Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 1er juillet 2021, n° 20/03802

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Chronologie de l’affaire

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20 Septembre 2022 Les mesures prises par les pouvoirs publics pendant la crise sanitaire (ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 et ordonnance n°2020-306 du 15 avril 2020) étant réservées à certaines catégories de locataires et se contentant d'écarter temporairement l'application de certaines sanctions découlant du non-paiement des loyers pendant la période dite « juridiquement protégée », de nombreux locataires commerçants, pour tenter échapper aux poursuites de leurs bailleurs en résiliation de bail pour défaut de paiement des loyers, ont fait appel au droit des contrats. I. La …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. com., 1er juill. 2021, n° 20/03802
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 20/03802
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Grenoble, 17 novembre 2020
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/03802 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KUFT

LB

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Eric HATTAB

la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 01 JUILLET 2021

Appel d’une ordonnance (N° RG )

rendue par le Président du TJ de GRENOBLE

en date du 18 novembre 2020

suivant déclaration d’appel du 01 décembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

société par actions simplifiées immatriculée au RCS d’AIX-EN-PROVENCE sous le numéro 487 696 080, représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège social,

[…]

[…]

représentée par Me Eric HATTAB, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Aurélie HATTAB de la SCP BLATTER SEYNAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

M. X-B Y

de nationalité Française

[…]

71570 ROMANECHE-THORINS

Mme Z Y

de nationalité Française

[…]

71570 ROMANECHE-THORINS

représentés par Me Philippe LAURENT de la SELARL TRANCHAT DOLLET LAURENT ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Alexandre NAZ de la SELARL CONCORDE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière.

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Mai 2021, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me Aurélie HATTAB en sa plaidoirie,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

X-B et Z Y sont propriétaires des lots 79 et 22 situé dans la résidence de tourisme «'L’ours blanc'», située à Venosc, suite à leur acquisition dans le cadre d’une adjudication. Un bail commercial a été donné par les anciens propriétaires le 20 juin 2013 à la société Odalys Résidences, donnant lieu au paiement d’un loyer annuel de 10.067,70 euros, payable par fractions les 31 janvier, 30 avril, 31 juillet et 31 octobre de chaque année. L’article 8 du bail a prévu une résolution en cas d’inexécution par le preneur de l’une de ses obligations.

La société Odalys Résidences a cessé de payer les loyers, et le 7 février 2020, les époux Y l’ont mise en demeure. Ils lui ont fait délivrer le 13 mars 2020 un commandement de payer visant la clause résolutoire ainsi que pour obtenir le paiement de 3.081,96 euros correspondant à l’arriéré arrêté au 31 janvier 2021.

Le 26 mars 2020, le preneur leur a annoncé qu’il suspendait le paiement des loyers en raison de la crise sanitaire. Le 3 juin 2020, il leur a adressé 4.432,93 euros correspondant selon lui au paiement de la somme visée dans le commandement de payer ainsi qu’au loyer pour la période ayant couru du 1er février 2020 au 13 mars 2020. Le 12 juin 2020, la société Odalys Résidences leur a également demandé de lui accorder une franchise de loyer de 17'% pour l’année 2020. Les bailleurs n’ont pas donné suite à cette demande.

Le 25 mai 2020, les époux Y ont fait assigner la société Odalys Résidences devant le juge des

référés du tribunal judiciaire de Grenoble.

Par ordonnance du 18 novembre 2020, le juge des référés a':

— débouté les époux Y de leur demande tendant à l’acquisition de la clause résolutoire';

— débouté les époux Y de leur demande d’expulsion du locataire';

— débouté les époux Y de leur demande de paiement d’une indemnité d’occupation';

— condamné la société Odalys Résidences à leur payer la somme de 2.550,91 euros au titre des loyers impayés entre les 13 avril et 4 septembre 2020';

— condamné la société Odalys Résidences à communiquer aux époux Y la facture n°4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et tous les comptes d’exploitation depuis le 22 octobre 2019, date d’acquisition de l’immeuble, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la signification de son ordonnance';

— débouté les époux Y de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

— débouté la société Odalys Résidences de sa demande au titre des dispositions dudit article';

— condamné les époux Y aux dépens.

La société Odalys Résidences a interjeté appel de cette décision le 1er décembre 2020, en ce qu’elle:

— l’a condamnée à payer aux bailleurs la somme de 2.550,91 euros au titre des loyers impayés entre les 13 avril et 4 septembre 2020';

— l’a condamnée à leur communiquer la facture n°4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et tous les comptes d’exploitation depuis le 22 octobre 2019, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la signification de son ordonnance';

— l’a déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 18 mai 2021.

Prétentions et moyens de la société Odalys Résidences':

Selon ses conclusions n°2 remises le 12 mai 2021, elle demande de réformer l’ordonnance déférée selon les énonciations de son acte d’appel, et statuant à nouveau, de':

— constater que des contestations sérieuses s’opposent à la demande des intimés tendant à la voir condamner provisionnellement à leur payer la somme de 2.550,91 euros au titre des loyers et charges relatifs à la période du 14 mars 2020 au 1er juillet 2020';

— constater qu’une contestation sérieuse s’oppose à leur demande de communication de la facture n°4 pour la période du 1er mai au 31 juillet 2020 et des comptes d’exploitation depuis le 22 octobre 2019';

— condamner les intimés à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais engagés en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

— confirmer l’ordonnance déférée pour le surplus';

— dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes des intimés';

— les condamner aux dépens relatifs à l’instance en appel et les condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Elle expose':

— qu’elle a exécuté les causes de l’ordonnance de référé, en remettant un chèque Carpa de 2.550,91 euros le 15 mars 2021 ainsi que le compte d’exploitation pour l’exercice 2019/2020 le 16 février 2021';

— concernant la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté les intimés de leur demande de résiliation du bail, d’expulsion et de fixation d’une indemnité d’occupation, que le délai d’un mois visé par le commandement de payer visant la clause résolutoire a expiré le 13 avril 2020, de sorte que la situation est tombée sous le coups de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, dont l’article 1er prévoit que ses dispositions sont applicables aux délais et mesures qui ont expirés ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus';

— que l’article 4 dispose que les clauses résolutoires, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période visée à l’article 1er, de sorte que la clause résolutoire du bail commercial est réputée ne pas avoir joué'; qu’en application du même article, la date à laquelle cette clause produit ses effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre d’une part le 12 mars 2020, ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, et d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée'; qu’ainsi, la concluante disposait d’un délai d’un mois pour déférer au commandement de payer, courant à compter du 24 juin 2020 jusqu’au 24 juillet 2020, ainsi que l’a retenu le juge des référés';

— qu’elle a réglé les causes du commandement par virement bancaire le 3 juin 2020, puisque les intimés ne peuvent décider d’imputer ce paiement sur des échéances postérieures, l’article 1256 du code civil disposant que lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait le plus intérêt à s’acquitter, ce qu’a également relevé le premier juge';

— que cependant, sa condamnation au paiement de la somme de 2.550,91 euros correspondant au montant prorata temporis du loyer et des charges pour la période du 14 mars 2020 au 1er juin 2020 est sérieusement contestable et que le juge des référés aurait dû rejeter cette demande, puisque la question de savoir si les mesures prises par l’autorité publique à compter du 14 mars 2020 jusqu’au 1er juin 2020 entraînent des conséquences sur la jouissance des lieux loués relève du juge du fond';

— qu’ainsi, en raison de ces mesures, les bailleurs ont été dans l’impossibilité objective d’assurer leur obligation de délivrance et de jouissance paisible ainsi que prévu à l’article 1719 du code civil, étant responsables de l’aptitude juridique des lieux loués à être affectés à la destination convenue dans le bail, devant être exécuté pendant toute sa durée'; que l’obligation du preneur de régler le loyer pendant la période lors de laquelle il est interdit de recevoir du public dans le local loué en raison des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la pandémie, se heurte à une contestation sérieuse'; qu’en l’espèce, la concluante a subi un important trouble de jouissance, de sorte que son obligation de régler les loyers afférents à cette période est sérieusement contestable et justifie l’exception d’inexécution opposée aux intimés; que peu importe que la situation ne soit pas le fait des bailleurs et résulte d’un cas de force majeure'; qu’en estimant que la concluante n’était pas en droit d’opposer cette exception, bien que les bailleurs n’aient pas été en mesure d’assurer leur obligation de

délivrance, le juge des référés a tranché une question de fond';

— que l’impossibilité d’exploiter les lieux loués en raison des dispositions gouvernementales s’analyse également en une perte partielle de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil';

— qu’en cas de circonstances exceptionnelles, la bonne foi contractuelle impose aux parties de vérifier si elles ne rendent pas nécessaires une adaptation des modalités d’exécution des obligations respectives'; qu’en la cause, les intimés ne peuvent lui réclamer le paiement de loyers afférents aux périodes considérées durant lesquelles les locaux étaient impropres à leur destination contractuelles';

— en outre, que l’article 6 du bail stipule que le loyer sera réduit à 30'% des recettes effectivement encaissées en cas de force majeure interrompant l’activité touristique du lieu de situation des biens loués, telle qu’une entrave administrative ou autre au libre accès des biens loués ou à la circulation des personnes et des biens, ou d’événements amenant un dysfonctionnement grave et dont la durée viendrait à excéder trois jours consécutifs dans l’activité du preneur notamment une quelconque modification dans la destination ou l’accès aux parties communes';

— qu’ainsi, la pandémie elle-même et les mesures gouvernementales ont constitué des entraves au libre accès aux lieux loués et à la libre circulation des personnes, ayant interrompu l’activité touristique du lieu de situation des biens loués'; qu’elles ont également entraîné pendant cette période et au-delà un grave dysfonctionnement de plus de trois jours dans l’activité de la concluante, notamment en termes de possibilité d’utiliser les lieux loués conformément à leur destination ou d’accès aux parties communes de la résidence'; que la concluante n’a pu louer les locaux pendant la période ayant couru du 14 mars au 1er juin 2020 et ainsi n’a pu encaisser de recettes'; que cette réduction du loyer à 30'% des recettes encaissées implique qu’aucun loyer n’est donc dû pendant cette période';

— que contrairement aux allégations des intimés, elle n’a pas manipulé des postes comptables pour afficher de mauvais résultats, dont notamment le taux de remplissage'; qu’elle a intégré les frais de structures sur la ligne «'frais centraux et de commercialisation'», alors que les frais de remboursement du prêt garanti par l’État ont été répercutés sur chacun de ses établissements, raison pour laquelle ils n’apparaissent pas dans les documents communiqués aux

intimés'; que les amortissements sont intégrés dans la ligne «'charges et autres'»'; que par rapport à l’année 2018/2019, elle a subi une perte correspondant à 360 semaines de location, soit 232.095 euros de chiffre d’affaires, contre une réduction de charges de 140.297 euros, insuffisante pour compenser cette perte'; que l’économie réalisée sur les loyers pour 71.015 euros lui permet d’absorber la perte de chiffre d’affaires et de maintenir un résultat net légèrement positif'; que le résultat d’exploitation similaire avec celui des années précédentes résulte de la renonciation de la plupart des copropriétaires de la résidence à lui demander le paiement des loyers pendant la période courue du 14 mars au 2 juin 2020';

— que l’ordonnance déférée doit ainsi être infirmée en ce qu’elle a condamné la concluante à payer aux bailleurs la somme de 2.550,91 euros, cette obligation étant sérieusement contestable';

— concernant la production de la facture n°4 pour la période ayant couru du 1er mai au 31 juillet 2020 et les comptes d’exploitation depuis le 22 octobre 2019, que la concluante produit cette facture et alors que les comptes ont été communiqués le 16 février 2021, étant antérieurement en cours d’établissement'; qu’ainsi l’ordonnance entreprise doit être infirmée, l’obligation de communiquer ces documents étant sérieusement contestable'.

Prétentions et moyens de X-B et Z Y':

Selon leurs conclusions n°3 remises le 17 mai 2021, ils demandent, au visa des articles 835 et

suivants du code de procédure civile et L145-1 du code de commerce':

— d’écarter des débats les décisions de justice citées par l’appelante, non publiées et non transmises contradictoirement (soit les ordonnances de référé rendues par les tribunaux d’Albertville le 19 janvier 2021, de Dijon et de Paris le 24 février 2021);

— d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle les a déboutés de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner l’appelante à leur payer 3.000 euros de ce chef, outre les dépens de première instance avec distraction au profit de la Selarl Lexway Avocats, incluant le coût du commandement de payer';

— de confirmer l’ordonnance déférée en ces autres dispositions';

— de condamner l’appelante à leur payer 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel, outre les dépens, avec distraction comme précédemment.

Ils soutiennent':

— concernant le paiement de la somme de 2.550,91 euros, que le juge des référés a justement indiqué qu’il n’est pas contesté que le preneur n’a pas honoré ses loyers du 13 avril 2020 au 4 septembre 2020 et que si la mesure administrative de fermeture a vocation à créer un trouble dans l’exercice de l’activité du preneur, elle ne constitue pas un manquement des bailleurs ni à leur obligation de délivrance, ni à leur obligation de jouissance paisible';

— que cette motivation doit être confirmée, puisque si l’appelante invoque avoir été dans l’impossibilité totale d’exploiter les lieux loués, l’exploitation de la résidence pendant la période considérée a dégagé un excédent, les loyers réclamés couvrant la période courant jusqu’au 4 septembre 2020 incluant la période estivale durant laquelle l’appelante a exploité les lieux, l’activité

hôtelière n’ayant connu aucune restriction administrative, alors qu’elle reconnaît dans un courrier du 29 avril 2021 avoir réalisé une saison d’été correcte avec des remplissages équivalents ou légèrement supérieurs à une année normale';

— que cela est confirmé par le résultat d’exploitation de la résidence, indiquant un taux de remplissage 2019/2020 de 75,28'%, équivalent aux années précédentes, alors que les tableaux produits par l’appelante ont été établis unilatéralement et pour les besoins de la cause, ne reposant sur aucun élément tangible et ne prenant pas en compte les mêmes taux de remplissage, les frais de structures, de remboursement du prêt garanti par l’État, les amortissements'; que ces documents ne sont pas certifiés par un expert-comptable'; qu’il en résulte cependant que le chiffre d’affaires est similaires à celui des années précédentes, alors qu’il existe un résultat net positif'; que l’appelante n’a pas inclu le prêt garanti par l’État lui permettant de maintenir sa trésorerie'; que l’excédent brut d’exploitation est de 132.471 euros, ce qui démontre que l’appelante est en bonne santé financière'; que les nouveaux tableaux produits par l’appelante ne corroborent pas ses affirmations pour justifier le défaut de paiement des loyers';

— que l’appelante ne justifie pas d’une impossibilité d’exploitation pendant la fermeture administrative, puisque l’article 10 du décret du 11 mai 2020, tout en interdisant l’accueil du public dans les résidences de tourisme, a prévu une dérogation pour les personnes qui y élisent leur domicile'; que l’appelante ne prouve pas que son activité ne correspond qu’à la location de locaux proposés à une clientèle touristique n’y élisant pas domicile, pour une location à la journée, à la semaine ou au mois comme prévu par l’article R321-1 du code de tourisme';

— que la crise sanitaire est indépendante d’un manquement des bailleurs à leurs obligations, excluant

ainsi leur responsabilité au titre de leur obligation de délivrance et de jouissance paisible des lieux, puisque l’impossibilité d’exploitation ne suffit pas à caractériser la perte de la chose louée, devant se rattacher à la consistance matérielle des locaux'; qu’elle ne permet pas non plus de caractériser la perte de la chose louée qui doit être totale et définitive au sens de l’article 1722 du code civil';

— qu’ils n’ont pas manqué à leur obligation d’exécuter de bonne foi le bail, puisque les loyers correspondent à la période estivale lors de laquelle il n’existait aucune disposition limitant l’exercice par le preneur de son activité'; que c’est au contraire l’appelante qui a manqué à sa bonne foi en retenant l’intégralité du paiement pour la période courant jusqu’au 4 septembre 2020 alors qu’elle a exploité les lieux';

— que si l’appelante invoque l’article 6 du bail, elle ne démontre pas l’interruption totale de l’activité touristique, ni l’existence de difficultés de trésorerie permettant l’application de la clause, qui est en outre supplétive de la prise en charge de l’assureur du preneur, ce dont l’appelante ne justifie pas;

— concernant la production de pièces, que les concluants prennent acte de la production de la facture n°4'; que s’agissant de la transmission des comptes d’exploitation, ils doivent être tenus à jour au fur et à mesure, et non lors du bilan annuel'; que le bilan doit de toute façon être communiqué à l’administration fiscale au plus tard le 15 janvier 2021'; que selon l’article 4 A 8° du bail, le preneur doit tenir des comptes d’exploitation individualisés et distincts et les communiquer au bailleur à première demande';

— que si le juge des référés a rejeté leur demande reposant sur l’article 700 du code de procédure civile, les concluants ont cependant été contraints d’engager une procédure afin d’obtenir l’exécution du bail.

*****

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Motifs':

A titre préliminaire, il ne résulte pas des éléments de la procédure que les ordonnances de référé rendues par les juges des tribunaux judiciaires d’Albertville le 19 janvier 2021, de Dijon et de Paris le 24 février 2021, aient été communiquées aux intimés, alors qu’elles n’ont pas fait l’objet de publication, l’appelante produisant les copies de ses décisions émanant des juridictions qui les ont rendues. En conséquence, ces décisions produites par l’appelante seront écartées des débats.

Concernant l’appel de la société Odalys Résidences portant sur sa condamnation au paiement de la somme de 2.550,91 euros au titre des loyers et charges relatifs à la période du 14 mars au 1er juillet 2020, ainsi que rappelé par le premier juge, l’article 835 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. Le juge des référés a retenu que si la mesure administrative de fermeture a vocation à créer un trouble dans l’exercice de l’activité du preneur, elle ne constitue pas un manquement du bailleur ni à son obligation de délivrance, ni à son obligation de jouissance paisible. Il a en conséquence reçu la demande de paiement des époux Y.

La cour constate que les diverses mesures législatives et réglementaires prises suite à l’épidémie liée au virus Covid 19 ne peuvent en rien être imputables aux bailleurs. Il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible, concernant l’aptitude juridique des lieux à être donnés à bail, les restrictions résultant de ces mesures concernant tous les bailleurs se trouvant dans la même situation que l’appelante, alors qu’aucun texte lié à cette pandémie n’a prévu une dispense de règlement des loyers, ou même des délais de grâce, seuls certains délais liés aux

mesures de confinement ayant été reportés. L’obligation des bailleurs d’assurer une jouissance paisible, entraînant l’obligation de permettre que les lieux puissent être affectés à leur destination convenue pendant toute la durée du bail, n’a pas été méconnue par les intimées.

En outre, l’appelante ne peut invoquer l’article 1722 du code civil, permettant une réduction des loyers en cas de perte partielle de la chose louée, puisqu’en la cause, les locaux donnés à bail n’ont subi aucune perte. De même, elle ne peut se fonder sur la force majeure, puisque les effets des restrictions gouvernementales résultent de la nature même de la nature du bail, les locaux étant loués à usage de résidence de tourisme. Ce sont ces restrictions qui sont à l’origine du préjudice éventuellement subi par l’appelante, liées à son activité, et elles n’ont pas ainsi de caractère extérieur permettant de retenir l’existence d’une force majeure.

Au demeurant, ainsi que soutenu par l’appelante, l’article 6 du bail a prévu que de convention expresse entre les parties, le loyer sera fixé à 30'% des recettes nettes effectivement encaissées par le preneur en cas de force majeure interrompant l’activité touristique du lieu de situation des biens loués, telle qu’une entrave administrative ou autre au libre accès aux lieux loués ou à la circulation des personnes ou des biens, ou d’évènement amenant un dysfonctionnement grave et donc la durée viendrait à excéder trois jours consécutifs dans l’activité du preneur, notamment une quelconque modification dans la destination ou l’accès des parties communes.

Il en résulte que les incidences de restrictions administratives ont bien été intégrées à l’économie du contrat. Cependant, le même article a prévu en son second alinéa, que cette clause n’a pas vocation à s’appliquer dans l’hypothèse où le préjudice subi par le preneur se trouverait couvert par sa police d’assurance. Or, ainsi que soutenu par les intimés, l’appelante ne justifie d’aucun élément à ce titre.

Il en résulte qu’au visa de l’article 835 du code civil, l’obligation de payer les loyers selon les modalités convenues, n’est pas sérieusement contestable, nonobstant les restrictions résultant des mesures gouvernementales prises dans le cadre de la crise sanitaire, d’autant que l’appelante a réalisé un résultat bénéficiaire sur l’année 2019/2020. Dans son courrier adressé le 29 avril 2021 aux bailleurs de la résidence l’Ours blanc, l’appelante a indiqué que la saison d’été a été assez bonne, avec des remplissage équivalents ou légèrement supérieurs à une année normale, notamment sur la montagne. Le résultat d’exploitation était peu minoré par rapport à celui de l’année précédente. L’ordonnance déférée sera ainsi confirmée en ce qu’elle a condamné l’appelante au paiement du solde de ces loyers.

Concernant la communication de la facture n°4 concernant la période écoulée entre le 1er mai et le 31 juillet 2020, ainsi que des comptes d’exploitation depuis le 22 octobre 2019, il n’est pas contestable que ces documents n’ont pas été remis en temps utile aux intimés. Le juge des référés a ainsi justement ordonné cette remise sous astreinte. Le fait que ces documents aient été remis postérieurement au prononcé de l’ordonnance déférée n’est pas de nature à remettre en cause son bien fondé, s’agissant ensuite d’un problème d’exécution. L’ordonnance entreprise sera également confirmée sur ce point.

Concernant les frais engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge des référés a exactement retenu qu’en raison des particularités de ce litige, alors qu’une grande partie des demandes des époux Y a été rejetée, il n’était pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés à ce titre. Pour le même motif, il a pu laisser les dépens à la charge des demandeurs. L’ordonnance déférée sera également confirmée sur ces points.

Y ajoutant, la cour condamnera la société Odalys Résidences succombant en son appel, à payer aux époux Y la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel, excluant ainsi le coût du commandement de payer, intégré à la procédure suivie en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 135 du code de procédure civile, L145-1 du code de commerce, 1722 du code civil';

Ecarte des débats les ordonnances de référé rendues par les juges des tribunaux judiciaires d’Albertville le 19 janvier 2021, de Dijon et de Paris le 24 février 2021';

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions';

Y ajoutant';

Condamne la société Odalys Résidences à payer à monsieur et madame Y la somme de 3.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société Odalys Résidences aux dépens exposés en cause d’appel, avec distraction au profit de la Selarl Lexway Avocats ;

SIGNE par Mme GONZALEZ, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente



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