Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 12 juillet 2019, n° 17/01440

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. b salle 3, 12 juill. 2019, n° 17/01440
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 17/01440
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Calais, 9 mai 2017, N° 15/00113
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

12 Juillet 2019

19/1288

N° RG 17/01440 – N° Portalis DBVT-V-B7B-QWZ2

PS / SL

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CALAIS

en date du

10 Mai 2017

(RG 15/00113 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le

12/07/19

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. Z A

[…]

[…]

Représentant : Me Jean-pierre CONGOS, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉ :

SAS VENATOR FRANCE anciennement SAS HUNTSMAN P&A FRANCE

[…]

[…]

Représentant : Me Gonzague TALVARD, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 11 Juin 2019

Tenue par B C

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Véronique GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique Y : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

D E : X

B C : X

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2019,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique Y, Président et par Véronique MAGRO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20/07/17, avec effet différé jusqu’au 10/05/19

LE LITIGE

En 1976 M. A a été engagé comme ouvrier par une société aux droits de laquelle se trouve VENATOR FRANCE, anciennement TIOXIDE EUROPE SAS, membre du groupe HUNTSMAN. Suite à un arrêt-maladie ininterrompu ayant commencé en juin 2012 M. A a été soumis à une visite de reprise. Lors de la seconde visite le 12 décembre 2014 le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste ce qui a conduit à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 16 janvier 2015 et au versement d’une somme de 71 700 euros pour solde de tous comptes.

C’est dans ce contexte que courant avril 2015 M. A a saisi le Conseil de Prud’hommes d’une contestation du licenciement et de diverses demandes.

Vu l’appel général régulièrement interjeté par M. A le 23 mai 2017 contre le jugement ci-dessus référencé l’ayant débouté de ses demandes

Vu l’article 455 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de fixation de l’affaire et de clôture différée

Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe le 10/9/2018 par lesquelles M. A prie la Cour d’annuler son licenciement, subsidiairement de le

déclarer dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner la société VENATOR FRANCE au paiement des sommes suivantes:

salaires de janvier 2015 jusqu’à la fin de la procédure : 3000 euros par mois

indemnité compensatrice de préavis : 3000 euros

indemnité de licenciement conventionnelle PSE : 115 000 euros

prime supra légale du PSE : 55 000 euros

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 000 euros

dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 40 000 euros

frais non compris dans les dépens: 50 000 euros (sic)

Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe le 26/10/2018 par lesquelles la société VENATOR FRANCE conclut au rejet des demandes et réclame la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

MOTIFS

M. A soutient que son licenciement est nul au motif qu’il n’aurait pas bénéficié de conseils appropriés pour faire reconnaître à sa maladie et à son inaptitude une origine professionnelle mais il n’établit aucun lien entre ses conditions de travail et sa maladie et il ne justifie pas d’un quelconque manquement de son employeur à son devoir de conseil, lequel ne pourrait en toute hypothèse justifier l’annulation du licenciement. Ce moyen sera donc rejeté.

La salarié soutient ensuite que le médecin du travail n’a pas effectué sérieusement d’étude du poste mais les pièces révèlent que le praticien a procédé sérieusement à une étude des conditions de travail par le biais notamment de contacts avec deux membres de la direction, ce qui a complété utilement les informations fournies par M. A avant de rédiger son second avis particulièrement motivé. Ce moyen ne pourra donc prospérer.

Le moyen pris de la méconnaissance du délai entre les deux examens sera également rejeté dans la mesure où deux semaines, à distinguer d’un délai de quinzaine, se sont effectivement écoulées entre la première visite le 28 novembre 2014 et la seconde le 12 décembre suivant.

Il résulte de ce qui précède que l’inaptitude a été régulièrement prononcée et que le litige est régi par l’article L 1226-2 du code du travail en sa rédaction alors en vigueur prévoyant que lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités; cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Par ailleurs les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans l’entreprise où le salarié exerce ses fonctions mais également dans toutes celles du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

M. A, qui soutient en substance que la société VENATOR FRANCE n’a pas respecté l’obligation de reclassement, en tire comme conséquence que le licenciement doit être annulé ou déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste mais apte à

des postes administratifs et à tout poste excluant le port de charges lourdes, le travail au-dessus des épaules et le travail en force des membres supérieurs. Il ressort du registre du personnel qu’aucun poste disponible conforme aux préconisations du médecin du travail n’existait dans l’entreprise au moment du licenciement.

Il n’est cependant pas contesté que la société VENATOR FRANCE est membre d’un groupe de reclassement dont la holding est la Huntsman Corporation cotée à la Bourse de New York comportant plusieurs milliers de salariés dans de nombreuses implantations en France (notamment à Calais, Saint-Mihiel et Comines) et dans plus de 70 pays. Comme preuve de ses recherches de reclassement la société VENATOR FRANCE se borne à produire deux réponses négatives de sociétés implantées à ST MIHIEL et COMINES FRANCE suite à son questionnaire de recherche de reclassement mais elle ne prouve pas avoir interrogé les autres sociétés du groupe en France. Bien plus, les courriels adressés aux deux sociétés susvisées sont datés du 12 janvier 2015, soit quelques jours à peine avant la notification du licenciement, ce qui ne caractérise pas une recherche sérieuse de reclassement alors qu’étant informé depuis plusieurs semaines de l’inaptitude il revenait à l’employeur de rechercher dans les plus brefs délais une solution de reclassement. Il appert d’autre part que la société VENATOR n’a procédé à aucune recherche de reclassement à l’étranger alors qu’à aucun moment le salarié n’a formellement manifesté son refus d’y être reclassé.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Les demandes financières

M. A ne fait pas plaider que la procédure de licenciement proprement dite, déclenchée par la convocation à l’entretien préalable, serait irrégulière. Les débats révélant que l’employeur a respecté les formes et les délais légaux sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

M. A soutient que le véritable motif de son licenciement était la volonté de l’employeur de mettre en 'uvre un plan massif de réduction d’emplois et d’échapper aux dispositions favorables aux salariés du plan de sauvegarde de l’emploi, ce qui a eu pour conséquence de le priver des avantages procurés à d’autres. Il résulte cependant des débats qu’après plusieurs années de suspension de son contrat de travail pour maladie non professionnelle M. A a été déclaré inapte à son poste par décision définitive du médecin du travail, antérieure de plusieurs semaines à l’annonce du plan de sauvegarde de l’emploi, de sorte que cet avis s’est imposé à l’employeur n’ayant d’autre choix que de reprendre le paiement des salaires, de le reclasser ou de le licencier. Il n’est aucunement démontré que la cause déterminante du licenciement était économique ni que l’employeur ait fait un usage détourné de la procédure d’inaptitude. M. A n’est donc pas fondé de solliciter le paiement des sommes allouées à d’autres salariés dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi, même sous la forme d’une perte (du reste non alléguée), d’une chance d’en bénéficier. Sa demande de paiement de la prime versée dans le cadre du PSE sera rejetée pour les mêmes raisons.

Compte tenu de son ancienneté, de son âge, de ses rémunérations de référence (3000 euros mensuels), de ses difficultés à retrouver un emploi compte tenu de son état de santé, de ses moyens de subsistance suite à la rupture et de l’absence de tout justificatif sur sa situation actuelle il lui sera alloué 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier né de sa perte d’emploi injustifiée. Sa demande tendant à ce que l’indemnisation soit calquée sur les sommes allouées dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi sera rejetée, seul le préjudice réellement et personnellement subi devant être pris en compte. Le licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse il lui sera alloué l’indemnité compensatrice de préavis à concurrence de la somme réclamée n’excédant pas ses droits. Sa demande au titre des salaires jusqu’à la fin de la procédure, n’ayant aucun fondement en l’état d’un contrat définitivement rompu début 2015, sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement

statuant à nouveau et y ajoutant

DIT que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société VENATOR FRANCE à payer à M. A les sommes suivantes:

' indemnité compensatrice de préavis : 3000 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 euros

' frais du procès (article 700 du CPC) : 1000 euros

ORDONNE le remboursement par la société VENATOR FRANCE à Pôle emploi des indemnités de chômage versées suite au licenciement, dans la limite de 4 mois

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes

CONDAMNE la société VENATOR FRANCE aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER

V. MAGRO

LE PRESIDENT

M. Y

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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