Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 15 décembre 2010, n° 10/00990

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc., 15 déc. 2010, n° 10/00990
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 10/00990
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 15 février 2010, N° F09/1065
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 10/00990

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 15 DECEMBRE 2010

Appel d’une décision (N° RG F09/1065)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 16 février 2010

suivant déclaration d’appel du 25 Février 2010

APPELANTE :

Le CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

Représenté par Madame CHARPY (Juriste en droit social) et assisté par Me Philippe GAUTIER (avocat au barreau de LYON) substitué par Me MICHEL (avocat au barreau de LYON)

INTIMEE :

Madame A B

XXX

XXX

Comparante et assistée par Me Wilfried SAMBA SAMBELIGUE (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l’audience publique du 17 Novembre 2010,

Madame Astrid RAULY, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Madame Hélène COMBES, Conseiller, assistées de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 15 Décembre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG N° 10/990 AR

A B a été embauchée par la caisse régionale du crédit agricole Sud Rhône-Alpes par contrat de travail à durée indéterminée le 22 septembre 2008, en qualité d’assistante de clientèle.

L’article 1 du contrat de travail a prévu une période de stage de six mois.

Le 16 mars 2009, elle a reçu un courrier du crédit agricole l’informant de la rupture de la période de stage avec effet au 25 mars 2009 au soir et dispense d’effectuer un préavis d’un mois.

Par jugement du 16 février 2010, le conseil des prud’hommes de Grenoble a :

— dit que la convention collective applicable est la convention collective nationale de la banque étendue,

— dit que la rupture du contrat de travail d’A B est intervenue en dehors de la période d’essai et s’analyse comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné le crédit agricole Sud Rhône-Alpes à lui payer les sommes suivantes :

—  1.782,25 € de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

—  10.693,50 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

—  1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté les parties du surplus de leur demande

Appel a été interjeté par le crédit agricole sur le Rhône-Alpes le 24 février 2010.

Par conclusions régulièrement déposées, la société coopérative de crédit agricole Sud Rhône-Alpes sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la Cour de :

dire que :

— la convention collective des banques n’est pas applicable à la relation de travail,

— une durée de six mois de période d’essai n’est pas déraisonnable au regard de la Convention numéro 158 de l’organisation internationale du travail,

en conséquence,

— de constater que la rupture est intervenue pendant cette période,

— de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,

— de la condamner à lui verser 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que, contrairement à ce que soutient Mme X, elle est soumise à la convention collective nationale du crédit agricole, qui est elle-même une convention de branche,

que l’article 10 de la convention collective nationale du crédit agricole prévoit une période d’essai de six mois, durée expressément mentionnée dans le contrat de travail que Mme Z a librement accepté,

que la rupture étant intervenue pendant cette période, elle ne peut être considérée comme abusive.

Elle relève que la jurisprudence de la Cour de Cassation n’a pas jugé que l’article 10 de la convention collective du crédit agricole était incompatible avec les exigences de la Convention numéro 158 de l’organisation internationale du travail mais a seulement considéré qu’une période d’essai d’un an, prévue pour les salariés relevant des catégories F à H, était excessive au regard de ce texte.

Elle estime qu’une durée de six mois de période d’essai pour les salariés relevant de la catégorie C ne peut être considérée comme incompatible avec les exigences de la Convention numéro 158 de l’OIT et ce d’autant plus que la loi du 25 juin 2008 a fixé les durées maximales des périodes d’essai à six, voire huit mois.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que les sommes demandées sont excessives, le salaire brut mensuel versé à la salariée s’élevant à la somme de 1782,25 euros et celle-ci ne justifiant pas avoir démissionné de l’emploi qu’elle occupait au sein du crédit mutuel, ni que l’appelante aurait laissé entendre que sa titularisation étant acquise.

Par conclusions régulièrement déposées et oralement à l’audience, A X sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a dit que la rupture du contrat de travail est irrégulière et s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes sauf à lui allouer 17.000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif et 10.000 € de dommages-intérêts pour perte de chance et préjudice de carrière ainsi que la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que du début de sa collaboration, jusqu’au 16 mars 2009, elle n’a fait l’objet d’aucune observation particulière, tant en ce qui concerne la qualité de son travail que son comportement et qu’elle s’est vue assurer verbalement de la poursuite de sa collaboration au-delà de la période probatoire,

que brutalement, le 16 mars 2009, elle a été destinataire d’une correspondance l’informant de la rupture du contrat de travail ;

Elle allègue que la période d’essai était manifestement excessive tant au regard de l’article 19 de la convention collective des banques étendue,(à laquelle la caisse régionale de crédit agricole Sud Rhône-Alpes est, selon elle, adhérente, car elle est une banque et que l’article 19 a fait l’objet d’une extension )que de la jurisprudence de la Cour de Cassation du 4 juin 2009, qui a jugé que la période d’essai prévu par l’article 10 de la convention collective du crédit agricole n’était pas conforme aux exigences de la Convention numéro 158 de L’OIT.

Elle demande à la Cour de dire que l’article 10 de la convention collective nationale du Crédit Agricole n’est pas compatible avec la convention n° 158 de l’OIT dans son application concernant les employés de catégorie A à E.

Elle souligne par ailleurs que les règles relatives à la période d’essai ont été profondément modifiées par la loi de 2008 – 596 du 25 juin 2008, dont les règles sont applicables aux contrats de travail conclu à compter du 27 juin 2008,

qu’aux termes des l’article L. 1221 – 19 et suivants du code du travail, la durée maximale de la période d’essai pour les ouvriers et employés est de deux mois, pour les agents de maîtrise et techniciens de trois mois ;

que la période d’essai renouvellement compris, ne peut pas dépasser quatre mois pour les ouvriers et employés et six mois pour les agents de maîtrise et techniciens,

que les employeurs doivent en outre respecter un délai de prévenance d’un mois après trois mois de présence.

Elle estime qu’en réalité, après plus de cinq mois d’activité, elle avait parfaitement fait la preuve de sa compétence à assurer l’emploi pour lequel elle était engagée,

que la procédure de licenciement n’a par ailleurs pas été respectée par l’employeur et qu’elle n’a pas pu se faire assister par un conseiller de son choix,

qu’elle subit également une perte de chance et un préjudice de carrière puisqu’elle a rejoint le crédit agricole qui lui a incontestablement fait perdre une chance d’évoluer dans son travail et lui a causé un préjudice de carrière indépendamment de la perte totalement injustifiée de son emploi, reposant sur l’absence totale de motifs liés à la rupture du contrat de travail.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l’audience;

Sur la période d’essai

Attendu qu’il résulte de l’article 1 du contrat de travail d’A B, embauchée par la caisse régionale du crédit agricole Sud Rhône-Alpes par contrat de travail à durée indéterminée le 22 septembre 2008, en qualité d’assistante de clientèle, au niveau conventionnel C – vente et assistance, que la salariée a été soumise à une période de stage de six mois ;

que le contrat de travail précise :

« cette période de stage constitue une période d’essai pendant laquelle, conformément à l’article 10 de la convention collective, le contrat pourra être rompu sans justification par l’une ou l’autre des parties, sans préavis pendant le premier mois, et avec un préavis d’un mois pendant les mois suivants ».

Attendu que A X, a été avisée le 16 mars 2009, par un courrier du crédit agricole de la rupture de la période de stage avec effet au 25 mars 2009 au soir et dispensée d’effectuer le préavis d’un mois en ces termes :

« Madame,

vous avez été embauchée le 22 septembre 2008 sous contrat à durée indéterminée comme télé assistante de clientèle avec une période de stage de six mois.

Suite aux différents entretiens que vous avez eu avec vos responsables sur la maîtrise de votre fonction, nous vous confirmons qu’il a été décidé de ne pas vous titulariser.

Cette rupture de la période de stage prendra effet le 21 mars 2009 au soir.

Au titre de l’article 10 de la convention collective du crédit agricole mutuel, votre contrat de travail prendra fin à l’issue d’un préavis d’un mois prenant effet du 22 mars 2009 au 21 avril 2009 inclus.

Nous vous informons que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis qui sera néanmoins rémunéré (…) ».

Sur la validité de la période d’essai

Attendu que la salariée conteste la validité de la période d’essai au regard des dispositions légales et conventionnelles et eu égard aux dispositions de la convention 158 de l’OIT;

Attendu que A X invoque les articles L1221-19 et 21 du code du travail qui fixent la période d’essai maximal pour les ouvriers et les employés à deux mois, renouvelable une fois, si un accord de branche étendue le prévoit ;

Mais attendu qu’il résulte des dispositions de L1221-22 du code du travail que les durées des périodes d’essai ont un caractère impératif à l’exception :

— des durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi ;

qu’il convient par conséquent de se référer à la convention collective applicable ;

que A X invoque l’application de l’article 19 de la convention collective nationale de la banque ;

Mais attendu qu’une première convention collective du crédit agricole a été conclue en 1966; qu’une nouvelle convention a été signée le 4 novembre 1987 ; qu’il résulte de la jurisprudence que le secteur d’activité du Crédit agricole est autonome ; qu’il n’est pas contesté que cette convention constitue elle-même une convention de branche ; que la convention collective applicable est donc celle du crédit agricole ;

Attendu de la convention collective du crédit agricole a prévu avant la date de la publication de la loi, en son article 10 que 'les agents embauchés seront d’abord appelés à accomplir un stage pendant une période de six mois pour les agents dont les emplois relèvent des catégories A à E et d’un an pour les agents dont les emplois relèvent des catégories F, G., H.';

que le contrat de travail est conforme aux dispositions convention collective du crédit agricole ;

Mais Attendu que la durée de la période d’essai est supérieure de 2 mois à celle 4 mois maximum pour les agents de même catégorie, résultant des articles L1221-19 et 21 du contrat de travail;

qu’il convient, eu égard aux dispositions de la convention 158 de l’OIT, de s’interroger sur le point de savoir si cette durée est raisonnable ;

Attendu qu’en l’espèce, les fonctions d’assistante de clientèle, font appel à des compétences techniques complexes et à une bonne connaissance des produits spécifiques proposés par le crédit agricole ; qu’elles nécessitent de réaliser un certain nombre de propositions commerciales ;

que la rentabilité du salarié ne peut être vérifié qu’au terme de plusieurs mois d’expérience;

que la durée de stage de 6 mois telle que prévue par le contrat de travail et la convention collective applicable, résultant de la volonté des partenaires sociaux, n’apparaît pas déraisonnable eu égard à la spécificité des fonctions exercées ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a considéré que la période d’essai résultant du contrat de travail n’apparaît pas valable ;

Sur l’abus du droit de l’employeur

Attendu que la salariée invoque également l’abus de droit de l’employeur;

Attendu qu’aux termes de l’article 1221- 20 du code du travail ' la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent’ ;

qu’il résulte du contrat de travail que le contrat pourra être rompu sans justification par l’une ou l’autre des parties, sans préavis pendant le premier mois, et avec un préavis d’un mois pendant les mois suivants ».

qu’il est constant que l’employeur peut de façon discrétionnaire mettre fin aux relations contractuelles avant la fin de la période d’essai, sous réserve que son droit ne dégénère pas en abus caractérisé par la légèreté blâmable ou l’intention de nuire ;

Attendu que la salariée soutient que du début de sa collaboration, jusqu’au 16 mars 2009, elle n’a fait l’objet d’aucune observation particulière, tant en ce qui concerne la qualité de son travail que son comportement et qu’elle s’est vue assurer verbalement de la poursuite de sa collaboration au-delà de la période probatoire ;

Mais attendu que les dires de la salariée sont contredits par la production du bilan effectué le 6 janvier 2009, pour la période du 22 septembre 2008 au 6 janvier 2009, qui fait état d’insuffisances de la salariée quant à son rendement et au niveau de son implication dans la vie de l’agence ; que ce bilan mentionne que le pronostic sur la titularisation de la salariée est réservé ;

que la simple production d’un courrier émanant d’un délégué du personnel faisant état du fait que M. Y lui aurait indiqué que le travail d’A B n’était pas en cause, ses objectifs ayant été atteints, mais qu’elle ne correspondait pas à l’image du crédit agricole et que son superviseur lui aurait annoncé sa titularisation ne constitue pas un élément suffisant pour établir l’abus de droit de l’employeur ;

Sur le respect du délai de prévenance

Attendu que la salariée soutient que le délai de prévenance n’a pas été respecté ;

Attendu que le contrat de travail ne stipule pas que le délai de prévenance doit s’insérer dans la période d’essai et qu’il prenne fin avant le terme de cette période ;

qu’il résulte par ailleurs des dispositions de l’article L. 1221 – 25 du code du travail, que lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois après trois mois de présence ;

que la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ;

qu’il résulte de ces dispositions que l’observation du délai de prévenance ne peut aboutir à ce que le salarié exécute sa prestation de travail au-delà du terme de la période d’essai convenu ;

Attendu qu’en l’espèce, l’employeur a avisé la salariée par courrier 16 mars 2009'que cette rupture de la période de stage prendra effet le 21 mars 2009 au soir.

Au titre de l’article 10 de la convention collective du crédit agricole mutuel, votre contrat de travail prendra fin à l’issue d’un préavis d’un mois prenant effet du 22 mars 2009 au 21 avril 2009 inclus.

Nous vous informons que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis qui sera néanmoins rémunéré '

que la salariée a par conséquent été payée sans travailler pendant un mois supplémentaire, sans que sa période d’essai n’ait été reconduite ;

qu’il apparaît par conséquent que le délai de prévenance a bien été respecté par l’employeur ;

que le jugement entrepris devra donc être infirmé en toutes ses dispositions, l’appelante étant déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE le 16 février 2010 .

— dit que la convention collective du crédit agricole est applicable au contrat de travail ,

— dit que la période d’essai telle que définie dans le contrat de travail est valable,

— dit que la rupture du contrat de travail est valablement intervenue pendant la période d’essai,

— déboute A B de toutes ses demandes

— Y ajoutant, déboute la société coopérative de crédit agricole Sud Rhône-Alpes de sa demande au titre des frais irrépétibles.

— Condamne A B aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 15 décembre 2010, n° 10/00990