Cour d'appel de Douai, 3e chambre, 8 février 2024, n° 22/06008

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 3e ch., 8 févr. 2024, n° 22/06008
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 22/06008
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Dunkerque, 28 juillet 2022, N° 19/02096
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 19 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 08/02/2024

****

N° de MINUTE : 24/54

N° RG 22/06008 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UVIT

Jugement (N° 19/02096) rendu le 29 Juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

Compagnie d’assurance Sham (actuellement Relyens) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-François Segard, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Lydie Bavay, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [E] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 3]

S.A. Axa France Iard prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistés de Me Vincent Boizard, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Benoit Menuel, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

— --------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l’audience publique du 16 novembre 2023 après rapport oral de l’affaire par Yasmina Belkaid

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 février 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 octobre 2023

****

Mme [W] [L] est porteuse d’une biscupidie valvulaire aortique diagnostiquée à l’âge de 17 ans pour laquelle elle est suivie régulièrement par un médecin cardiologue, le docteur [Z].

Entre le mois de juillet et septembre 2008, alors enceinte de son premier enfant, elle a bénéficié de soins dentaires dans un cabinet libéral.

Les 17, 25 novembre et 1er décembre 2008, elle réalise trois cures de fer au sein du centre hospitalier [Localité 6] pour un bilan d’asthénie et de dénutrition.

Le 15 décembre 2008, se plaignant toujours d’asthénie, Mme [L] réalise une échographie cardiaque qui est effectué par le docteur [Z] qui ne révèle aucune anomalie.

Le 18 décembre 2008, elle présente brutalement une hémiplégie gauche. Elle est transportée à l’hôpital de [Localité 7]. Un scanner cérébral met en évidence un hématome pariétal droit en lien avec une endocardite infectieuse.

L’évacuation de cet hématome est réalisée en urgence et la patiente est hospitalisée en réanimation jusqu’au 2 janvier 2009.

S’interrogeant sur la qualité des soins dispensés par le docteur [Z], cardiologue, et le CH [Localité 6], Mme [L] a saisi la commission de conciliation et d’indemnisation qui a désigné les docteur [N], [T] et [G], experts respectivement en cardiologie et en neurologie.

Ceux-ci ont déposé leur rapport le 2 janvier 2012 dans lequel ils considèrent que l’endocardite infectieuse présentée par Mme [L] trouve son origine probable dans les soins dentaires reçus entre juillet et septembre 2018, qu’un manquement peut être reproché à la fois au centre hospitalier [Localité 6] et au docteur [Z], et que Mme [L] a perdu une chance d’échapper à cette endocardite, évaluée à 60 %.

Par avis du 1er février 2012, la CCI considère que la réparation du préjudice subi par Mme [L] incombe à l’assureur du docteur [Z] à hauteur de 20% et à l’assureur du centre hospitalier [Localité 6] à hauteur de 80%.

La société Relyens, assureur du centre hospitalier d'[Localité 6], contestant cet avis, n’a formulé aucune d’offre d’indemnisation à Mme [L].

Le 6 août 2012, celle-ci a demandé à l’ONIAM de se substituer aux assureurs défaillants et l’office lui a versé la somme totale de 812 335,48 euros en réparation du préjudice subi.

Le 4 janvier 2016, l’ONIAM a adressé une demande préalable à recours indemnitaire au centre hospitalier d'[Localité 6].

Puis, le 9 février 2016, il a saisi le tribunal administratif de Lille afin de voir juger le centre hospitalier d'[Localité 6] responsable du préjudice subi par Mme [L] et d’obtenir le remboursement par l’assureur de ce dernier à hauteur de 60% de l’indemnité versée à la patiente outre le versement d’une pénalité de 15%.

Par jugement du 7 novembre 2018, le tribunal administratif de Lille a dit que le centre hospitalier d'[Localité 6] a effectivement commis une faute ayant compromis les chances d’éviter l’aggravation de l’état de santé de Mme [L] et l’a condamné avec son assureur à régler à l’ONIAM une somme de 487 401,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016 en remboursement des sommes versées à Mme [L] au titre de son préjudice, outre une somme de 73 110,19 euros au titre de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, et une somme de 1 500 euros au titre de l’article L 761 ' 1 du code de justice administrative.

Par ailleurs, le CH [Localité 6] et son assureur, Relyens, ont été condamnés à verser à la CPAM des Flandres une somme de 368 193,34 euros avec intérêts au taux légal au titre de ses débours, outre une somme de 1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 1 000 euros au titre de l’article L 761 ' 1 du code de justice administrative.

La société Relyens, assureur du CH [Localité 6], a entièrement exécuté ce jugement.

Par acte des 6 septembre et 1er octobre 2019, la société Relyens a saisi le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de voir condamner le docteur [Z] et son assureur Axa France Iard au remboursement d’une partie des sommes mises à sa charge par le tribunal administratif de Lille.

Par jugement du 29 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

débouté Relyens (précédemment dénommée Sham) de sa demande de condamnation du docteur [E] [Z] et de la société Axa France Iard à lui rembourser la somme de 192 138,21 euros

condamné Reylens à verser à M. [E] [Z] et la société Axa France Iard la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

condamné Relyens aux entiers dépens de l’instance

Par déclaration du 30 décembre 2022, Relyens a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 juin 2023, Relyens (précedemment dénonmmée Sham) demande à la cour, au visa de l’article L 1142-1 du code de la santé publique et de l’article 1317 du code civil de :

réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 29 juillet 2022 en ce que qu’il a :

débouté Relyens de sa demande de voir juger que la faute du docteur [Z] a contribué à hauteur de 20 % à la réalisation du dommage subi par Mme [L]

débouté Relyens de sa demande de condamnation du docteur [Z] et d’Axa France Iard à lui rembourser une somme de

192 138,21 euros

condamné Relyens à verser au docteur [Z] et à Axa France Iard une somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné Relyens aux entiers dépens de l’instance

Statuant à nouveau :

juger que le docteur [Z] a commis une faute ayant contribué à hauteur de 20 % à la réalisation du dommage subi par Mme [L]

condamner le docteur [Z] et Axa France Iard à rembourser à Relyens une somme de 192 138,21euros

condamner le docteur [Z] et Axa France Iard à verser à Relyens une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens de l’instance.

rejeter toutes demandes, fins et conclusions du docteur [Z] et d’Axa France Iard.

Au soutien de ses prétentions, Relyens fait valoir que :

Sur la faute de M. [Z] :

Le tribunal conclut à tort à l’absence de faute prouvée du docteur [Z] et à l’absence d’un lien de causalité entre les conditions de réalisation de sa consultation du 15 décembre 2018 et l’épisode d’hémiplégie survenue le 18 décembre 2018 alors que :

les experts ont retenu sa responsabilité et que la faute de M. [Z] réside dans le défaut de prise en charge de la pathologie possible chez une patiente enceinte et porteuse d’une valvulopathie

il appartenait au docteur [Z] de s’entourer de toutes les informations médicales récentes disponibles pour mener à bien sa consultation, interroger sa patiente sur tous évènement signifiants ayant émaillé sa grossesse, notamment sur l’existence de soins dentaires dans les semaines ou mois précédents ou encore sur l’existence d’un épisode fébrile récent et solliciter des examens complémentaires, alors même qu’il avait conscience de ce qu’un risque d’endocardite était à envisager

l’échographie cardiaque n’est pas normale puisqu’elle met en évidence un épaississement des sigmoïdes antérieurs aortiques qui aurait dû l’amener à compléter son examen par une échographie transoesophagienne, ce qui est constitutif d’une erreur de diagnostic

sur l’action récursoire :

Reylens demande de retenir, comme la CCI, une part de responsabilité imputable au docteur [Z] à hauteur de 20%.

Il fait valoir que :

le lien de causalité entre l’absence de diagnostic le 15 décembre 2008 et la survenue des complications trois jours plus tard est établi par les experts de la CCI dans la mesure où :

une prise en charge adaptée du docteur [Z] aurait permis de réduire le risque de survenue d’une hémorragie cérébrale

la notion de délai incompressible invoquée par le docteur [Z] n’est pas pertinente dans cette prise en charge en urgence

l’instauration d’un traitement lors de sa consultation aurait permis une diminution régulière du risque

les intimés doivent prendre en charge une partie de la pénalité de 15 % dès lors que M. [Z] n’a pas émis d’offre alors que sa part de responsabilité à hauteur de 20 % est établie et que le tribunal administratif n’a aucunement tacitement retenu son absence de responsabilité

ils doivent également supporter une partie des frais futurs capitalisés versés à la Cpam dès lors que le litige ne porte pas sur le recours subrogatoire de la CPAM à l’encontre du docteur [Z] et d’Axa France, mais sur une somme déjà réglée par Relyens, qui constitue une créance opposable aux défendeurs car relevant pour partie de leur propre responsabilité.

Dans leurs conclusions notifiées le 20 juin 2023, la société Axa France Iard et M. [E] [Z], intimés, demandent à la cour de :

les accueillir en leurs présentes écritures et les déclarer bien fondés,

constater que Relyens ne rapporte pas la preuve de ce que M. [Z] ait engagé sa responsabilité

en conséquence, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

confirmer en tous points la décision entreprise,

« Subsidiairement, si d’aventure la juridiction venait à réformer la décision entreprise,

En tout état de cause, et infiniment subsidiairement, »

constater que le concluant ne saurait être tenu de rembourser à Relyens la pénalité prononcée à son encontre par le tribunal administratif du fait de son refus d’offre

dire que les concluants ne sont pas débiteurs de la somme de 20% de

73 110,19 euros

De la même façon,

dire que Relyens n’a pas vocation à récupérer sur le concluant les frais irrépétibles que son comportement l’a conduit à verser à l’ONIAM

en conséquence, la débouter des demandes de condamnation formulées à ce titre pour le montant de 20% de 1 500 euros

Enfin,

débouter Relyens de sa demande de prise en compte des frais futurs de la CPAM par avance et par capitalisation, les concluants n’acceptant pas de déroger au principe de l’action subrogatoire des organismes tiers payeurs sur ce point

En conséquence, la débouter de sa demande visant en une condamnation des concluants à une somme de 20% de 79 300,51 euros

Infiniment subsidiairement

dire que la part de responsabilité du concluant ne saurait être supérieure à la somme de 6,66% soit la somme de 32 460,93 euros (6,66 % de

487 401,28 euros).

Plus généralement,

— débouter Relyens de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— la condamner à verser aux concluants la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de leurs demandes, ils rappellent que :

Mme [L], professionnelle de santé exerçant en cardiologie et informée de sa pathologie et de ses risques était très au fait des risques d’endocardite associée

or, à aucun moment, elle n’a signalé l’existence de plusieurs poussées fébriles quelques semaines auparavant, d’un traitement antibiotique et le bénéfice de soins dentaires quelques mois auparavant

de sa propre initiative, elle a consulté le docteur [Z] le 15 décembre 2008 dans le cadre du suivi cardiologique mis en place de longue date et en raison de sa grossesse, sans qu’aucune demande d’examen n’ait été formulée par le centre hospitalier et sans qu’aucune lettre n’ait été rédigée par l’un des praticiens du centre hospitalier à l’attention du docteur [Z],

l’échographie cardiaque pratiquée par le docteur [Z] ne révèle aucune aggravation de l’insuffisance aortique et retrouve un aspect non suspect d’endocardite au niveau des valves mitrale et aortique

la preuve de la faute du médecin au sens de l’article L 1142-1 alinéa 1 du code de la santé publique pèse sur le demandeur

à cet égard, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, cette faute « ne peut être déduite a postériori de l’enchainement d’évènements à la suite de l’acte litigieux, même s’ils permettent d’éclairer la situation ».

Ils considèrent que :

le docteur [Z] n’a commis aucune faute dès lors que la patiente ne lui a fait part que de sa grossesse et d’une certaine anémie, ne présentait aucun signe fébrile, le jour de la consultation, ne l’a pas informé d’une poussée de fièvre 15 jours plus tôt, ni d’un traitement par Amoxicilline prescrit par le centre hospitalier d'[Localité 6] ainsi que cela ressort de son dossier médical qui comporte les éléments d’anamnèse à travers la retranscription des enseignements recueillis de la patiente qui a seulement fait état d’une fatigue, de dyspnée et d’anémie de sorte qu’aucun signe faisait suspecter une endocardite

admettre le contraire reviendrait à mener un raisonnement a posteriori

l’examen réalisé par le docteur [Z] n’appelait aucun examen complémentaire dès lors que l’échographie réalisée ne montrait aucune aggravation par rapport aux précédentes

les experts n’établissent ainsi aucune relation de causalité entre le dommage survenu le 18 décembre et l’examen du docteur [Z] réalisé moins de trois jours avant

en effet, la perte de chance de 60% fixée par les experts est en relation avec un défaut de diagnostic remontant au 1er décembre soit 15 jours avant la consultation du docteur [Z] de sorte qu’un retard de 2 à 3 jours n’aurait pas permis un traitement antibiotique adapté de 4 semaines et espérer une évolution favorable dès lors que le traitement évoqué par Relyens n’aurait pas pu être entrepris immédiatement, le diagnostic ne pouvant intervenir sur le champ compte tenu des délais hémoculture

selon les experts de la CCI, la perte de chance de 60% d’éviter le dommage, qu’ils considèrent être le dommage réparable, est en relation avec les seules fautes commises par le centre hospitalier le 1er décembre 2008

subsidiairement, le taux de perte de chance doit être réduit pour tenir compte du nombre de jours perdus

Plus subsidiairement, sur le quantum : Relyens qui n’a pas formulé d’offre d’indemnisation après l’avis de la CCI et n’a pas fait appel du jugement administratif doit seul supporter les pénalités en faveur de l’Oniam. Par ailleurs, compte tenu de la nature subrogatoire du recours des organismes tiers payeurs, ceux-ci ne peuvent exiger d’être payés qu’après avoir eux-mêmes versé des prestations de sorte qu’ils ne peuvent être condamnés à prendre en charge les frais futurs de la Cpam par avance et par capitalisation.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la responsabilité du docteur [Z]

Selon l’article L.1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Ainsi, la responsabilité du praticien n’est, en principe, engagée qu’en cas de faute dont la preuve incombe au demandeur en réparation, dès lors que les professionnels de santé ne sont soumis qu’à une obligation de moyen et non de résultat à l’égard de leur patient.

Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes et il incombe au juge du fond d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve soumis y compris des rapports d’expertise.

En l’espèce, il incombe à Relyens de démontrer une faute du docteur [Z] à l’occasion de sa consultation du 15 décembre 2008 en lien avec l’hémiplégie survenue le 18 décembre 2008.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire de M. [N] que Mme [L] était suivie par le docteur [Z], cardiologue, tous les deux ans en raison d’une insuffisance aortique sur bucuspidie connue depuis 10 ans.

Elle débutait une grossesse depuis le mois de juin 2008 laquelle était suivie par les médecins du service de gynéco-obstétrique de l’hôpital d'[Localité 6], la première consultation ayant eu lieu le 25 juillet 2008.

Elle a fait réaliser des soins dentaires pour des lésions bénignes (éclat d’émail et d’amalgame au niveau des molaires) par un cabinet privé les 16 juillet et 19 septembre 2008.

Présentant une anémie, le médecin de l’hôpital d'[Localité 6] lui a prescrit un traitement symptomatique en octobre 2008 puis elle a été brièvement hospitalisée à trois reprises au centre hospitalier d'[Localité 6] pour des perfusions de fer et un bilan biologique de l’anémie.

Le 15 décembre 2008, Mme [L] a, dans le cadre de son suivi, consulté le docteur [Z] qui a réalisé une échographie cardiaque laquelle a été interprétée comme inchangée par rapport aux précédentes.

Trois jours plus tard, elle a présenté une hémiplégie gauche. La réalisation d’un scanner a mis en évidence un hématome pariétal droit, une échographie a permis de diagnostiquer une endocardite puis une IRM décèlera un anévrisme mycotique dont la rupture a été à l’origine de l’hémorragie cérébrale.

L’expert [N] rappelle que tout patient porteur d’une valvulopathie fuyante (insuffisances aortique et mitrale) est menacé tout au long de sa vie par le risque d’une greffe bactérienne, la pénétration de bactéries dans le sang quelle que soit la porte d’entrée étant toujours possible y compris dans des circonstances banales de la vie quotidienne.

Il précise que l’endocardite infectieuse dont a été victime Mme [L] est consécutive aux soins dentaires que celle-ci a subies les 16 juillet et 19 septembre 2008. Il explique en effet que le germe, à savoir un streptococcus sanguinis, classiquement responsable d’une endocardite sur valve native est localisé au niveau de la bouche, notamment au niveau de la plaque dentaire de sorte que les soins dentaires ont constitué le point d’entrée de l’infection, étant précisé qu’aucune faute n’a été reproché au dentiste qui n’a pas prescrit d’antibiotiques.

L’expert considère qu’une prise en charge précoce aurait permis de limiter les dégâts au niveau des valves et d’éviter la survenue d’embolies cérébrales. Il précise en effet que les médecins de l’hôpital d'[Localité 6], intervenus entre le 1er et le 3 décembre 2008, n’ont pas mis en 'uvre tous les moyens usuels pour faire ou éliminer le diagnostic d’endocardite en particulier la réalisation d’hémocultures avant toute antibiothérapie alors que cette endocardite est survenue parce que la patiente était porteuse d’une valvulopathie aortique connue et suivie depuis 10 ans.

Il ajoute que les médecins de l’hôpital d'[Localité 6] ont mal interprété les données biologiques explorant l’anémie alors que les examens réalisés plaidaient en faveur d’une anémie inflammatoire et non d’une anémie ferriprive en lien avec un saignement.

Considérant que seul un diagnostic précoce et un traitement antibiotique adapté par voie intraveineuse et prolongé pendant quatre semaines pouvaient permettre d’espérer une évolution favorable, l’expert [N] conclut que si un diagnostic exact complété par des examens adéquats avait été réalisé début décembre, une antibiothérapie intraveineuse aurait pu débuter et permettre de diminuer le risque d’embolie cérébrale dont il précise qu’il est divisé par trois après une semaine de traitement.

S’agissant du docteur [Z], consulté par Mme [L] le 15 décembre 2008 pour un échocardiogramme, celui-ci a précisé, dans son compte-rendu de visite, que cet examen ne montrait pas d’aggravation de l’insuffisance aortique et retrouvait un aspect non suspect d’endocardite au niveau des valves mitrale et aortique.

L’expert [N] qui a examiné les images de l’échographie transthoracique dont il a constaté la mauvaise qualité, n’a pu conclure à la présence ou non de végétations. S’il indique à cet égard qu’il est permis de s’interroger sur le caractère inchangé de l’aspect de la vulve aortique alors que trois jours plus tard des végétations volumineuses sont visibles, il précise toutefois qu’une simple échographie trans-thoracique ne permettait pas de révéler des lésions et qu’en revanche la lésion sur la valve mitrale (perforation) avait pu se révéler seulement le 18 décembre.

Il relève par ailleurs que le docteur [Z] n’a pas évoqué avec Mme [L] la possibilité d’une endocardite alors que celle-ci lui avait fait part de ce qu’elle présentait des signes d’asthénie et d’anémie et ne l’a pas interrogée aux fins de rechercher une éventuelle symptomatologie infectieuse.

L’expert ajoute néanmoins que Mme [L] n’avait pas mentionné au docteur [Z] les soins dentaires réalisés en juillet et septembre et qu’elle ignorait si elle avait informé le docteur [Z] de ses épisodes de fièvre et de sa récente prise d’antibiotiques.

Ainsi, s’agissant d’une consultation de routine et alors que le docteur [Z] n’avait connaissance ni de la symptomatologie présentée par la patiente depuis plusieurs semaines, ni de son hospitalisation, n’ayant au demeurant été destinataire d’aucun courrier du centre hospitalier d'[Localité 6], ni encore des soins dentaires de la patiente, les seuls signes d’asthénie et d’anémie portés à sa connaissance n’étaient pas suffisants, en l’absence de fièvre, pour suspecter une endocardite et mener des investigations complémentaires alors en outre que l’examen d’échocardiographie avait révélé aucune anomalie.

Par suite, aucune abstention fautive ne saurait être reprochée à M. [Z].

En outre, alors que les actes de diagnostic mis en place entre le 1er et le 15 décembre 2008 par l’hôpital d'[Localité 6] étaient insuffisants et incomplets pour explorer les signes et les symptômes présentés par Mme [L] le 1er décembre 2008 pourtant évocateurs d’une endocardite, qui a été diagnostiquée par l’hôpital seulement le 18 décembre suivant et qu’il importait de faire preuve de réactivité dans la prise en charge d’une patiente enceinte et porteuse d’une valvulopathie, la consultation du docteur [Z], 15 jours après l’apparition de la symptomatologie, ne présente aucun lien de causalité avec l’accident neurologique de Mme [L].

Dès lors qu’il n’est caractérisé aucune faute imputable au docteur [Z] en lien avec l’accident vasculaire cérébral de Mme [L], sa responsabilité sera écartée.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit :

— d’une part, à confirmer le jugement critiqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile,

et, d’autre part, à condamner la société Relyens, outre aux entiers dépens d’appel, à payer à M. [Z] et à la société Axa France Iard la somme totale de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à titre d’indemnité de procédure en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la société Relyens, anciennement dénommée Sham, aux dépens d’appel ;

Condamne la société Relyens anciennement dénommée Sham, à payer à M. [E] [Z] et la société Axa France Iard la somme totale de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon

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