Cour d'appel de Grenoble, 5 novembre 2013, n° 12/03947

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 5 nov. 2013, n° 12/03947
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 12/03947
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valence, 9 mai 2012, N° F11/00799

Sur les parties

Texte intégral

P.A

RG N° 12/03947

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MARDI 05 NOVEMBRE 2013

Appel d’une décision (N° RG F 11/00799)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 10 mai 2012

suivant déclaration d’appel du 25 Mai 2012

APPELANT :

Monsieur D Y

XXX

26740 SAINT MARCEL-LES-SAUZET

Comparant et assisté de M. B C (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE :

LA SNCF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Elodie BORONAD LESOIN, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur F G, Président,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Madame Stéphanie ALA, Vice Présidente placée,

Assistés lors des débats de Monsieur Hichem MAHBOUBI, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 01 Octobre 2013.

Monsieur F G a été entendu en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2013.

L’arrêt a été rendu le 05 Novembre 2013.

RG N°12/3947 P.A

EXPOSE DES FAITS

Le 6 avril 1999, M. Y est entré au service de la SNCF en qualité d’agent mouvement manoeuvre et manutention. Après avoir été affecté à la sûreté ferroviaire à compter du 1er février 2007, il a été promu agent de surveillance principal (AGSUVP) à compter du 1er février 2008 à l’antenne de Valence ville.

Le 18 octobre 2011, M. Y a saisi le conseil des prud’hommes de Valence pour obtenir le paiement d’un rappel de salaire de 5.0701 € en se plaignant d’une 'situation de discrimination et de harcèlement’ ainsi que l’annulation d’un blâme.

Par jugement du 10 mai 2012, la juridiction saisie a :

— ordonné le retrait du blâme du 23 septembre 2011,

— condamné la SNCF à payer à M. Y une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. Y du surplus de ses demandes,

— condamné M. Y aux dépens.

Les premiers juges ont principalement retenu :

— que si M. Y avait quitté son poste sans autorisation de sa hiérarchie le 1er septembre 2011, la sanction était disproportionnée par rapport à la faute au regard de l’échelle des sanctions ;

— que le salarié ne rapportait pas la preuve qu’il satisfaisait aux aptitudes professionnelles à la tenue du poste de surveillant hors classe qualification C.

Par courrier recommandé du 25 mai 2012, M. Y a interjeté appel de cette décision. La SNCF a formé un appel incident.

M. Y demande à la cour de :

— confirmer le retrait du blâme du 23 septembre 2011 ;

— dire que sa qualification doit être C1-10 et non B2-08 ;

— condamner la SNCF à lui payer une somme de 5.073,12 € à titre de rappel de salaire ;

— condamner la SNCF à lui payer une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination, harcèlement et non-respect de l’obligation de sécurité de résultat ;

— condamner la SNCF au paiement d’une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La SNCF prie la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné le retrait du blâme du 23 septembre 2011 et condamné la concluante au paiement d’une somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Y du surplus de ses demandes ;

— condamner M. Y au paiement d’une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

SUR CE, LA COUR,

Vu les pièces et les écrits déposés et soutenus à l’audience par les parties auxquels il est renvoyé pour l’exposé du détail de leur argumentation,

Attendu qu’aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l’article L 1154-1 précise que le salarié qui invoque un harcèlement doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et que, si de tels faits sont établis, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ;

Attendu que M. Y prétend être victime depuis 2008 d’un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, qui aurait notamment entravé le déroulement de sa carrière ;

Attendu que l’appelant reproche à M. A, son supérieur hiérarchique immédiat (DPX SUGE), de lui avoir fait subir des 'brimades et menaces’ et à son employeur de ne pas avoir réagi ; qu’il soutient que cette situation a perduré malgré le changement de DPX ;

Attendu que pour caractériser plus précisément le harcèlement, M. Y reproche à M. A de :

— lui avoir demandé le 10 juillet 2008 de rectifier sa position du quai E en criant devant les clients et agents SNCF,

— avoir qualifié de 'journée branlette’ la journée de congés qu’il avait sollicitée le 14 septembre 2009 à l’occasion du décès de la grand-mère de sa femme,

— l’avoir menacé de lui casser la mâchoire les 11 et 15 janvier 2010 ;

Attendu, pour la période postérieure au changement d’affectation de M. A, qu’il dénonce :

— le refus opposé le 19 janvier 2011 à une 'absence pour journée syndicale',

— l’absence de 'gratification pour acte de vigilance’ lorsqu’il a découvert le 23 janvier 2011 le vol de 25 m de cuivre,

— une absence d’avancement alors que des 'agents positionnés après lui’ ont été promus,

— le blâme avec inscription au dossier infligé le 23 septembre 2011 ;

Attendu que la cour écartera le grief tenant à une absence de réaction de l’employeur en réponse aux menaces proférées les 11 et 15 janvier 2010 par M. A puisqu’une enquête 'déontologique’ a été diligentée et qu’un avertissement a été infligé le 30 juin 2010 à M. A ;

Attendu que le grief relatif au retard de carrière ne sera pas davantage retenu dès lors que le salarié ne démontre pas qu’il avait les compétences professionnelles pour être inscrit sur la liste d’aptitude au titre des années 2009, 2010 et 2011 ; que par exemple, l’auteur de la notation 2011/2012 a retenu le qualificatif 'moyen’ pour les rubriques 'esprit d’initiative et faculté d’adaptation', capacité de commandement et d’organisation’ et 'goût et aptitude à l’étude et à la recherche’ et porté sur la grille d’évaluation l’observation suivante : 'X doit faire un effort sur les relations sociales, a une haute opinion de lui-même et a des difficultés à remettre en question’ ; que la cour n’a aucun motif de douter de l’objectivité de ce jugement émis par le successeur de M. A qui, selon M. Z, agent SUGE à Valence, a 'apprécié normalement (les) compétences’ de M. Y ;

Attendu que le 23 septembre 2011, la SNCF a infligé à M. Y un blâme avec inscription au dossier pour le sanctionner d’avoir quitté sans autorisation son poste le 1er septembre 2011 ;

Attendu que cet incident a donné lieu à une 'demande d’explications écrites’ ; que M. Y n’a pas contesté n’avoir pas eu l’autorisation de quitter son poste ; qu’il a fait valoir dans sa réponse que son supérieur hiérarchique immédiat ne lui avait donné 'aucun emploi du temps, ni aucune feuille de mission’ et qu’aucun travail ne lui avait été donné ; qu’il a conclu qu’il servait de 'cible et de bouc émissaire’ ; que M. Y ne fournit toujours aucune explication recevable de cette absence non autorisée ; que la sanction prise, qui est la troisième sur l’échelle des sanctions internes à l’entreprise, n’a aucun caractère excessif au regard du caractère incontestable et de la nature de la faute ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu à annulation de la sanction ;

Attendu, par contre, que M. Y démontre avoir été tancé par M. A le 10 juillet 2008 en public, alors qu’il était en service sur les quais de la gare de Valence ; que la réalité de cet incident est attestée par la 'demande d’explications écrites’ formulée par M. A dans laquelle celui-ci a reconnu l’avoir 'intimé fortement à distance de rectifier (sa) position’ ; qu’une telle remontrance, faite sur les quais devant les voyageurs et les collègues de M. Y, avait un caractère humiliant ; qu’il y a même tout lieu de penser que le supérieur hiérarchique a été animé de la volonté de mortifier M. Y ;

Attendu qu’il est acquis qu’à plusieurs reprises, M. A a menacé M. Y de lui casser la mâchoire ; que plusieurs témoins ont entendu cette menace ; que si M. A a contesté avoir tenu les propos litigieux lors de l’enquête déontologique, l’enquêteur a tenu la menace pour 'très probable’ ;

Attendu qu’il résulte d’une attestation d’un collège de travail de M. Y que M. A a bien utilisé le terme de 'journée branlette’ lorsque M. Y a sollicité une journée de congés lors du décès de la grand-mère de sa femme ; que cet incident a d’ailleurs été évoqué lors de l’enquête déontologique précédemment évoquée ; qu’au-delà du caractère grossier du terme, son usage rendait compte du peu de considération dans laquelle M. A tenait son subordonné en lui renvoyant l’image d’un fainéant ;

Attendu que l’enquête de déontologie qualifie de 'militaire’ le management de M. A ; que les propos et comportements prêtés à M. A qui, selon un témoin précédemment cité, M. Z, 'ne voulait pas de la présence de M. Y dans 'son’ service', sont en parfaite cohérence avec un tel type de management ;

Attendu que M. Y démontre avoir vainement sollicité l’autorisation d’être absent le 21 janvier 2011 pour le motif 'AY', c’est-à-dire pour un motif syndical selon les explications données ;

Attendu que l’appelant verse une 'proposition de gratification pour acte de vigilance’ renseignée le 23 janvier 2011 à la suite de la découverte d’un vol de cuivre sur la commune de Loriol ; que la SNCF ne conteste pas qu’aucune suite n’a été donnée à cette proposition ;

Attendu que ces éléments matériels, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’il incombe dès lors à la SNCF de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement ;

Attendu que la SNCF ne donne pas les motifs pour lesquels l’autorisation de s’absenter le 21 janvier 2011 a été refusée à M. Y ; qu’elle n’explique pas davantage le motif pour lequel aucune suite n’a été donnée à la proposition de gratification ; qu’elle ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre qu’un comportement provocateur de M. Y serait à l’origine des menaces proférées par M. A ; que le caractère offensant de la réprimande publiquement faite le 10 juillet 2008 ne peut pas être légitimé par la position, fût-elle avachie, de l’agent ;

Attendu que la SNCF ne démontrant pas que les faits sont étrangers à tout harcèlement moral, il convient de reconnaître que M. Y a bien été victime d’un harcèlement moral ;

Attendu que le harcèlement avait déjà cessé lorsque M. Y a introduit son action ; que le préjudice moral nécessairement occasionné par des faits de harcèlement essentiellement en lien avec la personnalité du précédent supérieur hiérarchique du salarié sera entièrement réparé par une indemnité de 3.000 € ;

Attendu que la SNCF supportera les dépens et réglera une indemnité de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris ;

DÉBOUTE M. Y de sa demande en annulation du blâme prononcé le 23 septembre 2011 ;

DÉBOUTE M. Y de sa demande en paiement d’un rappel de salaire ;

CONDAMNE la SNCF à payer à M. Y une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par le harcèlement moral ;

CONDAMNE la SNCF à payer à M. Y une somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SNCF aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur G, Président, et Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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