Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 29 mai 2020, n° 18/00150

  • Harcèlement moral·
  • Employeur·
  • Salarié·
  • Avertissement·
  • Sanction·
  • Client·
  • Travail·
  • Agence·
  • Fait·
  • Propos

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 2, 29 mai 2020, n° 18/00150
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/00150
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne, 14 décembre 2017, N° 16/00105
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

29 Mai 2020

513/20

N° RG 18/00150 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RIYZ

CPW/AL

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE S/MER

en date du

15 Décembre 2017

(RG 16/00105 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le

29 Mai 2020

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. O X

[…]

[…]

Représenté par Me Fabienne ROY-NANSION, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE :

S.A.S. PRO IMPEC

1 Rue J Vollant – Parc d’Activité de la Cessoie BP 70133

[…]

Représentée par Me François ROCHET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 12 Mars 2020

Tenue par AD AE-AF

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Charlotte GERNEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

P Q

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

R S

: CONSEILLER

AD AE-AF : CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 30 Avril 2020 au 29 Mai 2020 en raison de l’état d’urgence sanitaire

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mai 2020,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par P Q, Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 27 Février 2020

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er août 2009, M. X a été embauché par la société Pro Impec en qualité de chargé de clientèle, classification MP2 filière exploitation.

Un premier avertissement lui a été notifié le 27 mars 2012 par courrier rédigé en ces termes : "Vous travaillez pour le compte de notre agence Côte d’Opale en tant que chargé de clientèle. A plusieurs reprises, lors des réunions d’exploitation, Madame T Y, votre responsable d’agence, aborde en particulier 3 points concernant la qualité de votre travail a savoir :

- Il y a de plus en plus de réclamations de la part des clients pour des problèmes de qualité sur les sites, effectivement, ces cinq derniers mois vous avez fait seulement 28 contrôles (3 en Novembre 2011, 4 en Décembre 2011, 15 en Février 2012) ce qui entraîne des résiliations de contrat.

- Les agents appellent régulièrement a l’agence pour des soucis de contrat de travail non fait, ou des produits non livrés. Ils se plaignent que leurs appels restent sans réponse.

- Depuis plusieurs mois nous faisons des avoirs pour des vitreries non effectuées, Madame Y vous a demandé un suivi plus strict de l’équipe et à ce jour il n’y a pas de résultat.

Tous ces manques ont été signalés verbalement ou notifiés par nos clients. De ce fait votre comportement est extrêmement préjudiciable pour l’activité que vous suivez et, met en péril nos relations commerciales.

Par conséquent, nous sommes au regret de vous notifier ce premier avertissement et souhaitons vivement que ce dernier vous fera prendre conscience d’améliorer la qualité de vos relations avec nos clients et les agents sous votre responsabilité, faute de quoi nous nous verrons dans l’obligation de prendre des mesures plus fermes".

Le 12 novembre 2014, un deuxième avertissement a été notifié à M. X par courrier ainsi libellé: "En date du 27 Mars 2012 vous avez été sanctionné par un premier avertissement suite à plusieurs dysfonctionnements relevés dans vos missions de chargé de clientèle et nous vous demandions de vous ressaisir. Cependant, nous sommes forcés de constater à nouveau les mêmes manquements dans vos missions à savoir :

- Suite à la réunion du 06 Octobre 2014 pour un bilan annuel avec notre client SNEF dont vous assurez le suivi celui-ci nous a relaté son mécontentement sur notre prestation notamment sur le non-respect des plannings et aussi sur votre manque de suivi. Pourtant votre responsable d’agence, T Y, vous avait demandé et ce à plusieurs reprises lors de vos réunions d’exploitation de vous assurer qu’il n’y W plus aucun dysfonctionnement sur ce contrat cadre sensible. Malheureusement elle ne peut que constater que le planning est toujours décalé et surtout que les contrôles contractuels ne sont pas respectés ce qui est inadmissible.

- Non-respect du planning vitrerie. En effet, certaines vitreries ne sont pas planifiées par exemple: banques non faites en Juillet 2014, le nettoyage des vitreries trimestrielles n’est pas effectué. De ce fait nos clients nous demandent d’établir des avoirs pour défaut de prestations ce qui engendre un préjudice financier pour l’entreprise. Nous vous rappelons que vous êtes le seul garant de l’activité de vos agents et du respect des plannings.

- Non-respect de la signature des contrats de travail ou avenants. Pourtant Madame Y vous avait demandé en Juin 2014 de régulariser au plus vite cette situation afin d 'éviter les conflits sociaux avec nos salariés. Aussi les contrats doivent être signés au démarrage de la prestation et non comme c’est le cas aujourd’hui plusieurs semaines plus tard

Votre comportement est préjudiciable au bon fonctionnement du service dans lequel vous exercez vos fonctions, donne une mauvaise image de votre société auprès de nos clients et cause un préjudice financier non négligeable a notre entreprise.

Par conséquent, nous avons le regret de vous notifier ce deuxième avertissement. Nous vous demandons de bien vouloir ci l’avenir vous assurer de la bonne et complète exécution des missions dont vous avez la responsabilité et faire preuve de plus de rigueur, faute de quoi nous serions contraints de prendre des mesures plus fermes a votre égard".

Le 23 Septembre 2015, un troisième avertissement était notifié à M. X, faisant état des manquements suivants :

«  (…) le mercredi 2 Septembre 2015, Monsieur Z (responsable de la société JP Z) a appelé Madame T Y, votre responsable d’agence pour des dysfonctionnements récurrents sur son site qu’il a ensuite confirmé par mail puis par courrier RAR a savoir : "nous vous signalons que nous ne pouvons tolérer une nouvelle fois le genre de dysfonctionnement qui est déjà arrivé deux fois durant les mois de Juillet et d’Août à savoir : Les agents n’ont aucun produit à leur disposition et ne peuvent donc pas travailler. Ce jour, ils ont du appeler un de vos commerciaux qui leur a ramené les produits en retard, faute de quoi, ils ne pouvaient pas effectuer leurs taches. Cela a eu pour effet un retard dans leur prise de fonction et un nettoyage bâclé. Il y a deux semaines, le même genre de mésaventure est arrivée et le commercial leur a amené des fonds de bidons de produits. Depuis quinze jours, aucun réapprovisionnement n’a eu lieu d’où la rupture de ce jour. Il y a un mois, il n’avait plus de compresseur pour le canon à mousse. D’autre part, nous ne souhaitons plus ni voir, ni entendre Monsieur X. Il ne vient pas sur les lieux. Malgré les demandes des agents, il ne fournit aucun produit et on a franchement l’impression qu’il en a rien à foutre.

Faute d’amélioration dans les 15 jours, nous nous verrons dans l’obligation de rompre nos relations contractuelles." Nous avons été très surpris des propos tenus à votre égard par notre client et sommes d’autant plus surpris de cette situation de manque de produit sur ce site puisque l’agence COTE D 'OPALE avait reçu des demandes par téléphone de vos agents et aussi un appel du client le 31 Août 2015 qui est donc resté sans suite ce qui est inacceptable.

De part votre négligence, notre client menace de résilier notre contrat commercial.

Madame Y vous a alors transmis le mail de Monsieur Z afin de vous faire réagir face à ses demandes et aux propos qu 'il a tenu envers vous !!!!!!

A priori vous n’avez pas pris la mesure de ce mail d’avertissement de la part de notre client puisque le 7 Septembre 2015 Monsieur Z a appelé a 11 heures 45 l’agence COTE D’OPALE pour les informer que la salariée remplaçante était présente sur le site mais qu 'elle ne savait pas ce qu 'elle devait faire.

Madame Y étant a l’agence, elle s’est donc rendue immédiatement sur place pour s’occuper de la mise en route de la remplaçante. Cette dernière lui a dit que c’était la salariée titulaire du site qui l’avait appelée vendredi après-midi pour faire son remplacement des le lundi et qu 'elle lui a montré les sites a remplacer ce qui est inadmissible.

Lorsque Madame Y vous a fait part de cette situation le jour-même, vous lui avez rétorqué que vous aviez dit a cette remplaçante qu’elle devait vous appeler si elle avait un problème, propos d’autant plus inacceptable.

Nous vous rappelons qu’il est de votre mission de remplacer vos agents absents et de s’assurer de la mise en place sur les sites surtout lorsque vous avez connaissance des congés un mois à l’avance.

Cependant, JP Z n 'est pas un cas isolé puisque lorsque nous avons eu la résiliation du client MARINE SA, Madame Y s’est rendue chez le client en Juillet 2015 durant vos congés pour en connaître la raison. Le client lui a relaté les mêmes faits : mail envoyé à votre attention en début d’année sans réponse, manque de suivi des agents.

Malgré nos deux avertissements de réguliers rappels verbaux lors des réunions d exploitations, Madame Y ne voit aucune amélioration et aucun changement dans votre attitude ainsi que les missions qui vous incombent. Nous ne pouvons accepter plus longtemps votre attitude récidivante et persistante qui donne une très mauvaise image de notre société auprès de nos clients et met en péril nos bonnes relations commerciales.

Par conséquent, nous avons le regret de vous notifier ce troisième avertissement et vous demandons une dernière fois de vous assurer de la bonne et complète exécution des missions dont vous avez la responsabilité et de faire preuve de plus de rigueur faute de quoi nous serions contraints de prendre une mesure ferme et définitive a votre égard".

M. X a été placé en arrêt de travail à compter du 10 octobre 2015, avec une première période prolongation jusqu’au 22 novembre.

Le 17 novembre 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction

disciplinaire, prévu le 25 novembre 2015. Par courrier en date du 23 novembre suivant, le salarié a informé son employeur qu’il ne pourrait être présent à l’entretien en raison d’une prolongation de son arrêt de travail jusqu’au 20 décembre suivant.

Le 7 décembre 2015, une mise à pied de trois jours lui a été notifiée, ainsi rédigée :

« Nous vous avons convoqué a un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement le 25 Novembre 2015 a 11 heures 30 en vue de recueillir vos explications sur plusieurs agissements qui altèrent gravement le bon fonctionnement de notre agence Côte d’Opale. En effet, nous vous rappelons préalablement qu’en date du 21 Septembre 2015 vous avez eu une entrevue avec moi-même lors de laquelle je vous ai remis en mains propres votre troisième avertissement pour des manquements répétitifs dans vos fonctions de chargé de clientèle. Or nous sommes au regret de constater qu’une fois encore vous continuez de ne pas respecter les consignes de travail dans la réalisation de votre mission, en effet:

- Le 9 Octobre 2015 nous recevons la résiliation du client SOGECO. Madame T Y, votre responsable d 'agence, s’étonne de l’arrêt de ce contrat puisque le 11 Septembre dernier vous lui annonciez avoir fait un geste commercial pour le nettoyage de sa moquette et ce sans même l’accord au préalable de votre hiérarchie.

Malgré cela et après le passage de notre commercial, Monsieur U V, chez le client, pour tenter de récupérer le marché, la responsable lui a dit qu’elle avait demandé a plusieurs reprises un changement de jour de prestation et que cette demande était toujours restée sans réponse de votre part.

- Le 14 Octobre 2015 le client JP Z, qui avait déjà envoyé un courrier de mécontentement en Septembre 2015 et pour lequel vous aviez reçu un troisième avertissement nous envoie un courrier de résiliation parce qu 'il ne constate aucune amélioration sur son site. De même, il indique également une grossière erreur de livraison de produits provenant de notre société (des bidons d’eau ayant été livrés en lieu et place de produits agro-alimentaire) Or, une de vos missions en qualité de chargé de clientèle est de livrer aux agents les produits sur les différents sites que vous avez en gestion. Si vous en étiez empêché et que de fait des agents aient dû s’approvisionner par eux-mêmes, il convenait des lors que vous en assuriez le bon départ des produits ou que vous en contrôliez la réception, et ce, plus particulièrement du fait du caractère dit « sensible » de ce site.

- Le 19 Octobre, la société DEHEE-B a contacté téléphoniquement l’agence pour réclamer la livraison des produits du mois d’Août 2015 (une commande effectuée en août étant disponible en septembre). Une fois de plus, votre responsable d’agence a immédiatement procédé à la livraison et vérifié par la même occasion que l’agent en place connaissait la procédure de commande de produits. Non seulement l’agent était au fait de cette procédure, mais le client en a apporté la preuve par l’accusé réception du fax envoyé en date du 10 Août 2015 et qui comportait la commande en question. Le fait étant que malgré cette commande qui vous a été adressée et les relances de l’agent en place, vous n’avez jamais effectué la livraison de cette commande.

Compte tenu de la situation, le 17 Novembre 2015 nous vous avons alors convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour le mercredi 25 Novembre 2015 a 11 heures 30, entretien auquel vous ne vous êtes pas présenté mais excusé. En effet, vous nous avez envoyé deux jours avant votre entretien une lettre notifiant votre absence à ce rendez-vous en nous indiquant que vous étiez en arrêt de maladie depuis le 10 Octobre 2015 et en nous informant pour la première fois que vous rencontrez des difficultés relationnelles avec Madame Y.

Nous sommes extrêmement surpris par votre propos d’autant qu’à aucun moment lors de notre entrevue du 21 Septembre dernier vous n’avez évoqué cette collaboration conflictuelle avec votre supérieure hiérarchique. Ni même auprès de vos collègues de travail.

Nous voulions également vous rappeler que ce rendez-vous était fixé durant vos heures de sortie, il vous était tout à fait possible de vous y rendre et de vous faire assister par un salarié de l’entreprise (comme précisé dans le courrier de convocation). Vous pouviez même solliciter ma présence. Quoiqu’il en soit nous ne pouvons pas tolérer de tels agissements qui, de surcroît, sont répétitifs et par conséquent nous sommes au regret de vous notifier une sanction disciplinaire à savoir une mise a pied de trois jours. Votre arrêt de travail courant jusqu’au 20 Décembre 2015 inclus, nous vous informons que votre mise a pied débutera le 21 Décembre 2015 et prendra fin le 23 Décembre 2015. Nous souhaitons vivement que vous preniez conscience de la nécessité de changer votre comportement faute de quoi nous serions dans l’obligation de prendre une mesure ferme et définitive"

Par courrier recommandé du 21 décembre 2015, l’employeur a retardé l’application de la sanction de mise a pied pour tenir compte d’une nouvelle prolongation de l’arrêt de travail jusqu’au 18 Janvier 2016 transmise par le salarié, et informé ce dernier qu’il aurait connaissance en temps utiles de nouvelles dates pour la mise a pied disciplinaire dont il était l’objet.

Le 3 mai 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne sur mer afin de formuler une demande indemnitaire au titre d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité du fait d’un harcèlement moral subi, et obtenir l’annulation de la sanction disciplinaire prononcée le 7 décembre 2015.

Par jugement du 15 décembre 2017, la juridiction prud’homale l’a débouté de toutes ses demandes, a débouté la société Pro Impec de sa demande au titre des frais irrépétibles, et a laissé les dépens à la charge respective des parties.

Le 11 janvier 2018, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières écritures notifiées par RPVA le 9 avril 2018, dans lesquelles il demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

— annuler la sanction disciplinaire prononcée à son encontre le 7 décembre 2015,

— dire qu’il a fait l’objet d’un harcèlement de la part de Mme T Y et en conséquence:

* ordonner à la société Pro Impec de faire cesser les agissements constitutifs de ce harcèlement sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir,

* condamner la société à lui payer la somme de 22.355 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral découlant de la violation de l’obligation de sécurité et de l’obligation de formation,

— condamner l’employeur à lui payer 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens.

Vu les dernières écritures notifiées par RPVA le 28 mai 2018, dans lesquelles la société Pro Impec demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. X de ses demandes, et de le condamner à lui payer 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample

exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité et à l’obligation de formation:

M. X soutient, sans précision sur la période concernée, avoir fait l’objet d’un harcèlement moral sur la durée de la part de la responsable de l’agence qui l’employait, Mme Y. Il souligne que ses conditions de travail se sont dégradées du fait de l’ambiance délétère créée par cette dernière, dont le traitement de défaveur à son égard, les reproches humiliants sur la qualité de son travail, notamment face à ses collègues, et le comportement ont eu pour conséquence de le plonger dans un état dépressif. Il reproche à l’employeur de n’avoir pris aucune mesure alors qu’il était informé des difficultés rencontrées avec Mme Y du fait de ses plaintes, ce qui l’a ainsi confortée dans ses positions. Il estime que ces faits caractérisent, outre un harcèlement moral, un manquement de la société à son obligation de sécurité le plongeant dans un état psychologique très fragilisé. Il ajoute n’avoir bénéficié d’aucune formation et que l’employeur ne peut donc lui reprocher de commettre des fautes dans son travail. M. X estime avoir ainsi subi un préjudice moral important.

La société Pro Impec répond que M. X n’apporte aucun élément probant laissant présumer l’existence d’agissements constitutifs de harcèlement moral. Elle conteste tous les faits invoqués par le salarié et souligne que le conseil de prud’hommes, qui avait avant dire droit réouvert les débats en ordonnant une comparution personnelle du salarié, de Mme Y, et de sept témoins, a exactement décidé à la suite des auditions des présents (deux témoins ne s’étant pas présentés) que M. X avait communiqué des témoignages de complaisance. La société estime que le salarié interprète de manière erronée des propos de sa responsable, et confond harcèlement moral et exercice normal de sa fonction. Elle considère qu’il ne rapporte en tout état de cause pas la preuve d’un caractère répétitif et récurrent d’éventuels agissements pouvant être considérés comme du harcèlement, et se plaint d’un soit disant harcèlement sans jamais avoir cru utile d’en informer ni les délégués du personnel, ni le CHSCT de l’entreprise, ni même contesté les précédents avertissements, ce qui est pour le moins symptomatique et curieux.

Selon l’article L.1l52-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral, les méthodes de gestion mises en 'uvre par l’employeur ou un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant ainsi pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l’article L.1154-1 dispose que le salarié doit établir la matérialité de faits permettant de présumer l’existence du harcèlement moral, à charge ensuite pour l’employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement et s’expliquent par des éléments objectifs.

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un tel harcèlement. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que

ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

Il résulte enfin des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.4121-2 du même code que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l’espèce, M. X reproche à l’employeur un harcèlement moral résultant des agissements répétés suivants :

1 – des propos agressifs, irrespectueux, humiliants, tenus à son égard par sa supérieure hiérarchique Mme Y,

2 – un management abusif de cette dernière.

Il ajoute que ces agissements répétés ont eu pour conséquence d’altérer son état de santé.

1 – Pour prouver la réalité de propos agressifs, irrespectueux, humiliants tenus à son égard par Mme Y, M. X produit l’audition de M. D devant le conseil de prud’hommes. Cet ancien collaborateur de M. X, témoigne que si les relations avec Mme Y étaient cordiales, elles se sont néanmoins dégradées, et qu’il est arrivé qu’elle fasse à M. X 'des remarques du genre 'tu es mauvais.'.' La répétition de la tenue de ces propos ressort du pluriel ainsi employé et la tenue de ces propos dégradants devant d’autres salariés résulte de l’existence même de ce témoignage, ce qui caractérise l’irrespect et l’humiliation allégués.

M. X, qui par ailleurs n’évoque pas de faits précis, se contente d’ajouter des attestations comportant exclusivement des considérations d’ordre général sur le harcèlement moral allégué, ou rapportant ses propos. De plus, il résulte des auditions de ces autres témoins par le conseil de prud’hommes, qu’ils n’ont pas confirmé devant les premiers juges la réalité de propos humiliants, irrespectueux ou agressif tenus par Mme Y à l’égard de M. X durant la relation de travail.

2 – S’agissant du harcèlement lié au management, M. X reproche à Mme Y :

A / une utilisation abusive son pouvoir de direction

A ce titre, il évoque sans plus de détails, l’absence de versement d’une prime sans dire laquelle, l’absence de décompte du jour de congé pendant lequel il était venu travailler pour subvenir aux besoins de l’entreprise, la suppression de primes sans préciser lesquelles, la suppression de son téléphone fixe brutalement, la multiplication de reproches sur l’accompagnement de ses enfants à l’école le jour de la rentrée scolaire, ses absences pour maladie, le choix de ses RTT, la prise de trois semaines de congés ou d’un rendez-vous médical 'etc…'.

Il ne donne aucune précision, notamment de dates, permettant une réponse utile de l’employeur, et n’étaye pas ces allégations.

Les attestations qu’il produit, soit comportent exclusivement des considérations d’ordre général sur l’existence d’un harcèlement moral (pour seul exemple M. W AA), soit émanent de personnes de son entourage qui n’ont pas été témoins directs de faits et se contentent de rapporter ses propos sur sa situation au travail (pour seul exemple Mme E née F, amie de l’intéressé), la plupart des attestations émanant au demeurant directement de membres de sa famille proche (sa mère Mme AB X, sa tante Mme G, ses cousins, M. G et M. F) et sont privées de force probante compte tenu de leur proximité affective n’excluant pas un positionnement partial.

S’agissant de Mme H, qui témoigne en qualité de salariée, il convient d’observer qu’elle est non seulement la belle-soeur de M. X et présente donc une proximité avec ce dernier, mais qu’elle avait en outre été embauchée par ce dernier en 2012. Son attestation ne présente ainsi aucune garantie d’impartialité. Il s’y ajoute qu’elle n’était restée dans l’entreprise que pendant une courte période de 4 mois en contrat à durée déterminée, et son témoignage n’est ainsi au demeurant pas pertinent. Les attestations justifiant d’une prise en charge de ses enfants ou de leur conduite, sont par ailleurs inopérantes. De plus, il ressort des auditions par le conseil de prud’hommes, que les témoins ayant attesté qui ont ensuite été entendus, n’ont pas confirmé les dires de M. X devant les premiers juges.

Aucun fait précis n’est ainsi matériellement établi.

B / un traitement de défaveur, avec privation de moyens, absence de prise en considération de ses demandes de matériel, avec de nombreux reproches injustifiés, Mme Y ne lui apportant aucune aide face aux difficultés rencontrées, outre des pressions permanentes de sa part, alors que d’autres salariés ont également été victimes de son comportement.

M. X n’étaye pas ses allégations concernant une privation volontaire de moyens. En revanche, il produit à l’appui de ses autres allégations :

— l’attestation de Mme I, ancienne collègue de travail qui a démissionné en mars 2017, qui témoigne notamment avoir été victime, comme M. X, du comportement de Mme Y qui pouvait se mettre en colère alternativement contre lui ou contre elle;

— l’audition de Mme J devant le conseil de prud’hommes, qui travaille pour la société Pro Impec depuis décembre 2014, et dont il ressort notamment qu’elle estime avoir été malmenée par Mme Y, qui l’a notamment 'envoyée ballader' lorsqu’elle a voulu réclamer des heures non payées, lui indiquant 'je n’ai pas que ça à faire (…)', ajoutant qu’il existait un désaccord entre Mme Y et M. X sur un chantier et que Mme Y lui a indiqué que 'normalement M. X ne pouvait pas [lui] donner [ce] chantier, que la personne en arrêt maladie n’avait qu’à démissionner (…)' , ajoutant : 'elle était très désagréable, donc je n’y allais plus, je ne téléphonais plus, j’étais à bout.' ;

— l’attestation de Mme K, laveuse de vitre, qui embauchée le 30 mai 2015 a démissionné de son emploi le 28 février 2017, qui a donc travaillé avec M. X entre mai 2015 et son arrêt en octobre 2015, et qui témoigne notamment que Mme Y pouvait reprocher à ce dernier les pannes machines, le personnel en arrêt, que lorsque M. X demandait des matériaux et du personnel Mme Y ne voulait rien entendre, qu’elle criait au lieu de dialoguer. Elle ajoute que Mme Y AC les planning sans concertation avec M. X qui 'devait se débrouiller seul et trouver des solutions par lui-même.'

Ces attestations démontrent l’existence d’un comportement inadapté de Mme Y tant vis à vis de M. X que vis à vis d’autres salariés, et corroborent les allégations de l’appelant, l’attestation de Mme K confirmant encore plus précisément d’une part que les échanges entre ce dernier et sa supérieure étaient tendus entre mai et octobre 2015, d’autre part la réalité des pressions alléguées par l’appelant, et enfin l’absence de prise en compte des demandes du salarié par Mme Y.

S’agissant des conséquences des agissements dénoncés sur sa santé, M. X s’appuie sur les éléments suivants:

— des avis d’arrêt de travail et de prolongation à compter du 9 octobre 2015 jusqu’au 3 avril 2016, l’employeur ne contestant cependant pas que le salarié n’a toujours pas repris son poste de travail,

— un courrier du médecin du travail du 15 avril 2016 adressé à deux confrères (dont le médecin traitant de l’intéressé), dans lequel il indique très explicitement : avoir vu sur leurs conseils'M.

X chargé de clientèle chez Pro Impec qui présente un syndrome anxio-dépressif en rapport avec un épuisement professionnel. Il est suivi hebdomadairement par Mme L, psychologue et tous les deux mois par le docteur M, psychiatre. N, il n’est pas capable de reprendre son travail et malheureusement, il n’y a pas de reclassement professionnel possible. (…)',

— un certificat de Mme L, psychologue clinicienne, du 30 septembre 2016 dans lequel elle atteste que M. X est suivi régulièrement en consultation au centre médico-psychologique (CMP) depuis le 21 octobre 2015 suite à un épuisement professionnel ; un deuxième certificat du 17 mars 2017 dans lequel elle certifie que le salarié est toujours suivi, et un troisième certificat daté du 16 février 2018 dans lequel elle confirme que M. X est toujours suivi régulièrement en consultation au CMP suite à un épuisement professionnel.

— un certificat du 30 septembre 2016 du docteur M, psychiatre, qui précise avoir vu M. X en consultation le 24 novembre 2015, le 15 décembre 2015, le 4 mars 2016 et le 30 septembre 2016, 'qui présente un état dépressif typique avec tristesse de l’humeur, repli sur soi, perte d’élan, apparu secondairement à des difficultés relationnelles au travail. Son état nécessite la mise en place d’un traitement antidépresseur et la poursuite des rendez-vous au CMP.' ; un deuxième certificat médical du 14 mars 2017 de ce praticien dans lequel il indique que M. X 'est N suivi pour un épisode dépressif sévère en lien avec des difficultés professionnelles.' ; un troisième certificat du praticien du 17 mai 2017 dans lequel il confirme que le salarié 'est toujours suivi en raison d’un épisode dépressif majeur, sévère, en lien avec des difficultés au travail. Il nécessite la poursuite du traitement médicamenteux et le suivi en consultation régulière au CMP.' ; un quatrième certificat du praticien du 16 février 2018 confirmant les précédents, ajoutant qu’ 'N il persiste des éléments dépressifs avec troubles du sommeil, perte d’élan vital, incapacité à se projeter vers l’avenir. Le suivi psychiatrique doit être poursuivi.',

— un certificat établi le 22 février 2018 par le médecin traitant de M. X, dans lequel elle précise avoir reçu M. X en consultation à plusieurs reprises depuis l’année 2013 'pour un épuisement psychologique d’origine professionnelle, occasionnant de l’anxiété, une dévalorisation de soi, des insomnies et de nombreuses manifestations psychosomatiques (consultation régulière pour des gastrites de stress, douleurs rachidiennes). Il bénéficie depuis 2015 d’un suivi psychologique régulier auprès d’un psychiatre. Malgré cela, il existe toujours une perte d’élan vital, des angoisses quotidiennes et des difficultés à se projeter dans l’avenir.'

De l’ensemble des éléments retenus, il ressort que M. X établit matériellement des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral entre mai et octobre 2015, le seul certificat du médecin traitant étant insuffisant pour retenir une période antérieure à mai 2015, et le salarié ne rapportant pas le moindre élément portant sur la période postérieure à octobre 2015.

Il appartient dès lors à l’employeur de prouver que les éléments matériellement établis étaient justifiés par des éléments objectifs.

Or, il affirme que le comportement de Mme Y était normal, et que M. X 'confond harcèlement moral et exercice normal de sa fonction' ou encore 'pouvoir disciplinaire et harcèlement'. Cette seule affirmation de l’employeur est évidemment insuffisante à combattre les éléments établis par le salarié, alors que la société Pro Impec produit uniquement pour en justifier une attestation de la personne directement visée par les accusations de M. X, Mme Y, qui ne présente aucune garantie d’impartialité et ne sera donc pas retenue.

L’employeur évoque également l’audition de M. D, salarié de la société Pro Impec, par le conseil de prud’hommes, en soulignant qu’il fait état d’une mauvaise organisation de travail de M. X et de relations cordiales avec Mme Y. Toutefois, d’une part la mauvaise qualité du travail du salarié n’est pas de nature à justifier un comportement autoritaire et rabaissant du supérieur hiérarchique, et d’autre part l’employeur prend là en compte le témoignage de façon partielle, en omettant de préciser que M. D a certes parlé de relations cordiales avec Mme Y, mais en ajoutant immédiatement comme cela a été précédemment relevé, que les relations se sont dégradées et qu’il est arrivé qu’elle ' lui fasse des remarques du genre 'tu es mauvais'.'

La société souligne ensuite que Mme Y n’était présente que deux jours par semaine dans l’agence de M. X, argument qui est inopérant.

De même, l’absence de plainte de M. X aux délégués du personnel ou au CHSCT de l’entreprise, n’est pas un argument pertinent.

L’employeur soutient également que la CPAM a notifié le 17 novembre 2016 une décision de refus de prise en charge de sa maladie au titre de la maladie professionnelle, ce qui est tout aussi inopérant dès lors qu’il résulte clairement de cette lettre que le refus tient uniquement au fait que cette maladie ne figure dans aucun tableau de maladie professionnelle.

Il produit par ailleurs les avis d’aptitude de M. X entre mai 2008 et le 18 février 2015, qui sont cependant tous antérieurs à la période retenue au titre du harcèlement.

Pour le reste, la société Pro Impec ne produit pas d’éléments probants, et se borne à contester tout fait de harcèlement, sans pour autant démontrer que les agissements à l’égard de M. X seraient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Il apparaît au contraire que la société ne justifie pas avoir mis en oeuvre les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et notamment celles permettant d’adapter le travail à l’homme en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail.

En conséquence, l’employeur échoue à démontrer que les éléments établis par M. X sur la période de mai à octobre 2015 sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Les méthodes de gestion mises en place au sein de la société Pro Impec, autoritaires et vexatoires ont ainsi conduit à une dégradation des conditions de travail du salarié, causant une souffrance au travail qui a entraîné un syndrome anxio-dépressif en rapport avec un épuisement professionnel. Le harcèlement moral est établi.

Il ressort du dossier et des débats que M. X a alerté pour la première fois son employeur sur son stress au travail et le comportement de Mme Y dans son courrier du 23 novembre 2015, alors qu’il était déjà en arrêt de travail, son arrêt ayant ensuite été prolongé et le salarié n’ayant pas à ce jour repris son poste de travail.

Il est établi que Mme Y a été mutée dans la région sud à compter du 1er septembre 2016, l’employeur ne justifiant pas avoir pris la moindre mesure avant cela, ni même avoir diligenté une enquête à la suite du courrier d’alerte du salarié.

L’absence de réponse adaptée immédiate ou même rapide de l’employeur à l’alerte de M. X concernant le comportement harcelant de sa responsable hiérarchique, alors qu’il ne justifie pas non plus de mesures de prévention, caractérise un manquement à son obligation de sécurité.

L’appelant invoque également, au soutien de sa demande indemnitaire, un défaut de formation. Toutefois, à supposer le manquement établi, il ne justifie pas d’un préjudice en étant directement résulté.

Par conséquent, la situation retenue justifie de condamner la société Pro Impec à payer à M. X la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice subi par le salarié au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Des agissements constitutifs de harcèlement étant établis jusqu’en octobre 2015 en l’absence de tout élément postérieur, et Mme Y, qui est désignée par le salarié comme seul auteur de ce harcèlement, ayant en tout état de cause été mutée dans une région lointaine à compter de septembre 2016, donc dès avant le jugement déféré, il y a lieu de rejeter la demande de M. X de faire cesser les agissements constitutifs de harcèlement sous astreinte, qui n’est aucunement fondée.

Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 7 décembre 2015 :

M. X demande l’annulation de la mise à pied disciplinaire retardée à l’issue de son arrêt maladie en soutenant en substance, d’une part que l’employeur ne pouvait en différer l’exécution du fait de la prolongation de son arrêt de travail et avait épuisé son pouvoir disciplinaire, d’autre part que certains faits reprochés sont prescrits sauf deux, et qu’enfin les faits restants sont infondés.

La société Pro Impec réplique en substance que les faits reprochés, en partie reconnus par le salarié, sont démontrés, que les griefs sont établis et que la décision d’exclusion temporaire différée constitue non une seconde sanction mais seulement l’exécution de la mise à pied décidée. Elle souligne que l’intéressé n’avait, jusqu’a cette procédure, jamais remis en cause la sanction prononcée a son encontre.

— Quant à l’épuisement du pouvoir disciplinaire :

Selon le principe «non bis in idem», une même faute ne peut faire l’objet de deux sanctions successives. Le prononcé de la première sanction épuise le pouvoir disciplinaire de l’employeur, et le fait que la première sanction disciplinaire prononcée n’W pas été suivie d’effet n’autorise pas à appliquer une nouvelle sanction aux mêmes faits.

En l’espèce, une mise à pied prévue du 21 au 23 décembre 2015 a été notifiée à M. X le 7 décembre 2015, mais par courrier du 21 décembre suivant, invoquant la prolongation de l’arrêt de travail du salarié, l’employeur lui a notifié le report de la sanction en lui précisant qu’il serait informé en temps utile des nouvelles dates de l’exclusion temporaire dont il était l’objet.

Dans un premier temps, le salarié évoque dans les motifs de ses conclusions, l’absence de validité de la seconde sanction du fait de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Or, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisi la cour, le salarié ne demande pas l’annulation de cette seconde sanction notifiée pour les mêmes faits fautifs, mais uniquement l’annulation de la sanction notifiée le 7 décembre 2015.

Le moyen est inopérant pour cette seule sanction notifiée le 7 décembre 2015, puisqu’à supposer même que la cour annule la seconde sanction notifiée le 21 décembre 2015 (dès lors que la circonstance qu’un salarié soit en arrêt de travail pour maladie le jour où doit commencer une mise à pied disciplinaire décidée antérieurement par l’employeur ne peut permettre à ce dernier d’en différer l’exécution, sauf fraude du salarié qui en l’espèce n’est pas démontrée ni même alléguée), il demeure que cette annulation n’entraîne pas automatiquement l’annulation de la première sanction notifiée le 7 décembre.

Dans un second temps, M. X observe à juste titre que les faits reprochés du 2 septembre 2015 concernant la société JP Z ont déjà été sanctionnés par l’avertissement du 21 septembre 2015. Néanmoins, dans l’avertissement notifié le 7 décembre 2015, l’employeur reproche au salarié la résiliation du contrat le liant à la société JP Z du fait de la persistance de son comportement fautif après septembre 2015, ce qui ne caractérise pas la double sanction alléguée.

Le moyen sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire sera donc rejeté.

— Quant à la prescription:

C’est le jour où l’employeur a connaissance du fait fautif qui marque le point de départ du délai de prescription de deux mois.

En l’espèce, l’employeur a convoqué M. X à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 17 novembre 2015, et dans l’avertissement notifié le 7 décembre suivant, il est reproché au salarié :

1 – une mauvaise exécution de ses fonctions dans le cadre de la relation avec le client SOGECO ayant conduit le client à résilier son contrat le 9 octobre 2015.

S’agissant spécifiquement du nettoyage de la moquette sans accord préalable du client, l’employeur reconnaît lui-même dans ses conclusions que la supérieure hiérarchique de M. X, Mme Y, en avait eu connaissance dès le 11 septembre 2015. Ce fait isolé très antérieur à la résiliation, dont il n’est pas établi qu’il aurait un lien avec celle-ci, est prescrit. Pour le reste, il est établi que le 9 octobre 2015, le client SOGECO a résilié son contrat et qu’avant cette date, l’employeur n’avait pas connaissance de la défaillance reprochée à M. X ayant motivé cette résiliation et qui constitue le manquement reproché dans l’avertissement. Aucune prescription ne saurait donc être retenue à ce titre.

2 – une mauvaise exécution persistante de ses fonctions dans le cadre de la relation avec le client JP Z ayant conduit le client à résilier son contrat le 14 octobre 2015.

Il est établi que le 14 octobre 2015, le client JP Z a résilié son contrat du fait de la persistance des défaillances de M. X, qui constitue le manquement reproché dans l’avertissement. L’employeur n’ayant eu connaissance de la persistance des défaillances de son salarié qu’à cette date, du fait de la résiliation, aucune prescription ne saurait donc être retenue.

3 – une mauvaise exécution de ses fonctions dans le cadre de la relation avec le client DEHEE-B ayant conduit le client à résilier son contrat le 19 octobre 2015.

Il est établi que le 19 octobre 2015, le client DEHEE-B a résilié son contrat et qu’avant cette date, l’employeur n’avait pas connaissance de la défaillance reprochée à M. X ayant motivé la rupture des relations contractuelles et qui constitue le manquement reproché au salarié dans l’avertissement. Aucune prescription ne saurait donc être retenue à ce titre.

— Sur le bien fondé de la sanction :

S’agissant des faits restants, malgré les contestations de M. X, l’employeur se contente de produire à l’appui de ses affirmations :

— une attestation de M. D, qui comporte exclusivement des considérations d’ordre général sur le comportement de M. X, n’est pas précise et circonstanciée sur la mauvaise organisation du salarié évoquée, et qui partant, n’est pas suffisante à corroborer les allégations de l’employeur portant sur des manquements déterminés de ce dernier ;

— une attestation de Mme Y qui, au vu des développements qui précèdent, ne peut être prise en considération dès lors qu’elle ne présente aucune garantie d’impartialité. Il s’ajoute aux développements précédents que l’attestation a été écrite le 14 septembre 2016, alors que la supérieure hiérarchique de M. X avait connaissance des accusations de harcèlement moral formulées à son encontre par celui-ci, portant notamment sur ses méthodes managériales;

— une demande de procédure établie le 6 novembre 2015 par Mme Y, qui est dépourvue de valeur

probante dès lors que ce document, qui pour être valablement transmis devait recevoir une double validation par le chargé de clientèle et le responsable d’agence, n’est pas même signé par son rédacteur. L’employeur ne prouve au demeurant pas que ce document, dont le caractère définitif n’est ainsi pas établi en l’absence de signature, est celui ayant motivé la sanction.

Par conséquent, l’avertissement n’est pas justifié et sera, par voie d’infirmation, annulé.

Sur les autres demandes :

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Pro Impec succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. X les frais qu’il a dû exposer, et qui ne sont pas compris dans les dépens, et il convient donc de lui allouer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l’avertissement notifié à M. X le 7 décembre 2015 ;

Constate que M. X a été victime d’un harcèlement moral ;

Condamne la société Pro Impec à verser à M. X la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral découlant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;

Déboute M. X du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Pro Impec de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société Pro Impec à verser à M. X 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Pro Impec aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. COCKENPOT V. Q

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 29 mai 2020, n° 18/00150