Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 21 novembre 2019, n° 16/01954

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. com., 21 nov. 2019, n° 16/01954
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 16/01954
Décision précédente : Tribunal de commerce de Grenoble, 3 avril 2016, N° 2014J587
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 16/01954 – N° Portalis DBVM-V-B7A-IO5D

PG

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL EUROPA AVOCATS

la SELARL RIONDET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2019

Appel d’un jugement (N° RG 2014J587)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 04 avril 2016, suivant déclaration d’appel du 25 Avril 2016

APPELANTE :

Madame Z X

expert-comptable, inscrite à l’Ordre des expert-comptables sous la dénomination CABINET CECAM

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SAS FINANCIERE MF

Société par Actions Simplifiée au capital de 152.500 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 378 793 988, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Michel DE GAUDEMARIS de la SELARL RIONDET, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me DE BOISSE, avocat au barreau de LYON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel C, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Octobre 2019

Mme GONZALEZ, Président, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE

La société La Financière MF qui a pour président M. B Y et pour directeur général M. C D est une société holding d’un groupe d’une quinzaine de sociétés dont l’activité principale est l’exploitation de restaurants. Il existe plusieurs établissements secondaires. La holding et la plupart de ses filiales clôturent leur exercice comptable au 30 septembre de chaque année.

Mme X exerce la profession d’expert-comptable à titre individuel sous la dénomination 'cabinet CECAM', dans lequel elle exerçait avec une assistante jusqu’à la rupture de ses relations avec la société La Financière MF, puis seule.

Elle a d’abord assuré la comptabilité du groupe en tant que salariée d’un cabinet d’expertise comptable, puis comme salariée du groupe avant d’exercer à titre individuel dans le cadre du cabinet qu’elle a créé.

Le 1er octobre 2009, la société La Financière MF a confié par lettre de mission le suivi comptable de ses sociétés et filiales à Mme X.

Par courrier du 27 mars 2014, Mme X a réclamé des honoraires supplémentaires pour la période passée et informé d’une augmentation d’honoraires pour la période à venir en faisant valoir un changement du périmètre des missions confiées.

Le 8 avril 2014, la société La Financière MF a refusé la hausse d’honoraires et estimé exorbitant le montant des sommes réclamées.

Mme X a résilié le contrat le 22 avril 2014.

Mme X a fait pratiquer des saisies conservatoires sur les comptes de la Holding et la cour d’appel de Grenoble en a ordonné mainlevée en raison des contestations émises sur les créances.

Parallèlement, par acte introductif d’instance du 24 octobre 2014, Mme X a fait assigner la société La Financière MF en paiement d’honoraires.

Le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 5 décembre 2016 a :

— dit que Mme X a failli à son devoir d’information relativement à l’existence de prestations hors du champ contractuel prévu par la lettre de mission,

— rejeté la demande de Mme X de sa demande d’honoraires complémentaires liés à l’exercice 2013-2014,

— dit que Mme X est infondée à réclamer une hausse rétroactive d’honoraires au titre des honoraires 2013-2014,

— dit que la responsabilité de la rupture des relations entre les parties incombait exclusivement à Mme X et débouté Mme X de sa demande d’application de la clause pénale,

— alloué la somme de 20.076,94 euros à Mme X et constaté que cette somme a déjà été réglée à Mme X,

— débouté la société La Financière MF de ses demandes d’indemnités au titre de rétention de documents et d’astreinte,

— débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

— condamné Mme X à payer à la société La Financière MF la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande d’ exécution provisoire,

— condamné Mme X aux dépens.

Mme X a relevé appel total de cette décision par déclaration du 25 avril 2016.

La procédure a été clôturée le 19 septembre 2019.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 31 mai 2019, Mme X demande à la cour de, au visa de l’article 24 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert comptable :

— dire qu’elle a droit, en qualité d’expert-comptable, à la juste rémunération du travail accompli au bénéfice du groupe financière MF,

— constater que la pratique des parties postérieure à la signature de la lettre de mission établit qu’elles ont finalement convenu de s’affranchir de la régularisation d’un écrit comme condition de validité d’un avenant à la mission initiale ou d’une mission complémentaire,

— confirmer le jugement en ce qu’elle a débouté la société La Financière MF de ses demandes reconventionnelles,

— l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

— condamner la société La Financière MF à lui payer la somme de 16.684 euros HT soit 20.020,80 euros TTC au titre des prestations accomplies et non visées par la lettre de mission du 1er octobre 2009,

— condamner la société La Financière MF à lui payer la somme de 17.035 euros HT soit 20.442 euros TTC à titrre de rémunération complémentaire pour les prestations visées par la lettre de mission du 1er octobre 2009 mais accomplies dans le cadre d’une organisation juridique et fiscale du groupe différent de celui décrit dans la lettre,

— condamner la société La Financière MF à lui payer la somme de 3.439,50 euros HT soit 4.127,40 euros TTC au titre des factures émises conformément à la lettre de mission ou non contestées mais demeurées impayées,

— dire que les sommes dues à la concluante pour chaque facture impayée porteront intérêts à compter de la date d’échéance de la facture concernée, à un taux égal à trois fois le taux de la Banque centrale européenne appliquée à son opération de refinancement la plus proche de la date d’échéance de la facture majorée de 10 points,

— condamner la société La Financière MF à lui payer la somme de 11.000 euros au titre de l’indemnité de résiliation anticipée,

— condamner la société La Financière MF aux dépens de première instance et d’appel et à lui payer 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

Elle expose qu’elle a travaillé 27 ans avec la société La Financière MF, qu’il existait en raison de l’ancienneté du travail en commun une très grande familiarité dans les relations avec M. Y et une absence de formalisme, les parties travaillant en confiance, et une dépendance économique envers ce client représentant 20 à 35 % de son chiffre d’affaires.

Elle explique que :

— la lettre de mission initiale a été prévue pour être complétée par des interventions complémentaires et une assistance fiscale, sociale, organisationnelle,

— elle s’est vue confier

— la présentation des comptes annuels et l’établissement des déclarations fiscales annuelles pour 6 établissements de restauration, la lettre de mission précisant que ces prestations représentaient pour chaque dossier 6 à 8 demi-journées de travail outre un jour par trimestre pour un point général et le temps passé pour répondre aux sollicitations du personnel ; elle

avait pour mission l’établissement de la liasse d’intégration fiscale et une seule de ces sociétés était incluse dans le périmètre de l’intégration fiscale l’intégration concernant également la société Holding,

— une mission élargie à la tenue des opérations comptables pour 4 autres sociétés du groupe dont la Holding, le temps de travail étant estimé à 15 jours par an outre des réunions de développement stratégiques,

— le budget d’honoraires comptables pour la mission de base et la mission comptable étendue étaient fixés pour l’exercice 2009/2010,

— une mission sociale portant sur l’établissement des bulletins de paie mensuels de l’ensemble du

personnel et sur les déclarations sociales trimestrielles et annuelles auprès des différentes caisses et organismes sociaux outre l’établissement des documents liés aux arrêts de travail et à ceux relatifs à la sortie des effectifs,

— dans la mesure ou le développement d’un service comptable intégré à la société La Financière MF devait conduire à la décharger d’une part importante de son travail antérieur (comptabilité des sociétés de restauration), le budget annuel d’honoraires était quasiment divisé par deux s’agissant de la mission comptable, passant de 42.720 à 22.200 euros,

— la lettre de mission stipulait cependant que la mission pouvait être complétée par des interventions complémentaires et une assistance en matière fiscale, sociale, organisationnelle, recrutement, informatique, financière ou de gestion et facturée en sus sur la base de 800 euros HT par journée d’intervention sur lettre de mission ponctuelle séparée,

— la charge de travail qui lui a été confiée s’est avérée sensiblement différente à ce qui avait été convenu, le service comptable intégré a connu un 'turn over’ important des salariés et elle a dû pallier l’insuffisance du service, participer à des réunions, assurer le suivi de tableaux de bord ou de trésorerie ; elle a dû proposer une méthode de travail aux préposés de la société Holding en raison de nombreuses erreur d’écriture,

— au cours de l’année 2012-2013, la société Holding a modifié radicalement l’organisation du groupe, mis en place deux sociétés sous holding, la société Zinczinc groupe à la tête de trois sous filiales et la société Bieh groupe à la tête de 4 sous-filiales et elle a étendu le périmètre de l’intégration fiscale en passant de 3 à 10 ; ceci a généré une charge de travail sensiblement plus importante lors des déclarations fiscales annuelles 2013 puisque pour chaque société du périmètre d’intégration, il convenait d’établir de nouvelles annexes à la liasse fiscale avant de pouvoir déterminer le résultat fiscal du groupe, les prestations internes entre les différentes sociétés devaient être retraitées, la liasse d’intégration fiscale de la Holding passait de 32 pages à 75 pages,

— la société Holding à compter de l’exercice ouvert le 1er octobre 2012 a demandé à reprendre en interne la mission de tenue de comptabilité d’où une diminution d’honoraires mais cette modification imposée n’a pas donné non plus lieu à avenant,

— elle a dû établir les comptes de 6 sociétés non visées par la lettre de mission, (soit 10 au lieu de 16) sans lettre de mission supplémentaire non plus, et ses factures ont été honorées sans difficulté, c’est lorsqu’elle a mesuré l’ampleur du travail supplémentaire après le bilan arrêté au 30 septembre 2013 qu’elle a par courrier du 27 mars 2014 adressé ses factures supplémentaires,

— les relations des parties s’étaient dégradées dans les semaines précédentes avec notamment des reproches verbaux.

Elle soutient que :

— l’accord préalable sur les honoraires de l’expert comptable n’est pas une condition de sa rémunération à la hauteur du travail réalisé, les honoraires doivent être équitables et constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu, les règles de déontologie ne sont assorties que de sanctions disciplinaires, l’information et le conseil portent essentiellement sur la réglementation comptable applicable à l’entreprise,

— des travaux commandés ne rentraient pas dans la lettre de mission, les parties se sont affranchies du formalisme, les demandes relevaient la plupart du temps de l’urgence, des factures de prestations ont été réglées,

— la société Holding ne conteste pas la réalité du travail supplémentaire, le travail en cause ne relevait

pas d’une simple réponse technique au service comptable,

— le cadre initial fixé par les parties pour déterminer les honoraires a été radicalement transformé en cours d’exercice, et le temps passé sur les dossiers sensiblement augmenté,

— des factures ont été établies conformément à la lettre de mission mais n’ont pas été réglées,

— l’indemnité de résiliation est due quelque soit l’auteur de la rupture, la seule exclusion étant la faute grave de l’expert comptable,

— il a été reconnu en première instance que la comptabilité se situait dans les locaux de la société Holding, elle n’a aucun document original, elle a rempli sa mission du 1er octobre 2013 au 22 avril 2014.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 juillet 2019, la société La Financière MF demande à la Cour de :

— confirmer le jugement querellé sauf en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes,

— statuant à nouveau,

— dire que Mme X a indûment conservé des documents lui appartenant,

— enjoindre à Mme X de lui restituer les documents susvisés sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la décision à intervenir,

— condamner Mme X au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de la rétention des documents,

— condamner Mme X au paiement de la somme de 20.076,94 euros,

— en tout état de cause,

— condamner Mme X à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

— la lettre de mission prévoyait un forfait d’honoraires, en contrepartie du suivi annuel de l’établissement des comptes sociaux chaque année, le paiement des honoraires intervenait par versements mensuels,

— elle accroissait dans le même temps son service comptable intégré, qui avait à l’origine un comptable, avec un directeur financier, un comptable et un comptable en alternance,

— Mme X a réclamé de manière soudaine des honoraires complémentaires et une hausse des honoraires 2013-2014, elle ne l’a jamais informée de prestations non couvertes par une lettre de mission qui engendreraient la facturation d’honoraires complémentaires, ni de coûts supplémentaires, elle a facturé des honoraires complémentaires à son égard sans l’en avoir informée au préalable alors que le code de déontologie de l’expertise comptable prévoit l’existence d’un écrit pour toute prestation réalisée et un devoir d’information, et de conseil,

— la lettre de mission, prévoyait expressément la signature d’une lettre de mission séparée pour toute intervention complémentaire, l’expert comptable devant nécessairement aviser le client du travail à effectuer et surtout de l’accroissement des honoraires, elle n’a pas fait l’objet d’un quelconque avenant, elle était fixée de manière large afin d’englober plusieurs variétés de prestations habituellement réalisées par Mme X,

— les principes généraux du droit des contrat ne peuvent s’appliquer dès lors qu’une lettre de mission régissait déjà les relations des parties depuis un certain nombre d’années, la fixation du prix ne peut intervenir après réalisation de la prestation,

— aucun honoraire complémentaire n’a été réclamé pendant 27 ans, Mme X invoque des jurisprudences non applicables en la cause, en l’espèce, les parties n’ont pas prévu de manière abstraite l’intervention complémentaire de Mme X en fonction des nouveaux besoins financiers de la concluante,

— si des cessions de parts sociales ont été réalisées, il appartenait exclusivement à Mme X de lui indiquer qu’elles engendreraient des prestations supplémentaires de sa part,

— il n’existe pas de dépendance économique et ce point n’a pas été évoqué précédemment et est nouveau, la part du chiffre d’affaires est insuffisant à caractériser une telle dépendance, cette question relève de la Cour d’appel de Paris,

— à défaut d’avis de l’expert comptable, le juge doit modérer les honoraires excessifs au regard des prix pratiqués sur le marché en cause ; le nouvel expert comptable facture ses prestations à un tarif horaire inférieur, de nombreuses tâches sont effectuées en interne, d’où une baisse d’honoraires à compter du 1er octobre 2012, le 'turn over’ allégué n’existe pas de même que les erreurs comptables, le suivi de trésorerie était inclus dans la lettre de mission,

— Mme X a facturé des honoraires d’un montant supérieur à ceux prévus dans la lettre de mission, le volume de la liasse fiscale ou le nombre de pages ne justifie pas des honoraires supplémentaires,

— la comptabilité à réaliser concernant une société non intégrée ou une société faisant partie d’une intégration fiscale est la même, la restructuration n’a pas impacté l’activité de Mme X, dont les prestations compables restent les mêmes ; c’est Mme X qui a conseillé la restructuration du groupe,

— les réunions supplémentaires ne sont pas prouvées, eu égard aux réunions visées par la lettre de mission,

— seuls des travaux exceptionnels faisant l’objet d’un accord préalable des parties peuvent faire l’objet d’une prestation supplémentaire, de telles prestations ont été payées par le passé,

— Mme X a émis des facture le 26 mars 2014 alors que les prestations auraient été réalisées au cours de l’exercice 2012-2013,

— des attestations ne nécessitaient que la signature de l’expert-comptable, diverses facturations sont injustifiées,

— Mme X soutient pour la première fois devant la cour qu’elle n’aurait pu avant le 26 mars 2014 déterminer le temps passé à ses prestations,

— l’augmentation rétroactive d’honoraires de l’exercice 2013-2014 est contraire aux stipulations contractuelles, elle ne peut intervenir après les prestations, Mme X réclame 32 %

d’augmentation, pour l’intégration de certaines sociétés alors que sa facturation intervient société par société,

— la conversion de certaines taxes est apparue en 2010 soit peu de temps après la lettre de mission et les évolutions législatives sont inclues dans son activité,

— Mme X a perçu indûment des honoraires sur une prestation non réalisée (bilans clos au 30 septembre 2014 non réalisé) et ne tient pas compte des acomptes versés, sur lesquels s’imputent de nombreuses prestations,

— Mme X fait état pour la première fois de factures non réglées,

— elle a, seule, rompu les relations contractuelles, la clause de résiliation unilatérale n’a pas vocation à être versée à l’un des cocontractants indépendamment de l’identité de l’auteur de la rupture, c’est à l’auteur de la résiliation de s’en acquitter,

— Mme X est restée en possession de nombreux documents du groupe et refuse de les remettre, depuis le 22 avril 2014, mettant la concluante en difficulté, les dossiers ont dû être reconstitués.

Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes d’honoraires de Mme X

Par courrier du 27 mars 2014, Mme X adressait à la société La Financière MF des factures correspondant selon elle aux soldes d’honoraires de l’exercice 2012/2013 'suite aux modifications importantes engendrées dans la réalisation de travaux de clôture liés aux changement radical du périmètre de l’intégration fiscale'. Elle informait ensuite la société que les honoraires 2013/2014 étaient revus à la hausse pour ces mêmes raisons ainsi que 'des factures émises pour les travaux réalisés jusqu’à ce jour, à votre demande, n’entrant pas dans le cadre de la lettre de mission'. Elle faisait état de deux factures impayées. Elle affirmait que la création de l’activité 'séminaires’ avait généré un travail important de saisie, de gestion de trésorerie et avait grandement compliqué l’établissement de déclarations de TVA pour aboutir, d’un commun accord, à la reprise des dossiers par le service comptable interne à partir du 1er janvier 2013. Elle joignait des factures.

La société La Financière MF par courrier du 8 avril 2014 contestait cette demande, relevant qu’elle intervenait pour un exercice engagé depuis 6 mois, qu’une augmentation de 32 %, unilatérale et abusive était sollicitée, la mettait devant le fait accompli et était inacceptable, que les missions n’avaient pas varié depuis des années et avaient même été réduites en raison des travaux du service comptable et financier interne. Elle reconnaissait devoir deux factures en notant ne pas avoir eu d’informations sur une des sociétés. Elle affirmait se trouver dans une situation très périlleuse vis à vis des banquiers en l’absence de bilan. Elle relevait n’avoir reçu aucun courrier préalable sur des compléments d’honoraires, le fait que des travaux nombreux relevaient de l’expert comptable, l’absence d’évocation de facturation complémentaire, la facturation de conseils et courriers n’ayant jamais donné lieu à lettre de mission complémentaire.

Suite à cette réponse et après un courrier ultime du 14 avril 2014 soulignant notamment que les demandes adverses n’avaient pas permis l’établissement de lettres de mission en raison d’un délai très court d’exécution, Mme X confirmait par courrier du 23 avril 2014 que l’ensemble de ses missions avaient pris fin le 22 avril 'conformément aux conditions générales qui étaient jointes à la lettre de mission'.

Le code de déontologie des experts comptables précise en son article 155 que 'dans la mise en oeuvre de chacune de leurs missions, les personnes mentionnées à l’article 141 (professionnels de l’expertise comptable) sont tenues vis-à-vis de leur client ou adhérent à un devoir d’information et de conseil, qu’elles remplissent dans le respect des textes en vigueur'.

S’il est précisé par ailleurs que l’article 24 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 rappelle que 'les honoraires doivent être équitables et constituer la juste rémunération du travail fourni comme du service rendu', il convient de constater en l’espèce qu’une lettre de mission, document contractuel gérant les relations entre l’expert comptable et son client, prévoyait très précisément la mission de Mme X.

La lettre de mission en date du 1er octobre 2009 et qui n’a fait l’objet d’aucun avenant fixait en effet la mission et les honoraires de l’expert-comptable. La mission qui comportait un volet comptable/conseil et une mission sociale était particulièrement exhaustive et il était précisé 'il est bien entendu que la mission pourra, sur votre demande, être complétée par des interventions complémentaires et une assistance en matière fiscale, sociale, organisationnelle, recrutement, informatique, financière ou de gestion et facturées sur la base de 800 euros HT par journée d’intervention, sur lettre de mission ponctuellement séparée'.

L’annexe 2 précisait 'les travaux incombant au professionnel comptable sont détaillés dans une lettre de mission et sont strictement limités à son contenu. Toute prestation complémentaire devra faire l’objet d’une information préalable du client afin que celui-ci soit en mesure de manifester son accord'.

Il est constant qu’antérieurement à son courrier du 27 mars 2014 adressé à la société La Financière et comportant une nouvelle proposition d’honoraires en cours d’exercice, Mme X n’avait jamais contesté l’étendue de sa mission ni adressé aucun courrier à la société La Financière MF pour lui faire part de difficultés sur ce point, et plus particulièrement sur une extension de mission et des prestations hors contrat.

Mme X fait valoir que les parties ont entendu, en raison de bonnes relations continues, faire abstraction de l’écrit. Elle produit essentiellement des factures établies par ses soins et qui ne peuvent valoir preuve de l’obligation adverse ainsi qu’un ensemble de courriels échangés avec divers membres de l’entreprise dans l’exercice de sa mission (dont des courriels au service comptable), courriels qui ne pouvaient permettre au client, par leur teneur, de manifester un accord en connaissance de cause pour des missions et donc des honoraires supplémentaires, à condition que de telles prestations soient effectivement hors lettre de mission, ce qui est contesté par le client et ne revêt aucune évidence au vu de la mission exhaustive confiée à Mme X et des affirmations divergentes sur l’impact des modifications alléguées.

Il n’est certes pas contesté que la société Financière MFa réglé des honoraires pour des missions supplémentaires qu’elle avait sollicitées et pour lesquelles aucun écrit n’avait été établi au préalable.

Mais le fait que la société La Financière MF ait reconnu la réalisation de prestations non prévues dans la lettre de mission et les aient honorées ne permet pas à Mme X de demander des honoraires sans rapporter la preuve de l’obligation exigée par les conditions générales susvisées, la charge de la preuve lui incombant. Il démontre au contraire que la société intimée a réglé les prestations en cause dès lors qu’il était évident qu’il s’agissait de prestations supplémentaires à la lettre de mission.

En omettant d’aviser la société La Financière MF de ce que ses services généraient des honoraires supplémentaires importants en raison d’évolutions des sociétés du groupe ou que des prestations réalisées étaient hors contrat, et en la mettant ensuite devant le fait accompli, Mme X a manqué à l’obligation d’information et de conseil susvisée, ne mettant pas la société La Financière MF en

position d’apprécier, et donc de refuser le cas échéant, ces missions et honoraires supplémentaires.

Par ailleurs, le fait que Mme X réalise une part importante de son chiffre d’affaires avec la société intimée pour laquelle elle avait travaillé pendant 27 ans n’établit pas la preuve de ce que la société La Financière FM aurait abusé de cette situation en augmentant la mission sans rémunération correspondante, la preuve n’en étant pas rapportée par les éléments du dossier et les affirmations de Mme X.

Il n’apparaît donc pas contestable que la résiliation unilatérale du contrat est imputable à Mme X et non à la société Financière MF et que Mme X n’est pas fondée dans ses demandes d’honoraires supplémentaires et de réévaluation d’honoraires, le jugement étant confirmé de ce chef.

Quant à la clause de résiliation unilatérale portée dans l’annexe 2 à la lettre de mission – conditions générales applicables à la lettre de mission du groupe Financière MF – et qui stipule que 'en cas de résiliation au cours

d’un exercice comptable, le client devra verser au professionnel comptable des honoraires dus pour le travaux déjà effectué, majoré d’une indemnité conventionnelle égale à 33 % des honoraires annuels convenus pour l’exercice en cours ou de la dernière année d’honoraires en cas de montant incertain', en aucun cas elle ne permet à l’expert-comptable de percevoir des honoraires si la résiliation lui est imputable, que qui est le cas en l’espèce. Cette clause ne vise à l’évidence que le cas où le client décide en cours d’exercice de résilier le contrat et doit en conséquence indemniser l’expert-comptable qui ne peut alors aller au bout de sa mission.

C’est donc à tort que Mme X s’en prévaut pour réclamer une indemnité, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de restitution de pièces

La société Financière MF affirme que Mme X aurait conservé des pièces lui appartenant, ce qui empêcherait le bon fonctionnement de la société. Elle vise ainsi l’intégralité du dossier paie et notamment les bulletins jusqu’à fin mars, la DADS 2013 et les déclarations annuelles de 2014, les documents comptables, le secrétariat juridique et les dossiers fiscaux de 'Perfenergies’ et des Sci 'des Vignes', 'Saint Sauveur’ et 'Limas', les dossiers fiscaux de toutes les sociétés et notamment l’accord d’intégration fiscale de la concluante, et enfin les documents relatifs aux immobilisations de toutes les sociétés du groupe.

La société Financière MF ne procède cependant que par affirmations, aucune des 16 pièces de son dossier ne démontrant la rétention incriminée ni le dysfonctionnement en découlant pour la société.

Il a été en outre noté dans le jugement qu’à la barre, les parties avaient convenu que la comptabilité se trouvait dans les locaux de la société Financière MF et que l’ensemble des documents nécessaires à la bonne gestion de la société était donc à sa disposition, ce qui est en contradiction avec la demande.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de restitution sous astreinte et la demande indemnitaire.

Sur la demande de restitution d’honoraires et les comptes entre les parties

La société Financière MF réclame restitution des acomptes versés au titre de l’exercice 2013-2014 commençant le 1er octobre 2013.

Le contrat de l’expert comptable a été effectif jusqu’au 22 avril 2014, ce qui n’est pas contesté, soit

sur un exercice de 365 jours une durée de 203 jours.

Les acomptes perçus au titre de cet exercice se sont élevés à 20.076,94 euros pour une rémunération prévue de 37.387 euros sur l’exercice, ce qui au prorata du temps travaillé/nombre de jours de l’exercice, correspond quasiment à la rémunération de la période de travail effectuée, même si le bilan n’a pas été remis, et cette somme doit englober deux factures Fillon et Perfenergie non contestées par la société La Financière MF.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a considéré que les sommes perçues par Mme X compensait le travail effectué jusqu’à la rupture et a rejeté la demande de restitution de la société Financière FM.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme X qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d’appel et versera à son adversaire la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement querellé.

Condamne Mme Z X aux dépens d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile et à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel à la Sas Financière MF.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par M. STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 21 novembre 2019, n° 16/01954