

Copies avocats

le 30/06/2015

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. D A

XXX

XXX

XXX

Comparant en personne, assisté de Me N-Pierre MOUGEL, substitué par Me HAUDIQUET, avocats au barreau de DUNKERQUE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/14/08179 du 16/09/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

Société GROUPAMA

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Didier BASILIOS, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 15 Mai 2015

Tenue par N-O P

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge BLASSEL

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

B C

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

J K

: CONSEILLER

N-O P

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2015,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par B C, Président et par Marie-Agnès PERUS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE-EXPOSÉ DU LITIGE:

Selon contrat du 5 mai 2008, la société Groupama Nord-Est a engagé D A, à temps plein et pour une durée indéterminée, en qualité de Conseiller commercial urbain, famille professionnelle Distribution, classe 3, moyennant une rémunération annuelle brute de 20 500,12 € dont une partie dépendait de l’atteinte des objectifs individuels et collectifs fixés par sa hiérarchie dans le cadre du plan d’action commerciale.

Le contrat était régi par la convention collective nationale des sociétés d’assurances et par un accord national Groupama du 10 septembre 1999.

Un avenant portant convention de forfait en jours a été conclu le 7 mai 2008 à effet au 5 mai.

Un avenant du 12 juin de la même année a modifié le lieu d’affectation du salarié, désormais fixé à Armbouts Capelle au lieu de Lille.

M. A a été titularisé dans son emploi à partir du 1er février 2009.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 décembre 2011, son employeur a convoqué M. A à un entretien préalable pour le 3 janvier 2012 dans l’attente duquel il l’a mis à pied à titre conservatoire. Il lui a notifié le 17, dans les formes légales, son licenciement immédiat pour faute grave.

Contestant cette sanction, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lille. Par jugement du 14 mai 2014, celui ci a

— dit que le licenciement pour faute grave était motivé et justifié

— dit que la clause de non concurrence convenue était nulle et de nul effet;

— condamné D A à restituer à la société Groupama la somme de 5 304,27 € indûment perçue au titre de cette clause;

— condamné la société Groupama à payer à son ex collaborateur 5 304,27 € en réparation du préjudice que lui avait causé l’application de cette clause;

— ordonné la compensation entre ces deux sommes;

— débouté D A du surplus de ses demandes;

— laissé ses dépens à la charge de chacune des parties.

M. A en a relevé appel par courrier électronique du 7 août 2014.

Il conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a dit la clause de non concurrence nulle et de nul effet, la restitution de la somme de 5 304,27 € et la condamnation de son ex employeur au paiement de la même somme à titre de dommages et intérêts mais à son infirmation pour le surplus.

Soutenant que son licenciement était injustifié, il réclame:

—  6 521 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 652,13 € à celui des congés

—  2 347,70 € d’indemnité de licenciement

—  32 606 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  10 000 € de dommages et intérêts pour préjudice distinct

—  1 667,11 € au titre du salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, et 166,71€ pour les congés

—  2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, soit le 25 mai 2012, et les intérêts devant être capitalisés conformément à l’article 1154 du code civil

La société Groupama conclut au mal fondé des prétentions adverses.

Pour plus ample exposé des demandes et moyens, il est renvoyé aux écritures déposées les 4 et 17 février 2015, respectivement par l’appelante et l’intimée, qui ont été reprises et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

— Sur la réalité et la gravité de la faute reprochée:

La lettre de licenciement justifie celui ci dans les termes suivants:

'Dans le cadre d’un dossier 'responsabilité civile', vous avez été amené à rencontrer Monsieur L Z, inspecteur enquêteur de Groupama Nord-Est. Cet entretien s’est déroulé le 30 novembre 2011 sur votre lieu de travail et en présence de Mesdames Despretz et Régnier.

Au cours de cet entretien, vous vous êtes montré très agressif, véhément, en invitant régulièrement monsieur Z à vous regarder 'droit dans les yeux’ et en ayant des attitudes menaçantes non équivoques. De plus, à un moment, vous vous êtes levé en ayant les poings fermés et en faisant plusieurs pas vers Monsieur Z en maugréant 'Si je ne me retenais pas…'.

Ce comportement n’est pas une situation isolée car nous avons déjà eu à le déplorer en vous notifiant deux blâmes le 31 juillet 2009 et le 25 juillet 2010. En effet, les témoignages de vos collègues mettaient en avant votre agressivité, vos réactions orales inadmissibles, méprisantes et qui créent un climat de crainte au sein de l’équipe.

A l’issue de la procédure disciplinaire dont vous avez fait l’objet en 2011, vous vous êtes engagé à ce qu’à l’avenir, nous n’ayons à déplorer aucun incident, de quelque sorte que ce soit, tant une agressivité orale que bien entendu physique.

Force est de constater que vous n’avez pas respecté cet engagement et je déplore ce comportement qui est intolérable et inquiétant et ne correspond en aucune façon aux valeurs que nous souhaitons promouvoir et défendre (…)

Je vous rappelle l’obligation que vous avez de respecter tous vos collègues et d’avoir un comportement maîtrisé et approprié…'

L’employeur rappelle qu’il est tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de tous ses collaborateurs. Il fait état des antécédents disciplinaires de M. A dont il stigmatise le comportement 'particulièrement violent et agressif’ et auquel il impute la mauvaise ambiance du service. Il précise que le dossier 'responsabilité civile’à l’occasion duquel a eu lieu l’altercation entre MM Z et A était le deuxième sinistre déclaré par F G, amie du premier et que les circonstances dans lesquelles il s’était produit avaient conduit sa hiérarchie à mandater M. Z; que ce dernier, en sa qualité de responsable de la lutte anti-fraude, s’était présenté la veille au domicile de Mlle Y ou il avait constaté des 'anomalies remarquables'.

M. A soutient n’avoir fait que se défendre contre l’accusation implicite et mensongère de fraude aux assurances portée à son encontre lors d’un entretien impromptu. Il souligne que cette accusation concernait la déclaration de sinistre qu’il avait effectuée le 11 octobre 2011 en sa qualité d’assuré de Groupama (il aurait fait tomber une cigarette sur le canapé de celle ci) et non de salarié de celle ci, de sorte que les faits relevaient de sa vie personnelle. Il ajoute que le délai écoulé entre le 30 novembre, date à laquelle Groupama en avait une connaissance complète, et le déclenchement de la procédure disciplinaire deux semaines plus tard, exclut la qualification de faute grave. Il conteste avoir eu une attitude menaçante envers ses interlocuteurs et estime n’avoir pas dépassé les limites qu’autorise la liberté d’expression.

Il estime que son licenciement était décidé avant même l’entretien qu’il a eu avec M. Z dans les circonstances indiquées plus haut, d’autant qu’il était peu apprécié de sa responsable commerciale, Mme X

Si un fait de la vie personnelle ne peut, en principe, justifier une sanction disciplinaire, il en va autrement lorsqu’il se rattache à l’activité professionnelle: au cas particulier, le sinistre sur lequel M. Z venait enquêter relevait de la vie privée de l’appelant, mais il s’agissait pour l’enquêteur de vérifier la véracité de la déclaration de sinistre émanant de M. A tenu, à raison de ses fonctions, à une scrupuleuse honnêteté à cet égard; en outre, l’entretien s’est tenu sur le lieu de travail et en présence de deux supérieurs hiérarchiques et c’est, surtout, le comportement de M. A à cette occasion qui lui est reproché.

Les faits, dont la matérialité est établie par les attestations versées aux débats, était d’une gravité suffisante, compte tenu des antécédents disciplinaires de leur auteur, qui avait été sanctionné à deux reprises pour 'un comportement violent et une répétition de réactions excessives et inadaptées’ pour justifier le licenciement immédiat de celui ci.

Faute par M. A de prouver l’existence d’un préjudice distinct résultant des circonstances ou des modalités de son congédiement, il sera débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.

— Sur les conséquences:

Compte tenu de ce qui précède, l’appelant sera débouté de ses demandes en paiement

— du salaire qu’il aurait du percevoir pendant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents.

— de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés correspondants.

— de l’indemnité de licenciement

— Sur la clause de non concurrence:

Celle ci est ainsi libellée:

' Compte tenu de la nature ce ses fonctions comportant notamment la présentation ou la commercialisation de produits d’assurance et bancaires, de placements financiers ou de services, compte tenu de certains produits spécifiques d’assurance mis en oeuvre dans l’entreprise (…), monsieur D A s’engage, en cas de rupture du contrat de travail pour quelque motif que ce soit (…) à ne pas entrer au service d’une entreprise d’assurance ou bancaire (…) pour y exercer une activité professionnelle liée soit à la présentation ou à la commercialisation de produits et services susceptibles de faire concurrence à Groupama et à ses filiales, à l’animation et/ou à la formation d’équipes commerciales à la conception de produits ou services susceptibles de faire concurrence à Groupama et à ses filiales (…) pour une durée de deux ans à compter de la date de rupture effective de son contrat de travail et ce dans le département du Nord et sur un rayon de 50 kms à compter des limites administratives de ce département.

En contrepartie de cette obligation de non concurrence, Monsieur D A percevra, sauf en cas de licenciement pour faute grave, une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire calculée sur son dernier traitement mensuel normal hors rémunération variable'

Il est expressément convenu qu’en cas de non respect de cette obligation, il devra verser à Groupama une somme égale au montant net des salaires des douze derniers mois précédents la date de la rupture.

M. A soutient la nullité de cette clause au motif que la contrepartie pécuniaire en était dérisoire mais se refuse à restituer la somme qui lui a été versée à ce titre et réclame réparation du préjudice que son respect lui aurait néanmoins occasionné. La société Groupama Nord-Est estime qu’il n’a subi aucun préjudice du fait de l’application de cette clause.

Bien qu’il ait été licencié pour faute grave, M. A a perçu, pendant trois mois, la contrepartie financière convenue. Le montant de cette contrepartie étant sans rapport avec la durée et l’étendue géographique de la clause, c’est à bon droit que les premiers juges ont déclarée celle ci nulle, ce qui privait le versement de cause et justifiait la restitution par le salarié de la somme versée à ce titre.

Il y a lieu, au vu des éléments communiqués, d’évaluer à 10 000 € le préjudice causé par le respect d’une clause de non concurrence nulle, l’intimée ne justifiant pas en avoir délié son ancien collaborateur.

— Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Le salarié, dont les prétentions étaient largement injustifiées, devra supporter les dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a évalué à 5 304,27 € (cinq mille trois cent quatre euros vingt sept centimes) le préjudice résultant de l’observation de la clause de non concurrence

Statuant à nouveau sur ce point:

Condamne la société Groupama Nord-Est à payer à D A 10 000 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à dater de ce jour;

Y ajoutant

Condamne D A aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

XXX

LE PRÉSIDENT

E. C

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Cour d'appel de Douai, 30 juin 2015, n° 14/03315