Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 16 janvier 2017, n° 16/00337

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Limoges, ch. soc., 16 janv. 2017, n° 16/00337
Juridiction : Cour d'appel de Limoges
Numéro(s) : 16/00337
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Limoges, 22 février 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° .

RG N° : 16/00337

AFFAIRE :

D X

C/

SAS IZIMMO

XXX

Licenciement

COUR D’APPEL DE LIMOGES CHAMBRE SOCIALE ------------

ARRÊT DU 16 JANVIER 2017 ------------- Le seize Janvier deux mille dix sept, la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

D X, demeurant XXX

représenté par Me Richard DOUDET, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’un jugement rendu le 23 Février 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIMOGES

ET :

XXX – XXX

représentée par Me Marine KERROS, avocat au barreau de BREST

INTIMEE


==oO§Oo==---

A l’audience publique du 05 Décembre 2016, la Cour étant composée de Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Monsieur François PERNOT, Conseiller, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, Maître Richard DOUDET et Maître Marine KERROS, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie. Puis, Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 16 Janvier 2017, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR EXPOSE DU LITIGE :

Le 30 novembre 2009, M. X a été embauché à durée indéterminée et à temps plein par la société Le Comptoir de l’immobilier en qualité de responsable d’agence de Limoges.

Le contrat de travail a été transféré par application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail à la société Izimmo. Un nouveau contrat a été conclu entre les parties le 4 janvier 2010.

Par avenant en date du 26 septembre 2011, M. X a été nommé Directeur régional de la région sud-ouest avec une période probatoire, à l’issue de laquelle il a été confirmé dans ses fonctions.

Le 29 janvier 2013, les parties ont conclu une convention de forfait en jours sur l’année, prenant effet le 1er janvier précédent.

A compter du 1er février 2013, M. X a été promu Chargé de clientèle haut de gamme avec une période probatoire de six mois. A l’issue de cette période, M. X a été confirmé dans ses nouvelles fonctions.

À la fin du mois de septembre 2013, l’employeur a constaté qu’aucune vente n’avait été réalisée alors que l’objectif qui avait été fixé à M. X s’élevait à 3'500'000 €.

Le 14 novembre 2013, M. X a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire. L’entretien a eu lieu le 26 novembre suivant.

Le 29 novembre 2013, il a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant un manquement à son obligation de loyauté en raison de l’exercice d’une activité parallèle dans la vente de produits immobiliers de prestige et une insuffisance de résultat.

==oOo==

Par requête enregistrée le 12 février 2014, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges en vue d’obtenir l’annulation de la convention de forfait jours du 1er janvier 2013, de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail et divers rappels de salaires.

L’affaire a fait l’objet d’un retrait du rôle le 7 avril 2015 avant d’être réinscrite le 15 juin suivant au rang des affaires en cours.

Par jugement en date du 23 février 2016, le conseil de prud’hommes a :

— rejeté la demande de sursis à statuer ;

— dit que le licenciement de M. X repose sur une faute grave ;

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes formulées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des heures supplémentaires ;

— prononcé la nullité du forfait jours de M. X ; – dit que ce dernier n’apporte pas la preuve que les heures supplémentaires dont la rémunération est demandée ont été effectuées et l’a débouté de ses demandes de rappel de salaire et de paiement de dommages et intérêts pour non-respect des amplitudes légales ;

— constaté que M. X et M. Y n’occupaient pas les mêmes postes et qu’à ce titre, la rémunération pouvait être différente ;

— débouté, en conséquence, M. X de sa demande de rappel de salaire ;

M. X a régulièrement interjeté appel de cette décision le 18 mars 2016.

==oOo==

Aux termes de ses écritures déposées le 16 juin 2016 et développées oralement, M. X demande à la cour de confirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils ont annulé la convention de forfait jours, de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

— dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société Izimmo à lui payer les sommes suivantes :

• 160'000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; • 50'543,76 € bruts au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis et 5 024,37 € bruts au titre des congés payés y afférents ; • 8 373,96 € bruts au titre de la rémunération de la mise à pied conservatoire ainsi que 837,39 € bruts au titre des congés payés y afférents ; • 16'747,92 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ; • 126'097,44 € de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires ainsi que 12'609,74 € au titre des congés payés ; • 5 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des amplitudes légales ;

— constater qu’il n’a pas été rémunéré, à poste équivalent, au même niveau que M. Y et en conséquence, condamner la société Izimmo à lui payer un rappel de salaire de 30'980 € et les congés payés y afférents d’un montant de 3098 € ;

— ordonner la remise des bulletins de salaire, attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard à compter de la notification de la décision ;

— condamner la société Izimmo à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures déposées le 29 novembre 2016 et développées oralement, la société Izimmo demande à la cour de confirmer la décision des premiers juges sauf en ses dispositions ayant annulé la convention de forfait jours et, statuant à nouveau, de :

— déclarer valide la convention de forfait jours ;

— à titre subsidiaire, dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et, à défaut, débouter M. X de ses demandes de dommages et intérêts ;

— condamner M. X à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures développées oralement

SUR CE,

Sur le licenciement :

Dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche à son salarié un manquement à l’obligation de loyauté ainsi qu’une insuffisance de résultat.

Il est fait grief à M. X d’avoir manqué à son obligation de loyauté en ne portant pas à la connaissance de son employeur le fait qu’il était gérant de trois sociétés immobilières exerçant une activité de nature identique.

Il est établi que M. X a exercé la fonction de gérant de la société ' Et Si… Centre France’ qui a été créée le 30 septembre 2005 avant d’être radiée le 16 juillet 2012. Par ailleurs, il exerçait à la date de son licenciement la fonction de gérant, d’une part, de la société Sud Patrimoine (CAP Soleil Patrimoine) créée le 1er juin 2005 et, d’autre part, de la société Cap Soleil Immobilier. Ces sociétés, inscrites au registre du Commerce et des sociétés d’Avignon, ont une activité localisée sur le pourtour méditerranéen.

M. X soutient que lors de son recrutement, il en avait informé son employeur.

M. B A qui fut responsable des ressources humaines au sein de la société « Le Comptoir Immobilier » d’octobre 2006 à décembre 2009, atteste avoir eu en charge le recrutement de M. X en novembre 2009 et que ce dernier avait porté à sa connaissance le fait qu’il « était gérant de structures immobilières dans le sud-est de la France et qu’il ne pouvait malheureusement quitter ces fonctions car il était le seul à porter la carte immobilier ». Il déclare avoir informé la direction de ces faits. Aucun élément ne permet de remettre en cause ce témoignage.

A la suite de la restructuration de la société « Le Comptoir Immobilier » , M. X a signé, le 4 janvier 2010, un nouveau contrat de travail avec la société Izimmo à laquelle son contrat de travail initial avait été transféré depuis le 1er janvier 2010. Il est mentionné au 2nd alinéa de l’article 1 du contrat que « M. D X déclare ne pas participer directement ou indirectement à titre salarié ou non à une activité dans une structure ayant une activité concurrente à la société Izimmo ».

Ce contrat de travail mentionne donc une information erronée, validée par M. X qui en a accepté les termes sans attirer l’attention de son employeur sur l’existence de cette erreur.

La présence de cette mention dans le contrat de travail permet de présumer de l’absence d’indication des informations recueillies par M. A dans le dossier du salarié ainsi que de l’absence de transmission desdites informations à son successeur à l’occasion de la restructuration des sociétés Le Comptoir Immobilier et Izimmo. Ceci est confirmé par le témoignage de M. Z, responsable du service formation, qui atteste ne pas avoir eu connaissance, à l’époque de l’intégration de M. X, de l’existence d’une société dans laquelle ce dernier aurait occupé, au même moment, une fonction de gérant.

Le 7 février 2013, les parties ont établi un avenant n° 5 au contrat de travail ayant pour objet principal de modifier l’emploi de M. X, celui-ci exerçant désormais des fonctions de « Chargé d’affaires clientèle Haut de Gamme pour développer l’offre VIP ».

Le 2nd alinéa de l’article 1 de cet avenant reprend à l’identique les termes du 2nd alinéa de l’article 1 du contrat de travail du 4 janvier 2010. Là encore, le contrat de travail mentionne une information erronée, validée par M. X qui en a accepté les termes. L’article 4 de l’avenant n° 5 mentionne qu’en sa qualité de chargé d’affaires clientèle haut de gamme, M. X animera des partenaires dédiés à la gestion privée sur l’ensemble du territoire national. Il est encore précisé qu’étant le référent national pour cette activité, il interviendra en appui des commerciaux missionnés pour cette nouvelle activité.

Lors de son engagement le 30 novembre 2009, l’exercice de fonctions parallèles pouvait ne pas poser de difficulté en ce sens que les sociétés dont il était le gérant avaient une activité sur le pourtour méditerranéen et ne se trouvaient pas en concurrence directe avec l’agence de Limoges.

En revanche, à la suite de sa nomination le 7 février 2013 en qualité de « Chargé d’affaires clientèle Haut de Gamme pour développer l’offre VIP », son secteur d’activité a été modifié puisqu’il avait vocation à intervenir au plan national. De ce fait, il existait un conflit d’intérêts entre les fonctions qu’il exerçait dans le domaine de l’immobilier haut de gamme pour le compte de la société Izimmo et ses fonctions de gérant de la société Cap Soleil Immobilier, notamment, qui exerce son activité également dans le domaine de l’immobilier de prestige.

M. X qui ne pouvait ignorer l’existence de ce conflit d’intérêts et qui a omis de signaler à son employeur l’existence d’une mention erronée dans son contrat de travail du 4 janvier 2010 le faisant apparaître comme n’ayant aucune activité concurrente à celle de son employeur puis dans son contrat de travail du 7 février 2013, a manqué à son obligation de loyauté.

Ce manquement, compte-tenu des enjeux économiques, rendait impossible le maintien de M. X dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Il s’ensuit que le licenciement qui repose sur une faute grave du salarié est régulier. La décision des premiers juges sera donc confirmée.

Sur les demandes de rappel de salaire :

— Sur le non-respect du principe 'à travail égal, salaire égal’ :

En application de l’article 1315 du Code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

En l’espèce, M. X a été nommé le 1er août 2011 au poste de directeur régional de la région sud-ouest aux termes de l’avenant n° 2 du 26 septembre 2011. Dans ce cadre, il était « chargé d’encadrer et d’optimiser le travail des collaborateurs des agences de sa région et d’appliquer, et de faire appliquer les directives de la direction ». Ses fonctions étaient susceptibles d’évolution en fonction des besoins.

Sa rémunération comprend une partie fixe d’un montant de 5 000 € bruts incluant le 13e mois et des commissions sur les ventes qu’il a réalisées lui-même, sur les ventes réalisées par les commerciaux directement supervisés par lui, sur les ventes réalisées par des commerciaux non supervisés par lui mais dont les directeurs d’agences sont sous sa responsabilité et sur les ventes réalisées par des conseillers possédant un niveau d’expertise qui ne nécessite pas une mission d’accompagnement développée par lui.

M. Y a été nommé, à compter du 1er mai 2009, au poste de directeur de la région Nord-Est, statut cadre, niveau C1 de la Convention collective nationale de l’immobilier. Il est précisé dans son contrat de travail qu’il est « chargé d’accompagner et de développer les agences en activité et d’augmenter la production de [sa] région par la création de nouveaux accords bancaires et l’implantation de nouvelles agences, ainsi que de participer à la commercialisation des produits de l’entreprise ». Ses fonctions étaient également susceptibles d’évolution en fonction des besoins de l’employeur.

M. Y perçoit la même rémunération fixe que M. X mais à la différence de ce dernier, une partie correspond au paiement de la clause de non-concurrence. Les commissions sont attribuées sur les mêmes critères distinctifs et leurs taux sont composés, en premier lieu, d’une partie correspondant à la vente proprement dite identique aux taux prévus dans le contrat de M. X et, en second lieu, d’une partie correspondant au paiement de l’indemnité de non-concurrence.

Ainsi, il apparaît que la différence de rémunération provient du paiement de la clause de non-concurrence réglée durant l’exécution du contrat de travail s’agissant de M. Y alors que celle-ci est payable après cessation effective du contrat s’agissant de M. X.

Il n’est donc pas établi qu’il y a une inégalité de rémunération entre les deux salariés. En outre, il sera observé au vu des attributions de chacun d’entre eux qu’ils n’avaient pas les mêmes missions.

La décision des premiers juges sera donc confirmée en ce qu’ils ont débouté M. X de sa demande.

— Sur les heures supplémentaires :

Selon l’article L. 3121-46 du code du travail dans sa version applicable en l’espèce, un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

L’avenant n°3 du 29 janvier 2013 a institué un forfait annuel jour. L’article 4 de cet avenant prévoit : « un bilan de la charge de travail de M. X sera établi chaque trimestre par sa hiérarchie : application du calendrier prévisionnel, organisation du travail, amplitude des journées de travail, conséquences sur la vie familiale et la santé du salarié. Un compte rendu sera établi et signé par les parties présentes ».

La société Izimmo ne justifie pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 3121-46 précité, ni celles du contrat de travail relatives au bilan annuel. Le défaut d’exécution par l’employeur de ces dispositions ne remet pas en cause la validité de la convention de forfait en jours mais ouvre seulement droit à des dommages-intérêts au profit du salarié. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

En revanche, dès lors que M. X ne rapporte pas la preuve de l’existence des heures supplémentaires dont il demande le paiement et du non-respect des amplitudes légales de travail, la décision des premiers juges qui l’ont débouté de ces deux demandes doit être confirmée.

Sur les autres demandes :

A la suite de la présente procédure, la société Izimmo a exposé des frais non compris dans les dépens. L’équité commande de l’en indemniser. M. X sera condamné à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Infirme le jugement dont appel en ses dispositions ayant prononcé la nullité de la convention de forfait en jours prévue par l’avenant n°3 conclu par les parties le 29 janvier 2013 ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. X de sa demande d’annulation de la convention de forfait jours ;

Condamne M. X à payer à la société Izimmo la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. X aux dépens de l’appel ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Geneviève BOYER. Johanne PERRIER

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