Cour d'appel de Grenoble, 24 mars 2016, n° 14/01616

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 24 mars 2016, n° 14/01616
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 14/01616
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 22 janvier 2014, N° F12/01675

Sur les parties

Texte intégral

PS

RG N° 14/01616

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me France MILLIET

Me Marie-Laurence BOULANGER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

XXX

ARRÊT DU JEUDI 24 MARS 2016

Appel d’une décision (N° RG F12/01675)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 23 janvier 2014

suivant déclaration d’appel du 21 Février 2014

APPELANT :

Monsieur Z X

né le XXX à CLERMONT-FERRAND (63041)

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me France MILLIET, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

INTIMÉE :

SA BIOMERIEUX, prise en la personne de son représentant légal et dont le siège se situe au :

XXX

comparante en la personne de M. Laurent ABENZA MARCO, RRH, assisté de Me Marie-Laurence BOULANGER, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Gilberte PONY, Président

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Janvier 2016,

Monsieur Philippe SILVAN chargé du rapport, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assisté de Monsieur Hichem MAHBOUBI, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 24 Mars 2016, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 24 Mars 2016.

RG 14/1616 PS

Exposé du litige:

Le 25 mai 2005, M. Z X a été embauché par la SA Biomérieux en qualité d’ingénieur validation. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur de site.

Il a été licencié le 23 juillet 2012 au motif qu’il aurait sollicité et obtenu le remboursement de frais de déplacement indus.

Contestant son licenciement, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble et demandé de dire que son licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et qu’il n’avait commis aucun manquement justifiant une perte de confiance et réclamé la condamnation de la SA Biomérieux à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon jugement du 23 janvier 2014, le conseil de prud’hommes de Grenoble a:

' dit que le licenciement de M. X était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' condamné la SA Biomérieux à lui payer les sommes suivantes :

' 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail,

' 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

' ordonné à la SA Biomérieux de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à M. X dans la limite de six mois de salaire, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant de 5 205 €,

' débouté la SA Biomérieux de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée aux parties les 25 et 27 janvier 2014.

Le 24 février 2014, M. X a formé à l’encontre de ce jugement un appel limité au quantum des sommes qui lui avait été allouées par le conseil de prud’hommes de Grenoble.

A l’issue des débats et de ses conclusions du 11 mai 2015 auxquelles il est expressément référé pour un plus exposé de ses prétentions et moyens, M. X demande de :

' condamner la SA Biomérieux à lui payer la somme de 144 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' condamner la SA Biomérieux à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail,

' condamner la SA Biomérieux à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il conteste les griefs retenus par la SA Biomérieux pour justifier son licenciement aux motifs que son contrat de travail prévoyait qu’il bénéficierait d’un véhicule de fonction et que ses frais liés à son utilisation (carburant, péage, parking,…) lui seraient remboursés sur justificatifs, qu’il a établi ses notes de frais en toute bonne foi, que celles-ci étaient dressées par son assistante et validées par son supérieur hiérarchique et le service comptabilité de l’entreprise, que son contrat de travail n’excluait pas de ces frais les dépenses liées au trajet domicile-travail, que la note de service invoquée par la SA Biomérieux pour prétendre au non-remboursement de tels frais ne vise que l’usage d’un véhicule personnel par un salarié et non d’un véhicule de fonction et qu’en tout état de cause la seule sanction prévue dans cette note de service consiste dans la déduction des frais non-conformes.

Il expose en outre que le conseil de prud’hommes a retenu que l’usage d’un véhicule de fonction pour les trajets domicile-travail entraînait le remboursement des frais de déplacement, qu’il existait un processus de validation des frais, que les règles de remboursement des frais de déplacement n’étaient pas suffisamment définies et connues et que dans l’hypothèse ou il aurait commis une erreur, il apparaissait étonnant que ces frais n’aient pas été défalqués.

Il rappelle qu’il bénéficiait d’un salaire annuel avec primes et avantages en nature de 83 967 € et qu’il a été licencié pour des frais estimés indus pour un montant de 2052,70 €.

Il en conclut en conséquence que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Pour justifier le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, il indique qu’il a été licencié dans des circonstances particulièrement éprouvantes alors qu’il avait redressé, sur la demande de sa direction, le site grenoblois de l’entreprise, qu’il s’est brutalement retrouvé au chômage, que l’énoncé de son licenciement est un obstacle à l’obtention d’un emploi, qu’il a réussi à retrouver du travail en Suisse et que son licenciement a eu de lourdes répercussions sur sa vie familiale et professionnelle.

Au terme des débats et de ses conclusions du 2 octobre 2015 auxquelles il est expressément référé pour un plus exposé de ses prétentions et moyens, la SA Biomérieux demande

de :

A titre principal,

' infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 23 janvier 2014,

' débouter M. X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 27 mois de salaire,

A titre subsidiaire,

' dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

' dire que la rupture du contrat de travail n’est pas intervenue de manière abusive,

' débouter M. X de ses demandes,

' condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que pour contester le caractère réel et sérieux de son licenciement, M. X verse aux débats une argumentation succincte et ne produit aucun élément de preuve de nature à démontrer qu’il n’a commis aucune faute et aucun manquement.

Elle soutient que M. X, en pleine connaissance de cause, s’est fait rembourser des frais de déplacement domicile-travail alors que de tels frais devaient rester à sa charge, qu’en sa qualité de chef d’établissement il était tenu d’un devoir d’exemplarité et qu’en conséquence son licenciement était justifié.

Dans l’hypothèse où l’existence d’une cause réelle et sérieuse serait retenue, elle estime que les sommes allouées à M. X par le conseil de prud’hommes de Grenoble au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sont proportionnées au préjudice subi par le demandeur.

Elle soutient en outre que M. X ne rapporte pas la preuve du préjudice moral qu’il invoque.

Sur ce :

Conformément à l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, M. X a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 6 juillet 2012. Il a été licencié le 23 juillet 2012 par la SA Biomérieux en raison d’une perte de confiance. La SA Biomérieux lui a en effet reproché, suite à un contrôle réalisé le 22 juin 2012, d’avoir présenté des demandes de remboursement de frais pour un montant approximatif de 2 300 € alors qu’il percevait une indemnité forfaitaire destinée à couvrir des dépenses habituellement non remboursées et qu’il ne pouvait ignorer le caractère infondé de ces frais dans la mesure où, d’une part, la liste des frais non-remboursés avait été évoquée lors d’une réunion en mars 2011 et, d’autre part, que des notes internes, dont une signée par ses soins, rappelaient que de tels frais ne constituaient pas des frais professionnels pouvant faire l’objet de remboursement.

Il ressort du tableau produit aux débats par la SA Biomérieux que ces paiements indus reprochés à M. X portent sur la somme de 2 052,70 € et ont été réalisés entre les mois de mai 2011 et d’avril 2012, soit une moyenne mensuelle de 171,05 €

Concernant son parcours au sein de l’entreprise, M. X a été embauché par la SA Biomérieux en qualité d’ingénieur le 23 mai 2005 sur le site de La Balme Les Grottes, commune de Le Zaligniez (38). Il a fixé sa résidence à Venerieu (38). Le 26 septembre 2006, il a été nommé responsable de production du même site. Le 15 juillet 2010, il a été désigné responsable des opérations industrielles sur le site de Grenoble. Enfin, le 21 mars 2011, il a été promu directeur du site de Grenoble.

L’avenant n°1 à son contrat de travail du 15 juillet 2010, stipulait que pour prendre en compte le surcoût des déplacements occasionnés par son changement de résidence, il percevrait une prime mensuelle brute de 1 000 € jusqu’au 31 décembre 2012 et que cette prime ferait l’objet d’une dégressivité progressive.

Au terme de l’avenant n°2 à son contrat de travail du 21 mars 2011, la prime précitée a été remplacée par une prime exceptionnelle mensuelle brute de 400 € par mois du 1er mai 2011 au 30 avril 2012 et de 200 € par mois du 31 mai 2012 au 30 avril 2013. Cet avenant prévoit en outre que M. X bénéficiera d’un véhicule de fonction et que les frais liés à l’utilisation de ce véhicule (carburant, péage, parking,…) seront remboursés selon les règles définies au sein de l’entreprise.

Il en ressort ainsi clairement que, contrairement aux allégations de M. X, que les frais de déplacement entre son domicile de Venerieu et le site de Grenoble sur lequel il était affecté ne constituaient pas des frais professionnels ouvrant droit à remboursement puisqu’au terme de deux avenants successifs, ils ont fait l’objet de primes exceptionnelles destinées à compenser ces frais.

Le grief tiré de la demande de remboursement de frais de déplacement indus entre le domicile de M. X et son travail est donc réel.

Cependant, il ressort du témoignage de Mme Y, partenaire RH Monde pour les activités industrielles de la SA Biomérieux, que les demandes de remboursement déposées par M. X ont été approuvées sans contrôle par son supérieur hiérarchique et que seul un contrôle réalisé a posteriori en raison de frais anormalement élevés a permis de révéler des frais de péage d’autoroute injustifiés.

Il apparaît ainsi que les demandes de remboursement présentées par M. X n’ont fait l’objet d’aucun contrôle a priori qui aurait permis de détecter le caractère injustifié de certains frais de déplacement, que ces frais ont été réglés sans réserves par le service comptabilité de l’entreprise, qu’aucune demande de remboursement n’a été adressée à M. X, que les règles relatives au remboursement des frais de déplacement ne lui ont pas été rappelése, que ces paiements injustifiés ont été révélés le 22 juin 2012 et que M. X, qui ne présentait aucun antécédent défavorable, a été licencié dans les semaines suivantes. Il s’en déduit que la SA Biomérieux ne justifiait pas d’un motif sérieux pour procéder au licenciement de M. X.

M. X percevait un salaire mensuel de 6 000 € bruts outre une prime mensuelle de 200 € bruts. Il a été licencié avec une ancienneté de 7 ans. Il ne verse aux débats aucun élément de nature à apprécier sa situation professionnelle actuelle. Le préjudice qu’il a subi en raison de la rupture de son contrat de travail sera justement indemnisé en lui allouant 60 000 €.

M. X ne rapporte pas la preuve d’un préjudice moral distinct du préjudice subi à raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement du 23 janvier 2014, en ce qu’il a condamné la SA Biomérieux à payer à M. X la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail sera en conséquence infirmé.

Enfin, la SA Biomérieux, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. X la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare M. Z X recevable en son appel,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 23 janvier 2014 en ce qu’il a condamné la SA Biomérieux à payer à M. X la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SA Biomérieux à payer à M. X la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. X de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Condamne la SA Biomérieux à payer à M. X la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA Biomérieux de ses demandes,

Condamne la SA Biomérieux aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame PONY, Président, et par Monsieur MAHBOUBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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  2. Code du travail
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