Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 7 novembre 2019, n° 18/01471

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 7 nov. 2019, n° 18/01471
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/01471
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Arras, 6 février 2018, N° 15/01788
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 07/11/2019

N° de MINUTE : 19/469

N° RG 18/01471 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RNIN

Jugement (N° 15/01788) rendu le 07 Février 2018 par le tribunal de grande instance d’Arras

APPELANTES

EPIC SNCF Mobilités

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Représentés par Me Robert Y, avocat au barreau de Lille substitué par Me Vincent Domnesque, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SA ACM IARD venant aux droits de sa assurances Crédit Mutuel du Nord Iard

4 rue Frédéric-Guillaume Raiffeisen

[…]

Représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai et Me Elisabeth Fleury-Rebert, avocat au barreau de Strasbourg

DÉBATS à l’audience publique du 11 Septembre 2019 tenue par Claire Bertin magistrate chargée d’instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Château, première présidente de chambre

Claire Bertin, conseillère

Benoît Pety, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2019 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Hélène Château, présidente et Harmony Poyteau, greffière, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 2 juillet 2019

Exposé du litige

Le 10 septembre 2009, Z A a mis fin à ses jours au passage à niveau situé sur la commune de Feuchy (62223).

Arguant d’un préjudice à la suite du suicide de Z B, l’EPIC SNCF a, suivant acte du 9 septembre 2014, fait assigner la société Assurances Crédit Mutuel Nord Iard (ci-après les ACMN) devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Selon ordonnance du 28 mai 2015, le tribunal de grande instance de Strasbourg s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal de grande instance d’Arras, territorialement compétent.

Selon jugement du 7 février 2018, le tribunal de grande instance d’Arras a notamment débouté l’EPIC SNCF Mobilités, anciennement dénommé EPIC SNCF, et l’EPIC SNCF Réseau, intervenant volontaire, de toutes leurs demandes.

Suivant déclaration du 9 mars 2018, l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau ont relevé appel de ce jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes, les a condamnés à payer aux ACMN, aux droits de laquelle vient la société Assurances du Crédit Mutuel Iard (les ACM) la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles, outre les dépens, dont distraction au profit de Maître X, et ce dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 27 février 2019, l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau demandent à la cour d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

• les a déboutés de leurs demandes,

• les a condamnés à payer aux ACMN, aux droits de laquelle vient la société Assurances du Crédit Mutuel Iard (les ACM) la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles,

• les a condamnés aux dépens, dont distraction au profit de Maître X.

Ils demandent ensuite à la cour de statuer à nouveau de ces chefs infirmés au visa des articles 1382 anciens et suivants du code civil, 1240 et suivants du code civil, L. 113-1 du code des assurances, et de :

• dire que les dommages matériels et immatériels subis par eux entrent dans le champ de la garantie des ACM,

• dire qu’il ne peut être reproché aucune faute dolosive à Z A,

• dire que les dommages en cause n’entrent dans le champ d’application d’aucune exclusion de garantie légale ou conventionnelle,

• subsidiairement, dire nulle et ne pouvant recevoir application la clause d’exclusion de garantie stipulant que sont exclus de toute prise en charge les dommages 'intentionnellement causés ou provoqués directement’ par l’assuré, une telle clause ne pouvant être considérée ni comme formelle ni comme limitée et ne permettant pas à l’assuré de connaître exactement l’étendue de sa garantie,

• très subsidiairement dire nulle et ne pouvant recevoir application la clause précitée, soit que celle-ci vide la police d’assurance de toute substance, soit qu’elle viole l’article L. 112-4 du code des assurances,

• débouter par conséquent les ACM de leurs demandes,

• les condamner à payer à l’EPIC SNCF Mobilités la somme en principal de

• 15 671,51 euros et à l’EPIC SNCF Réseau la somme en principal de 446,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2013, date de l’ultime mise en demeure,

• ordonner la capitalisation des intérêts,

• condamner les ACM aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux de première instance au profit de Maître X, et pour ceux d’appel au profit de Maître Y, en ce inclus la contribution au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel,

• condamner les ACM au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre des frais non répétibles exposés par l’EPIC SNCF Mobilités en première instance et en cause d’appel.

L’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau font valoir que l’existence d’un dommage matériel ayant engendré un dommage immatériel est caractérisée. Ils rappellent que le dommage est l’atteinte à l’intérêt patrimonial ou extra patrimonial d’autrui, et que le dommage matériel est encore défini comme le dommage patrimonial. Ainsi, toute détérioration ou dégradation d’une chose est un dommage matériel. Ils arguent que le purgeur du système de freinage a été endommagé, et que cela caractérise un dommage matériel. Ils ajoutent que le freinage d’urgence du train a déclenché une visite de maintenance, ce qui a également provoqué un dommage matériel. Ils estiment aussi que le nettoyage des voies et du matériel est une obligation qui résulte de la survenance d’un dommage matériel ayant pour conséquence une détérioration ou une altération des infrastructures ferroviaires. Ils soutiennent ensuite l’existence d’un dommage immatériel conséquence de ce dommage matériel garanti en raison des surcoûts d’exploitation et des frais supplémentaires, notamment liés aux divers moyens de substitution mis en place à la suite de l’accident. Ils font donc valoir qu’ils doivent être indemnisés conformément à l’article 3.2 des conditions générales de la police souscrite par la défunte, qui prévoit que sont couvertes par la garantie les conséquences financières de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir au cours de la vie privée en raison de dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui et résultant d’un accident.

Ils font ensuite valoir que les exclusions de garantie invoquées par les ACM sont dénuées de toute portée. Ils expliquent que l’exclusion de garantie prévue par l’article 3 des conditions générales, nécessitant d’être interprétée, n’est ni formelle ni limitée, de sorte qu’elle est nulle. Ils ajoutent que les contours de son champ d’application sont flous et que la clause litigieuse ne se réfère à aucune circonstance définie de manière claire et précise, de sorte que son champ d’application est abandonné à l’appréciation du juge.

Ils font encore valoir que la clause d’exclusion de garantie invoquée par les ACM est nulle comme vidant la police de toute substance. Ils expliquent que la clause prive l’assuré de toute garantie en raison de sa portée extrêmement large puisque cela inclut même les dommages causés de manière non intentionnelle.

Ils arguent également que la clause d’exclusion de garantie litigieuse est nulle pour violation des dispositions de l’article L. 112-4 du code des assurances. Ils soulignent qu’elle n’est pas mentionnée en caractère très apparents et qu’elle est prévue en page 74 des conditions générales qui ne sont ni

signées ni paraphées par l’assurée.

Ils estiment aussi les dommages en cause dont ils demandent la réparation n’entrent pas dans le champ d’application de la clause d’exclusion de garantie. Ils expliquent que les dommages qu’ils allèguent n’ont pas été directement provoqués par Z C. Ces dommages ne sont que la conséquence indirecte de son suicide.

Sur la prétendue faute dolosive, ils indiquent qu’elle est invoquée pour la première fois en appel, mais que cet argument devra être écarté. Selon eux, la simple conscience de faire courir un risque est insuffisante pour caractériser une faute dolosive. Elles exposent que si la certitude de provoquer le dommage par une action ou une omission délibérée est la condition suffisante de l’existence de la faute dolosive, c’est surtout une condition nécessaire. Ainsi, s’il n’y a qu’un risque de provoquer le dommage et une absence de certitude, la faute sera tout au plus inexcusable et donc assurable. Ils poursuivent en exposant que la faute dolosive suppose une faute volontaire et la connaissance par l’assuré du caractère inéluctable des conséquences dommageables en résultant, la disparition de toute incertitude quant à la survenance du risque équivalant à la suppression de l’aléa. Ils soutiennent donc que l’assuré qui se suicide ne prend pas consciemment et délibérément le risque de leur causer des dommages et de faire peser sur son assureur de responsabilité la charge d’un tel sinistre.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 avril 2019, les ACM demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1315 et 1964 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et des articles L. 112-6, L. 113-1 et L.112-4 du code des assurances, de :

• débouter l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau de leurs demandes,

• dire qu’elles sont fondées à opposer l’absence de toute garantie au vu :

' de l’absence de dommages matériels avérés subis par l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau,

' de l’absence de prise en charge, aux termes de la police, de dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel avéré,

' de la faute dolosive commise par Z A en ce que celle-ci a supprimé l’aléa inhérent au contrat d’assurance,

' de l’exclusion, en application de l’article 3 des conditions générales de la police, de toute prise en charge de dommages directement provoqués par l’assuré,

en conséquence,

• débouter l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau de l’ensemble de leurs demandes,

• confirmer le jugement dont appel en tout son dispositif,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par impossible la Cour serait conduite à faire droit en tout ou partie aux prétentions des appelants,

• dire qu’elles sont fondées à opposer la franchise contractuelle de 75 euros prévue par la police d’assurance souscrite par Z A,

en tout état de cause,

• condamner solidairement, subsidiairement in solidum, les appelants à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des frais non répétibles, outre les entiers dépens.

Les ACM exposent au soutien de leurs prétentions que l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau n’établissement pas avoir subi un préjudice matériel au sens de la police d’assurance. Elles expliquent que les dommages matériels garantis sont ceux consistant en la destruction ou la détérioration d’un bien, et que les dommages immatériels garantis sont ceux qui, consistant en frais et pertes pécuniaires de toute nature, sont la conséquence directe de dommages matériels garantis. Elles détaillent que les appelants ne sont pas en mesure de justifier d’un dommage matériel effectif par la production de photographies, ou d’un rapport de diagnostic ou d’exploitation. Elles précisent que cela résulte encore des propres pièces des appelants, notamment la pièce 1/5 qui indique que si la circulation a été impactée à la suite du suicide de leur assurée, aucun matériel roulant n’a été endommagé. Elles ajoutent que leurs réclamations portent essentiellement sur des retards de train ou des transports de substitution, et qu’il n’existe aucune atteinte réelle et objective aux voies ferrées. Elles soutiennent encore que la présence de restes humains sur la voie n’est pas un dommage matériel au sens de la police, et qu’un nettoyage des voies n’implique pas l’existence d’une détérioration.

Elles font ensuite valoir que les réclamations des appelants sont exclues de toutes garanties.

Les ACM opposent en premier lieu une exclusion légale de garantie aux EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Elles expliquent que Z A a commis une faute dolosive, laquelle est une cause autonome d’exclusion de garantie. Elles expliquent que la faute dolosive ne suppose pas nécessairement la preuve de l’intention de causer un dommage déterminé, mais la conscience de prendre un risque délibéré ayant objectivement rendu le dommage inéluctable. Elles en concluent que la faute dolosive ne s’attache pas à l’élément subjectif de son auteur de 'créer le dommage tel qu’il est survenu', nécessaire à la caractérisation de la faute intentionnelle. Selon elles, il suffit qu’il existe un élément objectif, à savoir la commission volontaire d’un acte ayant fait perdre tout caractère aléatoire à la survenance du dommage. Elles soutiennent donc que l’acte de Z A est une faute supprimant tout aléa à la police d’assurance souscrite. Elles ajoutent encore que l’incertitude quant à la survenance du dommage a disparu par suite de l’acte de son assurée.

Elles opposent en second lieu une exclusion contractuelle de garantie aux appelants. Elles soutiennent qu’ils doivent être déboutés de leurs demandes au regard de la clause d’exclusion de garantie insérée à l’article 3 des conditions générales. Elles soulignent le caractère formel et limité de cette clause d’exclusion de garantie qui visent les dommages intentionnellement causés et ceux directement provoqués par l’assuré. Elles soutiennent que cette clause s’inspire des dispositions des prévisions de l’article L. 113-1, alinéa 2 du code des assurances, de sorte que la clause d’exclusion de garantie ne pose aucun problème d’interprétation, celle-ci étant du fait de sa rédaction parfaitement explicite, formelle et limitée. Elle ne comporte, selon elles, aucune ambiguïté.

S’agissant du caractère prétendument non apparent de la clause d’exclusion de garantie, elles soulignent que cette clause figure en caractère gras en page 11 de conditions générales au sein de l’article 3 intitulé 'Exclusions générales', lui-même inséré au chapitre 'Objet et étendue de votre contrat'. Enfin, elles font valoir que Z A, en signant les conditions particulières, a reconnu avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2019.

Motifs

A titre liminaire, la cour observe que l’intervention volontaire de l’EPIC SNCF Réseau à la procédure de première instance n’est pas critiquée.

Les ACM, pour refuser de prendre en charge les conséquences du suicide de Z A, opposent aux EPIC SNCF Mobilités et SNCF Réseau trois moyens :

• une absence de couverture par la garantie souscrite par Z A, faute de

• démontrer l’existence d’un dommage matériel, une exclusion légale de garantie, à savoir la commission par Z A d’une faute dolosive au sens de l’article L. 113-2, alinéa 2 du code des assurances,

• une exclusion contractuelle de garantie.

Il s’ensuit qu’il convient d’examiner en premier lieu le moyen de défense tiré de l’exclusion légale de garantie, puis, en second lieu, celui tiré de l’exclusion contractuelle de garantie, et enfin, en dernier lieu, le moyen de défense tiré de l’absence de couverture contractuelle, étant précisé que les ACM ne contestent pas que Z A était couverte par une police d’assurance 'Essentiel Habitat’ n° JM 6540877, laquelle inclut une garantie 'Responsabilité civile chef de famille’ comprenant la garantie 'dommages matériels et immatériels consécutifs'.

Sur l’exclusion légale de garantie opposée par les ACM, à savoir la faute dolosive de Z A, si l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau relèvent qu’elle est invoquée pour la première fois en cause d’appel, la cour observe qu’ils se bornent à affirmer que ce nouveau moyen devra 'être purement et simplement écarté'.

En application de l’article L. 113-1, alinéa 2 du code des assurances, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

Constitue une faute dolosive le comportement de l’assuré qui a pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque.

En l’espèce, les dommages dont l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau réclament réparation ont été provoqués par le suicide de Z A qui a pris la décision de mettre à fin à ses jours en se jetant sur les voies de chemin de fer au lieu du passage à niveau situé sur la commune de Feuchy.

Il s’ensuit que le choix délibéré de Z A d’attenter en ses jours en se faisant heurter par un train au passage à niveau situé sur la commune de Feuchy a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage pour l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque par la police n° JM 6540877 souscrite par Z A auprès des ACM.

Si l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau doivent être déboutés de leurs demandes à l’encontre des ACM en raison de la faute dolosive commise Z A, cause d’exclusion légale de la garantie des ACM, il convient de préciser les points suivants.

Sur l’exclusion contractuelle de garantie, en application de l’alinéa 1er de l’article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Il en résulte que les parties au contrat d’assurance sont libres de convenir du champ d’application du contrat et de déterminer la nature et l’étendue de la garantie, ainsi que, ne s’agissant pas d’une assurance obligatoire, d’exclure certains risques.

Les ACM produisent au débat les conditions particulières de la police d’assurance 'Essentiel Habitat’ n° JM 6540877 souscrite par Z A.

La page 8/8 de ces conditions particulières indique que le souscripteur reconnaît 'avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales modèle 41.07.20-04/2009', étant précisé qu’en dessous de cette mention, apparaît la signature du souscripteur, Z A, ce dont il résulte que cette dernière a accepté les conditions générales.

Est versé devant la cour un modèle de ces conditions générales, lesquelles stipulent en page 11 un article 3 'Exclusions générales', précision faite que cette mention est écrite dans une police plus grande que celle utilisée sur le reste de la page et en gras, de sorte qu’elle est écrite en caractères très apparents.

Est ensuite précisé de manière espacée et très apparente le contenu de cet article 3 :

'Indépendamment des exclusions particulières prévues au titre de chaque garantie reprise aux articles 17 à 32 ci-après, nous ne prenons jamais en charge les dommages ci-dessous. (en caractère gras très apparent)

* Sauf application de l’article L.121-2 du Code, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement, ou avec votre complicité, par (en caractère gras très apparent à compter de : 'les dommages') :

— vous, (…) (en caractère gras très apparent).'

L’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau ne peuvent dès lors sérieusement soutenir que cette clause contractuelle d’exclusion de garantie est nulle pour violation des dispositions de l’article L. 112-4 du code des assurances.

Ensuite, l’absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n’exclut pas la bonne compréhension d’une volonté de l’assureur d’exclure les dommages résultant d’un fait volontaire de l’assuré, qu’ils aient été voulus par leur auteur qui les a ainsi causés intentionnellement, ou qu’ils en soient la conséquence involontaire pour leur auteur; qui les a ainsi provoqués directement.

C’est en conséquence dans des termes clairs, précis et non équivoques d’une clause formelle et limitée, que sont contractuellement exclus de la garantie de l’assureur, dont l’étendue a été librement arrêtée par les parties dans le respect des dispositions légales, le dommage causé intentionnellement par l’assuré impliquant sa volonté de le commettre tel qu’il est survenu et le dommage provoqué directement par l’assuré n’impliquant pas sa volonté de le créer tel qu’il est advenu.

L’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau ne peuvent donc utilement soutenir que la clause d’exclusion contractuelle de garantie est nulle faute d’être formelle et limitée.

Ils ne peuvent pas non plus soutenir que cette clause viderait le contrat d’assurance de toute substance, alors même que cette clause ne tend qu’à exclure les dommages résultant d’un fait volontaire de l’assuré, lequel supprime nécessairement l’aléa attaché à la couverture du risque par l’assureur, ce dont il résulte que n’excluant pas pratiquement toutes les garanties prévues au contrat, elle ne prive pas de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur.

En l’espèce, les dommages allégués par l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau ont été provoqués directement par le suicide de Z A qui a mis fin à ses jours en se faisant volontairement heurter par un train au passage à niveau situé sur la commune de Feuchy.

Mme si Z A n’a pas voulu les conséquences dommageables de son acte à l’égard de l’EPIC SNCF Mobilités et de l’EPIC SNCF Réseau, les dommages allégués par ces derniers, ainsi provoqués directement par le fait volontaire de Z A, sont expressément exclus de la garantie de l’assureur, de sorte que l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC Réseau doivent être déboutés de leurs demandes à l’encontre des ACM.

En l’état de ces énonciations et constatations, et sans qu’il soit besoin d’étudier le moyen excipé par les ACM quant à l’absence de dommage matériel au sens de la police d’assurance, l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau seront déboutés de leurs demandes.

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais non répétibles de premières instance, le sens du présent arrêt commande de confirmer le jugement dont appel de ces chefs.

Sur les dépens et les frais non répétibles en cause d’appel, l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau, qui succombent en leur appel, doivent être condamnés in solidum aux dépens de celui-ci, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Y, en ce inclus la contribution au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel, et à payer, en considération de l’équité, la somme de 3 000 euros aux ACM au titre des frais non répétibles d’appel.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2018 par le tribunal de grande instance d’Arras,

Y AJOUTANT,

Condamne in solidum l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau aux dépens d’appel, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Y, en ce inclus la contribution au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel,

Condamne in solidum l’EPIC SNCF Mobilités et l’EPIC SNCF Réseau à payer à la société Assurances du Crédit Mutuel Iard la somme de 3 000 euros au titre des frais non répétibles d’appel.

La Greffière La Présidente

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