Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 26 octobre 2021, n° 19/03862

  • Canalisation·
  • Servitude·
  • Parcelle·
  • Gel·
  • Propriété·
  • Expert judiciaire·
  • Eau de source·
  • Coûts·
  • Droit d'usage·
  • Acte

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 26 oct. 2021, n° 19/03862
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 19/03862
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grenoble, 29 juillet 2019, N° 17/03183
Dispositif : Réouverture des débats

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/03862 – N° Portalis DBVM-V-B7D-KFMN

VL

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL CDMF AVOCATS-AFFAIRES PUBLIQUES

la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 26 OCTOBRE 2021

Appel d’un Jugement (N° R.G. 17/03183)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 30 juillet 2019

suivant déclaration d’appel du 24 Septembre 2019

APPELANTE :

Mme X, E Z

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Sandrine FIAT de la SELARL CDMF AVOCATS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Louise HAREL, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

M. F Y

né le […] à AVIGNON

de nationalité Française

[…]

[…]

Mme G H épouse Y

née le […] à GRENOBLE

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés et plaidant par Me Ronald LOCATELLI de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène COMBES, Président de chambre,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 septembre 2021, Madame LAMOINE, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte du 25 novembre 1987, Mme Z a acquis des consorts A la propriété, à Saint Martin d’Uriage (38) :

• d’un tènement immobilier constitué des parcelles cadastrées […],

• d 'une parcelle AL 118 séparée des précédentes par la route communale.

La description des biens vendus contenait la mention suivante, s’agissant de la parcelle n° 706 : "avec tous droits à la source alimentant le bassin

".

Les parcelles AL 120 et 706 ont ensuite été regroupées sous le n° 949.

Le 10 janvier 2008, Mme Z a vendu sa parcelle n° 118 à la SCI 'Les Bons Enfants', laquelle avait, par ailleurs, acquis de M. B les parcelles voisines cadastrées 116, 117 et 854.

L’acte de vente du 10 janvier 2008 précisait, au titre des servitudes :

• qu’un bassin alimenté par une source existait sur la parcelle 949 conservée par le vendeur,

• que Mme Z entendait rester propriétaire de ses droits d’eau,

• qu’une servitude réelle et perpétuelle de passage concernant la conduite existante était consentie sur les parcelles 117, 118 et 119 au profit de la parcelle 949, permettant son entretien et ses éventuelles réparations, servitude matérialisée sur un plan annexé à l’acte.

En août 2010, la SCI a divisé son fonds, et a vendu aux époux Y la partie suivante :

• la parcelle n° 118 acquise par elle de Mme Z,

• les parcelles alors cadastrées 116 et 117,

ces parcelles ayant actuellement les numérotations 117, 1063, 1064 et 1065.

Les époux Y ont procédé, sur le tènement ainsi acquis, à des travaux pour l’édification d’une maison d’habitation.

Mme Z, se plaignant notamment d’une détérioration de la canalisation occasionnée par ces travaux, a obtenu la désignation en référé de M. C en qualité d’expert ; celui-ci a déposé le rapport de ses opérations le 8 décembre 2016.

Il indique notamment avoir constaté que, suite à une probable détérioration de la conduite ancienne en terre cuite, les époux Y l’avaient remplacée par un tuyau PEHD en 2013.

Par acte du 20 juillet 2017, Mme Z a assigné les époux Y devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins de :

• voir reconnaître son droit à la source alimentant le bassin dont elle est propriétaire,

• voir dénier tout droit à cette source pour les époux Y,

• voir reconnaître la servitude de canalisation dont elle bénéficie,

• voir juger satisfactoire les travaux de réfection de la canalisation qu’elle entendait réaliser conformément à la première solution proposée par l’expert, avec prise en charge partielle du coût par les époux Y,

• voir rétablir une assiette du passage aussi commode que celle résultant de la servitude,

• se voir allouer des dommages-intérêts.

Les époux Y ne contestaient pas le droit de Mme Z à bénéficier des eaux de la source, mais invoquaient un droit concurrent à leur profit. Ils reconnaissaient à Mme Z le bénéfice de la servitude, mais s’opposaient aux demandes relatives aux travaux.

Par jugement du 30 juillet 2019, le tribunal a :

• dit que tant Mme Z que les époux Y disposent d’un droit d’eau concurrent sur la source litigieuse,

• dit que les travaux sollicités par Mme Z I sans nécessité la servitude pesant sur le fonds Y,

• débouté en conséquence Mme Z de l’intégralité de ses prétentions,

• débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire,

• débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

• condamne Mme Z aux dépens, en ce compris les frais d’expertise et de référé.

Par déclaration du 24 septembre 2019, Mme Z a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2021, elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, et de :

• dire qu’elle dispose de tous droits à la source litigieuse et que les époux Y ne disposent d’aucun droit sur les eaux de source s’écoulant dans la conduite traversant leur propriété,

• dire que le dévoiement par eux de ces eaux de source au niveau du regard situé sur leur propriété est fautif,

• dire que les aménagements réalisés par les époux Y tendent à diminuer et rendre plus incommode l’usage par elle de la servitude, et ne lui permettent plus de suivre le parcours résultant du plan annexé à l’acte constitutif de la servitude,

• dire et juger, en conséquence, qu’en vertu des dispositions de l’article 701 du Code Civil, il appartiendra aux époux Y de lui proposer un accès aussi commode que l’accès précédent pour l’exercice de son droit de passage, et ce, sous astreinte de 100 ' par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la décision à intervenir,

• condamner les époux Y, sous astreinte de 100 ' par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à laisser libre l’accès à leur terrain dès qu’ils auront été avisés par elle de la date d’intervention de l’entreprise, et au besoin si nécessaire à démonter tout élément qui serait situés sur la conduite (ponceau, traverse, murs de soutènement, enrochement, clôtures, haie de roseaux, poulailler) qui feraient obstacle à l’exercice de la servitude,

• lui donner acte de ce que la réfection du regard R2 se fera en maintenant ce regard dans sa position actuelle et ce compte-tenu du refus des époux Y à voir déplacer ce regard, sous réserve de l’accord de l’administration

• dire et juger que :

les aménagements réalisés par les époux Y ont occasionné des désordres à ses ouvrages,

les agissements (shuntage sauvage et récurrent) des époux Y au droit de sa canalisation l’ont privée à de nombreuses reprises de sa source,

• condamner en conséquences les époux Y à lui payer :

les sommes suivantes à parfaire, en fonction du coût réel après réception des travaux contradictoire :

• 4 204,80 ' pour le coût des travaux nécessaires pour remédier aux détériorations affectant la conduite et des deux regards,

• 1 000 ' correspondant au coût des travaux de reprise de l’étanchéité du bassin,

une somme de 1 500 ' pour permettre de soumettre le jugement à intervenir à la formalité de l’enregistrement et de faire établir suite aux travaux réalisés, un nouvel acte notarié constatant le nouvel état des lieux et le tracé de la servitude de passage puisque les ouvrages réalisés font qu’elle ne pourra plus passer par un chemin qui n’existe plus,

une somme de 1 000 ' au titre de la perte de jouissance de l’eau de source,

une somme de 15 000 ' au titre de son préjudice moral.

Elle demande enfin condamnation des époux Y à lui payer la somme de 3 000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens en ce compris ceux de référé, et les frais d’expertise.

Elle fait valoir, pour l’essentiel :

• qu’elle justifie de son droit d’usage des eaux de la source par son titre de propriété, ses auteurs

• ayant eux-mêmes acquis la source par un acte de vente du 20 avril 1890, que, pour leur part, les époux Y ne justifient d’aucun droit sur les eaux de la source, que les eaux de celle-ci, en effet, ne jaillissent pas sur leur fonds mais sur la parcelle n° 302 appartenant à M. D ainsi que l’a constaté l’expert judiciaire,

• à titre surabondant, qu’elle justifie de l’existence d’ouvrages permanents et apparents (dont les regards) et de conduites souterraines depuis plus de 30 ans au sens de l’article 642 alinéa 2 du code civil,

• que les travaux réalisés par les époux Y ont endommagé la canalisation,

• que les aménagements de leur terrain ont modifié l’assiette de la servitude de passage, et aggravé les conditions de celle-ci.

Les époux Y, par dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2021, demandent la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et la condamnation de Mme Z à leur payer la somme de 3 000 ' en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir, en substance :

• qu’ils ne dénient pas le droit de Mme Z à l’usage des eaux de la source conforme à son titre et aux conventions intervenues, ni le bénéfice de la servitude de canalisation et de passage pour l’entretenir,

• qu’ainsi que l’a retenu le tribunal, ils bénéficient aussi, pour leur part, d’un droit sur la source en ce qu’elle jaillit sur leur propriété sur la parcelle AL 116 devenue 1065, sur laquelle est situé le regard R1 ainsi désigné par l’expert judiciaire,

• que l’expert a commis une erreur de droit en indiquant qu’ils ne disposaient d’aucun droit d’eau sur la source en amont de leur regard,

• que l’existence d’un tuyau traversant le chemin des Rapeaux depuis la parcelle n° 302 appartenant à la famille D est expliquée par Mme D elle-même, et ne contredit pas le fait que la source jaillit bien sur leur parcelle 1065.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 31 août 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les droits des parties sur la source litigieuse

droits de Mme Z

Il ressort des pièces produites, en particulier de l’acte du 25 novembre 1987 par laquelle Mme Z a acquis son fonds, que cette dernière bénéficie d’un droit d’usage de l’eau de la source litigieuse, en ce qu’elle alimente le bassin situé sur sa parcelle 949 après avoir été canalisée dans le sous-sol des parcelles 117, 1063, 1064 et 1065 propriétés des époux Y, et qu’elle a entendu conserver ce droit lors de la cession par elle de sa parcelle n° 208 à la SCI 'Les Bons Enfants’ le 10 janvier 2008.

Ce droit lui est d’ailleurs reconnu par les époux Y eux-mêmes aux termes de leurs écritures.

En revanche, Mme Z n’établit pas, contrairement à ce qu’elle allègue, qu’elle aurait acquis la propriété de la source elle-même, aucun des actes translatifs de propriété qu’elle invoque n’en contenant la preuve ; en effet :

l’acte de vente du 20 avril 1890 porte, selon ses termes, non pas sur la vente d’une source mais sur celle d’une 'fontaine', induisant la notion d’aménagement humain pour recueillir des eaux, cette désignation pouvant correspondre, par conséquent, au bassin situé dans la propriété de Mme Z et visé dans son acte d’acquisition de 1987,

• dans ce même acte d’acquisition de 1987, la mention que la parcelle 706 est vendue " avec tous droits à la source alimentant le bassin" n’établit pas, en soi, que la propriété de la source elle-même serait transmise, alors qu’il n’est pas démontré que ses vendeurs les consorts A la détenaient eux-mêmes, et que la désignation de ' droits à la source alimentant le bassin' évoque au contraire l’usage de l’eau de cette source en ce qu’elle alimente le dit bassin,

• l’acte par lequel Mme Z a vendu sa parcelle n° 118 à la SCI 'Les Bons Enfants’ le 10 janvier 2008 mentionne à cet égard que la venderesse entend conserver ses 'droits d’eau'.

Par ailleurs, les témoignages produits par Mme Z relatifs à un usage exclusif de la source par ses auteurs sont contredits par les attestations produites par les époux Y, selon lesquelles plusieurs familles utilisaient auparavant l’eau de la source à l’endroit où elle jaillissait dans ce qui est devenu la propriété Y. Ces témoignages divergents ne peuvent donc être utilement invoqués.

Dès lors, il n’est pas utile de rechercher si Mme Z peut justifier de l’existence d'«ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage

 » au sens de l’alinéa 2 de

l’article 642 du code civil, ce texte permettant d’acquérir non pas la propriété d’une source mais seulement le droit d’usage de l’eau de celle-ci par prescription, ce qui est sans intérêt en l’espèce puisque Mme Z justifie déjà posséder ce droit par convention et qu’il lui est d’ailleurs reconnu par la partie adverse.

Dès lors, le seul droit d’usage des eaux de la source par Mme Z n’est pas exclusif de celui d’autres usagers.

droits des époux Y

Les époux Y se prévalent de la propriété de la source litigieuse en ce qu’elle jaillit sur leur fonds, en application des dispositions de l’article 642 alinéa 1 du code civil.

Sur ce point, il est incontestable que l’eau de la source litigieuse traverse le sous-sol du fonds des époux Y de sorte qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’ils disposent d’un droit sur celle-ci au regard des dispositions de l’article 552 du code civil, que la source jaillisse naturellement dans leur propriété, l’article 641 alinéa 4 du même code leur permettant, par des sondages ou des travaux souterrains, de faire surgir les eaux dans leur fonds ce qui est le cas en l’espèce puisqu’ils utilisent un captage permettant à l’eau de parvenir aussi dans leur fonds.

Il importe peu, dès lors, que la source jaillisse aussi en amont en particulier sur la parcelle n° 302 appartenant aux époux D.

C’est donc à bon droit que le tribunal a jugé que les époux Y disposaient, sur les eaux de la source litigieuse, d’un droit concurrent à celui de Mme Z, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives aux travaux sur canalisations

Mme Z demande la condamnation des époux Y à lui payer la somme de 4 204,80 euros TTC au titre des travaux de la solution n° 1 proposée par l’expert judiciaire, en faisant valoir que la nécessité de ces travaux, à l’exception du regard sur la propriété D, résulte de la faute des époux Y.

sur le regard R2

L’expert judiciaire a préconisé le démontage de ce regard et la construction d’un regard neuf décalé en haut de berge pour éviter qu’il soit noyé lors des crues du ruisseau.

Mme Z indique sur ce point, dans ses dernières conclusions, qu’elle prend acte de la demande des époux Y de maintenir ce regard à son emplacement actuel en raison du nouvel emplacement du pont aménagé après les opérations d’expertise, lequel empêche le déplacement du regard R2 en haut de berge, et elle précise ainsi qu’elle entend maintenir le R2 dans sa position actuelle.

Si elle écrit aussi que ce 'regard R2" doit être 'remplacé par un ouvrage hydraulique plus profond', elle ne précise pas sa demande sur ce point, ni ne renvoie aux constatations de l’expert qui justifieraient ce remplacement et le détailleraient.

Dès lors, Mme Z ne justifie pas en quoi le poste de travaux que l’expert avait chiffré de ce chef à 380 ' HT devrait faire l’objet d’une indemnisation en sa faveur.

sur le remplacement de la canalisation PEHD

La servitude conventionnelle de passage de canalisation stipulée dans l’acte de vente de 2008 précise qu’en cas de détérioration de son fait, le propriétaire du fonds servant devra en assurer la réparation à ses frais.

L’expert judiciaire a constaté que les travaux entrepris par les époux Y avaient endommagé une canalisation ancienne en poterie d’un diamètre de 40 mm et que, pour y remédier, ces derniers avaient mis en oeuvre une canalisation PEHD d’un diamètre de 25 mm à l’intérieur d’une canalisation PVC de diamètre 40 mm entre le regard amont R1 et le regard intermédiaire R2.

Si l’expert indique que la diminution du diamètre de la canalisation de 40 à 25 mm n’impacte pas le débit et la quantité d’eau pouvant transiter dans cette canalisation, il précise néanmoins que le rétablissement du diamètre de 40 mm donne une marge de sécurité pour un éventuel défaut d’entretien et une surcharge roulante, et ajoute que cette remise en état tend à une conformité aux règles de l’art.

Dans ces conditions, Mme Z est fondée à demander le rétablissement, aux frais des époux Y, d’une canalisation d’un diamètre identique à celle préexistante, la réparation opérée par le propriétaire du fonds servant ne pouvant, selon la clause contractuelle, présenter des caractéristiques moindres de celles de la canalisation détériorée.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

sur la mise hors gel de la canalisation

L’expert judiciaire a constaté, sans être techniquement démenti sur ce point, qu’après approfondissement par M. Y de 50 cm du fond du ruisseau traversant sa propriété, la canalisation d’adduction d’eau de source n’était plus théoriquement hors gel sur une longueur de 1,60 mètres, tout en précisant que le risque de gel était faible en raison de la forte pente.

En application des dispositions de l’article 701 alinéa 1 du code civil, ce risque de gel, même faible, en raison d’un non respect des règles de l’art, doit être considéré comme diminuant l’usage de la servitude ou la rendant plus incommode ; dès lors, les époux Y doivent supporter le coût des travaux préconisés par l’expert, visant à mettre la canalisation en oeuvre plus bas de 50 cm que le lit de ruisseau sur la partie non conforme et donc à rétablir sa position hors gel.

Par conséquent, il y a lieu de dire que Mme Z est fondée à mettre en oeuvre les travaux préconisés par l’expert et correspondant à ces deux postes (remplacement de la canalisation et mise hors gel) aux frais des époux Y selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt, le coût des travaux, intégrant les frais généraux de chantier (amené du matériel et

personnel, remise en état du terrain) et correspondant aux dommages-intérêts alloués, étant arrêté aux montants chiffrés par l’expert actualisés au jour du présent arrêt selon l’évolution de l’indice du coût de la construction, et sans qu’il y ait lieu de prévoir un ajustement au coût réel final, en application du principe selon lequel le juge doit chiffrer le préjudice au jour où il statue.

sur le remplacement du regard R 1

L’expert judiciaire a mis en évidence un dysfonctionnement du regard R1 en ce que celui-ci a fait l’objet d’un aménagement sommaire avec un entonnoir, permettant d’alimenter tour à tour la canalisation vers la propriété Z ou bien celle utilisée par les époux Y pour arroser leurs parcelles, avec la possibilité, pour chaque voisin, d’empêcher à tour de rôle de façon arbitraire l’alimentation de la parcelle de l’autre.

Si cette installation n’est évidemment pas satisfaisante en raison de cet arbitraire, source de conflits, en revanche, les travaux de remplacement de ce regard tels que préconisés et chiffrés par l’expert judiciaire ne peuvent être entérinés, en ce qu’ils reposent sur le postulat selon lequel les époux Y n’auraient aucun droit d’eau sur la source, et ne prévoient dès lors qu’une seule canalisation distribuant l’eau chez Mme Z.

Or, ainsi qu’il vient d’être développé, les époux Y disposent d’un droit concurrent à celui de Mme Z sur la source.

Il en résulte que l’expert n’a pas complètement répondu à sa mission sur ce point. Cependant, il n’est pas possible de désigner à nouveau M. C afin qu’il complète sa mission, dès lors qu’il a aujourd’hui cessé ses activités. Il serait par ailleurs disproportionné de faire appel à un nouvel expert en raison du faible coût de ce poste de travaux, chiffré en l’état à 380 ' HT par M. C.

Il y a lieu dès lors, avant dire droit sur ce point, d’inviter Mme Z à produire aux débats un devis portant sur un regard conforme aux droits des parties, ainsi qu’il sera précisé au dispositif du présent arrêt.

Sur la demande relative au bassin

Mme Z demande la condamnation des époux Y à prendre en charge le coût de la reprise de l’étanchéité du bassin se trouvant sur sa propriété pour une somme de 1 000 ', exposant que celui-ci présente des fissures consécutives au gel lié à l’absence d’alimentation en eau de la source.

Or, elle ne fournit aucune pièce permettant d’établir la réalité de ces désordres ni leur lien avec des fautes imputables aux époux Y, l’expert judiciaire n’ayant pas consigné avoir constaté un quelconque défaut d’étanchéité du bassin de Mme Z ni l’imputer à du gel, mais ayant au contraire précisé que la réclamation de Mme Z à ce titre à hauteur de 500 ' était surestimée, et qu’il s’agissait en réalité de curage de fines relevant de l’entretien et non pas des conséquences de travaux entrepris par M. Y.

Le tribunal a donc à bon droit rejeté cette demande.

Sur les demandes relatives à l’assiette du passage

Mme Z prétend que les travaux entrepris par les époux Y sur leur parcelle ont modifié l’assiette de la servitude de passage dont elle bénéficie en vertu de l’acte du 10 janvier 2008.

Il convient de rappeler que cette servitude est, aux termes de cet acte, exclusivement attachée à l’entretien et à la réparation des canalisations et suit donc leur tracé, et que l’utilisation du droit de

passage présente dès lors un caractère occasionnel et ponctuel lié à cet entretien.

Or, Mme Z n’établit pas que le passage soit devenu impossible ainsi qu’elle le soutient ni même moins commode, les photographies produites ne suffisant pas à l’établir, alors que l’expert judiciaire a précisé, sur ce point que 'la servitude est toujours possible sur le site' et que 'les modifications du terrain naturel sur l’emprise de la servitude, large de l’ordre d’un mètre, n’ont qu’un impact très limité'.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme Z tendant à ce qu’il lui soit proposé une autre assiette pour la servitude de passage.

Par voie de conséquence, la demande au titre de frais d’acte notarié et d’enregistrement, qui ne repose que sur l’éventualité d’une modification du tracé de la servitude, n’est pas justifiée et a justement été rejetée.

Sur les demandes de dommages-intérêts

Si l’aménagement sommaire du regard R2 permet, ainsi que l’a relevé l’expert, qu’un voisin coupe l’alimentation de la source au détriment de l’autre, il n’est pas établi que les époux Y aient effectivement usé de cette pratique au préjudice de Mme Z, aucune pièce du dossier ne venant l’établir.

La demande de dommages-intérêts au titre d’une privation de l’usage de l’eau n’est donc pas justifiée et a donc à bon droit été rejetée par les premiers juges.

Par ailleurs, si Mme Z justifie présenter un état de stress, il n’est pas établi que cette situation soit la conséquence d’une faute des époux Y alors qu’elle déniait à ces derniers, à tort, un droit d’usage sur les eaux de la source, les rapports de voisinage s’étant de toute évidence tendus et cristallisés par une méconnaissance du droit des autres.

La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral n’est donc pas davantage justifiée.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt étant partiellement avant dire droit, les dépens ainsi que les autres demandes seront en l’état réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :

• dit que les travaux sollicités par Mme Z I sans nécessité la servitude pesant sur le fonds Y,

• débouté Mme Z de ses demandes au titre du remplacement de la canalisation, de la mise hors gel de la canalisation, du remplacement du regard R2,

• condamné Mme Z aux dépens comprenant les frais de référé et d’expertise.

L’infirme sur ces points et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Dit que Mme Z est fondée à mettre en oeuvre les travaux préconisés par l’expert judiciaire aux titres :

• du remplacement de la canalisation PEHD de diamètre 25 mm entre les regards R1 et R2 par

• une canalisation PEHD de diamètre 40 mm, de la mise hors gel de la canalisation à 50 cm de profondeur sur 2 m de longueur sous la traversée en biais du ruisseau large de 60 cm.

Condamne les époux Y à payer à Mme Z, au titre du coût de ces travaux, la somme de 3 292,80 ' TTC, outre indexation à ce jour sur l’indice BT 01 au regard de l’évolution de cet indice depuis la date des devis produits par Mme Z dans le cadre de l’expertise.

Dit que, pour la réalisation des travaux, les époux Y devront laisser l’accès libre à leur terrain à la date qui aura été convenue d’un commun accord entre les parties, en démontant si nécessaire tous les éléments qui feraient obstacle au passage des engins de l’entreprise choisie.

Avant dire droit sur les travaux de remplacement du regard R1 :

Prononce la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture.

Invite Mme Z à produire aux débats, avant le 20 décembre 2021, un devis de remplacement de ce regard par un regard contenant un dispositif de partage des eaux entre les fonds respectifs des parties.

Renvoie l’affaire pour plaider à l’audience du 28 mars 2022, avec préavis de clôture au 8 mars 2022.

Réserve toutes les autres demandes ainsi que les dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 26 octobre 2021, n° 19/03862