Cour d'appel de Grenoble, 12 mai 2009, n° 07/01901

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 25 avril 2019

Lorsqu'un accident survient pendant les temps scolaires et qu'un élève est blessé, se pose immédiatement la question du responsable. Et cette interrogation juridique, qui pourrait de prime abord sembler simple, est en réalité plus ardue qu'il n'y paraît. S'entremêlent en effet plusieurs dispositifs de responsabilités publics ou privés, selon qu'il s'agisse de la faute personnelle d'un ou plusieurs membres de l'équipe scolaire caractérisant un défaut de surveillance (I) ou d'une carence d'organisation plus globale de l'établissement (II). Quant à la faute de l'élève (III), elle ne sera que …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 12 mai 2009, n° 07/01901
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 07/01901
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Gap, 13 février 2007, N° 05/00765

Sur les parties

Texte intégral

R.G. N° 07/01901

JMA

N° Minute :

Grosse délivrée

le :

à :

SCP CALAS

Me RAMILLON

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2EME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 12 MAI 2009

Appel d’un Jugement (N° R.G. 05/00765)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP

en date du 14 février 2007

suivant déclaration d’appel du 24 Mai 2007

APPELANT :

Monsieur L-M Y agissant ès-qualités d’administrateur légal de sa fille mineure D Y, née le XXX à Draguignan

XXX

XXX

représenté par Me F-France RAMILLON, avoué à la Cour

INTIMEE :

LE PREFET DES HAUTES-ALPES

représentant l’Etat Français

Hôtel de la Préfecture

XXX

XXX

représentée par la SCP L CALAS, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme Anne-F DURAND, Président,

Monsieur L-Michel ALLAIS, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Brigitte BARNOUD, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 17 Mars 2009, M. ALLAIS, Conseiller a été entendu en son rapport.

Les avoués ont été entendus en leurs conclusions.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Le 8 avril 2003, F Y, âgée de 5 ans, alors qu’elle se trouvait dans la cour de récréation de l’école maternelle « les Artaillauds » à Briançon, a chuté d’un muret de 60 centimètres de haut à proximité du portail de l’école et s’est cognée violemment la tête sur le sol.

Transportée à l’hôpital, les premiers examens ont mis en évidence un hématome du cuir chevelu de la région occipitale droite et un traumatisme crânien sans perte de connaissance, justifiant une ITT de 5 jours.

Au cours du mois de mai 2003, l’enfant a fait part à ses parents d’acouphènes de l’oreille droite et a indiqué par la suite qu’elle n’entendait plus de cette oreille.

Le docteur X, ORL à l’hôpital La Timone à Marseille, après avoir vu l’enfant, établissait le 12 août 2003 un certificat médical d’où il ressortait que la victime présentait les lésions suivantes :

XXX,

— cophose droite objectivée par des potentiels évoqués auditifs,

— au scanner du 8 avril 2003, fracture transversale du rocher droit avec pneumolabyrinthe sur les coupes 14 à 19.

Il concluait son examen en indiquant que l’ensemble de ces lésions est très probablement consécutif au traumatisme du rocher présenté le 8 avril 2003.

L’enfant D a été opérée le 22 octobre 2003 par le Docteur X d’une fistule périlymphatique post-traumatique et présente à ce jour une perte complète de l’audition de l’oreille droite.

Par acte d’Huissier de Justice en date du 20 et 28 juin 2005, monsieur Y, es qualités de représentant légal de sa fille mineure, a alors fait assigner monsieur le Préfet des Hautes Alpes et l’école maternelle Les Artaillauds devant le Tribunal de Grande Instance de Gap aux fins :

— de voir dire et juger que l’institutrice a commis une faute de surveillance de nature à engager la responsabilité de l’Etat,

— de voir ordonner une expertise.

Par jugement du 14 février 2007, le Tribunal de Grande Instance de Gap a :

— mis hors de cause l’école maternelle Les Artaillauds,

— débouté monsieur Y de ses demandes,

— dit que chacune des parties supporterait sa part effective de dépens.

Par déclaration en date du 24 mai 2007, monsieur Y a interjeté appel de la décision.

Par conclusions récapitulatives du 9 octobre 2007, il demande à la Cour, par application de l’article 2 de la Loi du 5 avril 1937 et de l’article 1384 alinéa 8 du Code Civil de :

— d’infirmer le jugement,

— constater le défaut de surveillance de l’institutrice, alors que D jouait sur un muret situé au sein de l’école,

— dire et juger que l’institutrice a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat,

— avant dire droit ordonner une expertise médicale confiée à un otorhino-laryngologiste,

— condamner monsieur le Préfet des Hautes Alpes au paiement d’une indemnité de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître F France RAMILLON, avoué à la Cour, conformément à l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,

A l’appui de son appel il expose que l’accident de sa fille était prévisible puisque les enseignants avaient une parfaite connaissance de ce que les enfants jouaient régulièrement à monter sur le muret situé au sein de l’enceinte scolaire et qu’ils ont laissé se développer ce jeu d’autant plus dangereux qu’il concernait des enfants en bas âge.

Il fait valoir que les témoignages des enseignants versés aux débats sont mensongers et destinés à couvrir leur responsabilité.

Il précise que l’institutrice de surveillance n’a pris aucune précaution pour éviter cet événement prévisible, dans la mesure où elle reconnaît qu’elle n’a rien vu, car elle était au fond de la cour au moment de l’accident et tournait le dos au muret, que dès lors son défaut de surveillance avéré constitue bien une faute et engage dès lors la responsabilité de l’Etat.

Il indique qu’en toute hypothèse les conditions de sécurité n’étaient pas mises en oeuvre dans l’établissement par la Directrice.

Il rappelle enfin qu’il y a bien un lien de causalité entre la chute et le dommage subi à savoir la perte totale de l’audition de l’oreille droite et qu’il est bien fondé à solliciter une expertise médicale pour évaluer le préjudice de sa fille.

De son côté, par conclusions récapitulatives du 26 février 2008, monsieur le Préfet des Hautes Alpes demande à la Cour, par application de l’article 911-4 du Code de l’Education Nationale, de :

— confirmer le jugement,

— dire et juger que monsieur Y ne rapporte pas la preuve d’un manquement aux obligations de surveillance normale de l’institutrice,

— dire et juger que celle ci n’a commis aucune faute et que la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée,

— condamner monsieur Y à payer au Préfet des Hautes Alpes une somme de 800,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens.

Monsieur le Préfet des Hautes Alpes fait valoir qu’il résulte du rapport d’accident établi par la Directrice de l’école maternelle, que l’enfant D ne jouait pas sur le muret, dont l’escalade est par ailleurs interdite, mais à proximité de celui ci, que l’enseignante de surveillance ne tournait pas le dos aux enfants mais assurait une surveillance effective, et que monsieur Y ne rapporte pas la preuve de la faute commise par un membre de l’enseignement.

Il indique que l’attestation produite par monsieur Y, ( attestation de madame Z B ) est en totale contradiction avec les autres attestations et qu’elle n’est en réalité que la relation de ce que lui a dit son fils de 5 ans et qu’elle est dès lors irrecevable.

Monsieur le Préfet des Hautes Alpes rappelle que monsieur Y doit rapporter la preuve d’une faute de l’institutrice et que le défaut allégué dans les conditions de sécurité de l’établissement ne relève pas du contentieux de l’ordre judiciaire mais de celui de l’ordre administratif.

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

Attendu que conformément à l’article L 911-4 du Code de l’Education, dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis au détriment d’un élève, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle desdits membres de l’enseignement ;

Sur la mise hors de cause de l’école maternelle « Les artaillauds » :

Attendu que c’est dès lors à juste raison que le Tribunal a mis hors de cause l’école maternelle du fait de l’absence de personnalité morale de cet établissement ;

Que ce point n’est d’ailleurs pas contesté par monsieur Y ;

Que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

Sur la mise en oeuvre de la responsabilité de l’Etat :

Attendu que pour que cette responsabilité soit engagée il incombe à la victime de rapporter la preuve d’une faute d’un membre de l’équipe enseignante de l’école maternelle « Les Artaillauds » ;

Attendu qu’en l’espèce il résulte de la déclaration d’accident que l’enfant D a bien chuté au sein de l’établissement scolaire et il n’est pas formellement contesté que cette chute a eu lieu à l’occasion de sa montée sur un muret situé dans la cour, ainsi que l’atteste madame Z – B ;

Attendu que la directrice de l’établissement précise dans la déclaration que le maître n’a pas vu l’accident se produire ;

Attendu que dans cette déclaration il est également indiqué qu’à l’exception de l’enfant A G, âgée de 6ans, il n’y avait pas eu de témoin de la chute, ce qui est contradictoire avec le point 7 de cette même déclaration qui précise que ' D jouait calmement avec ses amies dans la cour, A a déséquilibré D d’un mouvement involontaire et celle ci a chuté violemment sur le sol et s’est cognée la tête ' ;

Attendu que dès lors la direction de l’établissement ne peut mettre en doute la véracité des faits tels que relatés dans l’attestation de madame Z – B, alors qu’aucun membre de l’équipe enseignante de surveillance n’a vu l’accident se produire ;

Attendu que la dangerosité de ce muret était en outre connue de l’équipe enseignante, madame H I, aide éducatrice, attestant que les élèves montaient sur le mur de la cour de récréation ce qui à ses yeux était dangereux et que cependant les institutrices lui avaient déclarée de ' laisser faire sinon on passerait la récréation à les faire descendre ' ;

Attendu que s’agissant d’enfants de maternelle qui n’ont pas forcément conscience du danger, l’institutrice présente dans la cour se doit d’exercer une surveillance active, qu’en l’espèce, la faute dans cette surveillance est avérée, la maîtresse présente dans la cour Madame C, qui connaissait la dangerosité de ce muret, ne s’étant pas mise en mesure au moment où l’accident s’est produit d’en interdire l’accès ou d’en prévenir l’imminence en se plaçant notamment devant ledit muret ;

Attendu qu’il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris qui a débouté monsieur L M Y, es qualités, de ses demandes, au motif que la responsabilité de l’enseignement était insuffisamment rapportée ;

Attendu que le traumatisme dont a été victime l’enfant est à l’évidence en relation directe avec cette chute, que la demande d’expertise est dès lors justifiée ;

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner monsieur le Préfet des Hautes Alpes au paiement de la somme de 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en instance d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare l’appel de monsieur L M Y, es qualités, recevable,

Réforme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la mise hors de cause de l’école maternelle ' les Artaillauds ',

Vu l’article L 911- 4 du Code de l’Education,

Dit et juge que Madame C, institutrice, a commis une faute de surveillance à l’origine de l’accident dont a été victime D Y âgée de 5 ans, le 8 avril 2003,

Déclare l’Etat Français entièrement responsable de la faute commise par Madame C, enseignante, lors de cet accident,

Condamne l’Etat Français à réparer le préjudice corporel de la victime,

Ordonne une expertise médicale sur la personne de Mademoiselle D Y,

Désigne pour y procéder le Docteur J K, expert près la Cour d’Appel de Grenoble, XXX

Avec mission :

— d’examiner la victime, D Y demeurant chez ses parents, monsieur et madame L M Y, XXX

— de se faire communiquer tous documents utiles nécessaires à l’expertise,

— de décrire les lésions imputables à sa chute survenue le 8 avril 2003, leur évolution et les traitements appliqués,

— de préciser si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec l’accident et le cas échéant celles qui seraient la conséquence d’un état antérieur,

— de fixer la date de consolidation des blessures,

— de chiffrer les préjudices temporaires avant consolidation : incapacité temporaire de travail, souffrance endurée, déficit fonctionnel temporaire et préjudice esthétique,

— de chiffrer les préjudices permanents après consolidation : déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique permanent, préjudice d’agrément et dépenses de santé futures,

— de se faire communiquer les débours de l’organisme social,

— de donner tous renseignements utiles sur l’état de la victime pour chiffrer son préjudice corporel,

Dit que l’expertise sera suivie par le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de GAP,

Dit que l’expert devra déposer son rapport définitif au Greffe du Tribunal de Grande Instance de GAP avant le 15 Octobre 2009 ;

Dit que l’expertise se fera aux frais avancés de monsieur L M Y, es qualités, qui consignera à la régie du Tribunal de Grande Instance de GAP, avant le 30 JUIN 2009, la somme de 800,00 euros, à valoir sur la rémunération de l’expert ;

Rappelle qu’en application de l’article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile, la mesure d’expertise sera caduque à défaut de consignation dans le délai ;

Dit que l’expert pourra, le cas échéant, solliciter une provision complémentaire pour adapter la provision au coût global prévisible de l’expertise, en adressant une copie de sa demande aux avoués des parties ;

Dit que l’expert joindra à chaque exemplaire de son rapport, y compris ceux adressés aux parties, sa note définitive d’honoraires et que les parties disposeront d’un délai d’un mois pour adresser leurs observations éventuelles au magistrat taxateur ;

Condamne monsieur le Préfet des Hautes Alpes à payer à monsieur L M Y, es qualités, la somme de 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en instance d’appel,

Condamne monsieur le Préfet des Hautes Alpes aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître F France RAMILLON, avoué à la Cour, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile,

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

Signé par le Président Madame Anne F DURAND et par le Greffier Madame BARNOUD, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Grenoble, 12 mai 2009, n° 07/01901