Cour d'appel de Grenoble, 31 octobre 2013, n° 12/03910

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 31 oct. 2013, n° 12/03910
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 12/03910
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 14 mai 2012, N° F11/00549

Texte intégral

G.P

RG N° 12/03910

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU JEUDI 31 OCTOBRE 2013

Appel d’une décision (N° RG F11/00549)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 mai 2012

suivant déclaration d’appel du 23 Mai 2012

APPELANTE :

LA SAS BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD-EST prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me THUDEROZ, substituant Me Yves BOULEZ, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur Y Z

XXX

XXX

Comparant et assisté de Me Françoise MAISONOBE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame E F, Président,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistés lors des débats de Monsieur Hichem MAHBOUBI, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 18 Septembre 2013,

Madame E F a été entendue en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 31 Octobre 2013.

L’arrêt a été rendu le 31 Octobre 2013.

RG N° 12/3910 GP

EXPOSE DES FAITS

La société MIDICOULEURS ECHIROLLES a pour activité la distribution et la fabrication de papiers peints, revêtements de sol, peinture et articles accessoires destinés aux artisans et professionnels. Elle emploie 78 salariés dans le secteur de fabrication de peinture et 220 salariés dans le secteur de distribution.

Fin juillet 2007, la société MIDICOULEURS ECHIROLLES a racheté le fonds de commerce qu’exploitait Y Z à X. Il était stipulé dans le contrat de cession une clause de non-rétablissement d’une durée de 5 ans.

Par contrat à durée indéterminée du 30 juillet 2007, la société MIDICOULEURS ECHIROLLES recrutait Y Z comme responsable de l’établissement de X pour un forfait hebdomadaire de 39 heures et une rémunération mensuelle de 2 200 euros ; un avenant du 9 août 2007 a prévu en outre une partie variable supplémentaire constituée par une commission sur les ventes et une prime de progression ; en 2010, sa rémunération s’est élevée en moyenne à 3 293 euros.

Par lettre du 29 octobre 2010, la société MIDICOULEURS ECHIROLLES délivrait à Y Z un avertissement à la suite de diverses erreurs constatées sur l’inventaire réalisé le 1er octobre 2010. L’avertissement a été contesté.

Par lettre du 15 novembre 2010, Y Z est convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement fixé au 30 novembre 2010.

Par lettre du 13 décembre 2010, la société MIDICOULEURS ECHIROLLES a notifié à Y Z son licenciement pour faute réelle et sérieuse.

Il lui était reproché 'un usage abusif du téléphone professionnel pendant et hors temps de travail par l’utilisation entre autres des connexions internet non comprises dans le forfait et ayant entraîné une surfacturation excessive'.

Y Z a contesté l’avertissement et le licenciement devant le conseil des prud’hommes de Grenoble.

Le 1er janvier 2011, la société MIDICOULEURS ECHIROLLES a été absorbée par la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST.

* * *

Par jugement du 15 mai 2012, le conseil des prud’hommes de Grenoble a :

— annulé l’avertissement notifié à Y Z le 29 octobre 2010 ;

— condamné la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST à payer à Y Z :

* 12 025, 95 euros au titre des heures supplémentaires ;

* 1 202,59 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 649,94 euros au titre du préavis ;

* 164,99 euros au titre des congés payés afférents ;

* 226,54 euros au titre du complément d’indemnité de licenciement ;

les dites sommes avec intérêts de droit à compter du 4 mars 2011 ;

* 22 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

* 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

les dites sommes avec intérêts de droit à compter du jugement ;

— rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l’exécution provisoire en application de l’article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaires, la moyenne mensuelle brute des 3 derniers mois de salaires étant de 3 493,17 euros ;

— ordonné à la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à Y Z dans la limite de 6 mois à compter du licenciement du salarié au jour du prononcé du jugement

( article 1235-04 du code du travail) ;

— débouté Y Z du surplus de ses demandes ;

— débouté la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST de sa demande reconventionnelle ;

— condamné la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST aux dépens.

Par lettre recommandée adressée au Greffe de la Cour le 23 mai 2012, la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST a interjeté appel de cette décision.

* * *

La société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST conclut à l’infirmation du jugement déféré ;

Elle fait valoir que l’avertissement a justement sanctionné des erreurs commises lors de l’établissement de l’inventaire, entre autres :

— un écart de 4 000 euros au niveau des stocks ;

—  4 erreurs de comptages sur les 7 premières pages ;

— des procédures d’entrée et de sorties de marchandises non respectées.

Elle soutient que ces erreurs ne sont pas tolérables lorsqu’elles émanent d’un responsable de l’établissement auquel son contrat de travail faisait obligation d’analyser les tableaux de bord de gestion et assurer les approvisionnements et les gestions des stocks.

Quant au licenciement, la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST fait observer qu’alors que Y Z disposait d’un téléphone portable à usage professionnel sur la base d’un forfait couvrant un grand nombre d’appels, celui-ci a en septembre 2010 dépassé son forfait de 876,23 euros et en octobre 2010 de 1 354,83 euros, dépassements dus principalement à des connexions internet ne présentant aucun rapport avec son activité professionnelle.

Elle prétend que ces dépassements constituent une faute grave justifiant le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Elle conclut donc au débouté des demandes de paiement formées par Y Z.

En tout état de cause, elle conteste devoir à son ancien salarié des heures supplémentaires dont la preuve n’est pas rapportée.

Elle réclame 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Y Z conclut à la confirmation du jugement déféré qui a déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l’avertissement qui lui a été délivré le 29 octobre 2010, il fait observer que la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST a introduit un nouveau logiciel de gestion informatique des stocks pour lequel il n’a reçu aucune formation.

S’agissant des heures supplémentaires, il rappelle qu’il a été embauché pour 169 heures mensuelles à effectuer suivant planning affiché au tableau d’information.

Or, sauf pendant la période du 1er juillet 2008 au 15 octobre 2008, il indique qu’il travaillait pratiquement seul à l’agence de X pendant les heures d’ouverture décidées par l’employeur ; il en conclut que celui-ci ne pouvait raisonnablement ignorer que le respect de ces heures d’ouverture entraînerait nécessairement l’obligation de faire des heures supplémentaires ;

Enfin sur le licenciement, il fait remarquer qu’à aucun moment, l’usage du téléphone professionnel à usage privé n’a été formellement interdit et qu’au contraire, il pouvait être considéré que cet usage était toléré sous conditions puisqu’une note d’information précisait que le dépassement serait pris en charge par le salarié.

En tout cas, le dépassement du forfait ne peut être considéré comme une cause sérieuse de licenciement.

Il demande enfin paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 29 octobre 2010.

L’avertissement a été motivé par la présence d’erreurs sur l’inventaire réalisé le 1er octobre 2010, consistant en :

— de nombreux écarts de stock représentant une valeur de 4 000 euros ;

—  4 erreurs sur les 7 premières feuilles de comptage ;

— l’absence de certains produits sur l’inventaire ;

— le non-respect des procédures d’entrées et de sorties des marchandises : les sorties devant en effet faire l’objet d’un bon de commande, d’un bon de livraison et d’une facture de caisse.

Engagé en qualité de responsable de l’agence de X, Y Z devait assurer l’animation et la gestion commerciales de l’établissement ; son contrat de travail prévoyant que la gestion commerciale consistait notamment à analyser les tableaux de bord de gestion (chiffre d’affaires, marges et stocks), les éléments à analyser devaient évidemment être exacts, ce qui supposait la mise en place préalable de procédures propres à rendre des chiffres exacts.

Mais si le salarié doit réaliser le travail pour lequel il a été embauché, la bonne foi contractuelle impose également à l’employeur de favoriser l’exécution par le salarié de ses obligations.

Or, la gestion des stocks était faite à l’aide d’un système informatique dénommé 'distel', récemment installé par la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST et dont l’utilisation par Y Z nécessitait une formation minimale, ce que d’ailleurs reconnaissait C D, directeur du réseau midi couleurs ;

Aucune formation dans l’utilisation du logiciel 'DISTEL’ n’a été dispensée à Y Z ; les erreurs relevées dans l’inventaire apparaissent comme une suite logique du défaut de formation dans l’utilisation de ce logiciel ; la sanction décidée par la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST, dans ces conditions, n’est pas justifiée.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé l’avertissement délivré à Y Z le 29 octobre 2010.

2- Sur le paiement des heures supplémentaires.

Le contrat de travail de Y Z prévoit un horaire de travail de 39 heures par semaine réparties suivant le planning affiché au tableau d’information des salariés.

Ce planning indiquait que Y Z travaillerait sur le site de X,

— seul, du 1er août 2007 au 30 juin 2008 ;

* de 7 h30 à 12 h et de 13h30 à 18h30 du lundi au jeudi

* de 7h30 à 12 h et de 13h30 à 18 heures le vendredi ;

— en binôme, avec un autre salarié du 1er juillet 2008 au 15 octobre 2008, toujours suivant les mêmes horaires sauf le mercredi après-midi ;

— à nouveau seul du 16 octobre 2008 au 31 décembre 2008 ;

— en binôme, avec un autre salarié du 2 janvier 2009 au 12 décembre 2010, toujours suivant les mêmes horaires sauf le mercredi après-midi ; il convient de noter que pendant cette période, Y Z a travaillé seul du 19 juillet au 8 août et du 6 au 12 septembre.

L’exécution d’un tel planning impliquait nécessairement le dépassement par Y Z des heures de travail prévues dans son contrat de travail (entre 3 heures et 8 heures par semaine).

Sachant que Y Z travaillait seul sur le site de X et informée des horaires d’ouverture et de fermeture de l’établissement, la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST a implicitement accepté l’accomplissement par son salarié d’heures supplémentaires.

L’employeur n’apportant aucun élément pour contredire le décompte des heures supplémentaires produit par Y Z, décompte dans lequel n’ont pas été inclus les jours fériés, il convient de considérer que ces heures ont été réellement réalisées et c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a condamné la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST à payer à A Z la somme de 12 025,95 heures au titre des heures supplémentaires et la somme de 1 202,59 euros au titre des congés payés afférents.

3- Sur le licenciement.

Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST invoque dans la lettre de licenciement notifiée à Y Z 'un usage abusif du téléphone professionnel pendant et hors temps de travail par l’utilisation entre autres des connexions internet non comprises dans le forfait et ayant entraîné une surfacturation excessive'.

Elle précise qu’alors que le salarié bénéficiait déjà, outre d’un accès internet illimité par l’ordinateur de l’entreprise, d’un forfait couvrant des appels illimités en continu vers les fixes et les portables des sociétés du groupe, des appels illimités de 6h à 20 h du lundi au samedi vers tous les fixes et les portables SFR, 2 h de communications vers les portables hors SFR, la facture de téléphone du mois de septembre 2010 faisait état d’une surfacturation hors forfait de 744,78 euros et celle du mois d’octobre 2010 de 1151,61 euros. Elle indique également que la surfacturation concernait en particulier des connexions internet sans rapport avec l’activité professionnelle.

Les faits reprochés au salarié sont exacts mais ils ne peuvent cependant constituer une cause de licenciement que s’ils présentent une certaine gravité qui rend impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du travail.

Or, en l’occurrence, les dépassements abusifs du forfait téléphone ne se sont produits que pendant deux mois et l’employeur n’avait encore jamais spécifiquement mis en garde Y Z contre un usage abusif du téléphone professionnel qui lui avait été remis ; par ailleurs, la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST avait posé, dans une circulaire adressée le 30 juillet 2009 à ses principaux cadres, ce qu’elle appelait 'les règles du jeu concernant l’usage du téléphone professionnel à titre privé’ ; elle déclarait que 'les usages abusifs seraient d’abord refacturés puis feraient l’objet de dispositions visant à protéger l’entreprise’ ; elle ne laissait pas alors supposer que des abus revêtaient une gravité telle qu’ils pouvaient entraîner le licenciement de l’utilisateur.

Dans ces conditions, il convient de considérer que les faits invoqués par la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST ne constituent pas une cause sérieuse de licenciement et il y a lieu d’allouer à Y Z les indemnités prévues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse par l’article L 1253-3 du code du travail.

Le salaire mensuel de Y Z s’élevant à 3 493,17 euros après réintégration des heures supplémentaires, les demandes de fixation de l’indemnité de licenciement à la somme de 22 000 euros et d’allocation de sommes supplémentaires de :

—  1 649,94 euros au titre du préavis ;

—  164 euros pour les congés payés y afférents

—  226,54 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

sont justifiées.

La société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST qui succombe, sera condamnée aux dépens ; elle devra en outre, payer à Y Z, la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST à payer à Y Z la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BLANCOLOR DISTRIBUTION SUD EST aux dépens.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Madame F, Président, et par Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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