Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 15 novembre 2018, n° 17/01063

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Limoges, ch. civ., 15 nov. 2018, n° 17/01063
Juridiction : Cour d'appel de Limoges
Numéro(s) : 17/01063
Décision précédente : Tribunal de commerce de Brive-la-Gaillarde, 28 août 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 613

N° RG 17/01063 – N° Portalis DBV6-V-B7B-BHWBX

AFFAIRE :

M. A Y

C/

SCP O X M N Maître X, agissant en qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS NOUVELLE LES 3 EPIS BRIVE

GV/MK

Demande de relevé des peines de la faillite personnelle et/ou de l’interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler

Grosse délivrée à

Me LONGEAGNE, avocat

et au MP

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2018

---==oOo==---

Le treize Novembre deux mille dix huit la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur A Y

né le […] à […][…]

représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 29 AOUT 2017 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BRIVE

ET :

SCP O X M N Maître X, agissant en qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS NOUVELLE LES 3 EPIS BRIVE, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Emmanuel RAYNAL, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

EN PRESENCE DE :

MADAME LE PROCUREUR GENERAL près de la COUR D’APPEL- Palais de justice – […]

non représentée à l’audience ;

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Suivant avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 06 Septembre 2018. Elle a ensuite été renvoyée à l’audience du 02 Octobre 2018.

L’ordonnance de clôture rendue le 27 juin 2018.

Communication a été faite au Ministère Public et visa de celui-ci a été donné le 10 Septembre 2018

Conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur K L, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame C D, Conseiller, magistrats rapporteurs, assistés de Mme I J, greffier, ont tenu seuls l’audience au cours de laquelle Madame C D a été entenduE en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure

Après quoi, Monsieur K L, Conseiller faisant fonction de Président, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 13 Novembre 2018 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. Le délibéré a ensuite été prorogé au 15 Novembre 2018 et les parties ont été régulièrement informées.

Au cours de ce délibéré, Monsieur K L, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de lui-même, de Madame C D, Conseiller et de Mme Axelle JOLLIS ,Vice Présidente placée

déléguée à la Cour d’Appel de Limoges par ordonnance de Madame la Première Présidente prise en date du 9 juillet 2018.

A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant ordonnance en date du 10 février 2014, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société SAS LIBRAIRIE DU SAVOIR a autorisé la cession à M. A Y "ou de toute

personne physique ou morale qui s’y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements" du fonds de commerce de librairie sis à Brive 9 avenue de Paris dépendant de cette liquidation.

Cette ordonnance a fixé la date d’entrée en jouissance des locaux loués à la SCI ESPACE CULTUREL, bailleur, au 11 février 2014.

Le 11 février 2014, a été créée la SAS SOCIETE NOUVELLE LES 3 EPIS BRIVE ayant pour représentant légal M. A Y, en qualité de président, et pour objet social l’exploitation d’un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs, le capital social étant de 4 000 €.

Par ordonnance rendue le 9 avril 2014, madame le président du tribunal de commerce de Brive a autorisé l’immatriculation de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS et dit que cette société devrait produire au greffe l’acte de cession, au plus tard dans les trois mois de l’immatriculation.

La SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS a été immatriculée le 10 avril 2014.

Par acte d’huissier du 1er avril 2014, la SCI ESPACE CULTUREL a fait délivrer à Monsieur Y un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur la somme de 26.438,57 €, correspondant aux loyers impayés de mars et avril 2014.

M. Y contestant être redevable de cette somme a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Brive, qui, par ordonnance du 10 juillet 2014, a :

— constaté la résiliation du bail du 31 mars 2006 à effet du 1er mai 2014,

— dit que Monsieur Y devrait libérer les lieux de tout occupant de son chef, dans le mois de la décision, faute de quoi il pourrait en être expulsé au besoin avec le concours de la force publique,

— condamné Monsieur Y à payer à la SCI ESPACE CULTUREL les sommes provisionnelles de :

—  26 428,57 € au titre du loyer du 11 février au 1er mai 2014,

—  10 000 € par mois à titre d’indemnité d’occupation à compter de cette date et jusqu’à libération effective des lieux,

—  1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 5 mars 2015, la cour d’appel de Limoges a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par ordonnance rendue le 26 septembre 2014, sur demande de M. Y, madame le président du tribunal de commerce de Brive a désigné un administrateur ad hoc de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS sur le fondement de l’article L 611-3 du code de commerce.

Par déclaration datée du 25 octobre 2014 déposée au greffe du tribunal de commerce de Brive le 30 octobre 2014, la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS, représentée par M. Y, a déclaré son état de cessation des paiements.

Par jugement rendu le 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Brive a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d’activité à l’égard de la SAS SOCIETE NOUVELLE 3 EPIS, en fixant provisoirement l’état de cessation des paiements à la date du 20 octobre 2014, la SCP O-X-M-N représentée par Maître Nicolas

X étant désignée en qualité de liquidateur.

Par jugement définitif en date du 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Brive a reporté la date de l’état de cessation des paiements de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS au 1er avril 2014.

Par ailleurs, plusieurs salariés de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ont engagé des actions prud’homales contre M. Y.

Suivant jugement en date du 29 août 2017, le tribunal de commerce de Brive, saisi par la SCP O, X, M-N, ès qualités de liquidateur de la SOCIETE NOUVELLE 3 EPIS BRIVE a :

— condamné Monsieur A Y à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SOCIETE NOUVELLE LES TROIS EPIS sur le fondement des dispositions de l’article L 651'2 du code de commerce ;

— prononcé l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, à l’encontre de Monsieur Y, pour une période de dix ans ;

— passé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le 7 septembre 2017, Monsieur A Y a interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Limoges.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 23 novembre 2017, M. A Y demande à la cour de :

— réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu en date du 29 août 2017 par le tribunal de commerce de Brive ;

— débouter la SCP O-X-M-N ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SOCIETE NOUVELLE LES 3 EPIS BRIVE de l’ensemble de ses demandes telles que dirigées à son encontre ;

— condamner la SCP O-X-M-N ès qualités à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dire que les dépens et condamnations au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront inscrits en frais privilégiés de procédure.

En ce qui concerne l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, il fait valoir en premier lieu que le passif ne s’élève pas à la somme de 649'527,37 € comme le prétend la SCP O-X-M-N, mais à la seule somme de 350'000 € après déduction de la dette locative qui lui a été imputée à titre personnel par arrêt la cour d’appel de Limoges du 5 mars 2015 et après déduction de certaines créances de fournisseurs qui ont récupéré leur matériel au moyen d’une clause de réserve de propriété.

Il se défend d’avoir commis des fautes de gestion dans la mesure où la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS disposait au départ de fonds provenant d’autres sociétés (sociétés E CAP-FERRET et E F). Le retard dans la déclaration de l’état de cessation des paiements ne lui est pas imputable, car il a fait désigner un mandataire ad hoc par le président du tribunal de commerce.

En réalité, les causes des difficultés financières rencontrées sont l’opposition sociale virulente des

salariés sans motif légitime, l’impossibilité de faire immatriculer la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS avant le 10 avril 2014, et enfin, la décision de la société FRANCE-LOISIRS de cesser son partenariat dès le 19 février 2014.

Il dit avoir tout mis en 'uvre pour la conservation du fonds de commerce.

En ce qui concerne l’interdiction de gérer, les dispositions de l’article L 653'8 qui renvoient aux articles L 653'3 à L 653'6 du code de commerce ne sont pas applicables selon lui et, en tout état de cause, il n’est pas opportun de lui infliger une telle interdiction.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 février 2018, la SCP O-X-M-N, ès qualités de liquidateur de la SOCIETE NOUVELLE LES TROIS EPIS, demande à la cour de :

— dire et juger M. A Y recevable, mais mal fondé en son appel ;

En conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Brive en date du 29 août 2017 ;

— dire et juger la SCP O-X-M-N ès qualités recevable et bien fondée en son action ;

Y faisant droit,

— dire et Juger que M. A Y a commis des fautes de gestion en qualité de dirigeant de la SOCIETE NOUVELLE LES 3 EPIS, ;

— dire et juger que ces fautes ont contribué à l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la SOCIETE NOUVELLE LES 3 EPIS ;

En conséquence,

— condamner M. A Y à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif, soit la somme de 649 527,37 € ;

— prononcer l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, à l’encontre de M. Y, pour une période de 10 années ;

— dire et juger que la présente procédure sera communiquée au Ministère Public ;

— dire et juger que l’arrêt fera l’objet d’une publication et d’une notification prévue par la loi ;

— condamner M. Y à payer à la SCP O-X-M-N ès qualités la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dire et juger que les dépens et frais irrépétibles seront employés en frais privilégiés de partage.

La SCP O-X-M-N ès qualités fait valoir que les conditions d’application de l’article L 651'2 du code de commerce sont réunies, soit l’existence d’une insuffisance d’actif et de fautes de gestion commises par M. Y qui ont causé cette insuffisance.

Ainsi, il a déclaré tardivement l’état de cessation des paiements, au-delà du délai légal, la désignation d’un mandataire ad hoc n’y changeant rien.

Le capital initial investi dans la société et sa trésorerie étaient insuffisants, si bien que le loyer commercial n’a jamais été payé et que les salaires ont été payés par fractionnement. En outre, des mouvements de fonds anormaux ont été constatés vers les autres sociétés de M. Y.

La rupture des contrats de travail de dix salariés a été qualifiée de licenciement abusif par la cour d’appel de Limoges suivant arrêts du 15 mai 2017, ce qui a entraîné l’allocation de dommages et intérêts aux salariés pour un montant de 146'479,27 €, creusant ainsi le déficit.

Concernant l’interdiction de gérer, les dispositions de l’article L 653'8 du code de commerce sont applicables dans le cas d’une déclaration tardive de l’état de cessation des paiements, ce qui est le cas en l’espèce.

Le dossier a été communiqué au ministère public qui a conclu, par écritures déposées au greffe le 6 septembre 2018, à la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Brive du 29 août 2017.

==0==

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I SUR L’ACTION EN RESPONSABILITÉ POUR INSUFFISANCE D’ACTIF

L’article L 651'2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Cette action en responsabilité suppose la démonstration de l’existence d’une insuffisance d’actif lors de la liquidation judiciaire, d’une faute ou plusieurs fautes commises par les dirigeants de droit ou de fait et d’un lien de causalité entre cette insuffisance d’actif et la ou les fautes.

1) Sur l’insuffisance d’actif

L’état des créances à la liquidation judiciaire de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS à la date du 1er juillet 2016 s’élève à la somme de 650'881,88 € (pièce n° 23 de M. Y et n° 25 de la SCP O-X-M-N).

En ce qui concerne la dette de loyer figurant au passif de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS pour un montant de 116'423,57 €, M. Y invoque à juste titre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Limoges le 5 mars 2015 qui a confirmé l’ordonnance de référé du 10 juillet 2014 qui avait :

' constaté la résiliation du bail au 1er mai 2014 ;

' ordonné l’expulsion de M. Y,

' condamné ce dernier à payer à la SCI ESPACE CULTUREL les sommes provisionnelles de :

'26'428,57 € au titre du loyer du 11 février 2014 au 1er mai 2014,

'10'000 € par mois à titre d’indemnité d’occupation à compter de cette date et jusqu’à la libération

effective des lieux.

Selon l’arrêt de la cour d’appel de Limoges du 5 mars 2015, ces dispositions concernent M. Y à titre personnel et non la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS, alors que cela était discuté.

En conséquence, M. Y ayant été expulsé des lieux loués le 20 octobre 2014, ce dernier est donc redevable à titre personnel à la SCI ESPACE CULTUREL de la somme de 26'428,57 € et de six mois (de mai à octobre 2014) d’indemnité d’occupation de 10'000 € chacune, soit un montant total de 86'428,57 €.

Cette dette étant personnelle à M. Y et non constitutive du passif de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS, il n’y a donc pas lieu de la prendre en compte dans le montant de l’insuffisance d’actif. La somme de 86'428,57 doit donc être ôtée du montant du passif de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS de 650'881,88 €.

En ce qui concerne la dette à l’égard du fournisseur, la société SOBODI, dont la créance s’élève à la somme de 164 851.70 € selon état des créances de la liquidation judiciaire de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS en date du1er juillet 2016,

M. G H, président de cette société, a attesté qu’après avoir fait jouer une clause de réserve de propriété sur les marchandises livrées, la société SOBODI n’avait plus aucune créance à l’égard de la liquidation judiciaire de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS : "Par la suite, il [M. Y] nous permet avec l’autorisation du mandataire judiciaire de récupérer toutes nos marchandise grâce à notre réserve de propriété que notre avocat a fait jouer vis-à-vis de la liquidation. Les avoirs que nous avions établis en contrepartie des marchandises retournées ont permis de solder le compte de la Société Nouvelle les 3 Epis qui n’avait plus de dette vis-à-vis de la société SOBODI. Donc toute indication d’une dette de la liquidation judiciaire de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ne correspond pas à la réalité, cette société est donc quitte vis-à-vis de la société SOBODI".

En conséquence, faute de preuve contraire, la somme de 164 851.70 € doit également être soustraite du total du passif de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS.

Il convient également d’ôter la somme de 1 354.51 € non contestée correspondant à la réalisation des actifs.

Selon inventaire des actifs de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS établi par Maître Z, commissaire priseur, le 18 décembre 2014, la SAS BERNARD MAGRET et la Coopérative PLAIMONT bénéficiaient également de clauses de réserve de propriété.

Leur créance respective à hauteur de 11 193.30 € et 3 438.12 € au bénéfice doivent donc également venir en diminution du passif.

Au total, l’insuffisance d’actifs s’élève donc à la somme de 383 615,68 €.

2) Sur les fautes

Seules les fautes ayant entraîné une insuffisance d’actif doivent être retenues.

En premier lieu, force est de constater que dès le 1er avril 2014, M. Y a reçu un commandement de payer de son bailleur visant la clause résolutoire portant sur la somme de 26 438.57 € correspondant au loyer impayé du 11 février 2014, date de l’entrée en jouissance, au 30 avril 2014 ; que la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ne pouvait dès lors plus faire face au

passif exigible avec son actif disponible, si bien que, par jugement rendu le 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Brive a dit et jugé que la date de cessation des paiements était reportée au 1er avril 2014.

Or, M. Y n’a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014.

Ainsi, en violation des dispositions de l’article L 631-4 du code de commerce, il n’a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours qui suit cette cessation.

Il s’agit là d’une première faute de gestion de nature à augmenter le passif car M. Y s’est privé de la protection d’une procédure collective quand il en était encore temps.

En effet, entre février 2014 et octobre 2014, les dettes de loyers, de salaires, de fournisseurs se sont démultipliées pour arriver au montant ci-dessus indiqué du passif de la liquidation judiciaire.

Ainsi, malgré la résolution du bail prononcée par ordonnance de référé du 20 juillet 2014 à la date du 1er mai 2014 et malgré un état de cessation des paiements intervenu dès le 1er avril 2014, la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS a continué fautivement son activité, creusant ainsi le déficit.

M. Y ne peut pas valablement invoquer la désignation d’un administrateur ad hoc suivant ordonnance de Mme le président du tribunal de commerce du 26 septembre 2014 qui aurait pallier ce défaut de déclaration. En effet, cette désignation avait pour but, selon cette ordonnance, de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS. Elle n’avait donc aucunement pour but de faire face à la cessation des paiements, alors que déclarer cette cessation est une obligation légale.

La rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l’entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ne disposait pas de la capacité financière suffisante, dès l’origine, pour faire face aux échéances de charges inéluctables (loyers, salaires…).

Il convient de rappeler à cet égard que la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS a été constituée suivant statuts établis le 11 février 2014 avec un capital social de seulement 4 000 €. Malgré les assertions de M. Y selon lesquelles les sociétés E CAP FERRET et E F pouvaient la renflouer, la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ne disposait manifestement pas de la trésorerie suffisante pour faire face à ses charges.

Si par ailleurs M. Y dit que la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ne pouvait pas disposer d’un compte bancaire en raison de l’impossibilité de la faire immatriculer, il produit pourtant des relevés de comptes de cette dernière à la Caisse d’Epargne du 18 mars 2014 au 13 janvier 2015, la convention d’ouverture du compte datant du 14 mars 2014.

En outre, les versements de la SARL E CAP FERRET vers la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS ne sont intervenus qu’à compter du 11 mai 2014 (4 fois 10 000 €, 1500 €, 7000 € et 29 207,15 € le 31 décembre 2014) et ceux de la SARL E F (3 fois 5 000 € et une fois 7 000 €) ne sont intervenus qu’entre juillet 2014 et août 2014. A noter également un transfert de 6 000 € de la SARL E CAP FERRET vers la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS le 2 mai 2014 et des transferts de fonds provenant de cette société vers la SARL E F en février 2014.

En tout état de cause, les apports extérieurs manifestent l’absence de fonds propres et l’insuffisance de la trésorerie de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS pour faire face aux charges courantes, ce dès le début de l’exploitation.

Enfin, si M. Y invoque pour sa défense la perte du contrat avec FRANCE LOISIRS, il en eu connaissance dès le mois de février 2014 par le courrier de cette société en date du 19 février 2014. A partir de ce moment là, il aurait pu procéder plus tôt à la déclaration de cessation des paiements. En tout état de cause, même si cette société avait maintenu ses relations contractuelles, il n’est pas établi que cela aurait empêché la cessation des paiements, le chiffre d’affaires généré par ce contrat n’étant que de 30 % (cf courrier de M. Y du 21 février 2014 adressé à FRANCE LOISIRS) en l’absence de fonds propres de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS.

Enfin, en ce qui concerne la gestion du personnel, bien que M. Y incrimine le comportement vindicatif de ce dernier à son égard, force est de constater que 9 salariés ont fait l’objet d’un licenciement jugé abusif par arrêt de la cour d’appel de Limoges du 15 mai 2017, si bien que sommes dues par la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS à l’égard de ces salariés s’élève à la somme de 146 479.27 € selon état des créances salariales à la date du 4 avril 2017.

La cour d’appel de Limoges dans ses arrêts du 15 mai 2017 a caractérisé les fautes de gestion de l’employeur à l’égard du personnel par un versement fractionné du salaire sans l’accord des salariés, l’absence de maintien du salaire pendant les arrêts de travail alors que l’employeur pouvait bénéficier de la subrogation, l’absence d’adhésion à un service de santé au travail inter-entreprises, le prélèvement indu de cotisations d’assurance vieillesse sur le salaire.

Le document remis aux délégués du personnel pour le 4 juillet 2014 qui, certes, analyse la situation de l’entreprise vise principalement au licenciement d’une dizaine de salariés pour cause économique. Il ne permet donc pas de rapporter la preuve d’une gestion efficiente.

Ainsi, M. Y a commis des fautes dans la gestion du personnel qui ont eu également pour effet d’endetter la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS.

Ainsi, l’ensemble de ces fautes de gestion commises par M. Y ont manifestement contribué à l’insuffisance d’actif de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS.

Sa responsabilité se trouve donc pleinement engagée et il doit être condamné à supporter l’intégralité du passif retenu, soit la somme de 383 615,68 €.

II SUR L’INTERDICTION DE GÉRER

L’article L 653'8 du code de commerce dispose que Dans les cas prévus aux articles L 653'3 à L 653'6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci…

Dernier alinéa : Elle [l’interdiction] peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L 653'1 qui a omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demander l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Cette interdiction est donc applicable dans le cas d’une déclaration tardive, au-delà du délai de 45 jours, de la cessation des paiements.

Il est constant que M. Y a déclaré la cessation des paiements tardivement, en octobre 2014, au lieu du 1er avril 2014.

En conséquence, et au vu des fautes de gestion ci-dessus énoncées, et de ce que il a rencontré le même type de difficultés pour l’exploitation d’un fonds de commerce à Bergerac (Forum) et à Bordeaux (société de distribution du Grand Bordeaux), il convient de prononcer à son encontre une

interdiction de gérer pendant dix ans.

Le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Brive le 29 août 2017 sera donc confirmé sur ce point.

En revanche, la SCP O-X-M-N ès qualités sera déboutée de sa demande tendant à voir publié le présent arrêt.

— Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. Y succombant à l’instance, il doit être condamné aux dépens qui seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire et il est équitable de le condamner également à payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme qui sera prise en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR,

Statuant par décision Contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Brive le 29 août 2017, sauf en ce que le montant de l’insuffisance d’actif de la SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LES 3 EPIS est retenu à hauteur de 383 615,68 €, somme que M. A Y est condamné à supporter ;

DEBOUTE la SCP O-X-M-N ès qualités de sa demande tendant à voir publié le présent arrêt ;

CONDAMNE M. A Y à payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme qui sera prise en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

CONDAMNE M. A Y aux dépens qui seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

I J. K L.

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Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 15 novembre 2018, n° 17/01063