Cour d'appel de Grenoble, 16 mai 2013, n° 11/04416

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 16 mai 2013, n° 11/04416
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 11/04416
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 4 septembre 2011, N° 09/01945

Sur les parties

Texte intégral

AR

RG N° 11/04416

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 16 MAI 2013

Appel d’une décision (N° RG 09/01945)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 05 septembre 2011

suivant déclaration d’appel du 30 Septembre 2011

APPELANTE :

Madame R H C

XXX

XXX

Comparante et assistée par Me Peggy FESSLER (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

L’ASSOCIATION DE PARENTS D’ELEVES DE L’ENSEIGNEMENT LIBRE (A.P.E.L. DU DEPARTEMENT DE L’ISERE), prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

'Buro Club'

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-Christophe KANEDANIAN (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Madame Mireille GAZQUEZ, Présidente,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Mars 2013,

Madame Astrid RAULY, chargée du rapport, et Madame Mireille GAZQUEZ, assistées de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Notifié le :

Grosse délivrée le :

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2013, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 16 Mai 2013.

RG 11/4416 AR

R H C a été engagée par l’Union départementale des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre devenue L’APEL 38 en qualité de secrétaire polyvalente et comptable par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er févier 2008.

Elle a été affectée au siège pour un horaire annualisé de 1252 h qui correspondait à un horaire hebdomadaire moyen de 28 h et mensuel moyen de 121,33 h. Par avenant du 27 août 2008 la répartition de l’horaire de travail hebdomadaire a été modifiée.

Plusieurs échanges de courriers ont eu lieu entre la salariée et les dirigeants de l’association à la fin de l’année 2008.

Par lettre du 21 septembre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire.

R H C a été licenciée par courrier du 20 octobre 2009 reçu le 24 octobre 2009 pour faute grave au motif d’avoir falsifié des documents comptables en vue de porter préjudice à Mme X, d’avoir substitué ses originaux et de manière générale, pour avoir depuis de nombreux mois, une attitude méfiante, frondeuse vis à vis de sa hiérarchie et de se positionner systématiquement en persécutée, s’affranchir unilatéralement et sans motif légitime des consignes et instructions données, d’avoir diffusé une lettre dénonçant les agissements de l’association.

R H C a saisi le conseil des prud’hommes de Grenoble en contestation de son licenciement et en demande de rappel de prime exceptionnelle, ainsi que sur le fondement d’un harcèlement moral.

Par ordonnance du 5 janvier 2010 le bureau de conciliation a ordonné une mission de conseillers rapporteurs.

Par jugement du 05 septembre 2011 le conseil des prud’hommes de Grenoble a dit que le licenciement de R H C est justifié par la faute grave, que la demande de rappel de prime n’est pas sérieuse et justifiée, que les éléments apportés par R H C ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et l’a déboutée de toutes ses demandes.

Appel de cette décision a été interjeté par R H C le 30 septembre 2011.

R H C sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de dire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, qu’elle a subi un véritable harcèlement moral et qu’elle est fondée à réclamer le paiement de rappel de prime exceptionnelle pour juillet et décembre 2008 et juillet 2009.

Elle réclame la condamnation de L’APEL à lui payer :

— rappel prime 686,01 € outre congés payés afférents 68,60 €

— préavis 1478,74 € outre congés payés afférents 147,81 €

— indemnité légale de licenciement 492,60 €

— dommages-intérêts pour licenciement abusif 10.000 €

— dommages-intérêts pour harcèlement moral 5000 €

Subsidiairement 1478,74 € pour non respect procédure de licenciement

— article 700 du code de procédure civile 2500 €

Elle fait valoir que Mme X qui était sa supérieure hiérarchique la sollicitait pour effectuer des tâches qui n’avaient aucun lien avec le contrat de travail ( courses personnelles- véhiculer son mari ou ses enfants – garde d’enfants) ; qu’à la fin du mois de juin 2008, alors qu’elle prenait le relais de celle-ci pour garder des bébés à son domicile, elle a constaté que Mme X n’avait pas attendu son arrivée et qu’un bébé était sur le point de s’étouffer ; qu’elle refusait à partir de ce moment de garder les bébés si bien qu’elle a subi un traitement des plus durs, la présidente de l’APEL, Mme X ne se refusant aucun procédé d’intimidation et s’est vue discriminée par rapport à sa collègue de travail, D E puisqu’elle ne percevait pas la prime exceptionnelle au mois de juillet 2008 ; qu’il lui était refusé 3 jours de congés pour se rendre aux funérailles de sa grand-mère et que l’APEL lui refusait également le paiement d’heures complémentaires; qu’à son retour de congés payés elle était convoquée le 5 janvier 2009 à une réunion de bureau le même jour, afin de la 'mater’ ; que le 18 avril elle était destinataire d’une lettre de mise en garde à laquelle elle répondait de façon circonstanciée ; que le 30 avril elle recevait une lettre d’avertissement qu’elle contestait ; qu’elle était placée sous surveillance médicale par le médecin du travail ; qu’elle était en arrêt de travail à compter du 2 mai en raison du stress et de la souffrance morale qu’elle ressentait ; que courant septembre la photocopieuse étant en panne, elle avait interdiction d’utiliser celle de la direction diocésaine de l’école catholique et se trouvait en grande difficulté pour l’exécution de son travail ; qu’elle était finalement mise à pied le 22 septembre 2009 puis licenciée pour faute grave le 20 octobre 2009.

Sur le licenciement, elle conteste les griefs allégués.

Sur la falsification, elle soutient que les copies ont été faites dans le strict respect des consignes données ; que l’apposition manuelle de l’adresse de Corenc en lieu et place de St Martin d’Uriage correspondait à la réalité des déplacements de Mme X ; que le nombre de kilomètres mentionnés par Mme X n’était jamais en adéquation , quelque soit l’adresse mentionnée ; que celle-ci fraudait tant sur le km que sur les déplacements eux mêmes ; qu’elle ne pouvait cautionner ces faits ;

que l’employeur allègue qu’elle aurait modifié l’adresse sur le fichier informatique alors que l’ordinateur a été pris dès la mise à pied conservatoire et que l’ouverture des documents a été faite en son absence ; que les classeurs comptables ont été supprimés le 21 septembre 2009.

Elle souligne également sur la retenue de documents alléguée que le document était laissé en évidence sur son bureau, à un mètre de la bannette de la présidente de l’association.

Sur l’attitude frondeuse et le positionnement en ' persécutée 'qui lui est reprochée, elle allègue qu’ils n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable et ne peuvent donc constituer un motif de rupture ; que l’acharnement disciplinaire, la discrimination et le harcèlement moral justifient largement le sentiment de persécution ressenti par la salariée ; que l’envoi de la correspondance adressée à l’employeur à plusieurs instances de l’enseignement catholique est postérieur à l’engagement de la procédure disciplinaire.

A titre subsidiaire elle estime que la non évocation de griefs retenus dans la lettre de licenciement constitue une irrégularité de forme et réclame à ce titre 1478,74 €.

Sur le harcèlement moral : elle fait valoir que depuis qu’elle a refusé de remplacer Mme X pour la garde des enfants dont elle avait la charge en qualité d’assistante maternelle, en juin 2008 elle a subi des faits de harcèlement moral qui ont conduit à un état de stress incontestable puis à son éviction brutale de l’association.

Elle fait valoir qu’elle a été contrainte d’effectuer des tâches non prévues à son contrat de travail ; que dès juillet 2008, l’APEL a refusé de lui attribuer sa prime exceptionnelle pourtant attribuée à sa collègue et payée à celle qui l’avait précédée ; que ses heures complémentaires n’ont pas été payées ; que L’APEL a refusé de lui accorder les 3 jours auxquels elle avait droit dans le cas du décès d’un proche ; que début 2009 elle était convoquée à son retour de congés à une réunion le même jour à 18 h où elle se trouvait face à 4 personnes qui constituaient un tribunal ; qu’elle a fait état du harcèlement moral qu’elle subissait de la part de sa présidente qui l’appelait jusqu’à 20 fois par jour et lui hurlait dessus mais qu’elle ne recevait aucun soutien ; que Mme X a nié en bloc ses propos en sa présence et n’a finalement reconnu quelques actes totalement étrangers au contrat de travail, que lorsqu’elle avait quitté l’entretien ; qu’elle était destinataire d’une lettre de mise en garde puis d’une lettre d’avertissement injustifiées qu’elle a contestées ; qu’elle était régulièrement vue par le médecin du travail qui la plaçait sous surveillance médicale ; que son médecin traitant témoigne également de son état de stress ; qu’elle était en arrêt de travail ; que le médecin du travail a sollicité l’intervention de l’inspecteur du travail qui a écrit à l’employeur et a diligenté une enquête à la suite de laquelle le conseil d’administration a été convoqué.

Au terme de 71 pages de conclusions et oralement à l’audience, l’APL 38 sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire elle sollicite la réduction de la somme allouée au titre de l’irrégularité de procédure et réclame une expertise informatique afin d’analyser les disques durs et sauvegardes de l’ordinateur utilisé par la salariée.

Elle fait valoir que la salariée n’avait qu’une obsession 'détruire’ Mme X ; qu’elle avait lancé les hostilités dès le mois de juillet 2008 tentant de la disqualifier professionnellement en adressant un courrier à la PMI ; qu’elle utilisait systématiquement son prénom N alors qu’auparavant elle l’appelait F ; qu’elle a mené une véritable campagne de dénigrement auprès de l’ensemble des instances catholiques qui a trouvé son paroxysme avec la réitération de la dénonciation et la découverte fortuite de la falsification des fiches kilométriques faites après qu’il ait été demandé le 17 septembre 2009 à Mme X d’établir la liste de toutes les réunions auxquelles elle avait été conviée.

Sur le licenciement

sur le grief de la falsification, elle soutient que l’association rembourse les frais kilométriques entre le domicile et le lieu de réunion ; que Mme X n’a pas à prouver que son lieu de départ était St Martin d’Uriage ; que R H C a procédé à des falsifications pour lui nuire, en remplaçant le domicile par Corenc ; que Corenc n’était pas le domicile de Mme X mais son lieu de travail, cet espace étant intégralement dédié et aménagé pour les enfants ; que l’objectif de R H C était de rendre Mme X coupable d’abus de biens sociaux et de malversation et de la disqualifier au sein de instances de l’enseignement catholique.

Sur le comportement et l’insubordination de R H C : elle souligne que la salariée a évoqué des faits de harcèlement moral mais qu’aucune suite n’a été donnée à l’enquête effectuée sur ses conditions de travail par la DDTEFP ; que R H C à son retour en juillet 2009 a fait montre d’une arrogance et mauvaise volonté patente ; qu’outre ses abstentions dans l’exécution de ses missions, elle a pris des initiatives qui ne relevaient pas de ses attributions ( paiement au nom de la présidente ); qu’elle a reconnu lors de l’entretien préalable ne pas avoir mis dans la bannette prévue à cet effet, les courriers concernant Mme X ; qu’elle n’a pas transmis ses avis médicaux ; qu’elle a cherché ouvertement à contrarier les membres du CA afin de trouver des prétextes pour se poser en victime.

Sur la médiatisation fautive de la situation elle soutient que la salariée s’est abusivement épanchée auprès d’instances non compétentes pour juger cette affaire mettant ces personnes dans l’embarras et générant pour l’employeur une perte de temps considérable en explications ; que la campagne de dénigrement a commencé bien avant le licenciement ; que ce grief a été abordé lors de l’entretien préalable ; que de plus, les griefs évoqués dans la lettre de licenciement doivent être examinés même s’ils n’ont pas été énoncés lors de l’entretien préalable.

A titre subsidiaire, la cour ne pourrait que réduire le montant des dommages-intérêts réclamés à ce titre.

Sur le harcèlement moral, elle conteste tous les faits invoqués par la salariée et soutient qu’ elle n’a eu de cesse de dénigrer Mme X qu’elle n’a eu aucun scrupule à la traiter de ' salope’ au cours d’une réunion de janvier 2009 et à porter des accusation abjectes ; qu’elle a fait montre d’un acharnement sans vergogne.

Elle soutient que les personnes ayant attesté pour la salariée font partie du clan de ceux qui considèrent que Mme X n’a pas sa place dans l’enseignement catholique et doivent être écartées et ajoute que Mme X est une personne très investie pour les causes qu’elle mène ; que son caractère et sa détermination appellent l’admiration et également l’animosité de certains ; que d’une manière générale son honneur ne saurait être remis en cause ; que ses qualités professionnelles en tant qu’assistante maternelle sont également reconnues.

Sur la prime, elle constate que cette demande est survenue à la suite des lettres d’avertissement ; que la prime ne saurait être revendiquée car son contrat de travail n’y fait pas référence, contrairement à Mme A qui a bénéficié d’un avantage acquis, droit ouvert avant l’embauche de R H C.

Sur les heures complémentaires, elle relève que R H C travaillait selon un horaire annualisé selon l’année scolaire ; que les heures complémentaires devaient se calculer en septembre ;

Sur le décès : elle soutient que R H C n’a ni informé ni sollicité de jours de congés pour se rendre aux obsèques de sa grand mère mais deux mois plus tard, pour se rendre chez le notaire ; qu’en tout état de cause, l’article 2.12.1 de la convention collective dont elle se prévaut n’est pas en vigueur étendu.

Sur la réunion du 5 janvier 2009, elle rappelle que le fait d’attirer son attention sur ses défaillances relève du pouvoir de contrôle et de vigilance de l’employeur ; que c’est au cours de cette réunion qu’elle a traité Mme X de ' salope'.

Sur les appels téléphoniques, elle soutient que Mme X ne disposait pas d’outil informatique et devait effectivement solliciter ses salariés par téléphone ; que le fonctionnement interne de l’association avait été expliqué à la salariée ; que Mme X qui a contesté le caractère intempestif et le nombre des appels allégués, a consenti à en réduire le nombre.

Sur l’acharnement disciplinaire, elle soutient que la mise en garde est justifiée par un départ prématuré et un défaut de prévenance suite à une absence et l’avertissement du 30 avril 2009 est consécutif à son attitude inadmissible alors que Mme X lui exprimait au nom de l’association des excuses suite à une méprise ayant conduit M. Z à l’incriminer à tort.

Sur la photocopieuse, elle estime que les courriers peuvent être adressés par courriel ; que la salariée avait l’habitude de scanner les documents ; qu’elle effectuait ses fonctions sans contrainte majeure.

Sur la surveillance médicale : elle soutient qu’elle a été menée à l’insu de l’employeur.

Sur l’intervention de l’inspecteur du travail : elle allègue que c’est bien la salariée et non le médecin du travail qui a saisi l’inspecteur du travail. L’enquête n’a pas été suivie d’effets.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l’audience ;

Sur les primes

Attendu que le contrat de travail de R H C ne comportait aucune mention de prime ;

Mais attendu que la salariée invoquant l’égalité de traitement réclame le paiement des mêmes primes que celles qui ont été versées à Mme A ;

Attendu que le principe d’égalité de salaire entre les travailleurs est inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à l’article 23 :

« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal ».

qu’il est de jurisprudence constante que l’employeur ne peut plus se borner, pour justifier d’une différence de salaire à alléguer la différence d’ancienneté entre les salariées ;

que l’employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier, de façon objective et pertinente, une différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ;

qu’en cas de réclamation d’un salarié, l’employeur doit démontrer que le salarié n’ayant pas perçu la gratification bénévole ou une gratification bénévole d’un même montant ne fournissait pas un travail de 'valeur égale’ ; que la démonstration doit s’appuyer sur « des critères objectifs, matériellement vérifiables et étrangers à tout motif discriminatoire illicite » ;

Attendu qu’il convient de rappeler que même des salariés qui n’exercent pas les mêmes fonctions peuvent accomplir un travail de valeur égale dès lors qu’ils accomplissent des « travaux qui exigent un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse » ;

Attendu que si l’ancienneté est facteur d’expérience, encore faut-il le démontrer ;

Attendu que l’employeur ne justifiant pas des critères objectifs, matériellement vérifiables et étrangers à tout motif discriminatoire illicite permettant de justifier de l’absence de paiement de prime à R H C, le jugement entrepris sera infirmé de ce chef, et il sera donc fait droit à la demande présentée à ce titre, dont le quantum n’est pas contesté ;

Sur le harcèlement

Attendu que la salariée invoque l’exécution fautive du contrat de travail et le harcèlement ; que l’article L. 1152-1 du code du travail définit le harcèlement moral comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

qu’il peut y avoir harcèlement moral, alors même que l’auteur des agissements n’aurait pas eu l’intention de dégrader les conditions de travail ;

que le salarié n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ;

qu’il a été jugé que quel que soit le comportement du salarié, les juges doivent rechercher si les éléments apportés peuvent faire présumer des faits de harcèlement ;

Attendu qu’un comportement managérial qui conduit à vexer et humilier le salarié ne relève pas d’un comportement normal mais bien d’un harcèlement ;

Attendu que la salariée allègue qu’elle a été contrainte de garder des enfants, faire les courses et effectuées des travaux personnels pour le compte de la directrice, de subir ses hurlements et appels téléphoniques intempestifs ; qu’à partir du moment où elle a refusé de garder les enfants dont elle avait la charge, elle a subi un véritable harcèlement ;

Attendu que ces allégations sont confortées par les pièces produites et notamment :

— l’attestation de Éliane Brunet Manquat qui a constaté la présence de R H C au domicile de Corenc de Mme X et que celle-ci s’occupait des enfants pendant l’absence de Mme X ;

— les déclarations de la salariée qui l’a précédée, L M et de celle avec laquelle elle a travaillé, D A ;

que L M a attesté qu’elle a démissionné le 31 mars 2008 à l’âge de 59 ans car elle ne supportait plus les harcèlements de Mme X et s’était vu contrainte de garder de jeunes enfants au bureau ;

que D A qui déclare avoir également gardé une petite fille, a indiqué que Mme R H C s’absentait souvent du bureau pendant ses heures de travail. En quittant le bureau, elle me disait qu’elle allait faire signer des papiers à la présidente ou qu’elle allait faire les courses à carrefour ou même à la banque à Corenc, pour le compte de Madame N X ;

que cette salariée atteste que R H C a été’ en arrêt maladie depuis le 18 février 2010, ne supportant plus l’isolement et les conditions de travail dans lesquelles elle se trouvait et l’interdiction de faire son métier de conseil et d’information des familles’ ;

que V W confirme que 'lorsque R H C a repris le poste de secrétaire comptable, madame N X a continué d’appeler sur le même rythme de 10 fois par demi-journée ' ;

que AJ AK AL, juriste, témoigne qu’elle a pu constater une 'dégradation progressive des relations entre Mme H C et Mme X’ ; qu’elle a été présente à plusieurs reprises lorsque Mme X a appelé au téléphone Mme H C ; qu’elle a pu entendre 'le ton utilisé, les hurlements et la succession des appels dans des laps de temps très courts’ ;

qu’elle mentionne qu’à la suite d’un de ses appels, Mme H C a eu un malaise sérieux et a commencé à se confier sur les difficultés qu’elle rencontrait dans ses relations avec Mme X ;

Attendu qu’il résulte du compte rendu de réunion du bureau de l’APEL du 5 janvier 2009 que lorsque R H C s’est plainte d’être sollicitée trop souvent au téléphone à raison de 20 fois par jour, il lui a été rétorqué que sa proposition de limiter à six par jour le nombre d’appels téléphoniques n’était pas acceptable ;

que l’association n’a jamais réellement changé de position pendant toute la durée de la relation contractuelle puisqu’il résulte du compte rendu d’entretien préalable que M. Z a confirmé qu’il maintenait’ qu’un supérieur hiérarchique peut appeler sa salariée au téléphone 15 à 20 fois tous les jours’ ;

qu’il résulte également de ce compte rendu que Mme X a admis « qu’elle a, dans le passé, compte tenu des relations d’amitié avec R C, demandé parfois de ramener ses enfants, en dehors des heures de travail en fin d’après-midi, jusqu’à Corenc, distant de quelques kilomètres de la DDEC à la tronche. » ;

Attendu qu’à la suite de ces faits la salariée a été déclarée apte sous surveillance médicale par le médecin du travail ;

Attendu que la salariée a fait l’objet le 14 avril 2009, d’une mise en garde pour ne pas avoir prévenu d’un départ anticipé à la suite d’un accident de son fils le 7 avril et pour ne pas avoir prévenu de son absence le 16 mars 2009 ; que malgré sa contestation de cette mise en garde et le fait qu’elle a justifié avoir joint l’association par téléphone, l’association n’est pas revenue sur sa position ;

qu’elle a été accusée par la suite d’avoir transmis des informations erronées quant au caractère obligatoire ou non du paiement de la cotisation APEL, ce qui a entraîné un avis d’inaptitude temporaire à ses fonctions par le médecin du travail ; qu’alors qu’elle était en arrêt de travail, elle a fait l’objet d’un avertissement pour avoir, selon l’employeur refusé les excuses présentées par M. Z ;

qu’elle a contesté cet avertissement le 1er juillet 2009 faisant notamment valoir que le 23 avril 2009, Mme X lui avait 'crié très fort dessus’ ;

que l’employeur qui n’est pas revenu sur cet avertissement, ne produit aucune pièce permettant de démontrer la réalité des faits reprochés à la salariée ;

Attendu que le médecin du travail atteste qu’à l’occasion de la visite périodique systématique R H C a évoqué des relations difficiles et anxiogène avec la présidente de l’association ; que la situation professionnelle s’étant un peu stabilisée, un avis d’aptitude sous surveillance médicale a été émis ; que le 30 avril la salariée a signalé une dégradation de l’ambiance de travail avec violence verbale, critiques, tentatives d’isolement ; qu’un avis d’inaptitude temporaire a été rendu à la suite duquel un arrêt de travail a été prescrit par le médecin traitant ;

que le docteur J K a constaté un état de stress important le 2 mai 2009 ;

Attendu que ce n’est qu’à la suite de l’intervention de l’inspecteur du travail qui a diligenté une enquête le 16 juin et s’est rendu dans l’établissement le 1er juillet 2009, que Mme X a annoncé par courrier du 8 juillet 2009 que’ dans un souci d’apaisement, le conseil d’Administration et moi même avons décidé de mettre en place un nouveau système d’organisation, réduisant ainsi le nombre de contacts téléphoniques à 2 par jour ' ;

que ce courrier démontre, s’il en était besoin, qu’il était tout à fait possible de réduire le nombre d’appels téléphonique et que l’employeur s’est obstiné pendant plusieurs mois à imposer ce mode de fonctionnement à une salariée qui s’en était plainte et dont l’état de santé était dégradé ainsi qu’il résulte de ses arrêts de travail ;

Attendu que le 4 septembre la salariée a fait valoir qu’elle était dans l’impossibilité de se servir de la photocopieuse qui était en panne et qu’elle avait interdiction d’utiliser la photocopieuse de la DDEC ;

qu’elle a vainement réclamé le paiement d’une prime qui était versée à la salariée qu’elle remplaçait ;

Attendu qu’ il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ;

que si les pièces du dossier permettent de constater qu’une tension extrême régnait entre la salariée et sa directrice, il résulte de ces mêmes pièces et notamment des témoignages précités que cette tension était principalement imputable à Mme X dont le caractère entier et le 'franc parler’ résultent des propres attestations de l’employeur ;

que la cour remarque que Mme H C n’a pas été la seule victime de ce harcèlement moral ;

que M. Y, Directeur diocésain de l’enseignement catholique a déploré, lors d’une réunion du conseil d’administration du 19 octobre 2009, les conditions de travail des deux salariées et a regretté ' l’état de souffrance’ de ces dernières ;

que l’APEL, soutenant sa directrice, a rétorqué que certaines personnes avaient pris 'aveuglément parti pour ces salariées sans connaître les tenants et aboutissants, se contentant, à l’instar de la DDTEFP et de la médecine du travail, des seuls dires de ces salariées’ ; qu’elle a invoqué l’acharnement de la salariée à l’endroit de Mme X et notamment une dénonciation calomnieuse à la PMI ;

que s’agissant de la dénonciation alléguée du comportement professionnel de Mme X auprès de la Dass par la salariée, il convient de constater que ces faits sont étrangers à l’exécution du contrat de travail et ne concernent Mme X qu’en sa qualité d’assistante maternelle et non de directrice de l’association ;

qu’en outre la cour remarque que plusieurs témoins ont constaté que Mme X confiait volontiers la garde des enfants qui lui étaient confiés à d’autre personnes non habilitées à cette fin et qu’elle passait beaucoup de temps à téléphoner pour le compte de l’association pendant ses heures de travail, quelques soient les autres qualités professionnelles et personnelles de Mme X qui résultent également des témoignages produits ;

Attendu que le fait d’appeler Mme X du prénom qui est le sien, N et non de son surnom n’a aucun caractère fautif, quand bien même certains témoins ( AC AD, P Q ) y auraient vu un certain ' acharnement ' ; que ce fait ne saurait justifier le harcèlement moral ; que l’employeur qui reproche cette attitude à la salariée ne lui a jamais demandé d’agir différemment ;

qu’ en outre, aucun lien ne peut être établi entre R H C avec la lettre du 19 mars 2009 reprochant à N X de vouloir s’approprier une religion qui n’est pas la sienne ;

que la cour constate enfin qu’ alors que l’employeur allègue que la salariée a eu un comportement insultant et que le compte rendu de la réunion mentionne : R C reproche à F X d’avoir effectué pour elle des courses et accompagnements à titre privé pendant ses heures de travail. Cette affirmation est réfutée par F X ce qui entraîne une insulte de la part de R C (« salope »), l’employeur n’a pris aucune sanction disciplinaire à la suite de ces faits ;

qu’il doit être observé que l’insulte, et même la dénonciation reconnue témoignent non pas d’une attitude complètement démunie de Mme C à l’égard des agissements répétés de Mme X, mais également d’un comportement volontairement 'justicier’ de sa part ;

qu’en tout état de cause, il appartenait à l’employeur qui était informé des tensions entre la Directrice et la salariée de prendre toutes mesures afin d’éviter que la situation ne dégénère et ce, tant pour assurer la protection de la salariée que celle de la Directrice ;

Attendu que les faits de harcèlement moral répétés sont donc établis ; que le jugement entrepris sera réformé de ce chef ; que le préjudice en résultant pour la salariée doit être évalué à la somme de 5000 € ;

Sur le licenciement

Attendu que R H C a été licenciée pour faute grave pour les griefs suivants :

— avoir falsifié à dessein des documents comptables à partir de février 2008, en substituant aux originaux des copies truquées et en supprimant l’adresse du domicile de Mme X pour la remplacer par celle de son lieu de travail,

— avoir modifié l’adresse inscrite dans le fichier informatique,

— adopter depuis de nombreux mois une attitude méfiante, frondeuse et être animée d’une vision on ne peut plus manichéenne de la réalité en se positionnant systématiquement en ' persécutée'

— une insubordination caractérisée par une rétention d’information quasi systématique depuis le mois de septembre 2009 ( documentation CRAEC sur les statistiques par niveau scolaire)

— avoir diffusé une lettre dénonçant les agissements de l’association à des instances étrangères à la relation contractuelle, notamment à la présidente du mouvement national ;

que la matérialité des faits a été contestée par la salariée ;

Attendu que sur le premier grief, il résulte du compte rendu d’entretien préalable que la salariée a allégué qu’elle avait été contrainte de créer une quinzaine de comptes suite au refus de la présidente de garder le compte frais président, ce qui l’obligeait à photocopier les notes de frais ;

qu’elle n’a pas contesté qu’elle avait modifié d’office l’adresse de N X, mais a expliqué qu’elle partait de Corenc et non de St Martin d’Uriage pour se rendre à ses réunions et qu’elle rentrait ensuite à st Martin d’Uriage, si bien que les deux adresses apparaissaient sur la note de frais ;

que la salariée a produit ( pièce 83) une note relative aux remboursement des frais kilométriques dont il résulte que ce remboursement ne s’applique que sur une 'distance aller d’au minimum 20 km’ ;

que cependant la salariée n’a pas non plus contesté qu’elle a mentionné les deux adresses dès avant le transfert des activités professionnelles de sa directrice sur Corenc ;

que si elle avait la conviction que N X fraudait, il lui appartenait d’en aviser le conseil d’administration de l’association et non de procéder d’office et à sa seule initiative, à la 'rectification’ des notes de frais ;

que ces actes commis subrepticement, qui auraient pu recevoir une qualification pénale, avaient manifestement pour objet de nuire à Mme X ;

qu’en effet R H C qui a démontré par les nombreuses lettres produites qu’elle est à même de dénoncer aux autorités des actes qu’elle réprouve, pouvait tout aussi bien le faire dans cette hypothèse ;

que son intention malveillante est suffisamment caractérisée et ne peut être tolérée, ni être justifiée par les actes de harcèlement qu’elle a pu subir, qui sont sans lien avec ses propres agissements sauf à considérer qu’ils constituent une vengeance disproportionnée ;

qu’un autre comportement pouvait être légitimement attendu d’une secrétaire, comptable de surcroît ;

que cette faute particulièrement grave est caractérisée et justifie à elle seule le licenciement sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs qui relève plus d’une attitude générale de la salariée

Attendu qu’il résulte des éléments ci-dessus évoqués, que la salariée a fait l’objet d’un harcèlement moral répété depuis de nombreux mois, qui a entraîné non seulement une dégradation de ses conditions de travail mais également une dégradation de sa santé ; qu’elle a vainement sollicité de l’aide de la part de son employeur ;

que la gravité de faute de la salariée est par conséquent très largement atténuée par les circonstances dans lesquelles elle a été commise ; qu’elle constitue néanmoins, compte tenu du fait qu’elle a été accomplie dans l’intention de nuire, une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement ;

que le jugement entrepris sera réformé de ce chef ;

qu’il sera fait droit aux demandes présentées au titre du préavis et de l’indemnité de licenciement ;

Sur les dommages-intérêts pour non invocation de certains griefs lors de l’entretien préalable

Attendu qu’il résulte du compte rendu d’entretien préalable que tous les griefs reprochés à R H C dans la lettre de licenciement n’ont pas été évoqués lors de cet entretien ; que cette irrégularité de forme lui a occasionné un préjudice qu’il y a lieu d’évaluer à la somme de 1478,74 € ;

Attendu que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

DIT que R H C a été soumise à des faits répétés de harcèlement moral.

En conséquence,

CONDAMNE L’APEL du département de l’Isère à lui payer la somme de 5.000 € à ce titre.

DIT que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

DIT que la procédure de licenciement est entachée d’une nullité de forme.

DIT que les primes sont dues.

En conséquence,

CONDAMNE L’APEL du département de l’Isère à lui payer les sommes de :

— rappel prime 686,01 € outre congés payés afférents 68,60 €

— préavis 1478,74 € outre congés payés afférents 147,81 €

— indemnité légale de licenciement 492,60 €

—  1478,74 € pour non respect procédure de licenciement à ce titre

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes.

CONDAMNE L’APEL aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme GAZQUEZ Président, et par Mademoiselle ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Grenoble, 16 mai 2013, n° 11/04416