Cour d'appel de Douai, Référés, 23 mars 2020, n° 20/00028

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, réf., 23 mars 2020, n° 20/00028
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 20/00028
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

C O U R D ' A P P E L D E D O U A I

RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 23 MARS 2020

N° de Minute : 14/20

N° RG 20/00028

DEMANDEUR :

Monsieur Z X

demeurant […]

[…]

représenté par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de Douai

DÉFENDEURS :

SARL DECHERF

dont le siège est situé […]

[…]

non comparante ni représentée

SAS PHILAGRO FRANCE

dont le siège est situé […]

[…]

[…]

représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de Douai

SCA UNEAL

dont le siège est situé […]

[…]

représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de Douai et Me DELEVACQUE, avocat au barreau de

PRÉSIDENT : Bertrand E, conseiller, désigné par ordonnance du 23 décembre 2019 pour

remplacer le Premier Président empêché.

GREFFIER : Christian C

DÉBATS : à l’audience publique du 24 février 2020

Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt trois mars deux mille vingt, date indiquée à l’issue des débats, par Bertrand E, Président, ayant signé la minute avec Christian C, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

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EXPOSE DU LITIGE

1-1) Monsieur Z X est un exploitant agricole à Marcoing (59).

1-2) Le 29 février 2016, il a signé avec la société AGROMEX un contrat annuel de livraison de pommes de terre portant sur la variété REGINA.

Les plants lui ont été livrés par la société EUROPLANT le 5 avril 2016 pour un poids de 22.420 kilos.

Le 6 avril 2016, une partie de ces plants (20.200 kilos) a été traitée par la SARL DECHERF, prestataire de services pour la société coopérative UNEAL, avec un produit dénommé OSCAR WG, commercialisé par la société PHILAGRO FRANCE.

Ce produit étant un fongicide destiné à bloquer la croissance des champignons présents sur le tubercule mère et à limiter leur transmission aux tubercules fils.

1-3) Le 3 mai 2016, monsieur X a traité une autre partie de ces plants (2.220 kilos) avec un autre fongicide savoir du MONCEREN en poudre.

2-1) monsieur Z X a constaté que les plants traités avec le produit OSCAR WG ne se sont pas développés correctement, contrairement aux plants traités avec le produit MONCEREN.

2-2) IL a alors fait assigner la société PHILAGRO FRANCE, les sociétés AGROMEX, EUROPLANT, DECHERF et UNEAL devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Cambrai afin qu’il soit ordonné une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 6 décembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Cambrai a ordonné une expertise et a commis monsieur A B, expert, pour y procéder.

2-3) L’expert a rendu son rapport le 23 juin 2017 et a conclu que la cause ayant déclenché le sinistre serait 'l’absence de séchage adéquat du plant de pommes de terre après traitement ; (…) Deux phénomènes sont venus aggraver cette cause déclenchante; il s’agit des caractéristiques propres à la variété REGINA et des désastreuses conditions météorologiques du printemps 2016; ce sinistre a donc été causé par des actes inadaptés de monsieur X quand il fallait sécher dynamiquement son plant REGINA après traitement'. (sic)

2-4) Monsieur X a alors saisi le tribunal de grande instance de Cambrai aux fins

notamment de voir déclarer nul le rapport d’expertise, contestant tout à la fois l’impartialité de l’expert judiciaire, sa méthodologie de travail et ses conclusions techniques.

2-4) Par jugement en date du 5 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Cambrai a :

— débouté monsieur Z X de toutes ses demandes,

— débouté la société UNEAL et la SARL DECHERF de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné monsieur Z X au paiement de la somme de 25 000 € à la société PHILAGRO FRANCE, de la somme de 3 000 € à la SARL DECHERF et de la somme de 3 000 € à la société UNEAL au titre des frais irrépétibles,

— condamné monsieur Z X aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, avec faculté de recouvrement direct au profit de maître Y,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— ordonné l’exécution provisoire.

3-1) Par déclaration en date du 26 décembre 2019, monsieur Z X a interjeté appel de la décision de première instance.

3-2) Par actes en date des 19 et 20 février 2020, monsieur Z X a fait assigner devant le premier président de la cour d’appel de Douai, la SCA UNEAL, la SAS PHILAGRO FRANCE et la SARL DECHERF afin d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement en date du 5 décembre 2019.

3-3) Monsieur X expose qu’il a été condamné au paiement d’une somme de 31 000 € au total et au titre des frais irrépétibles et que le paiement de cette somme entraînerait des conséquences manifestement excessives pour la pérennité de son exploitation.

Monsieur Z X justifie de cette demande par une attestation du cabinet COGEP, expert comptable, qui précise que les comptes de la trésorerie de monsieur Z X au 31 décembre 2019 et de l’ensemble des dettes à moins d’un an ne permettent pas le paiement de cette somme sans compromettre la bonne marche de l’exploitation.

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3-4) Lors de l’audience du 24 février 2020 monsieur Z X s’oppose à la demande de radiation présentée par la SAS PHILAGRO FRANCE sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile.

Monsieur Z X expose que le premier président n’est pas compétent pour statuer sur cette demande dés lors que l’appel a été enrôlé devant le Bureau d’Ordre Civil de la cour d’appel de Douai en procédure ordinaire et qu’il ressort de cet état de fait qu’un conseiller de la mise en état est, de jure, nommé en procédure.

A titre subsidiaire monsieur Z X considère que les conditions posées par l’article 526 du code de procédure civile ne sont pas réunies en l’espèce, l’exécution provisoire lui occasionnant des conséquences manifestement excessives et qu’en tout état de cause il se trouve dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

4-1) Suivant conclusions signifiées par RPVA le 23 février 2020, la société PHILAGRO FRANCE sollicite:

— le débouté de l’ensemble des demandes de monsieur X,

— la radiation du rôle de l’affaire enrôlée en appel sous le numéro RG 19/06824,

— la condamnation de monsieur X au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

4-2) La société PHILAGRO FRANCE fait valoir que monsieur X ne justifie aucunement de l’existence de conséquences manifestement excessives dès lors qu’il ne produit qu’une attestation comptable afin de caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives, ce qu’elle considère comme insuffisant.

La SAS PHILAGRO FRANCE précise notamment qu’aucune indication n’est donnée sur le chiffre d’affaire et le résultat de l’exploitation ainsi que sur la nature, l’étendue et la valeur du patrimoine de monsieur Z X.

La SAS PHILAGRO FRANCE rappelle qu’en sa qualité d’exploitant de pommes de terre, le chiffre d’affaire de monsieur Z X est essentiellement réalisé dans le 1er trimestre de l’année suivante lors de l’encaissement de la revente de la récolte. Elle estime donc que l’évaluation de la trésorerie au 31 décembre est une donnée non topique.

4-3) La SAS PHILAGRO FRANCE estime enfin qu’à défaut de preuve de l’existence de conséquences manifestement excessives et face au non-paiement des sommes assorties de l’exécution provisoire, elle est fondée à solliciter la radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile.

A ce titre la SAS PHILAGRO FRANCE considère que le premier président est compétent pour ordonner la radiation de la procédure d’appel dés lors que l’appel n’a pas encore été affecté à une chambre de la cour d’appel de Douai et qu’un conseiller de la mise en état n’est pas encore désigné.

4-4) Répondant au moyen invoqué à l’audience par le conseiller en charge du contentieux de l’exécution provisoire, la SAS PHILAGRO FRANCE indique que, monsieur Z X n’ayant pas sollicité à titre subsidiaire l’aménagement de l’exécution provisoire, le premier président ne peut limiter l’arrêt de l’exécution provisoire sans statuer au-delà des demandes des parties.

5) la SCA UNEAL s’en rapporte à justice sur les demandes de monsieur Z X.

La société DECHERF n’est pas représentée.

La cause a été appelée et plaidée à l’audience du 24 février 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

Il résulte des dispositions de l’article 524 al 1er du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 que lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi

2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

Il est constant que le premier président agissant sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile n’a pas le pouvoir d’apprécier la régularité ou le bien fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets.

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L’appréciation réalisée par le premier président sur les conséquences manifestement excessives que risque d’entraîner l’exécution provisoire d’un jugement, relève de son pouvoir souverain.

«le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire ordonnée» pouvant s’apprécier soit en fonction des facultés pécuniaires du débiteur de l’exécution provisoire, soit au regard des facultés de remboursement du créancier de l’exécution provisoire, soit en fonction du caractère irréversible de l’exécution provisoire mais non en considération de la régularité ou du bien-fondé du jugement frappé d’appel.

La charge de la preuve des conséquences manifestement excessives qu’impliquerait l’exécution provisoire, tant en ce qui concerne le débiteur qu’en ce qui concerne le créancier de cette exécution provisoire appartient à la partie qui en sollicite la suspension.

Le risque entraîné par les 'conséquences manifestement excessives’ doit être avéré et ne doit pas résulter d’une allégation hypothétique.

En l’espèce monsieur Z X ne produit pas aux débats ses derniers bilans et comptes de résultats. Il ne produit pas plus l’état de son patrimoine professionnel ou personnel.

Dés lors il n’est manifestement pas possible de déterminer si l’exécution des condamnations assorties de l’exécution provisoire serait de nature à entraîner pour son exploitation des conséquences manifestement excessives au sens de l’article 524 pré cité.

L’attestation du cabinet comptable indiquant une trésorerie insuffisante au 31 décembre 2019 est également insuffisante pour déterminer les capacités de remboursement de monsieur Z X puisqu’il n’est pas justifié, comme le soutient la SAS PHILAGRO FRANCE, qu’au 31 décembre 2019 (date de l’attestation) monsieur Z X ait effectivement encaissé le produit de la vente de sa dernière récolte.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que monsieur Z X ne rapporte pas la preuve dont il a la charge et ne démontre pas l’existence de conséquences manifestement excessives susceptibles de justifier l’arrêt total ou partiel de l’exécution provisoire.

2) Sur la demande de radiation de l’appel

a) Compétence du premier président

La compétence que tire le premier président de l’article 526 du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 pour ordonner la radiation de l’appel en cas de défaut d’exécution d’une décision assortie de l’exécution provisoire, cesse au moment où un conseiller de la mise en état est désigné, lequel devient alors seul compétent pour ce faire.

Il ressort de l’article 907 du code de procédure civile que, sauf si la procédure relève des dispositions de l’article 905 du même code, le conseiller de la mise en état est nécessairement un magistrat de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.

Il s’en suit que lorsqu’une procédure n’a pas encore été distribuée à une chambre spécifique de la cour d’appel, ce qui est le cas d’une procédure soumise au 'bureau d’ordre civil’ de la cour d’appel de Douai, cette procédure n’est soumise qu’à la juridiction du chef de cour.

En l’espèce l’appel interjeté par monsieur Z X à l’encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance de Cambrai en date du 05 décembre 2019 a été enrôlé sous le numéro RG 19/06824.

A ce jour la procédure, qui ne relève pas des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, n’est pas distribuée à une chambre de la cour d’appel de Douai et se trouve gérée par le 'bureau d’ordre civil’ de cette cour.

En conséquence, en l’absence de désignation d’un conseiller de la mise en état, l’appel n° 19/06824 reste soumis à la juridiction du chef de cour pour l’ensemble des actes juridictionnels ordinaires et, par application de l’article 526 du code de procédure civile, le premier président demeure compétent pour statuer sur une demande de radiation de l’appel pour défaut d’exécution de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire.

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b) Sur le bien fondé de la demande de radiation de l’appel

L’article 526 al 1er du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 dispose que :

Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

En l’espèce, si la seule attestation du comptable de monsieur Z X est insuffisante pour caractériser les 'conséquences manifestement excessives’ au sens de l’article 524 du code de procédure civile, elle justifie, par l’affirmation de la faiblesse de trésorerie de l’exploitation au 31 décembre 2019 ainsi que par l’existence de dettes à moins d’un an, que l’appelant se trouve actuellement dans 'l’impossibilité d’exécuter la décision’ au sens de l’article 526 précité et ce notamment au regard du caractère exceptionnellement élevé de la condamnation infligée à monsieur Z X sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la demande de radiation de l’appel sollicitée par la SAS PHILAGRO FRANCE sera rejetée.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il résulte des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que la partie qui succombe à l’instance est tenue, sauf considération d’équité, aux dépens et à payer les frais irrépétibles de procédure.

En l’espèce monsieur Z X qui se voit débouté de sa demande principale et qui succombe à l’instance sera tenu aux dépens et à payer à la SAS PHILAGRO FRANCE la somme de 900 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision réputée contradictoire par mise à disposition de la décision au greffe de la juridiction

Déboute monsieur Z X de l’ensemble de ses demandes.

Dit n’y avoir lieu à suspension de l’exécution provisoire ordonnée par la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Cambrai en date du 05 décembre 2019.

Se déclare compétent pour statuer sur la demande de radiation de l’appel.

Rejette la demande de radiation de l’appel interjeté par monsieur Z X à l’encontre de la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Cambrai en date du 05 décembre 2019 et enrôlé à la cour d’appel de Douai sous le numéro de RG : 19/06824

Condamne monsieur Z X aux dépens.

Condamne monsieur Z X à payer à la SAS PHILAGRO FRANCE la somme de 900 € (neuf cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

C. C B. E

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