Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 6 juillet 2017, n° 16/03969

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 6 juill. 2017, n° 16/03969
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 16/03969
Décision précédente : Tribunal d'instance de Valenciennes, 5 juin 2016, N° 11-15-2743
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2017

***

N° de MINUTE : 17/390

N° RG : 16/03969

Jugement (N° 11-15-2743) rendu le 06 Juin 2016

par le tribunal d’instance de Valenciennes

APPELANT

Monsieur Z Y

de nationalité française

141 avenue de Liége – rez-de-chaussée

XXX

Représenté et assisté par Me A Doutriaux, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉ

Monsieur A X

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Blandine Olivier-Denis, avocat au barreau de Valenciennes

DÉBATS à l’audience publique du 01 Juin 2017 tenue par B C magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Benoît Mornet, président de chambre

B C, conseiller

D E, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2017 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Benoît Mornet, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 2 mai 2017

***

Exposé du litige

Depuis le 10 juillet 2009, M. X est propriétaire d’un appartement situé au premier étage d’un immeuble en XXX à Valenciennes.

En 2010, M. Y, occupant l’appartement situé au rez-de-chaussée, a réalisé des travaux de réfection de son plafond, à la suite desquelles M. X s’est plaint de l’apparition d’odeurs dans son appartement.

Suivant acte du 23 octobre 2015, M. X a assigné M. Y devant le tribunal d’instance de Valenciennes aux fins d’obtenir, au visa de l’article 544 du code civil, sa condamnation à effectuer sous astreinte les travaux nécessaires pour supprimer les nuisances olfactives, et à lui verser des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Selon jugement du 6 juin 2016, le tribunal d’instance de Valenciennes a :

— condamné M. Y à réaliser tous travaux nécessaires à la suppression des nuisances olfactives subies par M. X dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

— condamné M. Y à payer à M. X la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné M. Y aux dépens et à payer à M. X la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration du 23 juin 2016, M. Y a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2016, M. Y demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

— déclarer tant irrecevables que mal fondées les demandes formées par M. X,

— le cas échéant, voir organiser une mesure d’expertise avec mission principale de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, ce, aux frais avancés de M. X,

— très subsidiairement, réduire le préjudice réclamé,

— en toute hypothèse, condamner M. X à lui payer une somme de 3 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, M. Y fait tout d’abord valoir que l’action engagée par M. X à son encontre est irrecevable, étant engagée à l’encontre d’un copropriétaire en application de la loi du 10 juin 1965 relative au régime de copropriété. Il avance en effet que les désordres résultant des infiltrations d’air entre son appartement et celui de M. X par les interstices du plancher relèvent de la responsabilité du syndic de copropriété. Au fond, il fait valoir que l’existence du trouble allégué n’est pas démontrée et précise que le rapport d’analyse amiable ne lui est pas opposable. Il ajoute que les polluants détectés dans l’habitation de M. X peuvent provenir de phénomènes variés et pas seulement de la fumée de cigarette. Il fait ensuite valoir qu’aucun élément ne démontre l’origine du trouble ou son caractère anormal de sorte que face à ces difficultés probatoires, une expertise judiciaire doit être organisée. En cas de consécration d’un trouble anormal de voisinage, il demande à la cour de minorer le montant des dommages et intérêts réclamés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2016, M. X demande à la cour, au visa de l’article 544 du code civil, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné M. Y à effectuer les travaux nécessaires pour supprimer les nuisances olfactives qu’il subit sous astreinte, de le recevoir en son appel incident et de condamner M. Y à lui payer 10 000 euros au titre du trouble de jouissance et 10 000 euros au titre de l’atteinte portée à sa santé et de son préjudice moral ainsi qu’à 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, M. X fait valoir qu’il est recevable à agir contre M. Y sur le fondement de la loi du 10 juillet 1965 qui permet au copropriétaire comme au syndicat d’agir pour protéger un intérêt collectif, et notamment à l’égard d’un autre copropriétaire pour trouble du voisinage. Il fait ensuite valoir que son action est fondée sur les trouble anormaux de voisinage, qui est une responsabilité sans faute supposant une nuisance excessive et la violation du règlement de copropriété ou un abus de jouissance. Au fond, il fait valoir que la réalité du trouble est démontrée par la configuration des logements ; que le rapport d’analyse confirme que les polluants relevés peuvent provenir de la fumée de cigarette et que la présence d’une substance toxique a

été constatée à dose nuisible ; que différents constats d’huissier confirment ces désagréments ; qu’enfin M. Y est un fumeur habituel. Il en conclut que la preuve du trouble anormal, incommodant et dangereux pour la santé est rapportée, ce tabagisme excédant le seuil normal de tolérance.

Sur son préjudice, il insiste que le fait qu’il est asthmatique.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2017.

Motifs

1. Sur le défaut de qualité à agir

D’une part, il convient de constater que la demande de M. X porte sur la réparation d’un dommage subi à titre personnel et ayant pour origine alléguée une odeur de cigarette filtrant à travers le plafond de M. Y, soit les parties privatives et non les parties communes de l’immeuble.

D’autre part, le pouvoir que l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis confère au syndic de représenter en justice le syndicat des propriétaires n’est pas exclusif du droit qui appartient à l’un des copropriétaires, victime d’un trouble personnel, d’exercer individuellement les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot.

Il s’ensuit que M. Y a qualité à agir pour demander la réparation de son préjudice résultant d’un trouble anormal de voisinage, de sorte que son action est recevable.

2. Sur le trouble anormal de voisinage

- Sur l’opposabilité du rapport d’analyse amiable

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes des articles 16 et 132 du code de procédure civile, tout rapport amiable, avis technique, ou rapport d’analyse peut valoir, à titre de preuve, dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le rapport d’analyse 'Kudzu science’ a régulièrement été produit aux débats par M. X et communiqué à M. Y, ce dernier formulant dans ses écritures plusieurs remarques sur les résultats de ce rapport.

Il s’ensuit que les parties ont été à même de débattre contradictoirement du rapport d’analyse établi à la demande de M. X, de sorte que ce rapport est parfaitement opposable à M. Y.

- Sur la preuve du trouble anormal de voisinage

Il résulte des dispositions de l’article 544 du code civil que le droit pour un propriétaire de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

S’agissant d’un régime de responsabilité objectif, spécifique et autonome, le constat d’un dommage en lien certain et direct de cause à effet avec le trouble anormal suffit à entraîner la mise en oeuvre du droit à réparation de la victime du dommage indépendamment de toute faute commise.

En premier lieu, différentes attestations et des constats d’huissier de justice du 28 avril 2015 et du 2 mars 2016 produits aux débats par M. X font état de ce que celui-ci perçoit dans son logement des odeurs de cigarette filtrant à travers les lattes de son plancher, et apparues après que M. Y ait procédé à la réfection de son plafond.

Toutefois M. Y produit au débat un procès-verbal établi par huissier le 11 juillet 2016 aux termes duquel il est constaté, outre l’absence d’odeur de cigarettes dans son logement, que :

— le plafond du séjour est parfaitement jointif avec les murs périphériques, hormis un léger jour au-dessus des canalisations de chauffage central ; les spots électriques encastrés dans le plafond sont jointifs avec celui-ci ; il n’existe pas de jour entre le plafond du séjour et les spots électriques ni d’interstices où la fumée pourrait se faufiler ;

— le plafond de la cuisine est parfaitement jointif avec les murs périphériques hormis au passage de deux canalisations en cuivre ;

— le plafond du couloir desservant les pièces et celui de la salle de bains sont parfaitement jointifs avec les murs en périphérie et dans la salle de bains, les spots électriques encastrés sont parfaitement fixés.

Il n’est donc pas établi que la présence d’odeur de cigarette perçue par lui soit due au passage des fumées à travers le plafond de M. Y.

En second lieu, il ressort du rapport d’analyse amiable, après prélèvement d’air dans l’appartement de M. X, que :

— pour le formaldéhyde, il a été mesuré une concentration dans l’air intérieur de 30,55µg/m3 d’air ; la concentration mesurée pour ce polluant est supérieure à la valeur maximum acceptable mais inférieure à la valeur d’action immédiate ; l’indice de la qualité de l’air pour ce polluant correspond à un indice B ; au titre des sources d’émissions possibles dans l’air intérieur des habitations, il est mentionné que 'le formaldéhyde peut provenir de la fumée de cigarette, de la fumée de cheminée, des produits ménagers, des meubles, des revêtements muraux et de sols, des livres et magazines neufs, des imprimantes, …' ;

— pour l’acétaldéhyde, il a été mesuré une concentration dans l’air intérieur de 10,55µg/m3 d’air ; la concentration mesurée pour ce polluant est inférieure à la valeur maximum acceptable ; au titre des sources d’émissions possibles, il est mentionné que l’acétaldéhyde 'est également présent dans la fumée de cigarette et peut être émis par les photocopieurs et par les panneaux de bois bruts et de particules'.

Il s’en évince :

— d’une part, que les niveaux de polluant relevés dans le logement de M. X sont respectivement de concentration moyenne et acceptable, de sorte qu’il ne caractérise pas suffisamment l’anormalité de ces concentrations de polluants ni par conséquent l’anormalité du trouble de voisinage allégué,

— et d’autre part, que M. X n’établit pas que les polluants présents dans ses parties auraient pour origine les fumées de cigarette provenant du logement de M. Y.

En l’état de ces constatations et énonciations, M. X ne rapporte manifestement pas la preuve d’inconvénients d’une importance telle qu’ils excéderaient les troubles du voisinage normalement supportables et ordinaires dans une copropriété.

Il convient enfin de rappeler qu’une mesure d’expertise n’a pas vocation à pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve, de sorte que la demande d’expertise sollicitée le cas échéant par M. Y aux fins de déterminer les responsabilités éventuellement encourues sera rejetée.

Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef et M. X sera débouté de l’ensemble de ses demandes.

3. Sur les demandes annexes

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens à l’article 700 du code de procédure civile et à condamner M. X aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’équité conduit à condamner M. X à payer à M. Y une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d’appel.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement,

Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action de M. X,

Déboute M. X de l’ensemble de ses demandes,

Déboute M. Y de sa demande d’expertise,

Condamne M. X, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel, à payer à M. Y la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

XXX

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Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 6 juillet 2017, n° 16/03969