Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 2, 22 octobre 2021, n° 19/00618

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. a salle 2, 22 oct. 2021, n° 19/00618
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/00618
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Hazebrouck, 4 mars 2019, N° 18/00045
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

22 Octobre 2021

2463/21

N° RG 19/00618 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SGUQ

BF/NB

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de HAZEBROUCK

en date du

05 Mars 2019

(RG 18/00045 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le

22 Octobre 2021

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. Y X

[…]

62120 AIRE-SUR-LA-LYS

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. DIRECT VERANDA

[…]

[…]

représentée par Me Martin DANEL, avocat au barreau de DUNKERQUE

DÉBATS : à l’audience publique du 31 Août 2021

Tenue par A B

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

C D : CONSEILLER

A B : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par C D, Conseiller et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 août 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur Y X a été engagé par la société Direct Production, devenue la société Direct Véranda, pour une durée indéterminée à compter du 3 septembre 2002, en qualité de contremaître d’atelier, avec le statut d’ETAM.

La relation de travail était régie par la convention collective des entreprises du bâtiment.

Monsieur X a été placé en arrêt maladie à compter du 7 juin 2016 suite à une tendinopathie du coude droit.

Par courrier du 3 décembre 2016, Monsieur X a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement. Il a fait l’objet, dans le même temps, d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 20 décembre 2016, la société Direct Véranda a notifié à Monsieur Y X son licenciement pour faute grave, invoquant l’usage à des fins personnelles de bons cadeaux délivrés à l’entreprise par un fournisseur.

Le 8 mars 2017, Monsieur Y X a saisi le conseil de prud’hommes d’Hazebrouck et formé des demandes afférentes à un licenciement nul.

A titre reconventionnel, la société Direct Véranda a sollicité le remboursement d’un trop perçu d’indemnités journalières.

Par jugement du 5 mars 2019, le conseil de prud’hommes d’Hazebrouck a débouté les deux parties de l’ensemble de leurs demandes et a condamné Monsieur X aux dépens.

Monsieur Y X a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 mars 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2020, Monsieur Y X demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et sa confirmation en ce qu’il a débouté la société Direct Véranda de sa demande reconventionnelle au titre du trop perçu.

Il demande à la cour de dire que son licenciement était nul et, en conséquence, de condamner la société Direct Véranda à lui payer les sommes suivantes :

— indemnité compensatrice de préavis : 6 727,90 euros;

— indemnité de congés payés afférente : 672,79 euros;

— indemnité conventionnelle de licenciement : 12 118,63 euros ;

— dommages et intérêts pour licenciement nul: 47 095,30 euros ;

— indemnité pour frais de procédure : 2 000,00 euros.

A titre subsidiaire, Monsieur X demande à la cour de limiter le remboursement du trop perçu à la somme de 2 548,10 euros.

Au soutien de ses demandes, Monsieur Y X invoque la prescription des faits retenus comme fautifs. Il fait observer que les faits reprochés auraient été commis à compter du 22 décembre 2013. Il rappelle qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la date à laquelle il prétend avoir pris connaissance des faits. Il estime que les mails produits par l’employeur démontrent que celui-ci a eu connaissance des faits avant la date alléguée du 14 novembre 2016.

Il réfute tout vol de biens appartenant à l’employeur et conteste le caractère fautif des faits reprochés. Il s’appuie sur un contrat d’adhésion daté du 18 avril 2013 indiquant que le bénéficiaire des points cadeaux délivrés par l’entreprise Berner est une personne physique collaborateur salarié d’un client de ce fournisseur. Il souligne que cet avantage n’était nullement octroyé à son employeur. Il soutient que son employeur était régulièrement informé du fonctionnement de ce système de points cadeaux. Il se défend d’avoir apposé lui-même le cachet de l’entreprise sur ce bulletin d’adhésion. Il précise que tous les points utilisés ont été acquis alors qu’il travaillait encore.

Il estime que l’employeur n’a pas accepté la reconnaissance de sa maladie professionnelle, que celui-ci a, dès lors, recherché un fait fautif pour le licencier.

Si l’existence d’une faute était retenue, il note que sa gravité devrait être appréciée au regard de son ancienneté, de son comportement antérieur, de l’absence de volonté de nuire, de sorte que seule une cause réelle et sérieuse serait susceptible d’être caractérisée.

Il rappelle qu’il était en arrêt maladie au moment de son licenciement, que son contrat de travail, qui était alors suspendu, ne pouvait être rompu que pour faute grave. Il fait valoir qu’en application de l’article L.1226-13 du code du travail, toute rupture du contrat de travail en méconnaissance de cette

disposition est nulle.

Concernant la demande reconventionnelle et incidente, Monsieur X relève que l’employeur ne démontre pas que les sommes exigées par Pro-Btp lui ont été versées. Il indique avoir répondu à une demande de régularisation qui lui a été directement adressée par cet organisme. Il relève que dans un courrier du 3 avril 2017, la société Direct Véranda a reconnu avoir perçu la somme de 1 717 euros alors que le salarié avait directement perçu celle de 2548,10 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 juin 2020, la société Direct Véranda, qui a formé appel incident, demande la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes et son infirmation en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle.

Elle demande à la cour de condamner Monsieur X à lui rembourser la somme de 4265,10 euros au titre de trop perçu d’indemnités journalières, et à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle explique que Monsieur X était le seul salarié à passer des commandes auprès de la société Brener. Elle soutient que celui-ci a utilisé le cachet de l’entreprise à l’insu de son employeur, en abusant de la confiance de ce dernier. Elle relève l’absence de signature du représentant légal sur le bulletin d’adhésion produit par le demandeur. Elle allègue que l’employeur a été tenu dans l’ignorance de ce système de points cadeaux et indique que les faits ont été découverts à l’occasion du remplacement du salarié placé en arrêt maladie. Elle précise avoir été invitée en octobre 2016 à utiliser les points cadeaux, avoir alors sollicité de plus amples informations et avoir finalement été informée, le 14 novembre 2016, des manoeuvres de Monsieur X. Elle fait observer que les coordonnées renseignées sur le site de l’entreprise Brener étaient celles, personnelles, du salarié. Elle relève que le salarié a manifestement utilisé des points cadeaux qui ont été acquis alors qu’il était en arrêt maladie. Elle apparente ces agissements à du vol ou à un abus de confiance.

Concernant sa demande reconventionnelle, elle indique que l’organisme Pro-Btp a versé des indemnités journalières à Monsieur X, à tort, pour un montant de 4 265,10 euros. Elle précise se retourner contre le salarié après avoir remboursé cet organisme. Elle ajoute que les sommes indûment octroyées par les organismes sociaux ont été reversées par l’employeur au salarié.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 août 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement pour faute grave

L’article L.1226-9 du code du travail dispose qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

L’article L.1226-13 précise que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l’article L.1226-9 est nulle.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 20 décembre 2016, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« (') vous travaillez au sein de la société en qualité de chef d’atelier en contrat à durée indéterminée depuis le 3 septembre 2002.

Parmi vos fonctions, vous êtes chargé des approvisionnements des quincailleries d’outillage électro-portatif.

Vous êtes en arrêt de travail depuis le 07/06/2016. Durant votre absence, l’un de vos collègues gère l’approvisionnement de quincailleries et d’outillage électro-portatif, notamment auprès de notre fournisseur BERNER.

Lors de sa présentation fin octobre 2016, la nouvelle représentante BERNER nous a rappelé d’utiliser nos 'points cadeaux’ sur le site www.allianceprobyberner.fr avant le 31/12/2016.

N’ayant aucune information à ce sujet, nous avons, le 14 novembre 2016, contacté le fournisseur.

Ce dernier nous a expliqué que le compte est crédité en points en fonction du volume d’achat réalisé par la société ; ces points permettant d’obtenir des articles dont la valeur est loin d’être négligeable.

Il nous a également transmis les codes d’accès à ce compte.

Nous avons alors constaté que :

- vous avez ouvert ce compte en 2013 à votre nom, avec vos coordonnées personnelles (coordonnées téléphoniques, adresse mail, adresse de livraison) ;

- vous commandez régulièrement des cadeaux depuis 2013 à savoir :

• un lot de poêles en céramique le 22.12.2013,

• une cafetière Senseo Twist le 22.12.2013,

• un GPS EUROPE le 22.12.2013,

• un coffret surprise gourmande le 13.02.2014,

• un lot de 3 casseroles INGENIO le 19.12.2014,

• une sauteuse INGENIO le 19.12.2014,

• un lot de 2 poêles INGENIO le 19.12.2014,

• un téléviseur LED 102cm le 5.02.2015,

• une boîte alimentaire 650 ml le 6.12.2015,

• un téléviseur LED 56 cm le 06.12.2015,

• un lave-vaisselle le 6.12.2015 ;

Mais pire encore, alors que vous êtes en arrêt de travail, vous continuez à faire usage et à tirer profit de ce compte lié aux achats de notre entreprise. Ainsi, depuis votre arrêt de travail, vous avez commandé un sèche-linge le 01/07/2016, un aspirateur souffleur broyeur le 01/09/2016, un four micro-ondes le 07/11/2016.

Il s’agit bien d’actes volontaires que vous ne sauriez relier à une négligence. Ces indélicatesses régulières, ces détournements d’objets de l’entreprise à vos fins exclusives relèvent de vols réguliers portant un préjudice financier non négligeable à notre entreprise et dénotent d’un comportement en contradiction totale avec l’image et l’esprit de notre entreprise.

Afin d’obtenir vos explications, pour nous permettre d’apprécier avec clarté cette situation, nous vous avons, le 03/12/2016, par courrier recommandé, convoqué à un entretien préalable pouvant entraîner un licenciement pour faute grave, avec mise à pied conservatoire, conformément à la procédure classique.

Lors de cet entretien, le 13.12.2016, vous étiez assisté par Pascal VERCRUYSSE, délégué du personnel.

Nous vous avons exposé les faits définis ci-dessus.

Vous n’avez pas semblé perturbé par cette mise en cause, en précisant que :

- vous considérez qu’il s’agit « d’un avantage lié à votre fonction » ;

- vous ne voyez « aucune raison pour ne pas en profiter, étant donné que ces points auraient été perdus » ;

- vous passez ces commandes le « midi, en dehors de vos heures de travail ».

Nous vous avons indiqué que nous aurions pu en faire profiter d’autres salariés également.

Vous avez répondu qu’il était « impossible de partager des lots », donc vous préfériez « ne pas faire de jaloux » en vous les attribuant exclusivement.

Par ailleurs, nous aurions pu commander des cadeaux pour la tombola que nous organisons chaque année, et pour laquelle nous dépensons environ 1.000 ' de lots.

Lors de l’entretien, vous avez également déclaré que la qualité BERNER était inférieure à bien des fournisseurs, ce qui pose la question de savoir pourquoi, en qualité de chef d’atelier, vous approvisionniez la société en quincaillerie de moindre qualité.

Comment ne pas imaginer que la réponse serait en lien avec ce qui précède '

Compte tenu de vos agissements, et à notre grand regret, nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave (') ».

S’il ne conteste pas avoir bénéficié de 'points cadeaux’ et les avoir utilisés pour réaliser des achats, Monsieur X fait valoir qu’il s’agissait d’un avantage accordé à sa personne et non à son entreprise.

Il produit une copie de son bulletin d’adhésion au programme 'Alliance Pro by Berner', conservé par ce fournisseur, daté du 18 avril 2013.

Ce programme y est présenté comme 'ayant pour finalité de fidéliser les collaborateurs salariés des clients de Berner par l’octroi, en fonction des achats réalisés chez Berner, de points cadeaux pouvant être convertis en cadeaux'.

Le bénéficiaire du programme y est définit comme une : ' personne physique (collaborateur salarié d’un client de Brener) qui participe au programme mis en place par Berner et qui, si ses résultats le lui permettent, cumule des points cadeaux échangeables contre des cadeaux'.

Le nom du bénéficiaire porté sur ce bulletin d’adhésion est celui de Monsieur Y X.

Ce programme de fidélité ne concernant que les salariés collaborateurs des entreprises clientes de la

société Berner et ayant été conclu à titre personnel par Monsieur X, conformément aux conditions générales d’adhésion, il ne peut être reproché à celui-ci aucun détournement de biens appartenant ou destinés à son employeur. La société Direct Véranda, qui, en sa qualité de personne morale, ne pouvait être bénéficiaire de ce programme de fidélité, n’était titulaire ni des points cadeaux acquis, ni des cadeaux obtenus. Elle ne peut valablement faire grief au salarié, unique souscripteur et bénéficiaire, de ne pas avoir permis à l’entreprise et aux autres salariés de bénéficier de ce dispositif (le contrat d’adhésion précisant que les cadeaux n’étaient pas transférables).

La société Direct Véranda ne démontre pas que Monsieur X aurait utilisé des points cadeaux acquis durant son arrêt maladie. A la supposer établie, cette conversion de points cadeaux non accumulés par le bénéficiaire lui-même est susceptible de constituer un abus dans la mise en oeuvre du programme, préjudiciable au seul cocontractant, la société Berner. Dès lors, la société Direct Véranda, qui n’était nullement destinataire des points octroyés à Monsieur X de manière erronée, ne saurait se prévaloir d’un comportement fautif du salarié à son encontre.

Il pourrait être reproché à Monsieur X de ne pas avoir informé son employeur de la souscription et des avantages tirés de ce programme fidélité lié à l’exécution de son contrat de travail.

Toutefois, il peut être relevé que la société Berner s’est satisfaite de l’apposition d’un tampon de l’entreprise employant Monsieur X, sans mention du numéro de RCS, pour valider cette souscription. Le contrat d’adhésion conclu avec la société Berner n’exige pas l’autorisation de l’employeur du salarié collaborateur, et n’engageait en rien celui-ci.

Par ailleurs, si Monsieur X n’établit pas que le tampon susvisé a été apposé par le représentant légal de l’entreprise, sa supposée volonté de maintenir son employeur dans l’ignorance n’est pas caractérisée par ce dernier, qui supporte la charge de la preuve d’une faute grave. Cette allégation de dissimulation peut être mise en échec par les termes mêmes du contrat d’adhésion accepté par le salarié, qui prévoyait, en son article 5, une information annuelle adressée à l’employeur du bénéficiaire.

Enfin, à le supposer établi, ce défaut de transparence du salarié à l’égard de son employeur ne saurait caractériser une faute grave dans la mesure où la société Direct Véranda ne produit aucun document interne interdisant aux salariés de recevoir des cadeaux de la part des fournisseurs.

Enfin, la société Direct Véranda ne soutient pas dans ses écritures le dernier grief visé par la lettre de licenciement, blâmant implicitement Monsieur X d’avoir favorisé le fournisseur Berner alors que ses produits seraient de moindre qualité. Elle n’apporte aucun élément probant susceptible de démontrer que le salarié a manqué de loyauté envers son employeur en faisant primer son intérêt personnel sur celui de ce dernier.

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les griefs formulés par l’employeur sont, en grande partie, infondés. Seule l’insuffisance d’information est susceptible d’apparaître fautive. Or, à le supposer non prescrit, ce comportement fautif ne caractérise pas, à défaut de toute règle interne régissant les avantages et cadeaux pouvant être délivrés aux salariés par les fournisseurs, une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, pendant la durée du préavis, de telle sorte que la faute grave reprochée à Monsieur X n’est pas caractérisée.

Monsieur X se trouvait en arrêt de travail depuis le 7 juin 2016 en raison d’une tendinopathie du coude droit.

La société Direct Véranda ne conteste pas avoir eu connaissance de la décision de la CPAM, rendue le 16 décembre 2016, portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Monsieur X, au moment de l’envoi de la lettre de licenciement, datée du 20 décembre suivant.

Il s’ensuit que, l’existence d’une faute grave ne pouvant être retenue, ce licenciement, durant la période de suspension du contrat de travail, doit être déclaré nul conformément aux dispositions des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement pour faute grave justifié et débouté Monsieur X de ses demandes indemnitaires afférentes.

Monsieur X, qui ne sollicite pas sa réintégration, et dont le salaire moyen au cours des trois derniers mois précédents son arrêt maladie était de 3 363,95 euros, est en droit de se voir allouer:

—  6 727,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis conventionnelle ;

—  672,79 euros au titre des congés payés afférents;

—  12 118,63 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

En outre, Monsieur X qui était âgé de 53 ans et comptait 14 années d’ancienneté au moment de son licenciement, qui a bénéficié depuis d’une reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé et justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’au 31 mai 2019, a subi un préjudice résultant de ce licenciement nul qu’il convient d’évaluer à 45 000 euros.

Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Sur la demande reconventionnelle en remboursement d’un trop perçu

Monsieur X a été en arrêt maladie du 7 juin 2016 jusqu’au jour de son licenciement.

Selon la convention collective applicable, il devait bénéficier d’un maintien de salaire intégral pendant les 90 premiers jours (soit jusqu’au 27 août 2016 inclus, compte tenu des précédentes périodes d’arrêt maladie en cours d’année), puis à hauteur de 85% du salaire de référence.

Au cours de la première période, l’employeur, dans le cadre de la subrogation, a perçu des versements de la CPAM et de l’organisme de prévoyance Pro Btp. Il résulte des pièces produites par la société Direct Véranda que l’organisme de prévoyance Pro Btp lui a réclamé la somme de 1 717 au titre d’un trop-perçu au cours de cette période. Cette somme n’a nullement été reversée à Monsieur X, dont le salaire a simplement été maintenu dans le cadre de la subrogation, de sorte qu’il ne peut lui en être demandé remboursement.

Au cours de la seconde période, en l’absence de poursuite de la subrogation, Monsieur X a directement perçu de la CPAM des indemnités journalières alors que l’employeur a perçu de l’organisme de prévoyance Pro-Btp des indemnités visant à assurer le respect des dispositions conventionnelles susvisées. Or, constatant que les indemnités journalières effectivement versées par la CPAM au salarié sur cette période étaient supérieures au montant devant être garanti, l’organisme de prévoyance a demandé à l’employeur le remboursement des compléments indus.

Or, il apparaît à la lecture des bulletins de salaire que les indemnités Pro Btp ont été reversées par l’employeur au salarié à titre de complément de salaire du 28 août 2016 au 21 décembre 2016 (4 868,81 euros brut). Monsieur X ne conteste pas l’analyse de l’organisme de prévoyance. Il déclare avoir remboursé directement à cet organisme 1 547,17 euros.

Sur les montants sollicités, la société Direct Véranda justifie avoir effectivement reversé à l’organisme de prévoyance Pro-Btp la somme de 4 265,10 euros, comprenant le remboursement des 1 717 euros susvisés.

Il s’ensuit que la société Direct Véranda est fondée à obtenir la condamnation de Monsieur X à lui verser la somme de 2 548,10 euros au titre du remboursement d’un trop perçu.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Direct Véranda à payer à Monsieur X une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare nul le licenciement de Monsieur Y X prononcé le 20 décembre 2016,

Condamne la SAS Direct Véranda à verser à Monsieur Y X les sommes de :

—  6 727,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  672,79 euros au titre des congés payés afférents,

—  12 118,63 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  45 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne Monsieur Y X à verser à la SAS Direct Véranda la somme de 2 548,10 euros au titre du remboursement d’un trop perçu,

Condamne la SAS Direct Véranda à verser à Monsieur Y X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la SAS Direct Véranda des indemnités de chômage versées à Monsieur Y X dans la limite de six mois d’indemnités,

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi,

Condamne la SAS Direct Véranda aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Pour Le Président empêché,

S. STIEVENARD B. D, Conseiller

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