Cour d'appel de Grenoble, du 27 juin 2001, 00/01003

  • Nationalité française·
  • Nationalité·
  • Libération·
  • Décret·
  • Enfant·
  • Lien·
  • Père·
  • Épouse·
  • Sursis à statuer·
  • Mineur

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Dans le cadre de la perte de la nationalité française, il est de principe qu’il n’existe pas en droit français de mécanisme d’effet collectif de perte de la nationalité. Ainsi, la perte de la nationalité française dont bénéficiait un individu de par sa naissance ne peut pas être la conséquence de la perte attachée à la déclaration souscrite par un parent et tendant à se voir libéré des liens d’allégeances pour lui-même, mais peut résulter de ce qu’il a expressément formé une demande de libération des liens d’allégeances aussi bien pour lui que pour ses enfants

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 27 juin 2001, n° 00/01003
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 00/01003
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grenoble, 7 mars 2000, N° 199806484
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006938609
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 00/01003 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. PERRET & POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN & NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE DES URGENCES ARRET DU MERCREDI 27 JUIN 2001 Appel d’une décision (N° RG 199806484) rendue par le T.G.I. GRENOBLE en date du 08 mars 2000 suivant déclaration d’appel du 21 Mars 2000 APPELANTE :

LE MINISTERE PUBLIC Cour d’Appel de Grenoble Place Saint André 38026 GRENOBLE CEDEX représenté par Madame Françoise PAVAN-DUBOIS, Substitut Général INTIMEE : Madame Hachoura X… épouse Y… née le xxxxxxxxxxxxxxà BOURGOIN-JALLIEU (38304) de nationalité Française xxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx représentée par la SCP GRIMAUD (avoués à la Cour) assistée de Me Thierry ALDEGUER (avocat au barreau de GRENOBLE) COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DELIBERE : Madame Françoise MANIER, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Laurence HUSQUIN, Conseiller, Monsieur Michel REBUFFET, Conseiller, DEBATS : A l’audience non publique du 06 Juin 2001, Après communication du dossier au Ministère Public, Madame Françoise MANIER, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Laurence HUSQUIN, Conseiller, assistées de Madame BOS, Greffier, ont entendu l’avoué en ses conclusions et la plaidoirie de l’avocat, Madame Françoise PAVAN-DUBOIS, Substitut Général, a été entendue en ses conclusions écrites et orales, les parties ne s’y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elles en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour. ------ 0 ------

Hachoura X… épouse Y… née xxxxxxxxxxxxxxxx à BOURGOIN-JALLIEU s’est vue retirer sa carte d’identité sur ordre du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de BOURGOIN-JALLIEU au motif que Bouyakoub X…, son père, avait

fait perdre la nationalité française à lui-même et à sa fille mineure, en sollicitant le 23 janvier 1978, sa libération des liens d’allégeance à la FRANCE.

Par jugement du 8 mars 2000 le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE saisi par Hachoura X… épouse Y… a estimé que la libération des liens d’allégeance était une demande individuelle et que M. X… n’avait ni qualité ni intention de faire perdre la nationalité française à sa fille Hachoura, a déclaré que celle-ci était française dès sa naissance et a condamné le Ministère Public à lui payer la somme de 5.000 F pour frais de procédure ; il a laissé au Ministère Public la charge des dépens.

Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE a interjeté appel de ce jugement le 21 mars 2000.

Le Procureur Général fait valoir à l’appui de cet appel les éléments suivants :

M. X… père de Hachoura, qui bénéficiait de la nationalité française et de la nationalité algérienne a, par déclaration du 23 janvier 1978 sollicité sa libération des liens d’allégeance pour lui-même et pour ses enfants en application de l’article 91 du Code de la Nationalité en vigueur à cette date.

Par décret du 17 mars 1978, l’Etat Français a libéré des liens d’allégeance à son égard Bouyakoub X… et ses enfants Hacène, Badra et Hachoura ;

Cette démarche du père, qui exerçait seul l’autorité parentale, ne s’inscrivait pas dans un mécanisme d’effet collectif mais au contraire visait à obtenir une perte individuelle et directe de la nationalité française.

Il ajoute que le décret du 17 mars 1978 constitue une décision de l’autorité publique qui s’impose à l’égard de tous, qu’il n’appartient pas au juge judiciaire plus de vingt ans après de

remettre en cause cette décision, et que la demande de sursis à statuer de l’intimée, dans l’attente de la décision de la juridiction administrative, qu’elle entend saisir de la légalité de ce décret, ne peut être accueillie, la régularité de celui-ci n’apparaissant pas contestable.

Il demande à la Cour d’infirmer la décision déférée et de constater l’extranéité de Hachoura X… épouse Y…. ------ 0 ------

Madame X… épouse Y… répond qu’elle est française par application des dispositions des article 19-3 du Code Civil et 23 de la loi du 9 janvier 1973 comme étant née « d’un parent né sur le territoire qui avait au moment de la naissance de ce parent le statut de colonie ou de territoire d’outre-mer de la République Française » et qu’en vertu de l’article 30-1 du Code Civil, elle rapporte la preuve qu’elle est née française indépendamment de savoir si son père a pu, à un moment donné, formuler auprès des autorités françaises une demande de libération des liens d’allégeance au sens de l’article 23-4 alinéa 1er du Code Civil.

En second lieu, elle fait valoir que la demande de libération d’allégeance présentée par son père n’a jamais été formulée dans l’intérêt de ses enfants en sa qualité d’administrateur légal et que sur ce fondement le jugement déféré doit être confirmé.

Elle critique le procédé constitutif d’une véritable voie de fait qui a consisté à exiger d’elle la remise de sa carte d’identité au lieu de saisir le Tribunal ; elle invoque « l’autorité absolue de chose jugée » qui s’attache au jugement rendu au bénéfice de sa soeur, au regard de l’article 29-5 du Code Civil.

Elle s’interroge sur les conditions dans lesquelles est intervenu le décret du 17 mars 1978 qui constate que M. X… et ses enfants mineurs figurent sur une liste de personnes ayant semble-t-il renoncé à la nationalité française.

Elle prétend que la décision accordant la libération d’allégeance n’a aucun effet collectif à l’égard du conjoint ou des enfants mineurs de celui qui bénéficie de cette mesure, et qu’en tout état de cause, la preuve n’est pas rapportée que M. X… ait formulé une demande à cette fin qui concernait également ses enfants mineurs.

Elle sollicite le sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité du décret qui lui est opposé, et relève qu’il n’est pas établi qu’en sa qualité de mineure, elle ait été régulièrement autorisée ou représentée, ni que ce décret lui ait été notifié.

Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation du Ministère Public à lui payer la somme de 5.000 F en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à titre subsidiaire au sursis à statuer pour qu’elle puisse saisir le Conseil d’Etat d’un recours en appréciation de la validité du décret du 17 mars 1978. MOTIFS ET DECISION

L’article 17-2 du Code Civil dispose que l’acquisition et la perte de la nationalité française sont régies par la loi en vigueur au temps de l’acte ou du fait auquel la loi attache ses effets ; les dispositions du Code Civil dans la rédaction issue de la loi du 22 juillet 1993 ne sont donc pas applicables en l’espèce.

S’il est de principe qu’il n’existe pas en droit français de mécanisme d’effet collectif de perte de la nationalité, la perte de la nationalité française dont bénéficiait Hachoura X… de par sa naissance, n’est pas la conséquence de la perte attachée à la déclaration souscrite par son père et tendant à se voir libéré des liens d’allégeance pour lui-même, mais résulte de ce que M. X… a expressément formé une demande de libération des liens d’allégeance aussi bien pour lui que pour ses enfants, par les documents des 19

août 1975, 9 août 1977 et 23 janvier 1978.

Outre qu’il est permis de s’interroger sur la recevabilité de la contestation élevée contre une décision qui a fait droit à la demande de l’intéressé, il convient de relever que M. HACHOURA, en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, a régulièrement déposé en leur nom et pour leur compte, une demande de libération d’allégeance, dont les effets, qui résultent du décret pris le 17 mars 1978 après instruction de cette demande, ne peuvent pas être remis en cause par les enfants, pas plus qu’ils ne pourraient l’être par leur représentant légal.

Pour le même motif que les enfants étaient régulièrement représentés par leur père au cours de la procédure de libération des liens l’allégeance, le moyen tiré de ce que le décret du 17 mars 1978 n’aurait pas été notifié à Hachoura X… ne peut justifier un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction compétente sur la prétendue irrégularité de cet écrit.

Le jugement déféré doit donc être infirmé et la perte de la nationalité française d’Hachoura X… épouse Y… constatée. PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu le récépissé prévu par l’article 1043 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE du 8 mars 2000 et statuant à nouveau,

Constate l’extranéité d’Hachoura X… épouse Y…,

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du Code Civil.

Rédigé et prononcé publiquement par Françoise MANIER, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé avec le Greffier.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Grenoble, du 27 juin 2001, 00/01003